Je ne sais pas comment commencer ce que je veux écrire aujourd’hui, mais je dois me dépêcher, je n’ai pas beaucoup de temps, la situation est devenue compliquée au bunker. Quand j’écrivais, des hurlements ont retenti. Je me suis précipité dehors en prenant mon arme au passage, et je suis arrivé devant un spectacle horrifiant. 2 des 6 lâcheurs gisaient déjà au sol, en charpie, tandis que les autres faisaient face à une véritable armée de créatures. Toutes celles qui auraient du nous attaquer ces derniers temps avaient l’air de s’être rassemblées et d’avoir attendu le moment opportun. Cependant, et c’était peut être ça le plus flippant, la plupart restait un peu en retrait et observait simplement le spectacle de quelques unes de leurs congénères en train de jouer avec leurs proies. On aurait dit un combat entre des gladiateurs et des lions dans une arène, sauf que le public aurait été composé de ces derniers. Un bon nombre des nôtres tirait sur les bêtes, et ils en abattaient quelques unes, mais elles n’en avaient cure. En fait, elles attendaient quelque chose qui s’est produit dans les minutes qui suivirent.
Une violente explosion a fait voler en miettes une partie de nos barbelés, tuant deux personnes qui s’étaient placées trop près et blessant grièvement une troisième qui s’est retrouvée lacérée par les bouts de métal. Le souffle en a projeté quelques autres, dont moi, à terre. On a été sonnés quelques instants, avant de comprendre ce qui s’était passé. Parmi les fuyards encore vivants, l’un d’eux avait à sa disposition des grenades, et il avait tenté de s’en servir, sauf que, sans que l’on sache comment, l’une des bêtes avait réussi à dévier la trajectoire vers nous, déclenchant les mines les plus proches lorsque la grenade a touché le sol. Maintenant, celles qui étaient en arrière s’agitaient et grognaient dans un concert cauchemardesque. Si l’on y prêtait attention, on avait l’impression d’entendre un rire sinistre prendre naissance dans le chœur infernal. Ce moment sonna également le glas des fuyards, qui furent massacrés sans plus attendre, comme si les créatures s’étaient lassées de leur petit jeu.
C’est là que je me suis aperçu que Frank était à coté de moi. Je l’ai entendu qui me disait que les abominations jouaient avec nos nerfs, que le silence des jours précédents n’avait pour but que de provoquer ce qui venait de se passer, et qu’il ne s’agissait que d’une manœuvre pour nous prouver qu’elles étaient les plus fortes et les plus malignes. Comme pour confirmer ses dires, nos assaillants continuaient leurs cris et leurs grognements mais n’attaquaient pas, malgré la brèche dans nos défenses. Les nôtres ne tiraient plus, ils étaient tous livides, leur terreur se sentait de loin, certains s’étaient retirés dans les bâtiments, d’autres avaient simplement lâché leurs armes et s’étaient roulés en boule sur le sol, certains pleuraient même. Nous n’étions que quatre à être restés debout, moi, Frank, et deux autres dont je ne connaissais pas encore le nom, une africaine et un asiatique. Mis à part le vétéran, cependant, aucun de nous ne parvenait à garder son calme, nous étions tous pris de tremblements.
Une seconde explosion a retenti, plus loin cette fois. Une des bêtes avait du activer une mine. Frank était allé les réactiver. Je ne m’étais même pas aperçu qu’il était parti. Il est revenu, l’air de rien, et a lancé un regard de défi aux monstres, qui ont cessé de s’agiter. Après un moment qui m’a semblé des jours entiers, les bêtes se sont détournées et ont fait comme si nous n’existions plus. Des chiens sont arrivés et ont commencé à creuser la terre non loin de notre bunker, en gardant toutefois une bonne distance avec les mines. J’ai pensé qu’ils voulaient passer par-dessous, mais le militaire a chassé cette idée. « Ils s’installent. Ils savent qu’on ne peut pas tous les tuer. Ils vont rester à nous observer jusqu’à ce qu’on craque. On est assiégés. » C’est ça qu’il a dit. Je me demande si ce n’est pas pire que mon idée, les nerfs de certains risquent de ne pas tenir.
D’une manière ou d’une autre, on a tous fini par rentrer. Le silence était désormais interrompu par un bruissement au loin qui nous rappelait la présence de nos ennemis. On a essayé de s’occuper du blessé. Son état était inquiétant, la moitié de son visage et de son torse était brûlée, des blessures profondes causées par les éclats de métal sillonnaient son corps, et du fil barbelé saillait de bon nombre de celles-ci. La douleur était telle qu’il s’était évanoui. Frank a demandé à ceux qui étaient encore debout d’aller chercher du linge, de l’eau, de l’alcool et une pince. On ne savait pas s’il savait ce qu’il faisait, mais on lui a obéi, on ne savait pas quoi faire d’autre. Il nous a clairement dit qu’il fallait retirer le maximum de barbelé possible en premier lieu pour limiter les risques d’infection et qu’on devrait compresser les plaies ouvertes pour arrêter les hémorragies. Il a demandé à ce qu’on s’enferme, car ça n’allait pas être beau à voir, et que ceux qui ne pouvaient pas supporter ça aillent rassurer les autres, car il y aurait certainement des cris. On ne pouvait pas l’anesthésier et rien ne garantissait qu’il resterait dans les vapes. De plus, il avait besoin d’espace, il était donc inutile qu’on soit dix à rester, un groupe de trois qui serait relevé par un autre un peu plus tard suffirait. J’ai été mis dans le second groupe.
Après qu’on ait verrouillé la porte, je suis retourné auprès de Lili. Jonas n’avait absolument aucune idée de ce qu’elle avait, mais lui avait donné des antibiotiques pour voir si cela changeait quelque chose. J’espérais que ça aurait un effet quelconque et qu’elle serait bien vite sur pieds. Jonas m’a dit de rester auprès d’elle et de le prévenir s’il se passait quoi que ce soit, puis il est parti. Illyria dormait à poings fermés, et elle était toujours aussi blanche. Elle me faisait vraiment peur. Mais je n’ai pas beaucoup pu m’attarder dessus, car des hurlements de douleur ont retenti. Le blessé devait être réveillé. Je frissonnais rien qu’à l’idée d’être à sa place, et je me si je pourrais faire ce que j’avais à faire quand ce serait mon tour. Les bêtes aussi devaient entendre ces cris, car après quelques minutes quelques unes sont venues se placer le plus près possible et ont ajouté leurs cris aux siens, comme pour nous narguer. Énervés, deux d’entre nous ont attrapé des kalachnikovs et sont allés les canarder, mais la lumière déclinait, et ils n’en ont eu qu’une seule.
Ensuite, ça a été mon tour d’aller aider Frank. Les trois autres sont sortis couverts de sang et l’air choqués. Et quand je suis rentré dans la pièce, j’ai compris pourquoi. C’était une véritable boucherie. Le militaire avait arraché un nombre impressionnant de morceaux de fil barbelé qu’il avait jeté sur un t-shirt, mais il en restait encore quelques uns. Des vêtements transformés en compresses usagées gisaient un peu partout, imbibés du liquide rouge qui maculait également le sol. Le militaire lui-même en avait plein les mains. Mais le pire, c’était le blessé, qui semblait avoir encore plus de plaies ouvertes qu’avant. Malgré les efforts pour comprimer les veines du malheureux avec du tissu noué autour de ses membres, il saignait abondamment. J’ai eu un haut-le-cœur, et là Frank a gueulé que ce n’était pas le moment de dégobiller et qu’on ferait mieux de venir l’aider à maintenir les compresses en place. Le blessé, lui, s’était de nouveau évanoui à cause de la douleur.
On est sortis de notre stupeur et on s’est dépêchés de faire ce qui nous avait été dit. Frank retirait méticuleusement les morceaux de métal tandis que nous appuyons du mieux que nous pouvions pour éviter à la victime de perdre davantage de sang, mais intérieurement, je doutais de l’utilité de ce que nous faisions. On pouvait encore à peine sentir son pouls, et de toute manière il y avait tellement de sang par terre que je pouvais raisonnablement penser qu’il avait besoin d’une transfusion pour survivre, ce que nous étions incapables de faire. C’est quand le militaire a commencé à parler de cautériser les plaies que j’ai fait part de mes doutes. Il me semblait évident que, de toute manière, vu la gravité de ses brûlures, il ne ferait pas long feu, et que la cautérisation ne ferait qu'aggraver ses souffrances pour rien. Lui m’a regardé d’un air sombre, s’est un peu enflammé en disant que depuis le début, on avait déjà perdu quasiment la moitié d’entre nous, et qu’on ne pouvait pas se permettre de laisser le nombre de victimes s’accroître. Il a ensuite repris son travail sans espoir. J’étais d’accord avec lui, mais que faisions-nous quand quelqu’un était déjà perdu ?
Comme on arrivait pas à stopper toutes les hémorragies, Frank a fini par s’agacer et est sorti de la pièce en trombe, nous laissant là, désarçonnés. Mais il est revenu bien vite, a poussé l’homme qui était à ma droite et a répandu un genre de poudre noire sur la blessure qui avait recommencé à saigner. Puis, avant que quiconque ne comprenne ce qu’il avait en tête, il a allumé un de ses briquets et l’a approché de la plaie ouverte, qui s’est mise à flamber. Là, on a compris : il avait pris un peu de poudre, certainement dans les munitions, et comptait refermer de force les blessures. La douleur a réveillé le malheureux, qui s’est remis à hurler. Il nous a supplié de le tuer, il ne voulait plus qu’on le sauve, c’était trop dur pour lui. Il a essayé de m’agripper et a raconté quelque chose à propos de l’ordinateur et de sa fille, mais le militaire l’a immobilisé et a commencé à verser de la poudre ailleurs, intensifiant les cris de la victime. Le spectacle devenait vraiment macabre, d’autant que les bêtes dehors continuaient d’accompagner les hurlements. Moi et les deux autres étions figés, impuissants.
Je ne sais pas combien de temps ça a pris avant que les cris ne cessent. Mais au bout d’un moment, il a fini par lâcher. De tous les morts de la journée, c’était sans doute lui qui avait eu la pire. Et nous, on avait vu ce que ça faisait quand Frank pétait son câble. Lui qui, d’habitude, était absolument impassible, que rien ne pouvait atteindre, il avait fini par perdre son sang-froid. Savoir que même le plus apte à survivre d’entre nous n’en était pas à l’abri a fait chuter le moral de beaucoup. Le militaire, après avoir remarqué qu’il s’agitait en vain sur un cadavre, est sorti en claquant la porte et est allé se passer les nerfs sur les créatures. Il a gâché pas mal de jacks, mais on l’a laissé faire, personne n’avait le courage de s’opposer à lui. De toute manière, nous avions autre chose à penser : que faire du corps ? Il allait bientôt commencer à se décomposer, et on ne pouvait simplement le laisser dans cette pièce. L’un de nous a proposé de le laisser dehors, en suggérant qu’on aurait peut être un peu la paix avec nos ennemis, mais les regards noirs l’ont fait taire bien vite. Finalement, on s’est décidés à l’enterrer derrière le bâtiment sud. On s’est dépêchés d’envelopper le mort dans des couvertures et de l’y emmener, et on a commencé à creuser. Très vite, on a senti des yeux inhumains posés sur nous, mais on n’y a pas prêté attention.
Après quelques heures, le jour a commencé à se lever, et on avait terminé la tombe. Les autres sont arrivés quand on l’a déposé au fond, et puis quelqu’un a demandé s’il connaissait des gens qui voudraient dire quelques mots, mais personne ne s’est désigné, les dernières personnes qui savaient qui il était avaient été massacrées la veille. Finalement, une grosse voix s’est élevée de derrière l’assemblée. Frank avait lâché son arme pour assister à l’enterrement. Il a dit qu’il ne se rappelait déjà plus de son nom, mais qu’il était mort pour protéger le bunker et que c’était héroïque. Qu’il avait souffert jusqu’à la fin, plus que tous les autres qui étaient partis avant lui, et que pour cela, il méritait une sépulture digne de ce nom. À ces mots, certains l’ont regardé d’un air bizarre, car tous savaient que c’était lui qui avait été la cause de ses dernières souffrances, mais personne n’a rien rajouté.
Je dois m’interrompre pour le moment, je reprendrai plus tard si j’en ai l’occasion.
Texte de Magnosa
J'aime beaucoup cette histoire, on se remet vite dans l'ambiance et les personnages sont intéressants. Hâte de lire la suite !
RépondreSupprimerHey Magnosa tu devrais ptetre aussi la mettre sur Wattpat (ou chez pas quoi si ya d'autres sites plus generaux) car franchement tu mérites que plus de gens te lise, c'est super comme histoire
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