Quelle galère.
Bon, c'était un peu de ma faute, j'avais attendu le dernier moment pour trouver
un stage, du coup, ils en avaient trouvé un pour moi. Il faut dire qu'ils ne
rigolent pas à la Sorbonne. Même quand tu es un étudiant en lettres avec les
meilleures notes de ta promotion, tu n'as aucun traitement de faveur. Moi qui voulais
me la couler douce avec un stage dans une grande entreprise, sans trop de
travail... Et à présent, je me retrouvais dans un avion avec ce vieux fou.
« Toi qui veux devenir enseignant, nous t'avons trouvé un stage au
côté d'un professeur d’université très célèbre. Tu vas pouvoir beaucoup
apprendre de lui ! »
Tu parles. Célèbre, lui ? 30 ans avant, peut-être. Désormais, ce n'était plus qu'un vieux croulant qui parlait de fin du monde à longueur de temps. Par contre,
je devais bien l’admettre : ses connaissances des écrits anciens étaient impressionnantes. Il pouvait par exemple citer sans sourciller et d'une traite la
totalité d'un vieux parchemin trouvé en Égypte il y avait de ça 20 ans. Mais pour
le reste, il ne savait même pas utiliser un portable. C'était peut-être pour ça
qu'il avait besoin d'un stagiaire, après tout.
«Tu m'as l'air bien pensif mon garçon. Y a-t-il quelque chose qui
te tracasse ?
– Non, non, Professeur Blondeau, ce n'est rien... enfin, si, quand même.
Avons-nous vraiment le droit de voyager de la sorte alors que je ne suis qu'en
stage ?
– Ne t’inquiète pas pour ça, mon jeune ami. J'ai déjà prévenu ton école.
J'ai leur permission, nous pouvons aller où bon nous semble.
– Super génial... Et y a-t-il une raison particulière d'aller à
Lisbonne ?
– Bien sûr, il nous manque encore une personne dans l'équipe pour mener
à bien notre mission.
– Et vous ne voulez toujours pas me dire en quoi consiste cette mission
?
– Un peu de patience, mon jeune ami. Je te promets de tout te dire en
temps voulu. Tiens, nous arrivons à bon port...ugal... Haha, t'as saisi ?
– Oui... Nous reparlerons humour plus tard, si vous le voulez bien. En
attendant, attachez votre ceinture. »
Lisbonne était une ville magnifique, j'y étais déjà venu plusieurs fois, en
été. Ça ne m'aurait pas dérangé d'y rester plusieurs jours pour profiter de ce
beau soleil, mais le professeur avait d'autres projets, à priori. À l’aéroport, un
taxi nous attendait déjà.
....
Notre destination était une des merveilles du Portugal, le
"Monastère da Batalha". Pour y arriver, quelques heures de trajet
suffisaient. On part vers le nord, en direction de Pombal, puis Leiria, et on y
est. Pendant ce long trajet, le
professeur, suite à mes demandes incessantes, m'a parlé de notre équipier
mystère. Il s'agissait du Père Joao, un prêtre spécialisé dans les écrits
religieux. Encore selon le professeur, il était indispensable à notre voyage,
et il m’a également confié que ses connaissances valaient presque les siennes
quand il s'agissait d'écrits sur la religion chrétienne. Après quelques heures de
route, et une facture de taxi extrêmement salée, nous sommes enfin arrivés au
monastère. C'était bien une merveille, qui n’était d’ailleurs pas sans me
rappeler la cathédrale Notre Dame. Il fallait dire qu'en ces temps-là, les
architectes savaient faire dans le grandiose. J'ai pris énormément de photos du
monument, pour mon rapport de stage. À ce moment là, j’avais vraiment
l’impression d’être un touriste.
Alors que je m’apprêtais à entrer dans le monastère, j'ai été interpellé
par une statue qui trônait fièrement au milieu de la cour. Elle représentait un
homme en armure sur un cheval. Je ne savais pas pourquoi, mais celle-ci me
fascinait. Pourtant, d’ordinaire, les statues de ce genre ne me faisaient ni
chaud ni froid. Il n'y avait aucune inscription sur le socle, donc je ne
pouvais pas dire qui était ce cavalier. Je ne sais pas combien de temps je suis
resté là à admirer cette statue, mais suffisamment longtemps pour que le
professeur ait eu le temps de rentrer dans le monastère et d’en sortir avec un
homme. Le prêtre, sans doute.
Je m'attendais à voir un autre croulant, mais pas du tout. Il devait
avoir dans la trentaine. Un homme mince, aux cheveux mi-courts et à la barbe de
trois jours. Il semblait déjà prêt à partir, comme en témoignait sa valise.
« Meu velho amigo Joao... Prazer de ver te !
– O prazer e todo meu... Entao, este e que e o especialista em linguas
estrangeiras ? »
Ils me regardaient fixement... Peut-être attendaient-ils une réponse de
ma part, mais je n'avais pas compris un traître mot de ce qu'ils avaient baragouiné.
Je m'étais peut être spécialisé en langues étrangères, mais je n'avais jamais
appris un seul mot de portugais.
« Edgar, voici le Père Joao. Tu peux aussi l'appeler Jean.
– Enchanté, mon Père.
– Le plaisir est pour moi, mon fils. »
Il parlait français. Quel soulagement, je pensais que j'allais passer
des semaines à essayer de décrypter ce que se diraient les deux compères.
« Pierre, il faut que nous nous dépêchions, notre vol est à 20h00
précises. J'ai déjà réservé les places.
– Attendez, quel vol ? ai-je demandé, interloqué.
– Tu ne lui as rien dit ?
– Non... Il va falloir le briefer dans l'avion. Bah, nous aurons le
temps, vu les heures de voyage qui nous attendent. »
Des heures de voyages ? Mais où Diable allions-nous ? Je venais à peine
de commencer mon stage, et je n'en pouvais déjà plus. Je commençais
sérieusement à me demander si je n'aurais pas mieux fait de refuser ce stage, quitte
à perdre mon année.
...
Je n'ai eu ma réponse qu'une fois arrivé à l'aéroport de Porto. Notre
prochaine destination était... La Chine. Ce n'était pas la porte à coté, mais ce
n’était pas ça qui me préoccupait le plus : je me demandais vraiment ce
qu'on pouvait aller faire là-bas. Dans l’avion, je n'ai pas lâché le
Professeur, et j’ai tenté de le forcer à me dire quelle était notre mission et
ce que nous allions chercher en Chine. À ma grande surprise, je n’ai pas eu à
insister. Il s’est alors lancé.
« Mon garçon, que connais-tu de la Bible ?
– C'est le livre qui est à la base de la religion chrétienne, non ? Je
veux dire, je ne l'ai jamais lu, étant athée, mais j'imagine que c'est ça.
– Effectivement, c'est le texte fondateur du christianisme, tout ça.
Mais laisse-moi t'expliquer plus en détail. La Bible telle que nous la
connaissons est composée de l'Ancien et du Nouveau Testament. L'Ancien
raconte tout ce qui est antérieur à Jésus Christ. C'est un peu la Bible de la
religion Juive. Le Nouveau Testament retrace la vie de Jésus, et traite des
enseignements qu'il donna aux apôtres. Il regroupe donc les quatre Évangiles,
les Actes des Apôtres, les Épîtres et l'Apocalypse. C'est cette dernière qui
nous intéresse aujourd'hui. »
L’Apocalypse... La fin du monde. Encore ces délire qu'il ne cessait de
ressasser depuis que j'avais commencé mon stage avec lui.
« L'Apocalypse est le dernier livre du Nouveau Testament, et a été
écrit par Saint Jean. Enfin, c'est ce que tout le monde s'accorde à dire. L'auteur
de ce livre n'a jamais pu être identifié avec certitude. Et, jusqu'au mois
dernier, il était peu probable que nous obtenions un jour une réponse à ce
sujet. En effet, il y a un mois, des écrits anciens ont été découverts après qu'un
bombardement en Cisjordanie a fait s'écrouler de vieilles ruines, faisant
apparaître une sorte de tombeau. J'ai été appelé sur les lieux afin
d’identifier et de décoder ces parchemins, qui étaient conservés dans le
tombeau en question... Et je te le donne en mille : c'était une copie du livre
de l'Apocalypse, écrite en grec. Mais ce n'est pas tout, il y avait des choses écrites qui n’étaient pas
dans le livre de l'Apocalypse que nous connaissons. Des ajouts. Des textes
inédits ! »
C'était bizarre, je n'avais entendu parler de cette histoire nulle part.
Une telle découverte aurait pourtant dû alerter les médias du monde entier.
« C'est une histoire intéressante, professeur, mais ça ne me dit pas
quelle est cette mission dont vous me parlez à longueur de temps, ni pourquoi
nous voyageons vers la Chine en ce moment même...
– Laisse-moi finir, tu vas comprendre. Donc, dans ces textes inédits, il
est écrit certaines choses à propos de l'Apocalypse, et surtout des signes de
son arrivée imminente. Tu dois sûrement en connaître quelques-uns. Famine, Guerre, Mort, Conquête, les quatre cavaliers, les trompettes, tout ça, ça doit te
parler, si tu as un peu de culture générale. Et bien avant cela, selon ces
textes, il y aurait d'autres signes avant-coureurs qui pourraient nous prévenir
de son arrivée. Il est écrit qu'à travers le monde, les 7 péchés capitaux commenceraient
à détruire les humains. Quand la luxure, la gourmandise, la paresse, l’orgueil,
l'envie, la colère et l'avarice auront commencé à s'éveiller dans le cœur de
l’Homme, la machine sera en route, et il faudra préparer toute l'humanité à ce
qui va suivre. La fin du monde. »
Il avait l'art d’esquiver mes questions sans jamais vraiment y répondre.
« Une nouvelle fois, c'est fort intéressant, mais cela n'explique
toujours pas ce que nous faisons dans cet avion, et surtout, ce que JE fais là.
– Comme je te l'ai dit, certains phénomènes liés aux 7 péchés capitaux
sont susceptibles de se produire à travers le monde. Et si nous volons vers la
Chine, c'est que nous avons eu vent d'un de ces phénomènes. En effet, l'Église
elle-même nous a donné pour mission d'aller constater de nos yeux ces
phénomènes, de voir si tout cela est vrai, car ils ne valident toujours pas la
véracité de ces écrits. Et, avant de dire au monde entier que l'Apocalypse va
peut-être avoir lieu, il vaut mieux en être certain, histoire de ne pas
déclencher des émeutes partout.
– Et moi, du coup ? lui ai-je demandé.
– Tu as juste été au bon endroit au bon moment. J'ai demandé quelqu'un
qui savait parler plusieurs langues, et tu étais disponible. Et gratuitement,
qui plus est. C’était parfait. Quant au père Jean, il est là en tant que membre
mandaté par l'église, même si ses connaissances vont nous être d'une aide précieuse.
Voilà, tu sais tout. »
C'était beaucoup plus clair. Même si je devais avouer que j’étais toujours
sceptique sur l'objet de notre mission. J'allais découvrir de nouvelles choses.
J'allais voyager à travers le monde, peaufiner mes connaissances sur les
langues et les cultures étrangères. Et puis, mon mandarin étant un peu rouillé,
cela ne me ferait aucun mal de le travailler un peu.
J'avais une dernière question.
« Dites, professeur, je repense à ce dont vous m'avez parlé. Vous ne
trouvez pas bizarre que ces « phénomènes » se déclenchent si peu de
temps après avoir trouvé les écrits qui en parlent ? C'est bizarre comme
coïncidence, vous ne trouvez pas ?
- C'est... heu... En effet. Je ne peux pas te donner d’explication, car
je n’en ai pas. Maintenant, si tu me le permets, je vais dormir un peu. Le
voyage est encore long. »
Il a tourné la tête, et s'est endormi presque aussitôt. Pour ma part, je
n'avais pas sommeil. Je sentais que ce stage venait de passer du statut de « corvée » à celui « d'aventure ».
J’ai alors regardé par le hublot tout en me demandant quelles merveilles
j'allais voir. Après tout, un stage, c’est fait pour apprendre et découvrir de nouvelles
choses.
Texte de Kamus
Pas mal du tout hâte d'avoir la suite :)
RépondreSupprimerLe décor est planté, vivement la suite!
RépondreSupprimerC'est dommage pour un étudiant en lettres avec les meilleures notes de sa promotion de faire plein d'erreurs de concordance de temps quand même... :/
RépondreSupprimerDis-moi ce que tu lui reproches, à la concordance des temps de ce texte, ça me fait toujours rire les gens qui viennent "corriger".
RépondreSupprimerÇa me fait toujours rire les gens qui prennent de haut des personnes qui conseillent au sujet de l'orthographe. Soit il y a des erreurs et on les assume, en étant poli et en remerciant le correcteur, soit il n'y en a pas et ce n'est pas la peine de se plaindre.
SupprimerBizarre que ce "nouveau" texte de l'apocalypse soit écrit en hébreux alors que la langue d'origine du nouveau testament, c'est le grec...
RépondreSupprimerC'est exact, merci de signaler cette incohérence, que je vais changer de ce pas !
SupprimerPar rapport au 4 cavalier est-ce que ce sont eux qui ont inspiré les jeu Darksiders ?
RépondreSupprimerSans doute oui
SupprimerJe te tire mon chapeau Kamus, une entrée en matière bien alléchante digne d'un DA VINCI CODE ou d'un duo d'auteurs dont les noms m'échappent. Je vais de suite lire la suite !
RépondreSupprimerDébut qui donne vraiment envie de lire la suite !!! J'ai hâte de lire le prochain chapitre.
RépondreSupprimer... Alors c'est bien mignon de faire un texte sur un fondement biblique, et plus exactement le livre de l'Apocalypse, encore faudrait-il l'avoir lu : le chevalier Peste n'existe pas. Cela a toujours été Conquête, Guerre, Famine et Mort, bien qu'énormément d'oeuvres de fictions ayant voulu les employer se soient fourvoyées là dessus. Mais perso ça m'a sorti de l'histoire direct
RépondreSupprimerUne intro à l'histoire plutôt réussie, surtout lorsque l'on connaît la longévité de celle-ci. Les explications sont assez éclairantes; même si un travail de relecture est toujours nécessaire c'est normal.
RépondreSupprimerOn s'attache déjà à notre petit héros et à son désir d'aventures, à ses risques et périls ^^