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Apocalypse, chapitre 10 : Guerre

Quand vous entendrez parler de guerres et de bruits de guerres, ne soyez pas troublés, car il faut que ces choses arrivent. Mais ce ne sera pas encore la fin. Une nation s'élèvera contre une nation, et un royaume contre un royaume ; il y aura des tremblements de terre en divers lieux, il y aura des famines. Ce ne sera que le commencement des douleurs.… 

- Évangile selon Marc, 13:7,8 


Assise au sommet d'un tas de cadavres, Marion souriait. Elle souriait à ce fabuleux destin qui était le sien, ce destin qui lui avait permis d'assouvir sa vengeance, et bien plus encore. Pourtant, cette destinée qu'elle embrassait aujourd'hui, elle l'avait maudite dès son plus jeune âge.
Marion était née en France d'un père palestinien, Malik, et d'une mère israélienne, Hannah. Un couple peu commun, voire rarissime, à une époque où les deux pays étaient déjà engagés de longue date dans une lutte farouche. Pourtant, cela n'avait en rien empêché Malik et Hannah de s'aimer, ni de se marier à la mairie de Courbevoie. Très peu d'invités avaient été conviés à ce mariage, et aucun des membres de la famille directe du couple n'était présent parmi eux. Et pour cause, aucun d'entre eux n'était au courant de ce qui se passait en France. S'ils l'avaient appris, ils auraient sans nul doute tenté d'empêcher l'union de ces Roméo & Juliette des temps modernes.

Quelques années après ce mariage était née Marion. Un magnifique bébé, avec une particularité rare : elle avait les yeux vairons. Un œil vert, qui lui venait de sa mère, et un œil marron clair, hérité de son père.
Au départ, Malik voulait un prénom arabe, et Hannah un prénom juif. Pour trancher la poire en deux, ils avaient finalement décidé de lui donner un prénom français.
Pendant trois ans, la petite famille était restée en France, où ils avaient vécu une vie modeste et simple. Trois années au terme desquelles Marion avait grandi et était devenu une petite fille espiègle, aux cheveux bruns et bouclés.
Mais le jour où Hannah avait reçu un appel de sa famille en provenance directe de l’Israël, leur vie avait basculé. Les parents de celles-ci venaient de décéder dans un grave accident de voiture, laissant derrière eux une grande villa et une entreprise de prêt-à-porter florissante, désormais sans patron pour la diriger. Hannah étant fille unique, ces propriétés lui revenaient de droit.

Pour la petite famille, qui vivait dans un modeste appartement de 40 m², c'était l'opportunité rêvée d'améliorer leur niveau de vie de manière exponentielle. Mais pour cela, il fallait aller vivre en Israël, et cela posait beaucoup de problèmes. Qui là-bas, accepterait le fait qu'Hannah se soit mariée à un palestinien ? Et Malik, comment pourrait-il supporter de vivre en cachant ses origines ?
Après des jours de réflexions, ils avaient finalement décidé de sauter le pas, et de partir s'installer là-bas. Ils s'étaient mis d'accord sur le fait de garder secrètes les origines de Malik. Par ailleurs, celui-ci s'était résolu au fait qu'il ne pourrait plus aller voir sa famille, sous peine de risquer d'éventer son secret.

Ils avaient ainsi déménagé dans cette grande villa située au nord-ouest du pays, belle et luxueuse. Ladite villa possédait cependant un point négatif, et pas des moindres : elle était extrêmement proche de la bande de Gaza.
Ce territoire était constamment en guerre. C'était là que la rivalité entre palestiniens et israéliens atteignait son paroxysme et le summum de sa violence, bien plus que dans n'importe quelle autre zone du pays.
Pourtant, comme pour adresser une provocation aux palestiniens voire au conflit en lui-même, les parents d'Hannah avaient fait construire cette villa dont le terrain s'étalait jusqu'à la barrière de sécurité qui séparait le territoire palestinien de celui appartenant à Israël. Ils étaient même fiers de pouvoir dire qu'une partie de leur terrain était en Palestine, et affirmaient à qui voulait bien l'entendre qu'avant la construction du mur qui clôturait le terrain, la frontière palestinienne était située à peine à quelques centimètres au nord du puits qui ornait le jardin, et qu'ils avaient fait construire la barrière de façon à  ce que celui-ci englobe un petit bout de la Palestine. De ce fait, toute la partie du jardin située entre le puits et la barrière était palestinienne. Il était donc possible de se coucher sur le gazon en ayant la tête en Palestine et les jambes en Israël.
Connaissant cette histoire, Hannah avait décidé, comme un symbole, de planter un arbre là où était censée se trouver la frontière. Elle avait dit à Marion que cet arbre était comme elle. Il était à la fois palestinien et israélien. Ses racines puisaient dans plusieurs cultures, ce qui faisait sa force.

Leur nouvelle vie avait donc commencé, à des années-lumière de la situation qui était la leur à peine quelques mois plus tôt. Et pour cause, ils étaient passés de simplicité et modestie à luxe et opulence, le tout en un laps de temps ridicule. Pour couronner le tout, l'entreprise dont Hannah et Malik étaient maintenant les patrons n'avait cessé de croître dès lors qu'ils l'avaient prise en main, et leur luxueuse demeure, endroit idéal pour vivre, comblait leur petite fille.
Ils avaient d'ailleurs dépensé sans compter pour sécuriser leur maison, au vu de la proximité des échanges entre les armées rivales. Très vite, elle était devenue une véritable forteresse, imprenable.
Quant à Marion, elle avait commencé à aller à l'école peu de temps après la fin de l’emménagement, comme une petite fille normale. C'était une élève brillante, en avance sur son âge. Elle apprenait l'hébreu à l'école, mais à la maison, son père lui enseignait aussi l'arabe, en plus du français qu'ils continuaient à parler dans le cadre familial.
Elle apprenait, jouait et riait avec les autres enfants. Mais au fur et à mesure qu'elle grandissait, elle avait eu de plus en plus de mal à supporter les propos que pouvaient tenir ses camarades. Les enfants étaient conditionnés dès leur plus jeune âge à haïr les Palestiniens, à les traiter comme des terroristes et des parias.

Ses parents lui avaient toujours interdit de dévoiler les origines de son père. Ils lui avaient expliqué que si elle en parlait, leur famille pourrait être en danger. Et elle avait gardé le secret tant bien que mal. Elle avait serré le poing et grincé des dents quand ses camarades insultaient les palestiniens et de ce fait, son père. Elle avait retenu sa rage quand ils osaient dire qu'il fallait tous les massacrer. Mais pour une fille de son âge, c'en était trop. C'était un secret trop lourd à porter et inéluctablement, elle avait fini par commettre l'erreur de sa vie.
Alors que l'un de ses camarades vantait les mérites de l'armée israélienne et affirmait que chaque palestinien était mauvais et devait de ce fait être exterminé, elle s'était jetée sur lui, folle de rage, et l'avait roué de coups en criant :
"Mon papa est palestinien, et c'est le meilleur papa au monde !"
Le secret avait ainsi été éventé, et la rumeur s'était répandue de plus en plus chaque jour, jusqu'à traverser la frontière.

Malik, qui se disait égyptien, était-il en fait palestinien ?
Hannah s’était-elle mariée à un palestinien ?

Marion s'en était terriblement voulu d'avoir révélé le secret de ses parents. Mais ceux-ci l'avaient vite pardonnée, ayant conscience que le poids d'un tel secret était bien trop lourd pour les épaules de leur fille. Ils n'avaient eu de cesse de démentir les rumeurs, et au bout d'un moment, n'avaient plus entendu parler de celles-ci. Ils s'étaient alors de nouveau sentis à l'abri, d'autant plus qu'ils vivaient dans une véritable forteresse.
Des mois avaient passé, et leur vie avait repris son cours, leur faisant presque oublier cet événement. Marion s'était jurée de contenir sa colère à l'avenir, et avait promis à ses parents qu'elle ne commettrait plus d'erreur.

Mais un beau jour, sur le chemin du retour de l'école, un homme, se présentant comme un oncle venu de Palestine, s'était approché d'elle.
C'était la première fois qu'elle rencontrait un membre de sa famille paternelle. Bien sûr, elle s'était d'abord montrée méfiante, mais cet homme lui avait montré des photos sur lesquelles il se tenait au côté de son père, les deux riant comme des frères. Et il savait des choses que seul quelqu'un de la famille de Malik pouvait savoir.
C'était bel et bien son oncle. Elle était ravie de le rencontrer, mais elle l'était encore plus à l'idée que son père sauterait sûrement de joie en revoyant son frère. Ce dernier avait effectivement affirmé à la petite qu'il souffrait terriblement de ne plus pouvoir parler à Malik, depuis que ce dernier avait fondé une famille et s'était installé en Israël.

Elle avait directement proposé de le conduire à ses parents, mais l'homme avait refusé, préférant que la petite vienne lui ouvrir les portes de la villa le soir venu pour éviter que quelqu'un ne le voie. Il a  affirmé qu'au vu de son appartenance, il était préférable de faire profil bas aussi près de la frontière.
Le soir venu, comme prévu, Marion était venue retrouver son oncle, qui l'attendait de l'autre côté des portes sécurisées. Lorsqu'il l'avait aperçue, un grand sourire était apparu sur son visage. Tout en le lui rendant, la petite avait ouvert la porte avec excitation, impatiente de faire la surprise à son père.
Mais alors que le battant s'était déverrouillé, l'expression sur le visage de l'homme avait changé. Son sourire s'était effacé, laissant la place à une expression neutre. Une expression froide, calculatrice.
Ce fut alors que Marion avait réalisé qu'il n'était pas venu seul.
Plusieurs hommes, jusqu'alors cachés derrière les arbres qui entouraient la propriété, s'étaient précipités dans l'enceinte de la villa. Certains semblaient être israéliens, mais d'autres ressemblaient davantage à son père et à son oncle.
Ce dernier avait pris la fillette par les cheveux, et l'avait traînée jusque devant la porte principale de la maison. Marion avait crié de douleur, pleurant et implorant pour qu'il la lâche.
Son oncle avait ignoré ses suppliques, et s'était planté devant le perron, hurlant à ses parents de sortir sur-le-champ, sans quoi il tuerait leur fille.

Malik et Hannah s'étaient précipités à l'extérieur, et s'étaient figés à la vue des importuns qui avaient investi leur propriété. Il s'agissait de leurs familles respectives.
Oncles, cousins, frères... Ils étaient là, dans leur jardin. Levant les yeux vers son frère aîné, qui tenait sa fille par les cheveux, Malik s'était précipité vers lui.
Celui-ci avait aussitôt sorti un pistolet de sa veste et lui avait tiré dans la jambe, lui arrachant un hurlement en le faisant tomber lourdement au sol.

Il s'était alors avancé vers lui et lui avait expliqué qu'il avait eu vent d'une rumeur selon laquelle une famille venant de France s'était installée de l'autre côté de la frontière. Et que celle-ci était composée d'un homme palestinien et d'une femme israélienne.
Il ne pouvait pas en croire ses oreilles. Comment un palestinien avait-il pu se marier à une ennemie de son peuple ? Il fallait absolument qu'il traverse la frontière pour venir donner une leçon à ce traître parmi les traîtres.
Mais il ne s'attendait pas à ce que le félon soit son petit frère lui-même, qu'il croyait encore en France. Son propre sang, qui avait déshonoré sa famille en pactisant avec l'ennemi. Ce n'était plus une leçon qu'il allait donner. Il allait en faire un exemple
Ironiquement, il avait, pour un soir, lui aussi décidé de s'allier à l'ennemi, car le sentiment qu'il éprouvait vis-à-vis de son frère, était le même que celui que la famille d'Hannah ressentait à l'égard de cette dernière. Une alliance improbable entre palestiniens et israéliens était alors née pour mettre à exécution la vendetta envers Malik et Hannah.

Ils avaient emmené le couple au fond du leur terrain, là où l'arbre qu'ils avaient planté avait poussé. C'était maintenant un tronc fort et robuste, comme ils l'avaient espéré.
Ignorant leurs suppliques, l'improbable alliance avait passé une corde autour du cou de chacun des deux époux, et les avaient pendus sans autre forme de procès, du côté de la frontière correspondant à leur pays natal. Ainsi, chaque famille avait pu se faire justice sur son propre sol. Malik avait été pendu du côté palestinien, et Hannah du côté israélien. Tout s'était déroulé devant les yeux de Marion, qui assistait, impuissante et larmoyante, au meurtre de ses parents.
Ils avaient ensuite longtemps débattu du sort de la petite fille. Ils étaient partagés, car même si le sang des félons coulait dans ses veines, un sang impur et contre-nature, elle appartenait un petit peu aux deux peuples. Ils avaient donc, d'un commun accord, décidé de la laisser en vie. De toute façon, sans parents ni  famille, elle n'allait pas vivre très longtemps.

Puis, ils étaient chacun repartis de leur côté, mettant fin à cette alliance d'un soir.
Marion était restée plusieurs heures assise contre l'arbre qui avait été plantée en son honneur, regardant les corps de ses parents qui se balançaient au bout d'une corde devant ses yeux.
C'était sa faute. C'était elle qui avait révélé leur secret.
C'était elle qui les avait tués. Elle avait hurlé. Elle avait pleuré.
Elle avait maudit son destin.
Comme elle était incapable de descendre ses parents de l'arbre pour les enterrer, elle avait préféré partir en les laissant là. Elle s'était dirigée vers Jérusalem, ou elle avait débuté sa vie de mendiante.
Elle avait grandi dans la rue, vivant au jour le jour, quémandant de la nourriture et faisant de son mieux pour survivre.
Du moins, jusqu'à ce qu'elle fasse la rencontre qui allait chambouler sa vie. Alors qu'elle faisait la manche, un homme s'était approché d'elle, et lui avait donné un billet, avant de lui proposer d'être son interprète.
Cet homme s'appelait Edgar.

*** 

Après les événements survenus lors de la conférence pour la paix à Jérusalem, de laquelle elle s'était enfuie après avoir accidentellement tué un homme, Marion s'était réfugiée dans le nord du pays, près de Nazareth, lieu où serait né Jésus. Emplie de culpabilité, elle avait mendié pendant un temps pour survivre. Elle se sentait, bien sûr, coupable d'avoir tué cet homme, mais elle se sentait encore plus coupable d'avoir aimé ça. Ce pouvoir qui avait afflué en elle à ce moment précis, qui lui avait procuré une sensation de toute-puissance, une sensation presque orgasmique...  Était-ce un don de Dieu ? Ou du Diable ? Marion avait peur. Elle avait certes peur car elle ignorait l'origine de ce pouvoir, mais ce qui la terrifiait le plus au fond, c'était elle-même, et ce qu'elle pourrait être capable de faire.
Quelques jours après l'arrivée de la jeune fille à Nazareth, une vieille dame s'était présentée à elle, et touchée par sa situation, lui avait proposé de l'héberger un temps chez elle, en compagnie de sa famille. La faim au ventre, Marion avait aussitôt accepté. Elle s'était alors retrouvée dans une grande maison ou vivait une grande famille. Trois générations cohabitaient dans la paix et la bonne humeur. En voyant cette famille soudée et bienheureuse qui lui évoquait nostalgiquement la sienne, Marion avait souri pour la première fois depuis des mois. Le soir même, elle avait pu manger à sa faim et se coucher dans un vrai lit. Elle s'était endormie, apaisée.
Mais le lendemain matin, le réveil avait été brutal. Marion avait été sortie de son sommeil par des cris de douleur et des bruits de vaisselle cassée. Elle avait alors accouru dans le salon, y découvrant avec stupeur cette famille, qui l'avait aidée et qui semblait si soudée, se livrer une bataille sans merci.
Le fils aîné avait planté une fourchette dans l'œil de son petit frère et était en train de l'extraire de son orbite sous les hurlements et les pleurs de celui-ci, un sourire dément aux lèvres.
Le grand-père avait fracassé une bouteille de vin sur le sol, et était en train de poignarder à mort son gendre avec un tesson, dans un élan de rage folle.
La gentille vieille dame qui lui avait offert l’hospitalité la veille était en train d'étouffer avec violence la cadette de la maison, une enfant d'à peine 2 ans, en serrant ses mains autour de son cou. On pouvait lire dans ses yeux une véritable soif de sang.
Marion était restée là, ébahie devant ce spectacle sordide. C'était comme la dernière fois, à Jérusalem. Pourtant, la relique avait été mise à l'abri au Vatican. Alors, comment était-ce possible ?
Devant ce sinistre spectacle, la jeune fille avait tenté de fuir la maison, mais c'était sans compter sur le reste de la famille, qui s'était précipité vers la sortie pour barrer la route de leur invitée. Dans leurs mains, couteaux, marteaux et autres ustensiles luisaient funestement. Leurs yeux étaient injectés de sang, rivés sur Marion comme ceux d'une bête enragée dont on aurait empiété sur le territoire. Il ne faisait aucun doute qu'ils ne désiraient qu'une chose : la tuer.

Ils s'étaient jetés sur elle, prêts à la réduire en charpie. Marion avait senti sa fin approcher. Mais, comme lors de la conférence, son corps avait bougé tout seul. De nouveau cette sensation de toute-puissance. De nouveau ce sentiment divin et orgasmique.
Avec une grâce féline mêlée d'une brutalité guerrière, elle avait enchaîné les esquives et les contres sans réellement comprendre ce qu'elle faisait, sujette à une transe furieuse. En quelques secondes à peine, elle avait terrassé la totalité de ses assaillants. Lorsqu'enfin, elle avait repris ses esprits, elle n'avait pu que contempler le sinistre tableau qui s'offrait à elle, et qu'elle avait contribué à peindre. Dans cette maison qui l'avait si gentiment accueillie, plus personne n'était en vie. De ceux qui s'étaient entretués ou de ceux que Marion avait massacrés à mains nues, aucun sort n'était enviable à l'autre. Au vu de l'état des corps de ces derniers, elle n'y était pas allée de main morte. Les crânes étaient à moitié enfoncés, des membres avaient été arrachés... C'était un véritable bain de sang. Mais loin de dégoûter la jeune fille ou de la faire fondre en larme, ce spectacle avait eu un tout autre effet. En contemplant ce tableau écarlate, Marion s'était surprise à sourire.

Alors, comme à Jérusalem, la jeune fille s'était de nouveau enfuie des lieux du crime, et avait quitté la ville.
Cet événement n'avait été que le premier chapitre d'un funèbre ouvrage. Partout où Marion s'arrêtait, ne fût-ce que quelques heures, les personnes alentours finissaient inexorablement par se battre les unes contre les autres, jusqu'à ce que la mort les arrête. Parfaits inconnus, amis ou membres d'une même famille, les liens qui les unissaient n'y changeaient rien.
Et plus le voyage de la jeune fille avançait, moins il s'écoulait de temps entre son arrivée dans un lieu et le début des hostilités au sein de celui-ci. Même un couple de jeunes mariés, qui semblait s'aimer passionnément quelques instants auparavant, s'était livré un brutal duel à mort à la simple approche de Marion.
Elle semblait changer le comportement des gens rien que par sa présence.
Son voyage vers le nord avait fini par la conduire devant un monastère, à Haïfa.
Le monastère de Carmel.

Elle avait déjà entendu parler de cet endroit par sa mère. Selon elle, ce monastère était au cœur d'une légende selon laquelle une ligne invisible relierait entre eux sept monastères, depuis l'Irlande jusqu'en Israël. Lesdits monastères, bien qu'ils soient très éloignés les uns des autres, seraient parfaitement alignés. Le Skelling Michael, en Irlande. Le St. Michael’s Mount, en Angleterre. Le Mont Saint-Michel, en France. L’abbaye Saint-Michel-de-la-Cluse, en Italie. Le Sanctuaire de Saint-Michel-Archange, toujours en Italie. Le Monastère de Simy, en Grèce. Et enfin, le monastère de Carmel, en Israël. Cette ligne invisible, reliant les lieux saints entre eux, serait le vestige du coup d’épée porté par l'Archange Michel au Diable, pour l'envoyer en enfer.
En entrant dans le monastère, Marion espérait y trouver un lieu de culte, saint, et des personnes ayant voué leur vie à Dieu, capable de ne pas succomber à la violence qu’elle semblait occasionner par sa simple présence.
Le lieu était habité par une vingtaine de religieuses qui à la vue d'une jeune femme dans le besoin, avaient accouru pour l'aider. Même si c'étaient des servantes de Dieu, le pouvoir de la jeune femme était bien trop puissant. Comme tous les autres avant elles, elles avaient commencé à s'entretuer avec une rage démente dès lors qu'elles avaient approché Marion.

Cette fois, celle-ci avait accusé le coup. Si même des religieuses ne pouvaient échapper à sa malédiction, qui le pourrait ? Il était inutile de continuer à espérer quelque chose qui n'allait jamais arriver. Inutile d'espérer qu'on lui rende la vie simple qu'elle avait perdue. Après tout, elle en avait pris tellement.
C'est à ce moment-là qu'elle avait cédé à la colère. Elle n'avait plus résisté à ses pulsions grandissantes. Elle avait embrassé ce pouvoir pour de bon, succombant à la sombre apothéose qu'il lui offrait.
De son avant-bras avait alors commencé à s'échapper de la fumée, comme si sa peau brûlait. En quelques instants, un tatouage s'était dessiné sur celui-ci. Un tatouage représentant une épée.

Cette fois, c'était elle qui avait attaqué en premier, assénant des coups meurtrier d'une violence inouïe avant même que ses adversaires ne fussent sur elles. En moins d'une minute, elle avait massacré toutes les religieuses, peignant le sol et les murs du lieu saint d'un écarlate poisseux. Mais cette fois, elle ne s'en voulait plus. Elle avait embrassé sa voie. Sa destinée. Elle avait fait ce qui devait être fait.

Ayant enfin découvert et accompli le véritable but de son voyage, elle avait décidé de rentrer chez elle. Dans cette maison qu'elle avait fui après le meurtre de ses parents. Mais avant ça, il fallait qu'elle sache jusqu'où pouvait aller son pouvoir.
Sur la route qui la ramenait en Israël, elle avait pu voir celui-ci grandir. Ce n'étaient plus seulement les personnes environnantes qui se livraient bataille à son passage, mais des villes, et très vite, ce furent des pays entiers.
Elle avait commencé par se diriger au sud, dans le pays voisin, la Jordanie. Elle n'y était restée que quelques jours, mais cela avait suffi à rendre sa population complètement folle, belliqueuse et ivre de sang. Partout dans le pays, les habitants se livraient bataille entre eux. La loi du plus fort était en vigueur, seuls ceux qui triomphaient lors des escarmouches restaient en vie, il n'y avait aucune pitié pour les perdants. A mesure qu'elle apprenait à contrôler cette faculté, Marion avait pu constater qu'en plus de pouvoir déclencher des guerres civiles par sa simple présence, elle pouvait également diriger les hommes et les femmes qui survivaient aux affrontements, et les amener à attaquer n'importe quel endroit d'une simple injonction. Elle pouvait constituer une véritable armée d'un simple claquement de doigts.
Lors de son passage dans un autre pays voisin, l'Égypte, c'était une vraie armée d'invasion qui la suivait. Malgré le fait que, fort du carnage qu'elle avait occasionné dans les nations avoisinantes, le pays s'était préparé à sa venue, avait amélioré ses défenses et avait sollicité l'aide internationale, rien n'avait pu arrêter la guerre personnifiée.

Et quand bien même l'armée qu'elle dirigeait pouvait être facilement défaite, personne ne pouvait parvenir à stopper Marion elle-même. Mitrailleuses, bazookas, tanks, et même missiles : rien ne semblait pouvoir l'égratigner. Elle pouvait se débarrasser de plusieurs bataillons à elle seule, ce qu'elle faisait généralement avant de laisser ses soldats raser le pays.
Elle apportait la guerre partout sur son passage, ne laissant rien d'autre que ruine et misère derrière elle. Très vite, elle avait perfectionné sa maîtrise de ses dons, jusqu'à parvenir à ne déclencher affrontements et guerres que lorsqu'elle le voulait.
Lorsqu'elle avait eu son compte en matière de massacres, elle était enfin retournée en Israël, seule. Mais avant de rentrer chez elle, elle avait une dernière chose à accomplir.

Elle avait retrouvé chacun des membres de sa famille ayant participé au meurtre de ses parents. Et n'avait pas manqué d'imagination quand il avait fallu les punir.
Certains avaient été démembrés vivants, avec une violence inouïe. D'autres, plus chanceux, avaient simplement été pendus en compagnie de tous leurs proches, comme ses parents des années auparavant.
Mais Marion avait gardé le meilleur pour la fin, et réservé un sort spécial à son oncle, qui l'avait utilisée, manipulée et menacée de mort pour s'en prendre à ses parents.

Après l'avoir retrouvé, elle avait regroupé toute sa famille chez lui. Enfants, petits-enfants, neveux, cousins. A l'aide de son pouvoir maintenant totalement maîtrisé, elle avait allumé en lui la flamme de la guerre. C'est avec les yeux injectés de sang et la bouche pleine d"écume qu'il s'était jeté sur sa famille. Il avait dépecé ses enfants. Frappé à mort sa femme. Étranglé ses beaux-parents. Personne ne pouvait arrêter la machine de guerre que sa nièce en avait fait. Lorsque le massacre s'était achevé, Marion avait éteint la flamme, ramenant son oncle à la raison. A la vue de ce qu'il venait d'accomplir et de ses mains souillées du sang de ses pairs, il s'était mis à genoux, pleurant, implorant Marion de le pardonner.
Mais elle n'avait que faire de ses pleurs. Sa vengeance étant accomplie, elle avait arraché la tête du corps de celui qui lui avait tout pris, l'avait plantée sur une pique et l'avait emmenée avec elle, se mettant en route vers l'étape finale de son voyage de retour.
Lorsqu'elle était arrivée chez elle, un sentiment de nostalgie l'avait inondée pendant un court moment. Mais très vite, des cliquetis en provenance du jardin l'avaient ramenée à la réalité.
Ces cliquetis émanaient de l'arbre qui avait été planté en son honneur. L'arbre où avaient été pendus ses parents.

Quand elle s'était approchée, Marion avait constaté que ces derniers étaient toujours là, deux squelettes décharnés se balançant au bout d'une corde. Ils avaient été laissés tels quels, en exemple pour tous ceux qui voudraient pactiser avec l'ennemi.
L'arbre, ayant encore gagné en force et en robustesse, était toujours aussi florissant. Néanmoins, son tronc n'était plus marron, mais rouge. Un rouge profond, écarlate.
Attaché à celui-ci, un cheval à la robe d'une teinte aussi sanglante que ledit tronc se tenait immobile, ses yeux pourpres fixés sur la jeune fille comme s'il attendait sa venue. Avant de se diriger vers lui, elle avait planté au sol la pique sur laquelle trônait la tête de son oncle, son regard sans vie dirigé vers les deux squelettes de ses parents, comme pour leur montrer que justice avait été rendue. Marion s'était ensuite adossée un moment contre l'arbre, comme elle l'avait fait de si nombreuses fois étant enfant. Elle avait repensé à sa vie d'avant. La vie qu'elle avait quand ses parents étaient encore de ce monde. Mais pour elle, tout cela n'était plus rien d'autre qu'un passé lointain, des souvenirs d'un autre temps. Maintenant, c'était une vie grandiose qui l'attendait.
Après quelques minutes, elle s'était levée et s'était enfin dirigée vers le cheval. Une voix d'outre-tombe lui était alors parvenue. Une voix ancienne, puissante.

« Lève-toi, ô cavalier de l'apocalypse apportant la guerre. Chevauche ton destrier, rouge comme le sang, et apporte la ruine sur cette Terre. »

Alors, Marion était montée sur le cheval à la robe écarlate, et s'était mise en route vers son destin.

Texte de Kamus


9 commentaires:

  1. Cette deuxième cavalière de l'Apocalypse finale, personnifiant la Guerre inéluctable, est donc un "doux" visage déjà connu du récit: la malheureuse Marion; victime des origines ethniques de son ascendance :/ La jeune femme, ou du moins la furie qu'elle a accepté de devenir, ramène aussi à un lien discret avec Edgar :)
    Quelle sera la place définitive de notre attachant descendant de Judas parmi ce quatuor infernal ? Sera-il lui aussi un de ces cavaliers (ou pire encore) ? ^^ Le début de l'histoire est classique mais soigné, entouré d'un contexte géopolitique houleux... On peut être surpris de "réapprendre" qui est Marion, même si perso j'aurais aimé un peu plus d'originalité dans l'effroi et le gore :P
    Enfin hâte de découvrir le sort de l'ex-protégé du professeur, également d'en savoir plus sur le mystérieux cavalier qui l'a "sauvé" à la fin du chapitre Paresse. Courage à toi pour la rédaction des deux derniers chapitres Kamus ;)

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  2. Heh heh
    Sont en danger !

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  3. Un truc me turlupine. Dans le chapitre colère, au moment où Edgar "isole" la pierre qui est censée être la relique, tout s'arrête. Cela veut-il dire que Marion l'a manipulé?

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    1. Le pouvoir de Marion et de la pierre se ressemblent, mais ne sont pas liés. A ce moment là, les pouvoirs de celle ci commençaient tout juste à apparaître.

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    2. Merci d'éclairer un fan qui attends impatiemment chaque suite :)

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  4. L'utilisation du contexte du conflit israélo-palestinien est, au mieux maladroite, au pire scandaleuse. C'est un conflit un peu trop complexe pour balancer des propos creux de responsabilités partagées entre les deux camps. Ce qui fait que c'est un choix très surprenant de contexte, parce que même sans connaissances profondes du conflit, tout le monde sait que c'est un sujet très sensible et délicat à traiter. Ce n'est pas parce que c'est un oeuvre de fiction qu'elle devient déconnectée du monde physique, la fiction ne rend pas plus acceptable des traitements hasardeux de conflits réels.

    Et j'arrive pas à comprendre comment une villa dans le Nord-Ouest d'Israël peut être proche de la frontière avec la bande de Gaza, qui est au Sud-Ouest du pays aussi...

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    1. Ce texte a été rédigé avant le récent embrasement du conflit, et il n'était alors pas "interdit" d'en parler. La communauté considère par ailleurs que, si nous ne tolérerons aucune prise de parti pour un camp ou pour l'autre appelant à la destruction de l'adversaire dans tout conflit géopolitique, il n'y a pas de raison d'en faire des sujets tabous, en particulier si un auteur véhicule une conception déjà existante et non-insultante d'une situation réelle. Apocalypse n'a pas pour vocation de désigner des coupables ou de trouver une solution au conflit israélo-palestinien, mais simplement de replacer des événements fictifs dans un contexte réaliste (j'insiste sur le terme réaliste et non réel). Nombre d'auteurs font de même et produisent des oeuvres de qualité, même si des erreurs peuvent se glisser parfois.

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    2. Essayez de dire à demi-mots "on ne peut plus rien dire", et donc ne pas comprendre le reproche (qui est que vous traitez d'un sujet absolument pas correctement). Brillant, vraiment. Et aussi, ces arguments... Commençons par "la communauté". Laquelle ? Celle du site ? Est-ce vraiment une base sûre et renseignée pour se renseigner sur un conflit géopolitique ? De plus, cette soi-disant non tolérance dans la prise de parti pour un camp ou un autre est fausse. Il y a des tas de conflits où une forme d'opinion populaire a créé un méchant et un gentil, et cela ne poserait pas de problème au site. La raison de pourquoi ici ce n'est pas le cas est une position de confort occidentale, sorte d'attitude hautaine prenant de haut un conflit comme si nous échappions à toutes formes d'influence. Cela fait qu'au final, si, cette vision est insultante. Et pas réaliste, tout le récit est imprégné de relations entre personnages avant tout idéologique : l'idée que l'Homme est un loup pour l'Homme. Il y a une forme assez puérile dans l'écriture de montrer que tout le monde est mauvais. Sauf que ce n'est pas réaliste pour un sou. Enfin, éthiquement parlant, l'argument "si les autres le font, pourquoi on pourrait pas le faire", bon, je pense qu'il parle de lui-même. Vous confirmez votre attitude totalement irresponsable, et vous encourage à murir davantage.

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  5. Si je puis me permettre d'essayer de trouver l'opinion la plus équilibré et juste possible, bien que beaucoup d'eau ait coulé sous les ponts depuis.

    Le but d'un récit, comme d'une histoire est avant tout de nous divertir. Certes le propos du contexte est éminemment sensible et ce qui se passe là-bas, comme trop souvent ailleurs dans le monde, est avant tout une insupportable tragédie humaine.

    Il faut savoir faire la part des choses: ce n'est d'abord qu'un ensemble de récits, évoquant le parcours initiatique d'Edgar, et de quelques autres jeunes personnes, dont Marion aux yeux vairons. Et au delà, l'œuvre d'un auteur qui a retranscris sa passion d'écrire.

    La fiction a effectivement toujours quelque chose à dire sur le réalité, comme le dit le Tropeur. Et ce récit n'est pas exempt de quelques maladresses. L'utilisation du conflit israëlo-palestien n'avait, je pense, pour vocation que d'être un cadre. Je ne crois pas que l'auteur ait voulu avoir un parti pris.

    Après je peux comprendre que cela puisse heurter la sensibilité. Mais je ne crois pas non plus avoir remarqué quoique ce soit d'insultant pour ce qui est de la réalité du conflit. Le cadre est seulement réaliste et écrit dans le but de captiver l'attention du lecteur.

    À titre personnel, je condamne toute forme de guerre, de haine et de violence. Et même si ce n'est qu'une pensée, toute mon empathie va aux victimes innocentes de ce conflit.

    Comme la légende du Colibri, faites le bien de votre mieux. Fenris, loup de nuit.

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