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Parmi les nombreuses dépendances dont le Royaume était le propriétaire, le terrain de chasse de la couronne était de loin le plus mystérieux.
Il faut dire que la Reine, à l’instar de ses aïeux, ne s’était jamais essayée à la chasse. Cette immense forêt, pourtant réservée exclusivement à l’exercice, ne semblait donc pas déborder d’intérêt.
D’autant plus que le périmètre de celle-ci était délimité par d’immenses remparts, dont le sommet paraissait effleurer les cieux. En guise de sécurité supplémentaire, les gardes les plus expérimentés de la Reine y patrouillaient nuit et jour. De fait, personne ne pouvait pénétrer dans l’enceinte de la forêt, même par aviation.
Évidemment, de tels moyens pour un domaine de chasse inutilisé semblaient démesurés et les spéculations allaient de bon train.
Certains villageois pensaient que la famille royale y avait caché un trésor, d’autres imaginaient que la forêt servait de prison officieuse pour les opposants politiques un peu trop influents.
Mais Helga, une talentueuse chasseuse du village, ne croyait en aucune de ces théories. En effet, pour elle, le dispositif ne visait qu’à protéger une espèce supposément éteinte : le chevreuil aux bois rosés.
Cet animal, vivant jadis dans la région, avait été exterminé pour ses bois dont les vertus aphrodisiaques étaient réputées par-delà les mers.
La famille royale ayant possédé les derniers spécimens aurait élevé les chevreuils restant de sorte à recueillir leurs bois. Or, la valeur de ces bois rosés était désormais inestimable, et la chasseuse était bien décidée à avoir sa part du gâteau.
Mais la tâche allait être rude, c’est pourquoi elle fit appel à une communauté ésotérique vivant non loin, composée de druides, sorciers et autres hiérophantes. En l’échange de ses économies, elle obtint de leur part trois objets surnaturels : une potion d’invisibilité, un grappin et des lunettes.
La nuit tombée, Helga mis son plan à exécution.
Grâce à la potion d’invisibilité, elle trompa la vigilance des gardes et parvint à s’approcher des remparts sans la moindre anicroche.
À l’aide de son grappin, dont la portée était illimitée, la hauteur des murs ne fut pas davantage un problème.
Désormais de l’autre côté des remparts, la chasseuse faisait face à une forêt particulièrement dense, dont les arbres se noyaient dans l’obscurité.
Helga s’équipa alors de ses lunettes aux pouvoirs occultes. En effet, celles-ci permettaient non seulement à la femme de voir dans le noir, mais également de repérer toute vie animale à proximité.
Bien décidée à chasser les précieux chevreuils, elle s’enfonça profondément dans la végétation luxuriante du domaine.
Pourtant, quelque chose taraudait Helga. Alors que la faune nocturne devrait normalement être éveillée, la forêt était anormalement silencieuse. Il n’y avait pas un bruit, pas même celui d’un grillon.
Sur les branches, il n’y avait aucun oiseau. Au sol, aucun animal. Sous terre, aucun insecte.
En dehors de la végétation, le domaine de chasse semblait dénué de toute vie.
Toutefois, un hululement à peine perceptible parvint à Helga. Plus loin, elle trouva une chouette à l’agonie : le pauvre rapace était complètement pris dans des ronces.
Mais la chasseuse remarqua un détail terrifiant : les ronces se resserraient sur l’animal, plantant ses épines dans sa chair et intensifiant ses souffrances. Peu à peu, la plante ramena l’oiseau, à peine vivant, jusqu’à ce qu’il disparaisse sous ses feuilles.
Face à cette vision d’horreur, Helga, paniquée, rebroussa chemin et courra en direction du rempart le plus proche.
Mais c’était trop tard. Pendant sa course, des racines sortirent de terre et la firent trébucher. Au sol, les arbres n’eurent qu’à se contorsionner pour l’emprisonner. La forêt était en vie.
Dans un sursaut de lucidité, Helga utilisa son grappin sur l’un des arbres. Propulsée dans les airs, elle fut cependant interceptée par une branche, qui s’enroula autour de son cou, avant de le lui briser.
Le corps inerte de la chasseuse tomba au sol : celui-ci allait nourrir la forêt.
Le lendemain, il ne restait plus rien d’Helga, si ce n’est une jeune pousse d’arbre.
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