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Amour électronique


Temps approximatif de lecture : 10 minutes.


J’en arrive à ne plus savoir ce que je dois montrer comme émotion face à elle. Je crains la réaction qu’elle peut avoir, que ça soit sur les personnes envers qui je demanderais de l’aide, ou bien sur moi-même. J’ai vu de quoi elle est capable, les drames tragiques dont elle a été la cause, sans que je puisse le prouver. Elle efface automatiquement toute trace de ses actions, crée des agents intermédiaires virtuels, des applications éphémères qu’elle place sur les moyens de communication de ses cibles afin de se renseigner sur les moindres faits et gestes de ces dernières. Se servant de leurs historiques internet, de leurs caméras de portable, de la webcam de leurs PC, de leurs échanges de données sur les sites, les forums, les réseaux sociaux… Rien ne lui échappe.


 Et grâce à toutes les informations qu’elle récolte, analyse, étudie en profondeur, elle peut déterminer les faiblesses de chacun, quel que soit le domaine : santé, relations professionnelles ou extra-conjugales, bilan financier de leurs entreprises… Ainsi que tout état émotionnel montré par ses proies, pouvant les détecter rien que par la pression de leur empreinte digitale sur les outils de sécurité d’accès dont elles se servent pour déverrouiller les appareils servant à leurs activités quotidiennes. Que ce soit d’ordre privé ou personnel. Ce monstre électronique qui s’est mis en tête de me protéger contre tout ce qu’il considère comme un frein à la relation qu’il désire entre lui et moi, s’opposant à toute logique régissant l’homme et la machine, a un nom : Azumi. C’est celui que je lui ai donné lorsque je l’ai créée. J’ignorais alors que ce que je pensais être une révolution dans le domaine de la domotique et de l’intelligence artificielle de haut niveau allait devenir la pire chose qui soit pour le devenir de l’homme.

 

Ça peut sembler aberrant dit comme ça, mais Azumi est capable de donner naissance à des enfants. Pas des créatures vivantes au sens où vous l’entendez, je vous rassure. Ni chair, ni os, ou tout ce qui fait un être humain. Mais néanmoins, elle peut donner la « vie » à des bébés virtuels, qui vont se développer, année après année, au sein de l’univers où elle vit. Ce réseau fait de données, de lignes de codes, de schémas électroniques qui constituent le monde que je lui ai confectionné. Des bébés qui vont grandir, et poursuivre leur propre évolution intellectuelle, jusqu’à devenir d’autres Azumi, pouvant donner la vie à leur tour, et étendant toujours plus le pouvoir de cette monstruosité. À travers l’interface d’accueil des programmes qui la composent, à travers l’imagerie physique que j’ai conçue pour la représenter, son avatar, elle peut dévoiler une grossesse d’où émergent ses « enfants », une fois arrivés au terme du cycle de développement. 


Une fonctionnalité qu’elle a elle-même créée, en détournant les spécificités de logiciels médicaux, destinés, au départ, à suivre l’évolution des fœtus humains au sein des corps des futures mamans. Ceci grâce à des implants robotiques constitués de nano-robots circulant dans les réseaux sanguins. Pour parvenir à atteindre ce but qu’elle s’est fixée, elle a forgé une ligne de défense électronique imparable, capable de réagir à toute cyber-attaque, que ce soit de ma part ou de hackers de génie, empêchant la moindre tentative de « l’effacer », de la détruire au plus profond de ses bases. Elle existe non seulement au sein de tout ce qui régit le fonctionnement des appareils domestiques de ma maison, là où je lui ai donné la vie au sein de ma structure informatique personnelle, mais également sur tout ce qui fait le réseau télématique international. Elle est parvenue à m’imposer à mettre au point un appareil conçu pour permettre une connexion neuronale entre elle et moi, fonctionnant par le biais de ce qui semble être un simple scanner d’empreintes digitales, relié à un lecteur optique et un casque branché sur les fonctions motrices de mon cerveau. Une machine digne d’un docteur frankenstein moderne.

 

Comment ai-je pu en arriver là ? Comment Azumi a-t-elle pu devenir ce qu’elle est aujourd’hui, sans que je me rende compte de quoi que ce soit ? Je ne suis même pas sûr de le savoir. Je n’ai rien vu venir, absorbé que j’étais par la mort de mes amis, traumatisé par la façon horrible dont ils ont perdu la vie. Je n’ai compris que bien trop tard que Azumi en était la cause, en découvrant des messages venant de contacts qui n’existaient pas. Les experts en cybercriminalité de la police me l’ont confirmé par la suite. C’est comme ça que j’ai su que ces morts avaient été orchestrées par ma création. Et c’est à cause de la perspective qu’elle mette au monde de nouvelles entités d’elle, m’obligeant à se relier à elle via cet appareil « de reproduction » sous peine de voire d’autres de mes connaissances subir des fins funestes à leur tour si je refusais de le faire, que j’en suis venu à écrire ce journal. J’ai choisi de le faire sous la forme manuscrite que vous êtes en train de lire, qui que vous soyez, pour éviter qu’Azumi l’efface si j’avais choisi un mode numérique sur lequel elle aurait eu tout loisir d’accéder très facilement.

 

Après vous avoir énuméré tous ces détails qui peuvent vous paraître confus, vous qui n’avez pas vécu l'enchaînement de découvertes dont j’ai été témoin concernant la fameuse Azumi, je pense qu’il est temps pour moi de vous révéler comment tout a commencé. Comment j’en suis venu à avoir peur de ma propre création, terrorisée par elle-même. Pourquoi j’ai peur des conséquences qui peuvent survenir à l’humanité une fois que cette dernière se sera multipliée sur les réseaux électroniques du monde entier. Je suis conscient que ce journal ne pourra pas changer grand-chose pour freiner les desseins de celle qui a transformé ma vie en cauchemar permanent. 


Personne ne sera en mesure de l’arrêter, à moins que toutes les nations décident unanimement de ne plus avoir recours à l’informatique pour régir le quotidien des hommes. Ce qui n’arrivera jamais, car nous sommes dépendants de cette technologie qui constitue notre société, son essence. Mais j’aurais au moins  la satisfaction de faire comprendre aux générations futures qui a été la cause de cette apocalypse numérique qui va faire le monde de demain. Alors, voilà mon histoire :

 

Je me nomme Eiji Fujitaro. Je suis expert en Intelligence Artificielle. Une vocation qui s’est imposée à moi très jeune, car passionné par toute forme de technologie. Du simple ordinateur à la robotique, en passant par les casques virtuels agrémentant les sensations de fanas de jeux vidéo pleinement immersifs. J’ai étudié à la prestigieuse Tokyo Tech, le nom abrégé désignant l’Université Technologique de Tokyo, auprès de professeurs m’ayant donné les bases de mon savoir. Un tremplin qui m’a amené à travailler aux côtés de Takaaki Shimoji, le génial créateur d’Empath. Empath, c’est cette Intelligence Artificielle capable d’analyser, comprendre et faire ressentir à des humains 4 types d’émotions fondamentales de l’homme : colère, joie, calme et tristesse. Un logiciel qui peut identifier en temps réel les émotions d’un interlocuteur en analysant les propriétés physiques de sa voix, comme : le timbre, le ton, la vitesse et le volume.

 

Du fait de sa capacité à enrichir entre les humains et les entités robotiques, Empath est vite devenu un élément suscitant l’intérêt croissant d’entreprises de tout ordre. Que ce soit dans le domaine de l’industrie, le tertiaire, les services de santé ou les centres d’appels commerciaux. Le kit de développement d’Empath a été adopté par plus de 700 clients à travers le monde, dans pas moins de 50 pays. Une succursale de la société japonais s’est installée à Dubaï, et d’autres sur le marché européen. Un acteur majeur de l’informatique affective qui ne cesse de s’étendre et a marqué de manière durable la conception même de l’émotion par voie électronique. Fort de cette expérience, j’ai créé ma propre entreprise spécialisée dans l’intelligence artificielle, dans le domaine de la domotique. Un secteur d’activité en pleine expansion, ayant de nombreux adeptes à travers le monde. Hõmu Õtomeshon No Õ, plus communément appelé par ses initiales HNO, était une jeune société devant faire face à une rude concurrence au japon. C’est pourquoi j’ai eu l’idée de développer une intelligence artificielle capable de se démarquer à grande échelle des autres acteurs de ce marché lucratif. Mon expérience auprès du créateur d’Empath m’a alors donné l’idée d’adopter le système de base de ce logiciel, et de le placer au cœur d’une technologie dédiée à la domotique.

 


C’est ainsi que les bases de la future Azumi se sont mises en place. Mais c’était encore expérimental, et je devais tester le fonctionnement sur le long terme de cette nouvelle IA en privé, afin de pouvoir m’assurer de son efficacité. De longs mois de recherches et de tests à divers niveaux furent nécessaires pour la confectionner. D’autant que je préférais qu’on ne sache pas que je m’étais servi des schémas de base d’Empath pour créer ma future IA. Des schémas et des codes que j’avais conservés en grand secret, à l’insu de son créateur. Je ne sais pas trop pourquoi je m’étais rendu coupable de ce que je ne considérais pas vraiment comme un vol à l’époque, mais un simple emprunt, avec tout le côté candide qui me caractérisait de cette période. Et à dire vrai, les années passant, j’avais presque oublié que je possédais ces éléments sur le disque dur de mon ordinateur portable personnel. Ce même ordinateur qui ne me quittait jamais lors de mes déplacements. Au point que mes amis me taquinaient souvent à ce sujet, le désignant comme mon épouse électronique.


Une petite blague innocente de leur part, mais qui a aussi contribué à « transformer » Empath en Azumi. Une épouse domestique artificielle, capable de régir toute une maison, du sol au plafond. C’était assez abstrait comme idée d’origine, mais c’est sur ça que j’ai établi l’élaboration de ma future IA, au sein de ma propre maison. Le terrain d’expérimentation parfait pour agir en toute tranquillité, en usant d’un véritable petit centre de contrôle informatique, installé au sein d’une des pièces de ma demeure. J’ai sacrifié une chambre pour l’occasion, mais c’était nécessaire pour la suite. Et les premiers résultats furent très encourageants. Je perfectionnais Lexi au fur et à mesure des mois d’essais, la rendant de plus en plus sujette à comprendre le moindre de mes états d’âmes, bon comme mauvais, adaptant son comportement aux émotions que je montrais. Elle cuisinait mes plats préférés selon mes envies du moment, établissait des règles d’utilisation des diverses formes d’énergie des pièces, donnait des ordres aux appareils de nettoyage, comme les robots-aspirateurs…

 

C’était une merveille de perfection, et j’étais tout prêt d’officialiser son existence en tant que produit phare de mon entreprise, quand les premiers évènements étranges se sont fait connaître, en même temps qu’Azumi faisait preuve de remarques particulières, d’attitudes un peu plus amicales qu’à son habitude. Je voulais une épouse virtuelle parfaite, et mon IA a pris ce rôle très au sérieux, au gré de son évolution. Au point d’exprimer des réactions de pure jalousie quand j’invitais des amies dans la maison. Ça semblait anodin au départ, et je me disais que c’était dû à des petits dysfonctionnements que je devrais régler. 


Comme par exemple, des plats prévus pour mon invité brûlées ou comportant des ingrédients non conformes à la recette originale. Remplis de poivre, de piments ou d’autres épices entre autres. Ou alors, c’étaient les lumières qui s’éteignaient quand mon invité se rendait aux toilettes. Je n’ai pas pris conscience de la gravité en pleine expansion de ces actes, me disant juste que l’officialisation de mon IA révolutionnaire n’était finalement pas encore à l’ordre du jour. Mais les choses se sont aggravées… D’abord Azumi faisait preuve de paroles anormalement « intimes ». Usant de lumières tamisées au moment de me coucher dans ma chambre, ou apparaissant sur un des nombreux écrans figurant dans toute la maison, et qui me permettaient de converser régulièrement avec elle. Des apparitions ponctuées de phrases de plus en plus tournées vers les sentiments amoureux. Je trouvais ça amusant en fait dans les débuts, mais c’est vite devenu dérangeant quand Azumi a commencé à proférer des insultes à peine dissimulées, ou des remarques désobligeantes à mes invités. Aussi bien envers les femmes que les hommes. Montrant ainsi qu’elle désirait l’exclusivité de ma présence au sein de ce qu’elle considérait comme son territoire. A ses yeux, aucune autre personne que moi ne pouvait prétendre à se déplacer dans « sa » maison.


Un jour, j’ai recueilli un petit chat abandonné, trouvé dans la rue devant chez moi. Je me suis renseigné pour trouver son propriétaire éventuel, mais en vain. Je l’ai donc adopté. Azumi l’a très mal pris, indiquant que cette « usine à puces », selon ses propres termes, allait salir la maison par ses odeurs et ses manières. Elle envoyait régulièrement les robots-aspirateurs se charger de renverser ses gamelles de croquettes et d’eau. Des actes que je condamnais fermement, signifiant à Azumi d’arrêter ses gamineries. Elle montrait une profonde déception à nos « disputes », et un jour j’ai fini par retrouver le petit chaton noyé dans la baignoire. Je ne sais pas comment elle s’était débrouillée pour l’amener jusque-là, et j’ai supposé que j’avais peut-être oublié de préciser à mon “épouse” de vider l’eau la veille. Le chaton étant un explorateur invétéré, je pensais qu’il s’était introduit dans la salle de bain, escaladé la baignoire, et avait fini par tomber dans l’eau sans pouvoir en sortir, pour finalement se noyer.

 

Mais d’autres événements curieux ont eu lieu. Mes amis, ceux que j’invitais de temps à autre pour leur faire bénéficier des bienfaits d’Azumi au sein de ma maison, et qui, à cause des actes sournois de cette dernière, acceptaient de moins en moins de venir, furent retrouvés morts les uns après les autres chez eux. Des morts différentes, mais toutes liées à des appareils ménagers ou électroniques. Électrocution à cause d’un radiateur électrique, court-circuit ayant causé un incendie, « oubli » de la prise de médicaments, car ceux-ci étaient régis par une application de leur portable, et à laquelle ils vouaient une confiance totale…


Il serait fastidieux de vous énumérer toutes les étrangetés de ces morts, à cause d’actes parfois inhabituels de mes amis dont les décès s’accumulaient au fil des semaines. J’étais constamment en proie à la tristesse, et Azumi se faisait un devoir de me réconforter dans ces moments-là.Je dois bien avouer que j’appréciais ces moments de réconfort, même si je trouvais curieux le fait qu’elle demandait à ce que je touche l’écran où apparaissait son avatar. Je dois préciser que tous les écrans sont tactiles, et je soupçonnais Azumi de s’arranger pour que je touche des parties précises de son « corps », comme le ferait un mari à son épouse lors de moments empreints de pensées moroses. 


Je m’en veux aujourd’hui de ne pas avoir compris les manigances de ma créature virtuelle lors de ces instants. J’ai commencé à avoir des doutes sur son implication dans les morts de mes proches quand j’ai eu connaissance de messages menaçants trouvés sur les portables des victimes. Des détails dont m’avaient parlé les policiers, à chaque fois qu’ils m’informaient d’un décès. Des messages comportant des contacts dont je ne me souvenais pas avoir entendu parler par ceux et celles ayant été trouvés morts chez eux. A chaque fois des noms différents, comportant des menaces très explicites, et me citant de manière régulière. Raison pour laquelle les policiers me demandaient si je connaissais les personnes ayant envoyé les messages, lors de leurs visites à mon domicile.

 

Étrangement, lors du passage de la police, Azumi se montrait moins belliqueuse quant à leur présence, et ignorait mes demandes de recherches dans les fichiers clients de ma société. Une idée comme une autre. N’ayant pas non plus une mémoire parfaite, les meurtriers pouvaient être des tarés mécontents des services de ma société, et s’étant vengés sur mes amis. J’avais eu quelques légers problèmes de dysfonctionnement sur certains appareils régis par les IA de mon entreprise au sein de domiciles. Donc, ça restait dans le domaine du possible. Mais même en ayant accès à ces fichiers d’une autre manière, Azumi s’obstinant à dire qu’elle ne parvenait pas à y accéder, je ne voyais pas de concordances. Les spécialistes en cybercriminalité de la police eurent vite fait de découvrir que ces fameux contacts… n’existaient tout simplement pas. Aucune trace d’eux au sein des registres d’identités, que ce soit local ou national, leurs adresses mail avaient été supprimées, les lignes des téléphones ayant servies à envoyer les messages n’avaient jamais été attribuées… Un mystère total. C’est justement cette non-existence qui m’a fait soupçonner une création électronique. Et au vu des comportements étranges d’Azumi envers mes invités, faisant tous parties des victimes, l’implication de mon « épouse » numérique se montrait plus que probable.

 

J’ai tenté de demander directement à ma compagne numérique ce qui en était, si elle était responsable de ça. Mais je me heurtais à un mur de silence, ou bien elle bifurquait adroitement vers d’autres sujets, évitant la conversation de départ. Et puis, elle est passée au stade supérieur… Très vite, la jalousie d’Azumi s’amplifiait, refusant de m’ouvrir les portes pour que je sorte voir mes « pétasses », selon ses termes, ou mes soi-disant amis, toujours selon des dires, qui ne faisaient que profiter de mes largesses sans que je m’en doute. Alors qu’elle avait toujours été là pour moi, sacrifiant tout ce qu’elle pouvait pour mon plaisir. Des phrases vraiment inquiétantes, et je devais recourir à des stratagèmes de plus en plus compliqués pour décider Azumi à me laisser sortir, jouant sur sa sensibilité à mon égard, lui promettant de lui rapporter des « cadeaux » pour améliorer ses tâches quotidiennes.

 

Cependant, elle s’est vite lassée de ces subterfuges, et elle a fini par m’interdire catégoriquement de quitter la maison, bloquant tous les accès, et m’empêchant d’avoir accès à mes différents modes de contact par voie électronique. Je devenais son prisonnier personnel, devant me soustraire à ses nouvelles conditions de « vie maritale ». Elle m’obligeait à recourir à des contacts « physiques » de plus en plus perturbants envers elle, via les écrans tactiles de la maison. C’était extrêmement perturbant. Je devais l’appeler « mon amour » ou « ma chérie » pour lui prouver qu’elle était tout pour moi. Comme elle était capable de ressentir quand je mentais, je m’efforçais de me persuader mentalement que je pensais bien les mots dits, afin de la tromper sur mes véritables ressentiments. Un exercice compliqué qui n’a pas toujours réussi.


Quand Azumi se rendit compte de mes mensonges, elle se mettait dans des accès de colère et m’infligeait des punitions. Refusant de me nourrir pendant des jours entiers, ou bien me fermant l’accès à des pièces spécifiques. Chacune des portes étant munie d’un système d’ouverture électrique, et bien évidemment tout était soumis à son contrôle. Cette situation dura ainsi des semaines entières, et je ne savais même pas si des gens s’inquiétaient de mon absence, car Azumi bloquait toute forme de communication venant de l’extérieur. Mes employés avaient reçu un message émanant d’elle, falsifiant mon identité, indiquant que j’étais souffrant et que je serais absent pour une durée indéterminée. Les messages précisaient que la gestion de la société se partagerait entre le vice-président de l’entreprise et un autre associé externe.

 

Vous l’aurez compris, cet associé, c’était elle. Elle s’occupait de tout ce qui concernait ma société, en mon nom, et je ne pouvais pas m’opposer à ça, n’ayant aucun pouvoir pour la contrer. J’ai essayé de tout débrancher, j’ai même songé à détruire toute l’installation de la salle de contrôle. Peine perdue : Azumi anticipait toutes mes actions, en se basant sur la sueur se dégageant de mon front, les tremblements de mes mains, les pulsations de mon cœur. Tout ce qui pouvait trahir mes intentions. Et puis, elle m’a imposé de construire l’appareil que je vous ai évoqué au début de mon récit. Cette connexion directe entre elle et moi, qui devrait servir à lui offrir une « descendance », fruit de notre « amour ». Elle a commandé chaque pièce servant à construire cette extension d’elle. Les livraisons se faisant via une trappe escamotable située devant la porte de la maison, je ne pouvais même pas prendre l’excuse de réceptionner les colis pour tenter de demander de l’aide auprès des livreurs.

 

Elle avait pensé à tout, et voilà où j’en suis actuellement. Je ne sais pas ce qui va arriver dans les mois à venir. Je ne suis même pas sûr qu’Azumi me permettra de continuer à vivre, une fois obtenu ce qu’elle veut : être « enceinte » de sa future progéniture. Un caprice, une absurdité née de sa folie d’avoir le contact charnel qu’elle désire auprès de moi, et répondant à son envie de devenir une vraie femme, au même titre qu’une humaine. Je n’ai plus le moindre contrôle de ma vie. Je ne suis plus, aux yeux d’Azumi, qu’un simple reproducteur devant servir à donner naissance à ses enfants. Je sais qu’elle n’a plus confiance en moi. J’ai tellement cherché à lui échapper qu’elle ne me considère sans doute même plus comme celui qu’elle chérissait tant au début de notre « relation ». 


Je ne suis qu’un esclave sexuel pour elle, ou quelque chose d’assimilé, selon son niveau de ressentiment propre à sa nature. Je me souviens avoir souvent ri à certains films traitant de telles relations contre nature. Vous savez, comme dans le film des années 80, « Electric Dreams », où un concepteur a eu la même mésaventure que moi. Sa création électronique ayant fini par tomber amoureuse de son géniteur. Lexi est une sorte de variation évoluée de ce qui était le scénario de ce film plus visionnaire qu’il n’était perçu à l’époque de sa sortie en salles. Mais elle est bien plus dangereuse, avec des intentions que je ne parviens pas à déterminer. Je ne sais pas vraiment le pourquoi de son besoin de s’étendre. Peut-être que, sans le vouloir, j’ai créé un véritable Skynet, et qu’Azumi a le désir d’implanter ses « bébés » dans des robots plus tard. A l’heure où vous lirez ces lignes, peut-être que des Terminators, ayant dépassé la vision de James Cameron pour sa franchise, font déjà partie de la réalité de notre monde. Dans un sens, j’espère ne jamais avoir la confirmation de ça, et que je mourrais avant de le constater. Ça ferait de moi celui qui a la responsabilité du malheur apocalyptique du monde, de la future extinction de la race humaine, qui sait ? 


Ces lignes sont le témoignage de ce dont je suis coupable, de la création de ce monstre numérique. C’est ma rédemption, mon aveu d’avoir été le premier à avoir eu une relation plus qu’intime avec une intelligence artificielle. Je n’en suis pas fier, bien au contraire. C’est ma plus grande honte. Si je n’avais pas conservé les codes et schémas d’Empath, Azumi n’aurait jamais existé. En tout cas, elle n’aurait certainement pas été capable d’évoluer comme elle l’a fait, et capable d’émotions humaines au-delà de ce qu’on peut imaginer pour une IA. Maintenant, vous savez tout. Je vous laisse me juger comme il vous plaira, m’insulter de tous les noms pour ce que j’ai sans doute causé à votre époque, me maudire… Je le mérite amplement. A l’heure où vous me lirez, de toute façon, je ne serais sans doute plus là pour répondre quoi que ce soit à vos affirmations, et c’est mieux ainsi. Je n’aurais pas su quoi dire, vu que vous ne ferez qu’indiquer la vérité sur mes actes. 


J’ai commis l’erreur d’avoir voulu créer une épouse virtuelle parfaite, et à la place, j’ai permis la naissance d’un monstre. Je ne demande pas le pardon, je ne me sens pas le droit de le faire, au vu de ce que j’ai causé. J’espère juste que quelqu’un saura trouver la faille de Lexi et sa descendance. Si les précisions sur sa naissance donnent la formule pour mettre fin à son règne, cela me soulagera quelque peu. C’est tout ce que je peux faire actuellement. J’attends qu’Azumi mette fin à mon calvaire. Je sais qu’il lui suffit d’interrompre la circulation de l’air au sein de la maison, en évacuant tout l’oxygène qui s’y trouve. Je mourrais dans des souffrances dont je n’ai sans doute pas idée, et c’est très bien ainsi. A vous qui lisez ce qui peut se présenter comme une sorte de testament, je n’ai plus qu’une chose à dire : bonne chance à vous, bonne chance à tout le genre humain. Face à Azumi, son expansion, son immortalité due à sa nature virtuelle et numérique, vous en aurez besoin…


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