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Les parapluies pourpres


Temps approximatif de lecture : 7 minutes. 

Toute cette histoire a débuté il y a trois jours. J’étais dans le bus, en train d’écouter de la musique, quand j’ai aperçu un parapluie noir sur l’un des sièges vacants. Au début, j’ai hésité à le prendre. Ça peut vous paraître bizarre, mais je me sens toujours un peu coupable de prendre quelque chose qui ne m’appartient pas, même lorsqu’il est abandonné. 

Cependant, ça ne dure jamais très longtemps et je finis par l’apporter chez moi. Si je ne le récupère pas, qui le fera ? Je l’ai alors attrapé en sortant du bus. Il faut dire que c'était une petite aubaine. Ce jour-là, il pleuvait des cordes et, comme un idiot, j’étais venu sans mon Kway. Au moment où j’ai commencé à l’ouvrir, j’ai été surpris d’apercevoir une suite de lettres sur la poignée de ce dernier. C’était un nom et un prénom. J’en ai conclu que c’était probablement ceux du propriétaire. Pour plus de sécurité, je vais l’appeler Monsieur O. Je préfère ne pas donner le nom complet. Étant quelqu’un d’honnête, j’ai décidé que je chercherai son numéro plus tard pour pouvoir le lui rendre. En attendant, je ne me suis pas gêné pour l’utiliser sur le chemin du retour. Après tout, le malheur des uns fait le bonheur des autres.

En rentrant chez moi, je me suis vite jeté sur l’annuaire téléphonique, sans même m’essuyer les chaussures. J’ai mis un peu de temps avant de trouver son nom, mais il était bien du coin. Il faut dire que j’utilise un annuaire papier et non l’un de ceux présents sur Internet. C’est comme ça ! Je suis de la vieille école. J’ai donc décidé de l’appeler en sortant de nouveau. Pour être franc, je venais de me souvenir d’une course urgente à faire. Oui, je sais ! Je suis tête en l’air et j’aurais pu clairement y aller pendant mon premier trajet. Que voulez-vous ! Dieu m’a fait ainsi ! Enfin bref ! Je ne vous cache pas que c’était assez compliqué de composer le numéro tout en tenant la poignée du parapluie. Le nom était inscrit à la verticale et non à l’horizontale, ce qui était plutôt embêtant. Fort heureusement, j’ai pu me dépatouiller et appeler la personne.

Dans mes souvenirs, j’ai attendu une dizaine de secondes avant que quelqu’un ne décroche à l’autre bout du fil. Je crois que c’était la conversation la plus bizarre que j’ai jamais eue. D’après mes souvenirs, elle ressemblait à ça :

« Allo ? Qui est à l’appareil ?
— Bonjour ! J’appelle pour le parapluie !
— Excellent ! Nous attendions votre appel ! Vous avez mis du temps à trouver le numéro !
— Je vous demande pardon ?
— Allons, ne faites pas l’idiot ! Vous savez très bien que c’est un évènement à ne pas manquer ! Beaucoup tueraient pour y assister ! Ce n’est pas quelque chose qu’il faut prendre à la légère !
— Je ne sais pas de quoi vous parlez. J’ai trouvé ce parapluie par inadvertance et…
— Voyons ! Cessez tout ce cirque ! Je ne suis pas d’humeur à plaisanter ! Et retenez bien que l’évènement aura lieu à l’adresse, à la date et à l’heure indiquées.
— Non ! Vous ne comprenez pas ! Je ne suis pas là pour…
— Assez discuté ! Suivez les indications et tout ira bien !
— Quelles indications ?!
— Sur le parapluie, voyons ! Enfin bref ! Soyez à l’heure ! Personne ne veut rater un tel spectacle ! "Par inadvertance” ! On ne me l’avait jamais faite celle-là !
— Attendez ! Je ne vois rien sur le parapluie et… Allo ? »

Il a raccroché. Ce type était vraiment bizarre. Je me suis abrité et j’ai regardé le parapluie plus attentivement. Je crois que j’ai mis une trentaine de secondes à remarquer les inscriptions sur sa longue tige en métal. Comme l’avait dit l’homme, il y avait bel et bien une adresse, une date et une heure. Comme pour le nom, je ne vous donnerais pas l’adresse. J’aimerais éviter le plus possible les problèmes. En revanche, je peux vous donner la date et l’heure du rendez-vous : c’était le lendemain à 14 h 30. Alors que je marchais, je réfléchissais pour décider si je devais y aller ou pas. D’un côté, l’appel de ce type m’avait un peu refroidi et ne me donnait pas envie de m’y rendre. D’un autre côté, je devais rendre ce parapluie à son propriétaire. Je ne voulais surtout pas passer pour un voleur aux yeux de cet homme ! C’est dans ma nature; j’ai horreur de faire mauvaise impression. Je crois qu’un jour, mon honnêteté me fera tuer. Comme vous vous en doutez, j’ai donc décidé d’aller à ce fameux rendez-vous.

Comme le jour précédent, une pluie diluvienne s’abattait sur la ville. Cette fois, j’ai été assez intelligent pour prendre mon K-way. J’ai évidemment emporté le parapluie que je tenais en permanence dans la main. Pour le coup, j’ai réussi à ne pas oublier ce détail, et heureusement d’ailleurs. La route était plutôt longue et l’endroit était en périphérie de la ville. Une heure en bus séparait mon domicile du lieu du rendez-vous. Durant ce laps de temps, la pluie s’est peu à peu calmée. En arrivant, j’ai pu admirer une gigantesque demeure avec de très jolis jardins. Il faut dire que je n’avais pas l’habitude d’observer ce genre de maison de luxe. Les types qui devaient y être invités étaient sûrement blindés. Je me suis donc dirigé vers la porte pour l’ouvrir et être accueilli par une sorte de majordome. Il m’a scruté de la tête aux pieds avant de prendre la parole : 

« Vous êtes ?
— Je viens pour le parapluie. Je l’ai trouvé dans le bus et…
— Votre nom, Monsieur. D’autres invités attendent.
— Mon nom ? Je m’appelle… » 

Je me suis stoppé net. J’hésitai à leur donner mon vrai nom. Je ne sais pas si c’est à cause de cet appel bizarre ou de ce majordome, mais je sentais qu’il ne valait mieux pas donner mon nom. Soudain, le majordome s’est approché de moi pour saisir le parapluie et le contempler brièvement : 

« Ravi de vous voir, Monsieur O. ! Nous avions peur de votre absence. Dirigez-vous vers le jardin, s’il vous plaît. Monsieur A. vous rejoindra très bientôt.
— Combien de fois dois-je vous le dire ! Je ne suis pas un invité ! Je viens pour rendre ce parapluie à son propriétaire et…
— Pardonnez-moi, Monsieur, mais je n’ai guère le temps pour des enfantillages. D’autres invités attendent. Si vous voulez bien m’excuser… »

Il m’a totalement snobé et s’est dirigé vers une autre personne. Je n’ai même pas eu le temps d’en placer une. Ces gens-là étaient vraiment tous bizarres et je sais que j’aurais dû en rester là. Cependant, une partie de moi était curieuse de savoir à quoi ressemblait une fête mondaine. De plus, je commençais à en avoir marre de chercher le propriétaire du parapluie. C’est donc pour ces raisons moyennement légitimes que je suis resté. Je me souviens que j’ai dû traverser un long et large couloir avant d’atterrir dans les jardins que j’avais aperçus précédemment. Étonnamment, une quinzaine de personnes étaient déjà présentes. Comme je l’avais supposé, ils étaient tous au sommet de la pyramide sociale. Il suffisait d’observer leurs vêtements pour le deviner. Leurs visages étaient clairement ceux de gens que vous ne croisez jamais dans la rue. Cependant, ils n’avaient pas l’air de m’avoir remarqué. C’était plutôt étonnant, surtout avec mon K-way bas de gamme que j’avais sur le dos. D’habitude, c’est le genre de tenue qui ne passe pas inaperçu chez les fortunés. Néanmoins, je ne m’en plaignais pas. Ça ne m’a jamais plu d’attirer l’attention sur moi. Finalement, j’ai poireauté une vingtaine de minutes dans le jardin en me jetant sur le buffet mis à disposition. Ne m’en voulez pas. Les situations stressantes, ça me donne faim.

C’est au moment d’engloutir un énième petit four qu’un homme est arrivé sous les applaudissements des invités. Je présumais que c’était le fameux Monsieur A. Ne voulant pas faire tache , j’ai décidé d’applaudir la bouche pleine. Pour le décrire un peu, je dirais qu’il avait la cinquantaine bien tassée et que son trait physique le plus flagrant était ses cheveux et sa fine moustache grise. Il portait d’ailleurs un costard cravate qui, selon moi, lui allait comme un gant. On voyait à son allure que c’était un homme charismatique. C’est peut-être un trait commun à tous ces milliardaires en milieu de vie. Après les applaudissements, il a pris la parole pour prononcer une sorte de discours :

« Mes chers amis ! Aujourd’hui est un jour à marquer d’une pierre blanche. Après des années de dur labeur et de maturation, vous et moi pouvons enfin profiter du spectacle le plus éblouissant de nos vies. Je ne vous le cache pas, je ressens une certaine nostalgie à l’approche de cet évènement. Depuis des générations, un secret jalousement gardé se transmet au sein de ma famille. Mon arrière-arrière grand-père a autrefois parcouru le monde à la recherche de fleurs dont les caractéristiques rendent les autres plantes exotiques bien fades en comparaison. C’est lors d’un voyage vers une île située près de l’Océanie qu’il a fait la rencontre d’une tribu pour le moins singulière. Celle-ci vénérait une plante dont le pollen avait des propriétés revigorantes une fois inhalé. Naturellement et après quelques recherches, il a trouvé le moyen de la rapporter au pays pour la cultiver et ainsi profiter de ses bienfaits. Malheureusement, ses contemporains l’ont tous pris pour un fou et il a rapidement été mis au ban de la société. Rien que d’y penser… ça m’exaspère ! Cependant, je sais maintenant que tous ses efforts n’auront pas été vains. Grâce à lui, nous allons vivre une expérience hors du commun, qui sera gravée à jamais dans nos esprits. En sa mémoire, applaudissons-le bien fort ! »

Tout le monde s’est mis à applaudir à l’unisson, sauf moi, bien sûr, qui ai réagi deux secondes trop tard. Après les applaudissements, Monsieur A. a repris la parole :

« Sans plus attendre, procédons à l’éclosion de ces fameuses plantes ! Retirez la bâche, je vous prie ! »
 
J’ai imité les autres invités et me suis dirigé vers une bâche que je n’avais pas remarquée. L’un des majordomes l’a retirée pour dévoiler des centaines de fleurs très singulières. Elles étaient toutes composées d’un nombre conséquent de pétales de couleur rouge et dont le bout était aussi aiguisé qu’une lame de rasoir. Monsieur A. a ensuite hoché la tête et un autre majordome s’est dirigé vers un levier présent sur un mur :

« Mesdames et Messieurs ! Ouvrez vos parapluies ! » 

Tout le monde s’est exécuté et Monsieur A. a commencé un compte à rebours :

« Cinq ! Quatre ! Trois ! Deux ! Un ! Ouvrez les vannes ! »

Soudain, des arroseurs situés en hauteurs ont aspergé les plantes et les invités d’un liquide de couleur pourpre que je n’ai pas reconnu. Pendant qu’un flot de ce fameux liquide ruisselait sur nos parapluies, nous observions avec attention les fleurs devant nous. C’est au bout de quelques minutes que leurs pétales ont commencé à s’ouvrir et à libérer une sorte de pollen écarlate qui a envahi tout le jardin. Les invités s’exclamaient de joie tandis qu’ils inspiraient profondément pour inhaler le pollen. J’ai tenté, en vain, de retenir ma respiration le plus longtemps possible. Je ne suis pas non plus naïf. Je n’avais aucune raison de croire sur parole ce type à propos des bienfaits de cette fleur. Malheureusement, j’ai fini par inhaler le pollen.

Au début, je paniquais à l’idée que ça ait des effets néfastes sur mon corps. Puis, j’ai commencé à me sentir de mieux en mieux. C’était bizarre, mais je n’avais jamais été aussi en forme de ma vie. Je me sentais même capable de faire un saut pour m’envoler dans les airs. Je ne sais pas si c’était bien ou mal, mais le fait est que je me sentais apaisé. Néanmoins, ça n’a pas arrangé mon problème de petite vessie. Voilà ce qui arrive quand on enchaîne les coupes de champagne à la suite. Je me suis donc éclipsé pour aller au petit coin. C’était difficile de se repérer dans cette demeure. Les couloirs se ressemblaient tous et aucun majordome n’était là pour indiquer le chemin des toilettes.

C’est en passant dans un couloir que j’ai entendu un bruit. Au début, c’était à peine perceptible, mais à mesure que j’avançais, le bruit devenait de plus en plus fort. C’est finalement en arrivant devant l’une des portes du couloir que le bruit est devenu parfaitement audible. J’ai ressenti des frissons en l’entendant. C’étaient des gémissements. C’était comme si quelqu’un se faisait brûler à petit feu. J’ai tourné ma tête de chaque côté du couloir pour vérifier que personne n’était là, puis j’ai pris mon courage à deux mains et j’ai ouvert la porte. J’ai failli pousser un cri de terreur.

En entrant dans la pièce, j’ai aperçu un homme relié par des dizaines de tuyaux très fins à une sorte de grosse machine de couleur blanche. L’homme avait l’air pratiquement exsangue, et pour cause, les tuyaux étaient en train de pomper tout son sang. Je ne sais pas par quel miracle, mais il a réussi à diriger son regard livide vers moi et à parler d’une voix sèche et rauque :

« Aidez-moi…
— Oh Mon Dieu ! Restez avec moi ! Qu’est-ce qu’ils sont en train de vous faire ?
— Ils… Ils m’ont enlevé…
— Pourquoi est-ce qu’ils prennent votre sang ?!
— Les… Les fleurs… »

Il a soudainement dirigé son regard vers la seule fenêtre de la pièce. En m’approchant, j’ai vu qu’elle donnait sur le jardin où se trouvaient les invités. Après ça, j’ai de nouveau porté mon intérêt sur la machine. Un large tuyau en métal en sortait et se prolongeait à l’intérieur de l’un des murs de la pièce. C’est à ce moment-là que j’ai eu une illumination. La fenêtre se trouvait très exactement à l’endroit où se situaient les arroseurs de tout à l’heure. En faisant le lien avec tout ce que je venais de voir, j’avais comme une envie de vomir. Néanmoins, je me suis ressaisi en revoyant le pauvre homme et je l’ai rassuré :

« Ne vous en faites pas, Monsieur ! Je vais chercher de l’aide ! Je vous le promets ! »

Je suis sorti discrètement de la pièce en refermant la porte derrière moi. J’ai bien fait attention à ce que personne ne me voit dans les couloirs, puis je me suis dirigé vers la sortie principale. Quand je me suis enfin retrouvé dehors, j’ai immédiatement couru pour m’éloigner suffisamment de la demeure. Après ça, j’ai appelé la police qui a mis environ une heure à venir.

Malheureusement, il était déjà trop tard.

Tous les invités avaient disparu sans laisser de trace, de même que l’homme relié par des tuyaux. La machine et les fleurs, quant à elles, n’étaient plus là. Même les noms de Monsieur A. et de Monsieur O. étaient faux et appartenaient en fin de compte à des personnes mortes récemment. La seule preuve que j’avais était le sang de l’homme exsangue qui recouvrait le parapluie et le sol du jardin. On a découvert plus tard qu’il s’agissait d’un garagiste qui avait disparu il y a quelques mois de ça dans la région. Encore aujourd’hui, je me sens coupable de ne pas être resté auprès de lui. Dire que je lui avais promis qu’il s’en sortirait. Rien que d’y penser, ça me hante. Cependant, ce qui me terrifie encore plus, c’est de savoir que quelque part, dans le pays, un autre malheureux est en train de se faire torturer pour faire pousser ces maudites fleurs.

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