Disclaimer

DISCLAIMER

Les contenus proposés sur ce site sont déconseillés aux personnes sensibles et aux mineurs de moins de 12 ans.

Dernières nouvelles

Les Histoires de Skull a mis en audio notre traduction de Disney's Catacombs, vous pouvez retrouver la vidéo directement sur l'article en cliquant ici !

Vous voulez trouver toutes nos plateformes, ou vous êtes curieux de savoir quels médias parlent de CFTC ? Tout est sur notre Linktree !

Un message pour l'équipe ou l'association ? Consultez notre page Contact !

Les friandises de M. Schwartz


Temps approximatif de lecture : 12 minutes. 

Ah ! Halloween ! Ma période préférée de l’année ! Les gens qui se ruent dans les magasins pour remplir leurs stocks de bonbons, les enfants qui se déguisent en monstres pour faire peur aux gens, les nombreux films d’horreur diffusés à la télé et au cinéma… Bref ! Le rêve, quoi ! Je ne connais pas de fête plus effervescente que celle-ci ! C’était le cas il y a encore un an, mais plus maintenant. Cette année, plus personne ne fête Halloween. Les rues sont totalement désertes et les magasins de la ville sont tous fermés ce jour-là. 

C’est à un tel point que même le mot « Halloween » a été banni du vocabulaire des habitants. Je crois que je suis encore l’un des seuls à fantasmer sur cette fête. La police et la ville ont tout fait pour faire taire ce qui s’était passé. Cependant, au bout d’un an de faux semblants et de mensonges, j’estime que cette histoire mérite d’être racontée. Quand je dis que je vais raconter cette histoire, je veux dire par là que je vais exposer mon point de vue. Je ne sais pas comment l’ont vécu les autres habitants, même si j’en ai une vague idée. Désolé ! Assez de digressions ! Entrons dans le vif du sujet.

Tout a commencé quelques jours avant le 31 octobre. Il faut savoir que la petite ville dans laquelle j’habite est très soudée. Tout le monde se connaît et s’entraide pour le moindre problème. Si, par exemple, une personne a besoin d’utiliser le four de quelqu’un ou de prendre une douche à cause d’une coupure d’eau, vous pouvez être certain que l’un de ses voisins lui ouvrira en grand sa porte. Ce que je viens de dire s’applique aussi pour les grandes fêtes, notamment Halloween.

Il est coutume, peu avant le 31 octobre, que les habitants s’entraident pour préparer cette fête au mieux. C’est le cas en achetant énormément de bonbons, en confectionnant des costumes pour les enfants et en aidant à la décoration des rues. Grâce à cette initiative collective, on est sûr et certain que tous les enfants, même ceux qui n'en ont pas les moyens, passeront un bon Halloween. Ils ont ainsi la garantie qu’ils auront une quantité suffisante de bonbons dans le sac. Ça nous rend particulièrement fiers, car aucun enfant de la ville ne se retrouve seul lors des festivités. Oui ! Même les enfants sont solidaires entre eux. C’est beau, n’est-ce pas ? Les parents, eux, seront sûrs d’être prêts quand un groupe d’enfants toquera à leur porte et leur criera : « Un bonbon ou un sort ! »

Malheureusement, cette année-là, tous les magasins des grandes villes ont été en rupture de stock de bonbons. Nous étions désespérés à l’idée qu’Halloween soit gâché et que les enfants passent un 31 octobre morne et ennuyeux. Alors que je m’inquiétais de voir mon stock de bonbons partir trop vite, quelqu’un est venu frapper à ma porte. C’était Sam, mon voisin d’en face. Il avait l’air enthousiaste :

« John ! J’ai une bonne nouvelle !

— Mieux qu’un arbre qui donne des bonbons ?

— Un arbre ? Je ne sais pas. Par contre, un magasin, ça, c’est sûr !

— Attends ! Tu as réussi à trouver un magasin qui n’est pas en rupture de stock ?

— Oui ! Par contre, c’est une petite boutique. Malgré ça, le propriétaire a un stock gigantesque de bonbons ! Assez pour fêter deux fois Halloween !

— Et tu es sûr qu’il a le stock qu’il dit avoir ?

— Oui ! Il me l’a même montré ! J’en ai déjà discuté avec le conseil municipal et ils sont tous d’accord pour qu’on s’approvisionne chez lui.

— Et tu sais qui est ce type ?

— Un nouvel habitant. Il vient juste d’ouvrir sa confiserie. Je crois qu’il vient d’Allemagne, mais j’en suis pas sûr. Il a un nom bien typique du pays. Très sympa au premier abord. Sa boutique n’est pas loin. Tu peux aller vérifier si tu veux.

— Ça marche ! C’est quoi son nom déjà ?

— Mmmh… Schwartz. Oui, c’est ça. Schwartz.

— OK. Merci pour l’info. J’irai voir ça dès que j’ai le temps. À plus tard !

— À plus ! »

J’ai fermé la porte et je me suis mis à réfléchir à tout ça. Ce type n’avait pas froid aux yeux. À peine était-il entré dans notre ville qu’il faisait déjà bonne impression. En tout cas, il avait choisi le bon moment pour marquer des points auprès de nous. C’est pour ça que le lendemain, j’ai décidé d’aller voir sa confiserie d’un peu plus près. En arrivant sur place, j’ai pu constater que la devanture de la boutique ressemblait trait pour trait aux confiseries des années 80 : lettres majuscules stylisées, couleur uniforme et vitrines propres comme un sou neuf. Je dois avouer que ça ne m’a pas laissé indifférent. C’était comme si je me sentais nostalgique d’une époque que je n’avais jamais vécue.

En franchissant la porte, je me suis aperçu que la boutique était vide. Il était 13 h 30 et le gérant n’était pourtant pas là. J’ai donc bêtement crié : « Il y a quelqu’un ?! ». Mais la seule réponse que j’ai eue était le silence. Ne voulant pas rentrer bredouille, j’ai décidé d’observer le magasin d’un peu plus près. Sam m’avait dit que le gérant avait tout un stock de bonbons, mais je n’en voyais aucun sur le comptoir de la boutique. D’un autre côté, ce n’était pas si étonnant vu qu’il venait juste d’emménager ici.

Les murs étaient décorés avec un papier peint vieillot et quelques cadres photos étaient disséminés un peu partout dans la pièce. Certaines images montraient une famille devant une boutique avec la même enseigne que la boutique du gérant. La légende de l’une d’elles disait : « Munich, 1941 ». J’ai supposé que c’était peut-être une affaire familiale. Par contre, je ne comprenais pas pourquoi il s’était donné la peine de se déplacer jusqu’aux États-Unis pour ça. Il aurait très bien pu rester dans son pays. Qui sait ? C’était peut-être le rêve américain qui l’avait attiré ici.

Dans tous les cas, sa boutique avait un côté sinistre. Pas sûr que des enfants veuillent y entrer pour se faire plaisir. Quand je dis sinistre, je veux parler des autres photos de la pièce en noir et blanc. On y voyait un homme en tenue de chasse portant du gibier. Même si j’étais sûr que ça n’était pas l’effet recherché, il faut dire que c’était la décoration parfaite pour Halloween. En revanche, ce qui m’a vraiment étonné, c’était les rares photos d’un groupe d’hommes en blouse blanche.

Je me souviens qu’ils étaient dans une sorte de laboratoire. Le gérant était-il chimiste ? Je n’en savais rien et, à vrai dire, ce détail n’a pas attiré mon attention plus que ça. Alors que je faisais les cent pas dans la pièce, j’ai aussitôt entendu du bruit provenant de l’arrière-boutique. J’ai crié une nouvelle fois : « Ho Hé ! Il y a quelqu’un ?! ». Je n’ai de nouveau pas eu de réponse.

Je sais que ce n’est pas très poli de faire ça, mais j’ai pénétré dans l’arrière-boutique. Comprenez-moi ! Ça faisait plus de quinze minutes que je poireautais comme un idiot sans que personne ne se présente. Je trouvais que ça n’était pas une façon de traiter ses clients. Pour en revenir à l’arrière-boutique, l’endroit était sombre, mais j’ai réussi à trouver un interrupteur. La petite ampoule accrochée au plafond m’a permis d’observer plusieurs étagères où était stockée une quantité faramineuse de friandises.

Cependant, ce n’est pas tant leur nombre qui m’a étonné, mais plutôt leur forme. Une des boîtes en verre situées sur les étagères contenait des bonbons gélifiés en forme de cerveau. Une autre, quant à elle, contenait des chocolats en forme de loups-garous. Il y avait de tout : des bonbons acidulés en forme de dents de vampire, des biscuits en forme de sorcières, des globes oculaires à sucer, des citrouilles, des gâteaux ressemblant à des os et des crânes de squelettes, des fantômes… Enfin bref ! Il y en avait de toutes sortes.

C’est en avançant un peu plus dans la pièce que j’ai de nouveau entendu un bruit. Ça venait d’une porte située tout au fond de l’arrière-boutique. En me rapprochant, j’ai pu distinguer des bruits mécaniques provenant de ce que je supposais être une machine. J’avais l’impression que le bruit provenait de sous mes pieds. J’en ai conclu que cette porte devait probablement mener à un sous-sol. À mesure que je me dirigeais vers la porte, mon rythme cardiaque s’affolait de plus en plus. Je connaissais plein d’histoires sur des caves qui se finissaient très mal et je n’avais pas du tout envie de faire partie de l’une d’elles. Au moment où j’ai posé ma main sur la poignée pour la tourner, une voix a surgi derrière moi : « La curiosité est un vilain défaut, jeune homme ! ».

J’ai sursauté et j’ai failli trébucher en me retournant. La personne qui m’a fait peur était un vieil homme portant des lunettes et un tablier. Il affichait un grand sourire sur son visage et avait un léger accent :

« Vous m’avez fait peur !

— Veuillez m’excuser ! Ce n'était pas mon intention.

— Vous êtes le propriétaire, c’est ça ? Je suis désolé ! C’est moi qui m’excuse ! C’est votre boutique après tout. C’est normal de détester les fouineurs.

— N’en parlons plus ! C’est déjà oublié ! Je m’appelle Hans Schwartz, mais vous pouvez m’appeler Hans.

— John.

— Ravi de vous rencontrer, John. »

J’étais essoufflé. Pendant que je reprenais ma respiration, M. Schwartz a continué à me parler :

« Dites-moi, mon garçon. Vous m’avez l’air de quelqu’un de plutôt cardiaque, je me trompe ?

— Disons que je ne ferais jamais un marathon. Laissez-moi juste quelques instants et je suis à vous.

— Rien ne presse, mon garçon. Prenez votre temps. »

J’ai finalement réussi à reprendre mon souffle. J’ai donc continué ma conversation avec M. Schwartz :

« Laissez-moi deviner. C’est votre ami Sam qui vous envoie, n’est-ce pas ?

— Comment le savez-vous ?

— Voyons ! Je viens d’arriver en ville, Sam vient me voir et c’est ensuite à votre tour, seulement un jour après son passage. De plus, j’ai entendu dire que vous étiez très soudés dans cette ville. Je suis peut-être vieux, mais pas sénile, mon garçon. 

— Dit comme ça, ça parait logique. J’ai l’impression que vous allez facilement vous fondre dans le décor. 

— Ravi de l’entendre ! À propos, quel est l’objet de votre visite ?

— C’est à propos de votre stock de bonbons. Sam m’a dit que vous en aviez assez pour toute la ville et je voulais vérifier si c’était vrai. 

— Et donc ? Vous êtes satisfait de ce que vous avez vu ?

— Oh oui ! Je dirais même que vous nous sauvez la mise !

— J’ai entendu parler de cette histoire de rupture de stocks de bonbons. Quelle tristesse ! Une soirée d’Halloween sans bonbons, ce n’est plus Halloween bon sang ! Ravi de vous aider dans cette situation délicate.

— Encore merci ! Ça compte beaucoup pour les enfants, vous savez ? Certains n’ont pas toujours les moyens de fêter Halloween ou d’acheter des bonbons. Ce genre d’évènements est important pour resserrer les liens entre les habitants.

— Je suis parfaitement d’accord avec vous ! Ce geste est tout à fait louable de la part de votre communauté. »

Je commençais à sentir que la discussion tournait en rond et j’avais encore quelques questions en suspens dans mon esprit. J’ai donc directement embrayé sur un autre sujet :

« Vous avez vécu en Allemagne ?

— C’est mon accent ou les photos qui vous ont mis la puce à l’oreille ?

— Les deux, je dirais.

— Curieux et observateur ! De mieux en mieux !

— Désolé ! C’est plus fort que moi.

— Je plaisante, voyons ! Il n’y a aucun problème. Et pour répondre à votre question : oui, pendant ma jeunesse.

— Votre famille vous manque ?

— Très souvent ! Il m’arrive même de me demander ce qui se serait passé si j’étais resté gentiment à Munich. Là-bas, au moins, j’aurais facilement pu honorer la mémoire de mes parents.

— Toutes mes condoléances.

— Il ne faut pas vous en faire. Ils sont morts il y a bien longtemps.

— C’est vrai que ma remarque était un peu stupide. Désolé.

— Voyons ! Il ne faut pas ! C’est l’intention qui compte. »

Il a commencé à regarder la photo de 1941 avec nostalgie :

— Nous étions une famille modeste à l’époque. Quand mon père a décidé d’ouvrir cette confiserie, il a mis tout ce qu’il avait dans cette affaire pour que nous ayons une vie plus heureuse. Ma mère et moi pensions que c’était un pari risqué, surtout durant cette période sombre de l’histoire que vous et moi connaissons si bien. Pourtant, il a réussi à maintenir son affaire à flot et a gagné une certaine notoriété dans tout Munich. On le surnommait affectueusement « Le Roi du Sucre ». Les gens l’aimaient beaucoup et le respectaient. C’était un homme qui n’a jamais cessé de persévérer dans la vie. Encore aujourd’hui, je l’admire pour ça. C’est pour honorer sa mémoire que je suis venu en Amérique et que j’ai ouvert ma propre confiserie. Tout ce que je souhaite, c’est suivre ses pas. Je regrette de ne pas l’avoir fait plus tôt. 

— Vous étiez chimiste, c’est ça ?

— Oui, et bien plus encore. J’ai fait des études en chimie et en génétique avant de travailler dans un grand laboratoire. Je crois que pendant tout ce temps, j’ai perdu de vue l’essentiel. C’est pour ça que je suis là. C’est ma dernière volonté avant de quitter ce monde. Excusez-moi pour tout ça ! Je deviens gâteux au fil des années. Je vous raconte ma vie depuis tout à l’heure. Ça doit probablement vous ennuyer.

— Absolument pas ! Je suis sûr que, de là où il est, votre père doit être fier de vous.

— C’est très gentil, mon garçon. J'espère sincèrement que vous dites vrai.

— N’en doutez pas un seul instant.

Après ça, j’ai essayé de terminer cette conversation sur une note plus positive :

« Vous faisiez aussi de la chasse, non ?

— Oui, en effet ! C’était ma passion quand j’étais jeune.

— Et ça l’est encore aujourd’hui ?

— C’est que je ne suis plus tout jeune, mon garçon ! Ma vue baisse et mes articulations commencent à me faire mal. Vous ne voudriez quand même pas que je canarde un passant sans le vouloir ?!

— Non. Bien sûr que non. »

Soudain, l’horloge murale située dans la pièce s’est mise à sonner :

— Mes aïeux ! Je n’ai pas vu le temps passer ! Navré, mon garçon, mais je dois retourner au travail. J’ai été ravi de vous avoir rencontré !

— C’est pareil pour moi ! Et pour les bonbons ? On s’organise comment ?

— Ne vous en faites pas ! Votre ami Sam m’a déjà tout expliqué. Des habitants viendront les chercher.

— Merci pour tout.

— C’est moi qui vous remercie. Je me sens utile ici et ça me procure une immense joie. Prenez soin de vous, mon garçon, et passez une bonne journée.

— Au revoir, Monsieur… Je veux dire… Hans. Passez aussi une bonne journée.

— Merci, mon garçon. Laissez-moi vous raccompagner. »

Après ça, je suis sorti de la boutique pour rentrer chez moi. En passant le seuil de ma porte, j’ai rangé mon manteau et je me suis affalé sur le canapé. Ce M. Schwartz avait tous les traits d’un papi gâteau. Son histoire m’avait beaucoup touché, même si certaines questions restaient en suspens. Je n’arrivais pas à m’enlever de la tête les bruits provenant du sous-sol. Qu’est-ce qu’il pouvait bien cacher derrière cette porte ? Et d’ailleurs, quel genre de confiserie a un sous-sol ? Je trouvais ça plutôt bizarre et c’était assez clair que M. Schwartz ne voulait pas du tout en parler. Puis, je me suis souvenu que tout le monde a des secrets et que ce n’est jamais une bonne idée de les déterrer. Après ça, la journée s’est déroulée normalement et j’ai fini par m’endormir très tôt. J’avais une journée chargée le lendemain et je ne voulais pas arriver au travail en traînant les pieds.

Faisons maintenant une avance rapide jusqu’au soir d’Halloween. Alors que certains peaufinaient la décoration de leur maison jusqu’à la dernière minute, d’autres adultes s’occupaient de rafistoler les costumes qui avaient été utilisés l’an dernier. On ne réutilise pas tout évidemment ! Je sais que vous pensez qu’on est ringard, mais on essaie toujours d’innover au fil des ans.

On fabrique toujours de nouveaux costumes et de nouvelles décorations en fonction des demandes des enfants ou des films d’horreur du moment. De toute façon, les costumes et les décorations ne sont jamais un problème. Ce que veulent par-dessus tout les enfants, ce sont les bonbons. Si vous saviez à quel point ces petits diablotins sont voraces ! Il faut toujours qu’ils veuillent plus de bonbons que les autres.

Il arrive même que ces petits chenapans sonnent plusieurs fois de suite à la même maison. Je me demande comment est-ce qu’ils font pour s’épuiser moins vite que les adultes ? C’est vraiment fascinant. Je connais certains habitants qui ont la boule au ventre à l’idée de ne plus avoir assez de bonbons à leur proposer. Fort heureusement, il arrive un moment où les enfants savent se montrer raisonnables et rentrent chez eux. Le lendemain, ils s’amusent à comparer leurs prises avec les autres et s’échangent certaines friandises. Je les envie beaucoup. Eux, au moins, s'amusent.

Pour en revenir à notre histoire, l’année dernière n’a pas fait exception. Tout s’est passé comme je vous l’ai expliqué. C’était un véritable marathon ! La seule différence, c’est que les enfants étaient plutôt étonnés de ne pas voir leurs bonbons habituels. Néanmoins, ils ont fini par les apprécier et nous ont même dit qu’ils étaient plus jolis et encore plus délicieux que ceux qu’on distribuait les années précédentes.

En entendant ça, je me suis dit que M. Schwartz serait content de le savoir et qu’il faudrait que je lui en parle le lendemain. En attendant, j’ai continué la distribution de bonbons pendant toute la soirée jusqu’à ce que les enfants s’en aillent. J’ai d’ailleurs constaté qu’il ne me restait plus rien. J’étais exténué alors que tout ce que j’avais fait, c’était de distribuer des bonbons. Après ça, j’ai mangé un morceau avant de m’effondrer sur mon lit.

J’en arrive à la partie horrible de ce récit. Il était 3h00 du matin quand c’est arrivé. J’étais en train de dormir quand j’ai été réveillé par des bruits venant de l’extérieur. Étant à moitié endormi, j’ai d’abord cru qu’il s’agissait de jeunes qui avaient fait le mur et qui traînaient encore dans la rue. C’est assez rare, mais ça peut arriver. Ils voulaient peut-être continuer Halloween en pleine nuit pour se faire peur ?

C’est ce que je pensais jusqu’à ce que les voix se multiplient de plus en plus et deviennent de plus en plus fortes. On aurait presque dit qu’ils criaient. C’est à ce moment-là que je me suis complètement réveillé et que mes craintes se sont confirmées. J’entendais bel et bien des gens crier dans la rue. Alors que j’étais sur le point d’aller voir ce qui se passait, j’ai entendu une fenêtre se briser et l’alarme d’une voiture se déclencher. Quelques secondes après ça, une sorte de cri animal a résonné dans tout le quartier. Je me suis donc précipité vers la fenêtre pour voir ce qu'il se passait.

C’est en tirant les rideaux que je me suis demandé si je n’étais pas en plein cauchemar. Je sais que c’est difficile à croire, mais je vous jure que j’ai vu une sorte de loup garou qui était en train de mettre à sac la maison de mon voisin Sam. Toutes les vitres étaient brisées, la porte d’entrée défoncée et le salon mis sans dessus dessous. Pire encore ! Il y avait même des traces de griffes et de sang sur les murs. À peine avais-je eu le tant d’intégrer cette information que j’ai vu un enfant, à la peau pâle et aux canines proéminentes, se jeter sur un habitant apeuré pour le mordre.

Plus loin encore, une horde d’enfants à la peau putréfiée et avec le cerveau à l’air libre a commencé à poursuivre toute une famille. Je vous le jure ! On se serait cru dans un véritable film de série Z. D’autres petits monstres, avec une tête de citrouille, sont sortis d’une maison après avoir balancé un couple par-dessus leur balcon. Les pauvres ont atterri directement sur leur voiture, leur tête écrasée contre le pare-brise. Néanmoins, ce n’était rien en comparaison des squelettes qui tabassaient un homme au beau milieu de la route. Le pauvre était méconnaissable. Ils s’étaient tellement acharnés qu’il n’avait quasiment plus de visage.

Il y avait aussi d’autres monstres qui avaient une apparence hideuse et qui étaient une sorte de mélange de ceux que je vous ai décrits précédemment. On avait par exemple un loup-garou zombie, un vampire fantôme ou encore des squelettes avec une tête de citrouille. Oui ! Vous avez bien lu ! Des squelettes avec des têtes de citrouille. Rien que de l’écrire, c’est ridicule. Et pourtant, c’est la vérité !

Comme vous vous en doutez, j'étais tétanisé. Je ne savais pas du tout de quelle manière réagir. Soudain, j’ai entendu quelqu’un ou quelque chose frapper à la porte. Je me suis vite baissé et j’ai éteint la lumière de ma chambre. J’ai pris mon téléphone avec moi et je me suis discrètement dirigé vers la cuisine pour prendre quelque chose pour me défendre. Armé de mon couteau de cuisine, je me suis dirigé vers la porte alors que les coups devenaient de plus en plus insistants.

Fort heureusement, j’ai installé un judas muni d’une caméra Wi-Fi quelque temps auparavant. Même si le quartier est tranquille, on ne sait jamais ce qui peut nous tomber dessus. Je peux vous dire que j’étais soulagé que ça serve enfin à quelque chose ! En regardant mon téléphone, j’ai été à la fois rassuré et choqué de voir que ce n’était pas un monstre, mais Sam, qui avait trois griffures béantes au niveau du torse.

Les plaies saignaient abondamment et je craignais qu’il ne survive pas. J’ai tout de suite ouvert la porte pour traîner Sam à l’intérieur. Après l’avoir fait, j’ai aussitôt fermé cette dernière pour la barricader afin que nous soyons tous les deux en sécurité. J’ai essayé de parler à Sam pour voir s’il réagissait, mais il avait déjà du mal à concentrer son regard sur moi et il avait aussi du mal à respirer :

« Sam ! Reste avec moi ! Tu vas t’en sortir !

— Faut… Faut pas qu’il entre…

— Ne t'inquiète pas ! J’ai éteint toutes les lumières et j’ai barricadé la porte ! Il ne viendra pas !

— J’ai… J’ai froid…

— Je vais chercher de quoi te réchauffer et panser tes plaies ! Tiens le coup ! J’arrive tout de suite ! »

J’ai couru jusqu’à ma salle de bain et j’ai sorti la trousse de secours. J’ai de nouveau accouru vers Sam et j’ai commencé à maintenir la pression sur ses plaies pour stopper l’hémorragie. Je ne sais pas par quel miracle, mais, j’ai réussi à le garder en vie. J’ai mis un bandage sur sa blessure pour maintenir la pression en attendant qu’il reçoive de meilleurs soins. J’ai aussi mis une couverture sur son corps pour le réchauffer. J’ai bien sûr pensé à appeler les secours, mais, vu le chaos dehors, j’ai préféré y renoncer. Au lieu de ça, j’ai essayé d’interroger Sam sur ce qui était en train de se passer :

« Tu vas bien Sam ?!

— J’ai… J’ai toujours mal, mais… ça va un petit peu mieux…

— Normalement, t’es tiré d'affaire… enfin… pour le moment. Malheureusement, je ne peux rien faire pour la douleur. Va falloir que tu serres les dents jusqu’à ce qu’on aille à l’hosto.

— Merci…

— C’est normal. Qu’est-ce qui s’est passé ? J’y comprends absolument rien ! D’où viennent tous ces monstres ?!

— Le… Le loup garou…

— T’en fais pas ! Il ne viendra pas ici !

— Non… Tu ne comprends pas… C’est… C’est… »
Il a commencé à pleurer : « C’est… C’est mon fils… ».

J’ai été scotché par sa réponse :

« Ton… Ton fils ? Que… Qu’est-ce que tu racontes ? C’est… C’est impossible !

— C’est lui… Je l’ai vu…

— Comment ça ? Explique-moi.

— Je… J’étais en train de dormir quand j’ai entendu du bruit dans la chambre de Tim. Au début, je pensais qu’il jouait aux jeux vidéo. Je me suis donc levé pour aller le gronder quand j’ai entendu des cris inhumains qui venaient de sa chambre. Je suis rentré et… Oh Mon Dieu !

— Ça va aller, Sam. Continue.

— Il était en train de… de se transformer. Il avait l’air de souffrir… »

Je pouvais voir la tristesse dans ses yeux. Le pauvre ! Personne ne mérite un tel sort. Je l’ai réconforté tout en l’aidant à finir son histoire :

« Je suis là, Sam. T’en fais pas. Et après ?

— Quand il est devenu… cette chose, il a commencé à me poursuivre dans toute la maison. Et ensuite… Oh Mon Dieu ! Tim ! Mon petit garçon ! »

Il s’est totalement effondré. Je crois que je ne me suis jamais senti aussi impuissant de toute ma vie. Comment vous voulez dire à un homme d’avancer après qu’il ait vécu une telle chose ? À sa place, je ne le pourrais pas. Malgré tout, je devais l’emmener à l’hôpital le plus vite possible. J’ai donc dû puiser au plus profond de moi-même pour le convaincre de vivre :

« Sam ! Écoute-moi ! J’ai réussi à te rafistoler, mais tu n’es pas hors de danger pour autant. Il faut immédiatement qu’on aille à l’hôpital.

— À quoi bon ?! Mon fils est devenu un monstre ! T’entends John ?! Mon fils est devenu un monstre ! Ma seule raison de vivre s’est envolée ! Et tu veux que j’aille à l’hôpital ?!

— Il faut que tu restes calme et que tu gardes tes forces.

— Que je reste calme ?! Mon fils s’est transformé en monstre et s’est jeté sur moi ! Et tu me demandes de rester calme ?! »

Je sentais qu’il ne voulait rien entendre, alors j’ai décidé d’être plus convaincant :

« Ecoute Sam. Ce qui t’est arrivé est abominable. Même moi, je n’y comprends rien. Je sais que tu as envie d’hurler de douleur en ce moment… et je te comprends. Crois-moi. Ce qui se passe me révolte autant que toi. Mais il faut que tu vives ! Je t’en supplie ! Si tu ne le fais pas pour moi, fais-le pour Tim. Tu crois qu’il voudrait que son père baisse les bras ? Alors viens avec moi pour que je t’emmène à l’hôpital. S’il te plaît ! Je t’en supplie ! Je n’ai pas envie que tu meures ! »

Après lui avoir dit ça, il a séché ses larmes avant de se ressaisir :

« D’accord…

— OK ! Tiens-toi à moi. Je vais t’aider à te relever. »

Après qu’il soit debout, j’ai réfléchi à un moyen de sortir discrètement de chez moi pour rejoindre la voiture :

« OK ! On va attendre que les monstres regardent ailleurs pour se faufiler en douce, jusqu’à ma voiture. On ira ensuite à l’hôpital.

— Tu crois que ce sera possible en m’aidant à marcher ?

— La voiture n’est pas loin. On a nos chances.

— OK. Je te fais confiance. »

Mon trousseau de clés en main, j’ai surveillé les monstres par la fenêtre en guettant une ouverture. C’est au bout de deux minutes qui m’ont semblé interminables que les monstres se sont éloignés de la maison. J’ai su que c’était le moment idéal pour sortir. Avec Sam qui prenait appui sur moi, j’ai lentement ouvert la porte et nous nous sommes faufilés vers la voiture. Je peux vous dire que je suais à grosses gouttes ! Si l’un de ces monstres tournait ne serait-ce qu’un peu la tête, Sam et moi étions finis. Fort heureusement, le court trajet entre ma porte et la voiture s’est passé sans accroc. Nous sommes entrés avec discrétion dans la voiture et aider Sam à s’installer n’a pas été très long.

C’est pendant le court instant, entre le moment où j’ai inséré la clé et celui où la pensée de la tourner a germé dans mon esprit, que j’ai réalisé que la voiture ferait forcément du bruit en démarrant. Les monstres l’entendraient à coup sûr et se rueraient vers nous. Malheureusement, je ne me suis pas préparé mentalement à cette situation et j’ai inconsciemment tourné la clé. Au moment où le moteur a vrombit, j’ai entendu un hurlement animal loin derrière la voiture. J’ai regardé dans mon rétroviseur pour constater avec horreur que ce cri venait du loup-garou… Enfin, je veux dire… Tim. Il a commencé à courir vers nous à une vitesse affolante :

« Oh non ! Tim !

— Putain de merde ! Il faut qu’on se casse d’ici ! »

Je n’ai pas hésité une seule seconde. J’ai écrasé la pédale d’accélérateur et j’ai filé en ligne droite pour lui échapper. J’avais beau accélérer, Tim se rapprochait de plus en plus. En passant, d’autres monstres se jetaient sur la voiture, même s’ils se faisaient vite écraser.

C’est au bout d’une dizaine de kilomètres que j’ai remarqué que d’autres personnes se trouvaient derrière le rail de sécurité. Ils avaient dû fuir la catastrophe bien avant nous. J’ai pensé qu’ils avaient réussi à contacter la police et à trouver un autre endroit pour se mettre en sécurité. Ça ne voulait dire qu’une chose : la ville n’était plus sûre. Malheureusement pour eux, ils ont attiré l’attention de Tim. Il s’est immédiatement jeté sur eux et a commencé à les dévorer. Je n’ai pas osé regarder dans mon rétroviseur. Sam, lui, était en larmes. Imaginez une seconde voir son fils dévorer une autre personne. J’avais pitié de lui. Il ne fait aucun doute que ça le marquera à vie.

De mon côté, j’étais soulagé que Tim ne soit plus à notre poursuite. Je sais que c’est cruel de dire ça. Ces personnes ne méritaient pas de mourir de cette manière, mais c’était eux ou nous. Après ça, on a continué à rouler pendant une quinzaine de minutes jusqu’à ce qu’on arrive à l’hôpital. En arrivant, les médecins l’ont tout de suite pris en charge. Ils m’ont bien sûr demandé ce qui s’était passé, mais j’ai hésité à le leur dire, par peur qu’ils me prennent pour un fou. Néanmoins, j’ai dit qu’un animal l’avait blessé et que je l’avais transporté jusqu’ici. Ils n’ont pas cherché à en savoir plus et m’ont dit qu’ils allaient l’emmener pour le soigner. Avant de partir, Sam m’a agrippé le poignet et m’a regardé droit dans les yeux :

« John ?

— Oui Sam ?

— Merci.

— Tiens bon. Tu vas t’en sortir. »

Après ça, ils l’ont emmené sur un brancard et je ne l’ai plus revu. En sortant de l’hôpital, je me suis installé au volant de ma voiture et j’ai fixé le vide pendant plusieurs minutes. Je me posais LA question que tous les habitants se posaient : comment ça a pu arriver ? Je me disais : « Les monstres n’existent pas ! C’est juste de simples légendes pour se faire peur ! Rien de plus ! Alors comment ça peut être possible ? ». Alors que mon cerveau tentait de trouver du sens à tout ça, j’ai essayé tant bien que mal de regagner mon calme et de réfléchir posément.

D’après ce que m’avait dit Sam, ces monstres étaient en fait des personnes qui s’étaient subitement transformées. J’ai dit à voix haute : « Pauvre Tim ! Tu ne méritais pas ça ! » Soudain, un détail m’a interpellé. Ceux qui n’étaient pas transformés n’étaient que des adultes. J’ai d’abord cru que c’était une coïncidence et que c’était sans importance. C’était le cas, jusqu’à ce que je me dise qu’une telle chose ne pouvait pas être due au hasard. Ce qui venait d’arriver était si inattendu que ce détail anodin devait avoir son importance. Tim avait été transformé en loup-garou. Et si tous ces monstres étaient en fait des enfants ? À mesure que je réfléchissais, cette hypothèse me paraissait de plus en plus plausible. Je dirais même que c’était la seule qui me paraissait convaincante.

Venait maintenant la question du « Comment ? » J’ai bien sûr pensé à du paranormal ou ce genre de choses, même si cette théorie ne me plaisait pas. J’ai passé deux minutes à retourner la question dans tous les sens jusqu’à ce que mon esprit s’éclaircisse. Je ne saurais pas vous dire pour quelle raison, mais j’ai aussitôt pensé à lui. Est-ce que c’était parce qu’il venait d’arriver en ville ? Je ne sais pas. Le fait est que son nom n'arrêtait pas de revenir dans ma tête. Mon premier réflexe a été, bien sûr, de démolir cette hypothèse. Je n’ai pas arrêté de me dire : « Non ! C’est impossible ! C’est un gentil papy qui tient une modeste confiserie. Il ne peut pas être responsable de tout ça ! ».

J'essayais tant bien que mal de justifier mon déni à ce sujet. Cependant, le nom de M. Schwartz hantait mes pensées. Je n’arrivais pas à m’enlever de la tête qu’il puisse être mêlé à tout ça. Alors que je serrais le volant, j’ai réfléchi à quelle décision je devais prendre. Je ne vous cache pas que ça n’a pas été facile. Néanmoins, et après quelques minutes d’incertitude, j’ai démarré la voiture pour prendre la route en direction de la confiserie. En roulant, j’ai vu que le bord de la route était jonché de cadavres, mais qu’aucun monstre n’était présent dans les environs. Ils avaient dû retourner en ville pour tuer plus de personnes.

Après quelques minutes, je suis arrivé près de la confiserie. Alors que je pensais que des monstres allaient surgir de nulle part, j’ai été surpris de voir, à la place, des zombies et des squelettes au sol, troués de part en part. J’ai été soulagé de voir que quelqu’un avait finalement réussi à les abattre. Malheureusement, je n’avais pas le temps de me réjouir de ce spectacle. Je me suis donc dirigé vers la porte de la confiserie. En me collant à la vitre, j’ai vu qu’il n’y avait personne. L’état de la confiserie était identique par rapport à ma dernière visite et les lumières étaient toutes éteintes.

Au fond de moi, je me disais que c’était une mauvaise idée. Je n’arrêtai pas de répéter dans mon esprit que ce que j’étais sur le point de faire était stupide et que je devrais gentiment me mettre à l’abri. Cependant, une force irrésistible m’attirait vers la porte. Après quelques minutes d’hésitation, j’ai finalement toqué à la porte en criant : « M. Schwartz ?! Vous êtes là ?! C’est John ! Je suis venu vous rendre visite il y a quelques jours ! Ho hé ! Il y a quelqu’un ?! ». Je n’ai eu aucune réponse.

Je n'ai pas arrêté de me demander ce que je fichais ici. C’était évident qu’il était absent. Alors pourquoi je restais planté devant cette maudite porte comme un piqué ? Je n'arrêtais pas de faire les cent pas devant la porte. Je n’arrivais toujours pas à prendre une décision. Puis, sans crier gare, je me suis arrêté et j’ai poussé un juron en criant : « Et puis merde ! ». L’instant d’après, j’ai fait une chose dont je me croyais incapable. J’ai brisé l’un des carreaux de la porte et j’ai déverrouillé cette dernière.

En entrant, je me suis instinctivement dirigé vers l’arrière-boutique. Au fond de celle-ci, je me suis arrêté devant la fameuse porte de la dernière fois. Je me suis dit : « Cette fois, personne ne m’empêchera de descendre ! ». J’ai ouvert doucement la porte et j’ai pu confirmer que c’était bien un sous-sol plongé dans le noir. De faibles bruits mécaniques en émanaient, ce qui ne m’a pas du tout rassuré. Malgré ça, j’ai pris une profonde inspiration et j’ai descendu les marches une par une. Quand je suis arrivé en bas, j’ai essayé de chercher un interrupteur pour allumer la lumière. Quand j’ai enfin réussi à en trouver un, j’ai appuyé dessus sans hésiter. J’ai immédiatement été agressé par une lumière aveuglante.

En ouvrant les yeux, ma mâchoire est tombée à la renverse. On se serait à la fois cru dans un film de science-fiction et dans le laboratoire d’un savant fou. Il y avait une vingtaine de cuves qui contenaient chacune un monstre différent. Je ne sais pas pourquoi, mais je me suis soudainement rappelé des bonbons entreposés dans l’arrière-boutique. Je pouvais dire à l’œil nu qu’il y avait autant de bonbons différents que de monstres dans ces cuves. Toute la salle était d’ailleurs parsemée de bidons noirs dont la contenance avait l’air d’être de 60 litres. Certains portaient le pictogramme « Inflammable », « Explosif » ou encore « Toxique ». Ils étaient tous reliés aux cuves et, par conséquent, aux monstres, par de longs tuyaux transparents.

J’ai aussi remarqué une paillasse de laboratoire avec en son centre le kit du parfait petit chimiste. Néanmoins, c’est la grosse machine en métal au milieu de la pièce qui a attiré le plus mon attention. Elle ressemblait aux machines qu’utilisent les industries agroalimentaires pour fabriquer leurs produits à la chaîne. C’est de cet engin que devaient provenir les bruits métalliques que j’ai entendus. J’en ai conclu qu’il devait servir à fabriquer les bonbons et que c’était pour ça que M. Schwartz en avait autant.

Je ne comprenais absolument pas ce qui se passait. Qu’est-ce que c’était que cet endroit ? D’où venaient tous ces monstres ? Et surtout, qu’est-ce que trafiquait M. Schwartz ? J’ai soudain entendu du bruit dans le fond du sous-sol. Je n’y avais pas prêté attention, mais des cages étaient présentes dans l’un des coins de la pièce. Elles étaient recouvertes par un drap blanc et disposées à même le sol. Je me suis rapproché d’elles tout en ayant la boule au ventre. J’avais déjà vu assez de choses horribles comme ça et il était hors de question que je meure ce jour-là. Quand je suis arrivé aux niveaux des cages, j’ai lentement soulevé le drap blanc pour découvrir, avec horreur, des espèces de rats mutants de laboratoire. La plupart avaient la cervelle à l’air tandis que d’autres avaient une taille énorme, des griffes acérées et des crocs d’une longueur démesurée... Certains rats avaient même l’air fantomatique et nébuleux.

En revanche, le coin de chacune des cages m’a interpellé. Un des bonbons de M. Schwartz s’y trouvait et avait été à moitié grignoté par les rats mutants. En me voyant, l’un d’eux a commencé à se ruer vers la porte de sa cage, mais fort heureusement, celle-ci était très solide. Néanmoins, ça ne m’a pas empêché de sursauter en arrière et de m’éloigner des cages. Alors que j’avais une irrésistible envie de sortir d’ici, une voix s’est élevée derrière moi : « Qu’est-ce que vous en dites, mon garçon ? ».

Je me suis retourné pour trouver M. Schwartz en haut des escaliers, un fusil de chasse à la main. Il n’avait plus du tout son air sympathique de la dernière fois. À présent, son sourire était diabolique. Il a commencé à descendre les marches et a braqué son fusil sur moi :

« Voilà ce que la génétique, la chimie et une volonté inébranlable peuvent accomplir !

— Alors c’est vrai…C’est vraiment vous…

— Vous êtes plus fûté que vous en avez l’air. Vous êtes bien le seul à m’avoir démasqué.

— Espèce d’enfoiré ! C’étaient des enfants ! Pourquoi vous avez fait ça ?! Qu’est-ce qui vous est passé par la tête ?!

— Je vous conseille de baisser d’un ton ! Dois-je vous rappeler qui tient une arme ici ? À cette distance, je pourrais vous abattre comme un lapin. »

J’avais une furieuse envie de me jeter sur lui. Néanmoins, j’ai attendu une ouverture pour saisir son arme : 

« Je vous l’ai pourtant dit : la curiosité est un vilain défaut. Cette manie de vous mêler de ce qui ne vous regarde pas vient de causer votre perte.

— Qu’est-ce qui était vrai dans votre histoire ?! Ne me dites pas que c’était du pipeau ?! Dire que je vous ai cru !

— Je ne vous ai pas menti, mon garçon. J’ai passé 40 ans de ma vie à suivre les traces de mon père. Et à présent, c’est chose faite ! Votre petite ville n’était qu’un début. Tout le monde se souviendra de mes friandises et je deviendrai le nouveau « Roi du Sucre » !

— Vous êtes complètement cinglé !

— Votre opinion sur moi m’importe peu. Vous devriez plutôt vous faire du souci pour vous. Vous en savez beaucoup trop à mon sujet. Je ne peux pas vous laisser partir. Ils ne vous retrouveront jamais et ils penseront que l’une de mes créations vous a dévoré.

— Espèce d’ordure ! Vous ne vous en sortirez pas !

— Je ne compterai pas trop là-dessus à votre place.
 
— Allez en enfer !

— Voulez-vous que je vous dise, John ? Je vous apprécie beaucoup. Si on met de côté votre tendance à fouiner, vous êtes un jeune homme plutôt sympathique. Quel dommage que je doive vous éliminer. »

Il a commencé à poser son doigt sur la gâchette. J’ai fermé les yeux et j’ai attendu que ça se passe. Je crois que c’étaient les secondes les plus longues de ma vie : « Adieu mon garçon. C’était un plaisir. »

Alors que je pensais que tout était fini, des sirènes de police ont retenti à l'extérieur de la confiserie. M. Schwartz s’est retourné, ce qui m’a offert une belle ouverture pour me jeter sur lui. J’ai tenté de prendre son arme, mais il l’a tenue fermement entre ses mains. Il avait encore beaucoup de force pour un vieillard ! On n’a pas arrêté de se débattre dans la pièce en cassant deux ou trois choses au passage. Nous avons, dans notre lutte, renversé l’un des bidons avec le pictogramme « Inflammable ». Le liquide qu’il contenait s’est répandu sur une large zone du laboratoire. Malgré ça, nous avons continué à nous battre plus violemment encore. Soudain, M. Schwartz a accidentellement tiré un coup en direction du sol, ce qui a instantanément enflammé le liquide au sol : « Non ! Mon chef d'œuvre ! » 

Il a laissé son arme au sol et s’est vite rué vers les cuves. Pendant ce temps-là, le feu progressait lentement, mais sûrement, dans la pièce. De mon côté, je savais que j’avais très peu de temps pour m’enfuir de cet endroit. J’ai eu beaucoup de chance que les bidons soient éloignés les uns des autres. Ça m’a fait gagner un temps précieux et c’est probablement ce qui m’a sauvé la vie. J’ai monté les marches en trombe et j’ai couru jusqu’à la porte de la confiserie.

En sortant, j’ai tapé le plus grand sprint de ma vie le plus loin possible de la boutique. Quelques secondes après être parti, une gigantesque explosion a eu lieu et a emporté la confiserie et les bâtiments alentour. L’explosion était si énorme que le souffle m’a propulsé loin en avant et m’a fait atterrir sur un trottoir. Je crois que je suis resté sonné et allongé sur le sol pendant quelques minutes. Après m’être relevé non sans difficulté, j’ai vérifié que j’étais toujours entier. Je ne sais pas par quel miracle, mais je n’ai eu que des blessures superficielles.

Épuisé, j’ai fixé pendant un moment les flammes dévorer ce qui restait de la confiserie de M. Schwartz. La police et les pompiers sont venus quelques minutes plus tard pour éteindre l’incendie et m’interroger sur ce qui s’était passé. Je leur ai absolument tout dit. Je n’avais vraiment pas la force de mentir. Alors que je pensais qu’ils allaient me prendre pour un fou, ils m’ont cru sur parole. Je présumais qu’ils avaient reçu plusieurs signalements à propos de la catastrophe. Je voyais dans leurs yeux qu’ils étaient aussi terrifiés que moi. Ils m’ont raconté que tous les monstres avaient été éliminés et que la ville était à présent un endroit sûr. Malheureusement, le mal était déjà fait.

Il y a eu au total plus de 2000 victimes, sans compter les enfants qui se sont transformés en monstres. Halloween est devenu un jour de deuil, et plus tard un jour maudit pour le reste des habitants. Cependant, le fait que nous ayons tous partagé la même tragédie a étonnamment renforcé les liens au sein de notre communauté. Je crois que sans ce soutien mutuel durant cette terrible épreuve, notre ville se serait effondrée. Je sais que ça paraît immoral d’adorer encore cette fête après ce qui s’est passé. Néanmoins, ça me rappelle qu’avant cette catastrophe, Halloween était une journée où la joie et la bonne humeur étaient au rendez-vous. Si je n’avais pas ces beaux souvenirs en tête, je crois que je me morfondrais indéfiniment.

Je présume qu’à ce stade de l’histoire, vous devez sûrement vous demander ce qu’est devenu M. Schwartz ? En fouillant les décombres de la confiserie, la police a trouvé les restes de ses expériences, mais pas son cadavre. Je ne sais pas s’il a réussi à s’enfuir à temps, mais, si c’est le cas, je lui souhaite de ne croiser la route d’aucun d’entre nous.

Ce texte a été réalisé par Atlas et constitue sa propriété. Toute réutilisation, à des fins commerciales ou non, est proscrite sans son accord. Vous pouvez le contacter sur nos plateformes, nous tâcherons de vous y aider si besoin. L'équipe du Nécronomorial remercie également Seven et Aévor qui ont participé au processus d'analyse et de sélection conformément à la ligne éditoriale, et Neaoce et Griff qui se sont chargés de la correction et la mise en forme. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire