Temps de lecture : 9 minutes
Les planches pourrissaient, rongées par l’air de la mer empreint d’embruns, qui venait lécher les murs de la vieille bâtisse. Vieille et imposante, c’était une masse sombre et sans âge, s’élevant au bord de la falaise, surplombant les eaux noires de la baie. Ses fines vitres tremblaient de peur face aux rafales qui s’infiltraient par la moindre fissure, transformant les courants d’air en murmures glaçants. En d’anciens temps, le jardin avait sans doute été magnifique, entourant le bâtiment tel un écrin fleuri, un délicat tapis de verdure accueillant les visiteurs. Mais si tel en fut le cas, il ne restait aucune fleur pour en témoigner. Les arbres, silhouettes tordues et sèches, agitaient çà et là leurs corps amaigris au gré des souffles. Si le paysage n’invitait guère au voyage, le climat ne s’y prêtait pas plus. La falaise, et même plus généralement la côte tout entière, était battue par la pluie et par les vents plus de la moitié de l’année. Le soleil, qui peinait à percer l’épaisse couche de nuages noirs, ne se dévoilait complètement que très rarement. En bas des hauteurs surgissaient de l’eau trois énormes rocs, d’une teinte bleutée tirant sur le vert. Résistants aux assauts des vagues qui sans cesse s’écrasaient sur eux, les rochers étaient réputés pour attirer la foudre, et cela se vérifiait assez fréquemment. Ces événements ne manquaient pas de captiver les orphelins qui peuplaient les lieux.