- Chapitre 1 : Prologue
- Chapitre 2 : Gourmandise
- Chapitre 3 : Envie
- Chapitre 4 : Avarice
- Chapitre 5 : Orgueil
- Chapitre 6 : Colère
- Chapitre 7 : Luxure
***
Ma dernière mission. Cela faisait déjà plusieurs mois que je m’étais retrouvé malgré moi dans cette aventure sur fond de fin du monde, et dans quelques temps, tout allait prendre fin. Je me demandais si, après avoir vu ce dont j’avais été témoin, j’allais réussir à retourner à ma petite vie tranquille. Une vie terne, routinière et monotone, mais une vie tranquille. Une vie qui ne me ferait pas appréhender chaque coin de rue, craindre chaque silhouette aperçue du coin de l’œil.
Un mort revenu à la vie. Un homme arrachant les poumons d'un autre. J’avais même assisté à une orgie colossale, à l’intérieur même d'une église.
J’avais vécu en quelques mois ce que certains ne vivent pas un une vie entière. J'aurais dû être excité, comme après avoir fait toutes les attractions d’un parc. Pourtant, je ne ressentais rien. La seule chose qui me poussait vers l'avant, c'était la hâte que tout se termine.
En y pensant, je n’avais jamais rien voulu, dans ma vie. Je n’avais jamais été premier dans quoi que ce soit. Ni dernier, certes. J’étais une personne lambda, goutte d'eau perdue au milieu d'une rivière. Le gentil garçon qu’on ne remarque pas. Et pourtant, le professeur Blondeau m’avait choisi, moi. Parmi tant d’autres personnes tellement plus compétentes. Moi qui n’avais rien de particulier. Moi qui n'étais rien. Qui ne voulais rien. Qui n’avais aucun rêve.
Et maintenant, au bout du compte, j’apprenais que j'étais spécial. Néanmoins, je me méfiais de la parole du Père Jean. Après tout, il n'avait cherché qu'à m’attirer dans son piège. Mais le professeur me l’avait confirmé : il y avait bel et bien quelque chose de spécial, en moi. Et je saurai pourquoi après cette dernière mission, il me l'avait juré.
Le professeur, me voyant pensif, m’a interpellé :
« Tu as l’air perdu dans tes pensées, mon garçon. Quelque chose te tracasse ?
- Je pense avoir beaucoup de raisons pour lesquelles je devrais être « tracassé », professeur.
- Ce n’est pas faux. Ça en fait beaucoup pour un garçon de ton âge. Mais tu dois être fort. On connaîtra bientôt le dénouement de cette histoire. »
Avant que nous ne prenions notre vol, le professeur m’a donné quelques détails, tout en se montrant le plus évasif possible. Notre destination était l'une des villes les plus actives du monde, New York. Là-bas nous attendait la dernière relique, celle de la Paresse. Mais le professeur m'a laissé entendre qu'il n’y avait pas que ça. Là-bas nous attendait quelqu’un de très important, quelqu'un qui allait nous aider à sauver le monde.
Pour cette dernière mission, nous étions accompagnés de deux gardes du Vatican. Deux grands gaillards, armés jusqu’aux dents. Ils ne pourraient néanmoins pas s'approcher de la relique, n'ayant pas d'anneau pour se prémunir de son influence. Leur mission principale était de protéger l’Arche, qui nous avait accompagnés dans notre avion privé.
En réalité, je n’avais plus d’anneau moi non plus. Les sbires du Père Jean me l’avaient arraché du doigt dans la basilique Saint Pierre. Je l’avais notifié au professeur, qui m’avait répondu que je n’avais de toute évidence pas subi l’influence de la relique de la Luxure, que je semblais donc être immunisé à leurs effets pervers. Dans tous les cas, si je montrais le moindre signe que la relique avait de l’effet sur moi, il m'avait assuré qu'il se chargerait lui-même de me ramener en sécurité près de l’Arche.
Notre avion s’est posé en périphérie de la ville, pour ne pas prendre de risques vis-à-vis des membres de l’équipage et des gardes du Vatican.
Nous ne savions pas encore quelle ampleur avait pris l’effet de la relique. Comme me l'avait expliqué le Pape, les effets des reliques agissaient comme un virus. Plus il y avait de monde affecté par la relique, plus les effets se propageaient loin et plus rapidement. Au vu de la taille de New York et de la quantité d’habitants peuplant la ville, il allait falloir redoubler de vigilance.
Une voiture nous attendait près de notre lieu d’atterrissage. Pour plus de sécurité, pas de chauffeur cette fois-ci. C'était le professeur qui se chargerait de nous conduire à bon port.
Une fois le volant entre les mains du professeur Blondeau, il ne nous pas fallu plus d'une demi-heure pour atteindre l'entrée de la ville. Alors que nous continuions de rouler en direction de celle-ci, j’ai demandé au professeur ce qui nous attendait là-bas. Encore une fois, il s’est montré évasif.
« Le pouvoir de la relique semble s’être manifesté peu de temps avant ta venue au Vatican. Les médias n’en parlent pas encore, mais… La ville est en quarantaine. Personne n’est censé en sortir ou y rentrer. Nous avons bien sûr une autorisation, donnée par le Président Trump en personne. Enfin, inutile de dire que le Pape lui a personnellement demandé, il n'aurait sinon aucune raison de laisser pénétrer deux étrangers dans une zone sous quarantaine.
- Et pour la personne que nous devons rencontrer ? Qui est-ce ?
- Comme je ne suis pas encore sûr qu'elle se trouve bien dans les environs, je préfère te le dire une fois la relique mise en sécurité. Sinon, tu risques de ne plus être concentré sur notre mission. Disons simplement que c’est une personne très importante pour la survie de ce monde. On nous a signalé que quelqu’un lui ressemblant arpenterait les rues de New York.
- Encore et toujours des cachotteries, n’est-ce pas ? J’espère vraiment que vous tiendrez votre promesse et que vous me raconterez tout une fois notre mission terminée. Car sinon, apocalypse ou pas, je rentre chez moi fissa.
- Je comprends, je ferais la même chose à ta place. Je te demande juste encore un peu de patience. Ah, nous arrivons en zone de quarantaine. »
J'ai levé les yeux. Un gigantesque embouteillage stagnait à l’entrée de la ville, empêchant quiconque l'aurait voulu d'entrer ou sortir. Les centaines de voitures agglutinées là se faisaient sommer de faire demi-tour et de rentrer chez eux par l’armée. De l’autre côté de la barrière de sécurité pourtant, il ne semblait pas y avoir grande-monde qui voulait sortir. C’était très bizarre, et cela ne présageait rien de bon quant au sort des habitants de la ville.
Une fois arrivés au niveau des militaires, le professeur est sorti de la voiture et est parti discuter avec l'un des gardes. Je l’ai vu sortir un papier de sa poche, et après quelques coups de fils passés par l'homme en uniforme, le professeur est revenu vers moi.
« Dis-moi, mon garçon, comment te sens-tu sur un deux-roues ?
- Heu, et bien… J’ai un scooter dont je me sers pour me rendre à l’université. Mais pourquoi cette question ?
- C’est parfait, descends de la voiture et suis-moi. »
Nous sommes passés de l’autre côté de la barrière de sécurité. Le professeur m’a alors montré notre nouveau moyen de locomotion, deux superbes destriers qui nous attendaient fièrement à côté de la barrière : des trottinettes électriques. Je n’espérais rien de particulier, mais j’étais quand même assez déçu. Allez savoir pourquoi.
« Quand vous m’avez demandé si j’étais à l’aise sur un deux-roues, je pensais plus à une moto ou à un scooter. Pas à ça…
- C’est la seule chose que nous avons à disposition, malheureusement.
- Et la voiture ? Pourquoi la laisser là ?
- Car, selon les gardes, toutes les routes sont bouchées dans la ville. Et quelque chose me dit que l’on va vite découvrir pourquoi... »
Et force a été de constater qu'il avait raison. Dix minutes après avoir commencé à arpenter les rues au volant de notre superbe trottinette, une odeur fétide s'est immiscée nos narines. Une puanteur atroce, une odeur de putréfaction, de mort. C'est en s’enfonçant plus loin dans les rue de la « Grosse Pomme », que nous avons fini par découvrir d’où provenait ce relent.
Comme me l'avait annoncé le professeur, même au cœur de la ville, les routes étaient en effet impraticables. Il n'y avait pas d'accident visible, ni même de carambolage. Les voitures semblaient simplement s’être toutes arrêtées d’un coup, pour ne jamais repartir. Le moteur de certaines d'entre elles ronronnait même encore.
A l’intérieur de tous les habitacles au travers desquels j'ai risqué un coup d'oeil, conducteurs et passagers étaient toujours là. Cependant, aucun d'entre eux ne semblait en état de répondre à nos multiples questions, et pour cause : ils étaient amorphes. Lorsque nous leur adressions la parole, ils se contentaient de continuer à fixer l’horizon d'un regard vide, sans rien dire. Nous avions beau les bousculer, leur hurler dans le tympan, rien n'y faisait. Ils semblaient simplement vidés de leur énergie, comme s'il n'étaient plus que des enveloppes charnelles, des sacs de viande dénués d’âme.
Quant à l’odeur, elle pouvait s’expliquer par le fait qu’ils avaient tous fini par faire leurs besoins sur place.
N'échappant pas à la léthargie qui frappait tous les conducteurs et passagers des véhicules obstruant la rue, les trottoirs étaient jonchés de personnes dans le même état. Que des coquilles vides au regard vague.
En apercevant une poussette, j’ai tout de suite pensé au pire. Je me suis précipité vers celle-ci, en espérant de tout coeur qu’elle soit vide. Malheureusement, ce n'était pas le cas.
A l’intérieur se trouvait un bébé. Enfin, ce qu’il en restait. Il était sûrement mort de déshydratation. Sa mère devait être la femme allongée à même le trottoir, à côté de la poussette, un biberon d’eau à la main.
Le spectacle était horrible. Les rues de New York, autrefois si vivantes, étaient maintenant complètement silencieuses. Des centaines et des centaines de personnes restaient là, allongées au sol ou prostrées dans leur véhicule, complètement amorphes.
La ville était complètement morte. Et elle le resterait si nous ne trouvions pas la relique dans les temps.
« Professeur, il n’y a pas de temps à perdre. Tous ces gens vont mourir de déshydratation si nous ne mettons pas au plus vite la relique dans l’Arche.
- Tu as raison. Je ne pensais pas trouver la ville dans un état si critique. La relique de la paresse est redoutable… mais comment la trouver ? Il n’y a plus personne pour nous guider. »
Il n’avait pas tort sur ce coup-là. C’était comme rechercher une aiguille dans une botte de foin. Mais en toisant les centaines de corps immobiles couchés sur le sol grisâtre, quelque chose m'a frappé.
« Professeur, ne remarquez-vous pas quelque chose de bizarre avec tous ces gens allongés dans la rue ?
- A part leur odeur, non, pas grand-chose.
- Si, regardez. Ils sont tous allongés dans la même direction.
- Maintenant que tu le dis… Oui, on dirait bien que tu as raison.
- Si nous suivons la direction indiquée par les corps, peut-être que nous tomberons sur la relique. Ça vaut le coup d’essayer, non ?
- C’est une bonne piste, et la seule que nous ayons. Allons-y sans tarder »
Nous avons donc suivi la direction indiqué par les victimes de la relique, et avons fini par arriver devant une petite maison, dont l'apparence relativement simple tranchait violemment avec le reste de la ville. Je me demandais même comment une maisonnette à l’aspect si sobre pouvait exister en plein milieu de New York. Mais nous n’avions pas le temps de nous interroger sur ces détails, il fallait récupérer la relique le plus vite possible. Nous espérions vraiment la trouver ici, car les batteries de nos trottinettes électriques s’étaient épuisées depuis longtemps, et bientôt, ce seraient nos jambes qui s'épuiseraient.
La porte de la maison étant ouverte, nous avons pénétré à l’intérieur.
En quinconce avec sa façade, l’intérieur de la maison était vétuste, et elle semblait vide. Les mains en porte-voix, nous avons hélé tout éventuel occupant de la bâtisse, mais aucune réponse ne nous est parvenue.
Nous sommes donc montés à l'étage, et j'ai ouvert la première porte qui se présentait à moi, révélant une chambre baignant dans cette même simplicité qui caractérisait la maison. Au fond de la pièce, sur un lit à l'aspect rustique, un homme était allongé.
Je n'ai pas pu l’expliquer, mais lorsque j'ai vu cet homme allongé là, une larme a coulé sur ma joue.
Je n’éprouvais aucune tristesse, et pourtant, la vue de cet inconnu couché devant moi a arraché à mes yeux un torrent de larmes silencieuses.
Il était grand, avait les cheveux longs, portait une barbe et était noir de peau. Il était allongé sur le lit en croix, les bras ouverts à l'horizontale, un pied posé sur l’autre. La partie inférieure de son corps était recouverte d’un drap blanc très fin. Je me suis approché de lui, et ai vérifié son pouls.
Il était déjà mort.
Le professeur est entré dans la pièce peu après moi, et dès qu'il a aperçu l’homme sur le lit, j'ai pu voir ses traits se décomposer. Il m’a attrapé par l’épaule, et m’a violemment tiré vers l’arrière.
« Ne l’approche pas !"
Un peu abasourdi par sa réaction, je me suis dégagé, et lui ai annoncé que cet homme était mort, visiblement bien avant notre arrivée.. A ces mots, l'expression du professeur a viré au désespoir pur.
« Non… Ce n’est pas possible… Mon Dieu, non… »
Il m’a alors regardé, les yeux embués de larmes. Comme ça avait été mon cas quelques secondes auparavant, elles ruisselaient sur ses joues. Mais contrairement à moi, le professeur pleurait réellement.
« C’est fini. Il n’y a plus d’espoir. Il était censé revenir pour nous sauver. Il était censé nous aider à combattre le Mal… A éviter notre fin à tous.
- Comment ça ? Attendez… C’était lui la personne que nous devions rencontrer ici ? Qui est-il ? »
Le professeur a essuyé ses larmes, et a tendrement posé ses mains sur les joues de l’homme.
« Cet homme est celui qui devait sauver l’humanité. Notre Sauveur. Notre Messie…
- Attendez, vous voulez dire que…
- Oui… Il s’agit de Jésus Christ… Et il est mort. Comment nous sauvera-t-il, maintenant ? »
En le regardant de plus près, j'ai remarqué qu'il ressemblait en effet aux représentations qu’on faisait de Jésus dans la culture populaire. Hormis sa couleur de peau, cela dit. De plus, j’aurais dû le voir plus tôt, mais la position dans laquelle il était mort évoquait sans nul doute la posture qu’il avait lors de sa crucifixion.
Le professeur était inconsolable. J'aurais dû l’être aussi, puisqu’il m’avait annoncé plus ou moins clairement que la fin du monde était inévitable… Mais, rien. Avec un reniflement sonore, le professeur Blondeau a recouvert le visage du christ avec le drap qui était posé sur son corps.
J’ai fait le tour de la pièce, espérant trouver un indice sur la relique de la Paresse. Mais tout ce que j’ai pu trouver, c’est une boite de pilules et une lettre, que je me suis empressé de lire. Elle était rédigée dans un parfait anglais.
« Professeur… Je pense que la relique de la Paresse est encore ici… Et qu’elle a été « activée » par nul autre que Jésus lui-même…
- Comment peux-tu dire ça ?
- Ce n’est pas moi qui le dis. Je l’ai simplement déduit après lecture de cette lettre.
- Quelle lettre ? Qu’est-ce que c’est ?
- Professeur… C’est une lettre d’adieu. Elle date de trois jours »
***
« A ceux qui liront cette lettre… Je suis désolé.
Je suis censé tous vous sauver. Mais la vérité est que vous ne le méritez pas.
Cela fait plusieurs mois que j’ai été renvoyé sur terre pour accomplir mon devoir de sauveur. J’ai parcouru le monde, de villes en villes, de pays en pays, de continents en continents. J’ai arpenté énormément de rues de ce monde, pour finir dans cette maison, au beau milieu de cette riche ville américaine.
Durant tous ces mois, j’ai pu côtoyer toutes sortes de personnes. Des pauvres, des riches. Des hommes, des femmes, des personnes qui n’étaient ni l’un ni l’autre. Et tout ce que j’ai pu retenir de mes pérégrinations, c’est que l’homme est mauvais.
Je vous l’avais pourtant demandé : aimez-vous les uns les autres. Aime ton prochain comme toi-même. Et pourtant, je n’ai vu que trop peu de bonté, noyée au milieu de tout cet individualisme.
Chacun ne pense qu’à soi, et ne veut que son propre bonheur, au détriment des autres. Je n’ai vu que haine, vanité et cruauté.
Je suis mort pour vos péchés sur la croix. Mais maintenant, mille morts ne suffiraient pas à racheter le quart de vos péchés.
L’humanité ne mérite pas de survivre. Elle ne mérite pas d’être sauvée.
Je refuse de vous aider. Je suis désolé.
Je vais juste m’allonger sur ce lit, et faire en sorte de ne plus bouger. Je ne lèverai pas le petit doigt pour empêcher l’Apocalypse.
Je vais mourir, comme la dernière fois, mais je ne mourrai pas pour vous. Cette fois, cette mort est la mienne. Et elle sera sans souffrance.
Je vais rejoindre mon Père dans les Cieux. Puissent les rares personnes ayant encore un cœur pur me rejoindre là-haut.
Ne les pardonnez plus, Père. Car ils savent très bien ce qu'ils font.
Jésus de Nazareth. »
***
Après la lecture de ce texte, le professeur s’est affalé sur une chaise. Il s’est pris la tête à deux mains pendant quelques secondes, puis s’est levé. Il a alors fixé le mur en face de lui, avant de donner un coup de poing dans celui-ci. J’assistais à la scène, sans oser prendre la parole.
Après quelques minutes de tension, il s'est calmé, puis s’est de nouveau affalé sur la chaise. Il semblait vraiment désespéré, plus que jamais.
« Professeur… Est-ce vraiment Jésus Christ, mort sur ce lit ? Je veux dire, il s’est visiblement suicidé… Dans la religion chrétienne, le suicide est quelque chose d’interdit, qui conduit directement en Enfer… Il n’aurait jamais pu faire ça…
- C’est bien lui, Edgar… C’est bien lui. C’est le fils de Dieu, pas un simple mortel. Il est déjà allé en Enfer, avant sa résurrection. Crois bien qu’il n’ira pas griller dans les flammes de la damnation éternelle. »
Il s’est de nouveau pris la tête entre les mains, au bout du gouffre. Pendant ce temps, j’ai une nouvelle fois inspecté la pièce, espérant trouver ce pourquoi nous étions venus en premier lieu : la relique de la Paresse.
J'avais à peine commencé mes recherches que j'ai entendu un grognement inaudible dans mon dos. Je me suis retourné vers le professeur, qui m'a rendu mon regard surpris. Pourtant, à part lui et moi, il n'y avait personne dans la maison. A moins que...
Un deuxième grognement s'est fait entendre. Derrière nous, une silhouette se levait du lit. Le drap recouvrait encore son corps, comme s'il s'était agi un fantôme. Puis il est tombé, dévoilant ainsi le visage du Messie.
Jésus avait une nouvelle fois ressuscité, le troisième jour. Mais cette fois, ce n’était pas pour monter au Ciel rejoindre son Père, mais bien pour nous enterrer, le professeur et moi.
"Professeur, je crois bien que vous aviez tort. Je pense que Dieu n'a que peu apprécié son suicide !"
Le regard de jésus était vitreux, et il se déplaçait lentement, en grognant. Si un jour on m'avait dit que je verrais Jésus de mes propres yeux, je ne l'aurais jamais cru. Mais Jésus en zombie... C’était vraiment inenvisageable.
Zombie Jésus a saisi le bras du professeur, qui a poussé un cri d'effroi. J'ai essayé de l'aider, mais la force de Jésus était énorme, et il m'était impossible de lui faire lâcher prise. Avisant la chaise sur laquelle était auparavant assis le professeur, je l'ai saisie, et l'ai fracassée sur la tête du zombie, qui, déconcerté, a lâché le bras du professeur Blondeau.
Visiblement, cela n'a pas du tout plu a Jésus, qui s'est tourné vers moi avec un grognement vindicatif. Il m'a alors saisi par l’épaule, et a ouvert grand les mâchoires, comme s'il voulait me grignoter un bout de visage. Malgré toute la force que j'avais pu me découvrir au Vatican, sa poigne était beaucoup trop puissante, et bientôt, je ne parviendrais plus à le tenir suffisamment à distance.
Le professeur, lui, semblait désemparé. Pour lui, c'était beaucoup trop d'émotions d'un coup. Trouver Jésus. Découvrir qu'il s’était suicidé. Assister à sa résurrection. Découvrir qu'il était devenu un zombie avec pour seule envie de nous manger le cerveau.
Je suppose qu'à force que les chrétiens mangent ce qu'ils appellent le "corps du Christ", ce dernier voulait désormais prendre sa revanche en inversant les rôles. Cette pensée m'aurait presque fait sourire, si je n’étais pas dans une telle situation.
En scannant la pièce des yeux, j'ai remarqué que la chaise avec laquelle j'avais frappé la tête de Jésus s'était brisée sur le coup, et que l'un de ses pieds s'était transformé en pieu de fortune.
"Professeur ! Le pied de la chaise... Prenez-le et aidez-moi !"
- Mais... que dois je faire ?"
Mes bras lâchaient petit à petit, et la mâchoire béante de Zombie Jésus s'approchait dangereusement de mon visage.
"Mais... Vous n'avez jamais vu The Walking Dead ? Ou n'importe quel film de zombies ? Enfoncez-lui ce pieu dans le crâne, bon sang ! Il va me tuer !"
Le professeur a saisi le pieu, et s'est approché de Jésus, hésitant. Il a brandi son arme, mais s'est figé.
"Mais que faites-vous ! Je ne vais pas tenir longtemps !
- Mais... C'est Jésus... Notre sauveur. Le fils de Dieu...
- Ce n'est plus Jésus ! Tuez-le, pour l'amour de Dieu !"
Alors que je me rendais compte que ce n’étaient peut-être pas les mots adaptés à la situation actuelle, j'ai senti mes forces m'abandonner définitivement. Je ne pouvais plus lutter. J'ai fermé les yeux, peu désireux de voir la version zombie de Jésus Christ planter ses dents dans mes jolies joues rondes. Mais au lieu de ça, j'ai entendu un bruit sourd. J'ai aussitôt ouvert les yeux, surpris.
Le professeur avait finalement pris son courage à deux mains et avait enfoncé le pieu dans le crâne du Messie, qui gisait maintenant au sol, inanimé. J'ai pris le drap qui le recouvrait initialement, et je l'ai posé sur son cadavre.
"Merci... vous m'avez sauvé la vie."
En retour, le professeur m'a regardé. On pouvait lire le désespoir dans ses yeux.
"Maintenant, trouvons la relique et quittons cet endroit. J'ai vu assez de trucs improbables pour aujourd'hui.
- A quoi bon… Tout est perdu.
- Il faut ramener la relique à l'Arche. Il se peut que les gens dehors puissent encore être sauvés s'ils sont libérés de son emprise"
A mon plus grand agacement, il a répondu avec un soupir. J'ai alors compris que je ne pouvais plus compter sur l'aide du professeur.
A première vue, il n’y avait rien qui puisse correspondre avec une relique des péchés, dans la pièce. En désespoir de cause, je me suis avancé vers le corps du Christ pour l'inspecter. J'ai alors retiré le drap qui le recouvrait, et l'ai gardé en main tout en examinant Jésus. En y réfléchissant, ce qu'il portait n'avait rien à voir avec ce à quoi on s'attendrait. Je m’attendais à voir des habits que l’on pouvait voir sur des peintures ou des sculptures, mais il n’en était rien. Jésus était habillé comme les gens modernes. Enfin, je pouvais déduire cela par les vêtements d'apparence contemporaine impeccablement pliés sur la chaise à coté du lit, et surtout par le caleçon Calvin Klein que portait le Christ.
Après plusieurs minutes de recherches sur le corps de celui-ci, je n’ai rien trouvé de concluant. J’ai donc pris soin de recouvrir une nouvelle fois le corps de Jésus avec le drap que j'avais dans la main. Mais c'est alors qu'un détail m'a frappé. A bien y regarder, ce morceau de tissu blanc n’était pas aussi moderne que les habits de jésus, et se distinguait des draps du lit par son apparence ancienne. Et si j’avais la relique dans la main depuis tout ce temps ?
J’ai à nouveau pris le fameux drap en main, et l’ai minutieusement inspecté. En le retournant et en l'exposant à la lumière du jour, j’ai pu discerner un motif sur sa surface qui représentait une sorte de visage. J’avais déjà vu ça quelque part. Le Saint Suaire ! C'était donc bien cela, la relique de la Paresse. Le drap qui avait recouvert le corps du Christ après sa crucifixion. Je me suis empressé de faire part de ma découverte au professeur, qui n’a même pas daigné me répondre, ou même lever la tête.
A la place, il s’est dirigé vers la porte.
"Rentrons à l’avion. Je t’avais promis de tout te dire. Le temps est venu. Tu sauras tout là-bas. »
Nous sommes sortis de la maison, et j’ai tendu la relique au professeur. De nous deux, il était encore le seul à posséder un anneau capable d'en neutraliser les effets, ce qui devait être fait au plus vite. Il a attrapé le drap avec indifférence, et alors que nous empruntions deux vélos laissés à l'abandon sur le trottoir afin de sortir de la ville en vitesse, nous avons aperçu la plupart des victimes de la relique qui se relevaient péniblement, l'air hagard. Une fois parvenus à l'entrée de New York, nous avons laissé nos vélos aux militaires, et sommes montés dans la voiture. Le professeur s'est installé derrière le volant, et nous nous sommes mis en route.
Pendant le trajet du retour, il n’a pas dit un mot. Il se contentait de me jeter un petit regard coupable de temps à autre, puis fixait de nouveau la route, dans le silence le plus complet. Une fois arrivés à l’avion, nous avons entreposé la dernière relique dans l’Arche, suite à quoi le professeur a insisté pour que nous mangions avant de repartir. Nous nous nous sommes donc posés sur une table, en terrasse d’un restaurant situé à quelques kilomètres de l'avion. Les deux gorilles du Vatican nous ont suivis, et se sont postés à l’entrée de celui-ci, non loin de nous.
« Bon… Je sais que tu attends ce moment depuis longtemps. Ce que j’ai à te dire n’est pas facile à entendre, alors écoute bien. Et, je t’en prie, pardonne-moi. Pardonne-moi de t’avoir caché cela si longtemps… Il y a une partie du Testament dont je ne t’ai jamais parlé. Elle parle du rôle qu’aura la descendance de Judas dans l’apparition des reliques.
- Judas ? Vous voulez parler de l’apôtre qui a trahi Jésus ?
- C’est bien lui, oui. Dans les parchemins que j’ai pu traduire, il est question d’un descendant de Judas. D'un homme, dans la fleur de l’âge. Un homme qui aura un rôle majeur dans l'Apocalypse. Mais malheureusement, les parchemins indiquant la nature de ce rôle sont incomplets. Alors, le Vatican, en attendant de pouvoir déterminer celle-ci, a décidé de lancer de vastes recherches sur la famille de Judas, afin de trouver tout potentiel descendant de sexe masculin qui aurait entre vingt et quarante ans. Et ils n’ont trouvé qu’une seule personne correspondant à ces critères… toi.
- Attendez, vous essayez de me dire que je suis un descendant de Judas ? »
Le professeur a posé sa main sur mon épaule, et a acquiescé.
J’avais du mal à le croire. Moi, un descendant de l’apôtre le plus haï de l’histoire ? Cela ne se pouvait. Mais c'est alors que j'ai repensé à cette larme qui avait coulé sur ma joue à la vue de Jésus allongé sur son lit de mort. Était-ce un remord, une douloureuse réminiscence de la trahison de celui que le professeur annonçait être mon aïeul ?
Je me suis levé, et ai contemplé le ciel durant quelques secondes. Puis, mon regard s'est tourné vers le professeur Blondeau.
« Il n’y a vraiment personne d’autre ?
- Le Vatican a bien trouvé d’autres descendants, mais ce sont soit des femmes, soit des personnes ayant plus de 40 ans. Ils ont même trouvé une personne dont on a perdu la trace il y a plus de 500 ans.
- C’est donc pour ça que cet évêque me traitait d’engeance. Il avait raison.
- Ne... Ne dis pas cela, tu n’as rien d’une engeance. Tu n’es pas responsable des actes de tes ancêtres.
- Peut-être, mais reste que j'ai le sang de l'un des plus grands traîtres de l’Histoire qui coule dans mes veines. J’aurais aimé ne jamais le savoir. Comment me regarder dans une glace, à présent ? »
Le professeur m'a toisé avec un air gêné. Il ne savait visiblement plus quoi me dire.
« Reste là quelques instants, tu veux bien ? J’ai une dernière affaire à régler. »
Il s’est levé, puis s’est brièvement entretenu avec les deux gardes du Vatican. Il s'est ensuite isolé pour passer quelques coups de fil. Pendant qu'il était au téléphone, je le voyais me lancer de petits regard coupables par intermittence, les mêmes que durant le trajet du retour. Au bout de quelques minutes, il est revenu s’asseoir en face de moi.
Étrangement, les deux gardes se sont avancés à sa suite, et se sont placés derrière moi.
« Écoute, Edgar, je suis vraiment désolé. J’ai beaucoup réfléchi durant le trajet retour en voiture. Comme je te l’ai dit, on ne savait pas quel était ton rôle dans cette histoire… Et pour être honnête, on ne le sait toujours pas. Tu nous as beaucoup aidés, et je t’en remercie. Mais, même si l’Apocalypse semble inévitable avec le suicide du Messie, s’il y a encore une opportunité de l’éviter, il faut saisir notre chance. Tu es le descendant du traître, tu peux être celui qui arrêtera l’Apocalypse… ou celui qui la déclenchera. Nous ne pouvons pas courir ce risque… Je suis vraiment désolé. »
Il s’est alors adressé aux gardes.
« Saisissez-le. »
Les deux gorilles m’ont attrapé, et m'ont passé les menottes avant même que je réalise pleinement ce qui se passait. Autour de moi, le temps semblait avoir été ralenti en un instant, comme si cette scène était trop irréelle pour appartenir à notre dimension.
« Mais… qu’est-ce que ça veut dire ? Professeur, que faites-vous ?
- Je suis vraiment, vraiment désolé. Je n’ai pas le choix. Le sort du monde est en péril. Nous ne pouvons prendre aucun risque. J’ai eu le Vatican, et le président Trump au téléphone. En attendant qu’on en sache plus, tu seras détenu dans une prison américaine ultra sécurisée. Je sais de quoi tu es capable, et j’ai vu l’étendue de ta force. Tu seras en sécurité là-bas… et nous aussi.
- Mais vous ne pouvez pas faire ça ! Je n’ai rien fait de mal… Après tout ce que j’ai fait pour vous, pour le monde… comment osez-vous me faire ça ?
- Je… Je n’ai vraiment pas le choix. Comprends-moi. Tu aurais fait de même à ma place. »
Il s'est tourné vers les gardes, et leur a fait signe de m’emmener avec eux dans la voiture qui venait de se garer à quelques mètres de nous. J’allais donc finir cette aventure au fond d’une cellule. Après tout ce qui s’était passé, jamais je n’aurais imaginé une telle fin. Avant de monter dans le véhicule, je me suis tourné vers le professeur.
« Je pensais qu’on était amis. Je le pensais vraiment. »
Le professeur fuyait mon regard.
« Je… je faisais semblant. Mon devoir était de garder un œil sur toi. Je ne suis pas ton ami.
- Vous mentez, j’en suis sûr. Allez, repensez à tout ce qu’on a vécu ces derniers mois… Vous allez vraiment me faire moisir en prison ? C’est injuste !
- Je n’y peux rien. Je fais ce qu’il y a de mieux pour le monde. Tu n’es pas mon ami. Tu étais un travail de plus. »
A ces mots, je me suis arrêté. Les gardes me tiraient pour me mettre dans la voiture, mais dans un élan de rage, j’ai brisé les menottes qui me liaient les mains, et j’ai fait valser mes geôliers au loin. Je me suis approché du professeur, qui avait l’air terrifié.
« Regardez-moi dans les yeux, jurez-moi que vous n’êtes pas mon ami, et que me mettre en cage a une chance de sauver le monde. Jurez-le moi. J’ai peut-être le sang d’un traître dans mes veines, mais aujourd’hui, c’est vous qui me trahissez. »
Le professeur a approché son visage du mien, et j'ai pu remarquer que des larmes silencieuses ruisselaient sur ses joues. Il les a annihilées d’un revers de la main, et a empli ses yeux de dédain.
« Nous ne sommes pas amis. Tu es une menace pour le monde. Ta place est dans une prison. Une engeance telle que toi ne devrait même pas avoir le droit de fouler cette terre. »
A ces mots, le chant du coq a retenti.
Il avait renié notre amitié par trois fois. Fort de cette constatation, je me suis dirigé vers la voiture, et me suis docilement assis à l’arrière. Les gardes, bien que sonnés, sont parvenus à se relever, et sont montés dans le véhicule à ma suite, sans un mot.
Alors que la voiture démarrait, emmenant l'engeance que j'étais vers le point final de son voyage, je me suis retourné sur mon siège, et ai écarquillé les yeux. Derrière nous, rétrécissant à vue d’œil alors que nous commencions à prendre de la distance, le professeur pleurait à chaudes larmes.
***
Cela faisait maintenant plusieurs heures que nous roulions, si bien qu'au-dehors, la nuit avait fini par tomber. J'avais beau ne pas savoir dans quelle prison j’allais finir, une chose était sûre : elle n’était pas toute proche.
Soudain, m'arrachant à mes pensées, la voiture a pilé, projetant ma tête contre le dossier du siège conducteur. J'ai levé les yeux, et à la lueur des phares de la voiture, j'ai pu distinguer quelque chose, quelque chose qui s'était arrêté en plein milieu de la route.
En me rapprochant du pare-brise pour mieux distinguer cet obstacle inattendu, j'ai étouffé une exclamation. C'était une silhouette, montée sur un cheval.
Le conducteur a mis les pleins phares, nous permettant de voir plus distinctement le cavalier.
C’était un homme, tout de noir vêtu, coiffé d'un chapeau de cowboy. L'imposant cheval sur lequel il était monté était d'un blanc presque fluorescent, tirant vers le pâle. Le cavalier fumait le cigare d'un air provocateur et nous regardait, le sourire aux lèvres.
Face à cet imprévu, les gardes se sont empressés de descendre du véhicule. J’en ai fait de même, plus intrigué qu'autre chose par ce mystérieux cavalier au sourire provocateur sorti tout droit d'un western.
Sans sommation, l'un des gardes a sorti son pistolet, et a mis le cowboy en joue. Celui-ci l’a regardé avec dédain du haut de son cheval, et a porté le cigare à sa bouche. Il en a pris une grande bouffée.
A ce moment précis, le garde qui le tenait en joue s'est écroulé sans un cri, comme un pantin désarticulé. De là où je me tenais, j'ai pu voir son visage retomber au sol, figé dans une expression que je n'aurais su qualifier. Il était blanc comme un linge. Le deuxième garde a accouru vers lui pour lui porter secours, mais s'est très vite rendu à l'évidence : son collègue était mort.
Le cavalier souriait de toutes ses dents, cigare à la bouche.
De la même façon que feu son camarade quelques secondes plus tôt, le second garde a sorti son arme, mais lui n’a pas hésité : il a vidé son chargeur dans le torse du cavalier.
Mais étrangement, malgré le tonnerre de détonations qui venait de lui percer le tronc, le cowboy n'a bronché. Avec stupéfaction, j'ai vu les douilles tomber au sol dans un cliquetis sonore, tandis que les trous laissé par les impacts des balles se refermaient d'eux-mêmes. Le cavalier a retiré le barreau de chaise de sa bouche, et s'est mis à rire aux éclats, laissant le garde du Vatican complètement désemparé.
Il l’a regardé avec un grand sourire, puis a lentement porté le cigare à ses lèvres, à nouveau. Le garde, sentant sa fin approcher, s’est enfui en criant. Lorsque le cavalier a tiré la bouffée fatidique, le pauvre homme avait déjà eu le temps de courir une bonne vingtaine de mètres. Mais rien n'y a fait. Il s'est écroulé de la même façon que son collègue avant lui, foudroyé par une force invisible.
Le cavalier s'est tourné vers moi, puis a intimé à son cheval l'ordre de s’approcher.
Une fois à ma hauteur, il est descendu de son destrier et a retiré son chapeau de cowboy, laissant apparaître des cheveux blonds et bouclés.
Le sourire au lèvres, il s'est avancé, et m'a gratifié d'une accolade amicale.
« Ça fait un bail que je t’attends, p’tit gars. Les choses sérieuses vont enfin pouvoir commencer. Ça va être… d’Enfer.. »
Un mort revenu à la vie. Un homme arrachant les poumons d'un autre. J’avais même assisté à une orgie colossale, à l’intérieur même d'une église.
J’avais vécu en quelques mois ce que certains ne vivent pas un une vie entière. J'aurais dû être excité, comme après avoir fait toutes les attractions d’un parc. Pourtant, je ne ressentais rien. La seule chose qui me poussait vers l'avant, c'était la hâte que tout se termine.
En y pensant, je n’avais jamais rien voulu, dans ma vie. Je n’avais jamais été premier dans quoi que ce soit. Ni dernier, certes. J’étais une personne lambda, goutte d'eau perdue au milieu d'une rivière. Le gentil garçon qu’on ne remarque pas. Et pourtant, le professeur Blondeau m’avait choisi, moi. Parmi tant d’autres personnes tellement plus compétentes. Moi qui n’avais rien de particulier. Moi qui n'étais rien. Qui ne voulais rien. Qui n’avais aucun rêve.
Et maintenant, au bout du compte, j’apprenais que j'étais spécial. Néanmoins, je me méfiais de la parole du Père Jean. Après tout, il n'avait cherché qu'à m’attirer dans son piège. Mais le professeur me l’avait confirmé : il y avait bel et bien quelque chose de spécial, en moi. Et je saurai pourquoi après cette dernière mission, il me l'avait juré.
Le professeur, me voyant pensif, m’a interpellé :
« Tu as l’air perdu dans tes pensées, mon garçon. Quelque chose te tracasse ?
- Je pense avoir beaucoup de raisons pour lesquelles je devrais être « tracassé », professeur.
- Ce n’est pas faux. Ça en fait beaucoup pour un garçon de ton âge. Mais tu dois être fort. On connaîtra bientôt le dénouement de cette histoire. »
Avant que nous ne prenions notre vol, le professeur m’a donné quelques détails, tout en se montrant le plus évasif possible. Notre destination était l'une des villes les plus actives du monde, New York. Là-bas nous attendait la dernière relique, celle de la Paresse. Mais le professeur m'a laissé entendre qu'il n’y avait pas que ça. Là-bas nous attendait quelqu’un de très important, quelqu'un qui allait nous aider à sauver le monde.
Pour cette dernière mission, nous étions accompagnés de deux gardes du Vatican. Deux grands gaillards, armés jusqu’aux dents. Ils ne pourraient néanmoins pas s'approcher de la relique, n'ayant pas d'anneau pour se prémunir de son influence. Leur mission principale était de protéger l’Arche, qui nous avait accompagnés dans notre avion privé.
En réalité, je n’avais plus d’anneau moi non plus. Les sbires du Père Jean me l’avaient arraché du doigt dans la basilique Saint Pierre. Je l’avais notifié au professeur, qui m’avait répondu que je n’avais de toute évidence pas subi l’influence de la relique de la Luxure, que je semblais donc être immunisé à leurs effets pervers. Dans tous les cas, si je montrais le moindre signe que la relique avait de l’effet sur moi, il m'avait assuré qu'il se chargerait lui-même de me ramener en sécurité près de l’Arche.
Notre avion s’est posé en périphérie de la ville, pour ne pas prendre de risques vis-à-vis des membres de l’équipage et des gardes du Vatican.
Nous ne savions pas encore quelle ampleur avait pris l’effet de la relique. Comme me l'avait expliqué le Pape, les effets des reliques agissaient comme un virus. Plus il y avait de monde affecté par la relique, plus les effets se propageaient loin et plus rapidement. Au vu de la taille de New York et de la quantité d’habitants peuplant la ville, il allait falloir redoubler de vigilance.
Une voiture nous attendait près de notre lieu d’atterrissage. Pour plus de sécurité, pas de chauffeur cette fois-ci. C'était le professeur qui se chargerait de nous conduire à bon port.
Une fois le volant entre les mains du professeur Blondeau, il ne nous pas fallu plus d'une demi-heure pour atteindre l'entrée de la ville. Alors que nous continuions de rouler en direction de celle-ci, j’ai demandé au professeur ce qui nous attendait là-bas. Encore une fois, il s’est montré évasif.
« Le pouvoir de la relique semble s’être manifesté peu de temps avant ta venue au Vatican. Les médias n’en parlent pas encore, mais… La ville est en quarantaine. Personne n’est censé en sortir ou y rentrer. Nous avons bien sûr une autorisation, donnée par le Président Trump en personne. Enfin, inutile de dire que le Pape lui a personnellement demandé, il n'aurait sinon aucune raison de laisser pénétrer deux étrangers dans une zone sous quarantaine.
- Et pour la personne que nous devons rencontrer ? Qui est-ce ?
- Comme je ne suis pas encore sûr qu'elle se trouve bien dans les environs, je préfère te le dire une fois la relique mise en sécurité. Sinon, tu risques de ne plus être concentré sur notre mission. Disons simplement que c’est une personne très importante pour la survie de ce monde. On nous a signalé que quelqu’un lui ressemblant arpenterait les rues de New York.
- Encore et toujours des cachotteries, n’est-ce pas ? J’espère vraiment que vous tiendrez votre promesse et que vous me raconterez tout une fois notre mission terminée. Car sinon, apocalypse ou pas, je rentre chez moi fissa.
- Je comprends, je ferais la même chose à ta place. Je te demande juste encore un peu de patience. Ah, nous arrivons en zone de quarantaine. »
J'ai levé les yeux. Un gigantesque embouteillage stagnait à l’entrée de la ville, empêchant quiconque l'aurait voulu d'entrer ou sortir. Les centaines de voitures agglutinées là se faisaient sommer de faire demi-tour et de rentrer chez eux par l’armée. De l’autre côté de la barrière de sécurité pourtant, il ne semblait pas y avoir grande-monde qui voulait sortir. C’était très bizarre, et cela ne présageait rien de bon quant au sort des habitants de la ville.
Une fois arrivés au niveau des militaires, le professeur est sorti de la voiture et est parti discuter avec l'un des gardes. Je l’ai vu sortir un papier de sa poche, et après quelques coups de fils passés par l'homme en uniforme, le professeur est revenu vers moi.
« Dis-moi, mon garçon, comment te sens-tu sur un deux-roues ?
- Heu, et bien… J’ai un scooter dont je me sers pour me rendre à l’université. Mais pourquoi cette question ?
- C’est parfait, descends de la voiture et suis-moi. »
Nous sommes passés de l’autre côté de la barrière de sécurité. Le professeur m’a alors montré notre nouveau moyen de locomotion, deux superbes destriers qui nous attendaient fièrement à côté de la barrière : des trottinettes électriques. Je n’espérais rien de particulier, mais j’étais quand même assez déçu. Allez savoir pourquoi.
« Quand vous m’avez demandé si j’étais à l’aise sur un deux-roues, je pensais plus à une moto ou à un scooter. Pas à ça…
- C’est la seule chose que nous avons à disposition, malheureusement.
- Et la voiture ? Pourquoi la laisser là ?
- Car, selon les gardes, toutes les routes sont bouchées dans la ville. Et quelque chose me dit que l’on va vite découvrir pourquoi... »
Et force a été de constater qu'il avait raison. Dix minutes après avoir commencé à arpenter les rues au volant de notre superbe trottinette, une odeur fétide s'est immiscée nos narines. Une puanteur atroce, une odeur de putréfaction, de mort. C'est en s’enfonçant plus loin dans les rue de la « Grosse Pomme », que nous avons fini par découvrir d’où provenait ce relent.
Comme me l'avait annoncé le professeur, même au cœur de la ville, les routes étaient en effet impraticables. Il n'y avait pas d'accident visible, ni même de carambolage. Les voitures semblaient simplement s’être toutes arrêtées d’un coup, pour ne jamais repartir. Le moteur de certaines d'entre elles ronronnait même encore.
A l’intérieur de tous les habitacles au travers desquels j'ai risqué un coup d'oeil, conducteurs et passagers étaient toujours là. Cependant, aucun d'entre eux ne semblait en état de répondre à nos multiples questions, et pour cause : ils étaient amorphes. Lorsque nous leur adressions la parole, ils se contentaient de continuer à fixer l’horizon d'un regard vide, sans rien dire. Nous avions beau les bousculer, leur hurler dans le tympan, rien n'y faisait. Ils semblaient simplement vidés de leur énergie, comme s'il n'étaient plus que des enveloppes charnelles, des sacs de viande dénués d’âme.
Quant à l’odeur, elle pouvait s’expliquer par le fait qu’ils avaient tous fini par faire leurs besoins sur place.
N'échappant pas à la léthargie qui frappait tous les conducteurs et passagers des véhicules obstruant la rue, les trottoirs étaient jonchés de personnes dans le même état. Que des coquilles vides au regard vague.
En apercevant une poussette, j’ai tout de suite pensé au pire. Je me suis précipité vers celle-ci, en espérant de tout coeur qu’elle soit vide. Malheureusement, ce n'était pas le cas.
A l’intérieur se trouvait un bébé. Enfin, ce qu’il en restait. Il était sûrement mort de déshydratation. Sa mère devait être la femme allongée à même le trottoir, à côté de la poussette, un biberon d’eau à la main.
Le spectacle était horrible. Les rues de New York, autrefois si vivantes, étaient maintenant complètement silencieuses. Des centaines et des centaines de personnes restaient là, allongées au sol ou prostrées dans leur véhicule, complètement amorphes.
La ville était complètement morte. Et elle le resterait si nous ne trouvions pas la relique dans les temps.
« Professeur, il n’y a pas de temps à perdre. Tous ces gens vont mourir de déshydratation si nous ne mettons pas au plus vite la relique dans l’Arche.
- Tu as raison. Je ne pensais pas trouver la ville dans un état si critique. La relique de la paresse est redoutable… mais comment la trouver ? Il n’y a plus personne pour nous guider. »
Il n’avait pas tort sur ce coup-là. C’était comme rechercher une aiguille dans une botte de foin. Mais en toisant les centaines de corps immobiles couchés sur le sol grisâtre, quelque chose m'a frappé.
« Professeur, ne remarquez-vous pas quelque chose de bizarre avec tous ces gens allongés dans la rue ?
- A part leur odeur, non, pas grand-chose.
- Si, regardez. Ils sont tous allongés dans la même direction.
- Maintenant que tu le dis… Oui, on dirait bien que tu as raison.
- Si nous suivons la direction indiquée par les corps, peut-être que nous tomberons sur la relique. Ça vaut le coup d’essayer, non ?
- C’est une bonne piste, et la seule que nous ayons. Allons-y sans tarder »
Nous avons donc suivi la direction indiqué par les victimes de la relique, et avons fini par arriver devant une petite maison, dont l'apparence relativement simple tranchait violemment avec le reste de la ville. Je me demandais même comment une maisonnette à l’aspect si sobre pouvait exister en plein milieu de New York. Mais nous n’avions pas le temps de nous interroger sur ces détails, il fallait récupérer la relique le plus vite possible. Nous espérions vraiment la trouver ici, car les batteries de nos trottinettes électriques s’étaient épuisées depuis longtemps, et bientôt, ce seraient nos jambes qui s'épuiseraient.
La porte de la maison étant ouverte, nous avons pénétré à l’intérieur.
En quinconce avec sa façade, l’intérieur de la maison était vétuste, et elle semblait vide. Les mains en porte-voix, nous avons hélé tout éventuel occupant de la bâtisse, mais aucune réponse ne nous est parvenue.
Nous sommes donc montés à l'étage, et j'ai ouvert la première porte qui se présentait à moi, révélant une chambre baignant dans cette même simplicité qui caractérisait la maison. Au fond de la pièce, sur un lit à l'aspect rustique, un homme était allongé.
Je n'ai pas pu l’expliquer, mais lorsque j'ai vu cet homme allongé là, une larme a coulé sur ma joue.
Je n’éprouvais aucune tristesse, et pourtant, la vue de cet inconnu couché devant moi a arraché à mes yeux un torrent de larmes silencieuses.
Il était grand, avait les cheveux longs, portait une barbe et était noir de peau. Il était allongé sur le lit en croix, les bras ouverts à l'horizontale, un pied posé sur l’autre. La partie inférieure de son corps était recouverte d’un drap blanc très fin. Je me suis approché de lui, et ai vérifié son pouls.
Il était déjà mort.
Le professeur est entré dans la pièce peu après moi, et dès qu'il a aperçu l’homme sur le lit, j'ai pu voir ses traits se décomposer. Il m’a attrapé par l’épaule, et m’a violemment tiré vers l’arrière.
« Ne l’approche pas !"
Un peu abasourdi par sa réaction, je me suis dégagé, et lui ai annoncé que cet homme était mort, visiblement bien avant notre arrivée.. A ces mots, l'expression du professeur a viré au désespoir pur.
« Non… Ce n’est pas possible… Mon Dieu, non… »
Il m’a alors regardé, les yeux embués de larmes. Comme ça avait été mon cas quelques secondes auparavant, elles ruisselaient sur ses joues. Mais contrairement à moi, le professeur pleurait réellement.
« C’est fini. Il n’y a plus d’espoir. Il était censé revenir pour nous sauver. Il était censé nous aider à combattre le Mal… A éviter notre fin à tous.
- Comment ça ? Attendez… C’était lui la personne que nous devions rencontrer ici ? Qui est-il ? »
Le professeur a essuyé ses larmes, et a tendrement posé ses mains sur les joues de l’homme.
« Cet homme est celui qui devait sauver l’humanité. Notre Sauveur. Notre Messie…
- Attendez, vous voulez dire que…
- Oui… Il s’agit de Jésus Christ… Et il est mort. Comment nous sauvera-t-il, maintenant ? »
En le regardant de plus près, j'ai remarqué qu'il ressemblait en effet aux représentations qu’on faisait de Jésus dans la culture populaire. Hormis sa couleur de peau, cela dit. De plus, j’aurais dû le voir plus tôt, mais la position dans laquelle il était mort évoquait sans nul doute la posture qu’il avait lors de sa crucifixion.
Le professeur était inconsolable. J'aurais dû l’être aussi, puisqu’il m’avait annoncé plus ou moins clairement que la fin du monde était inévitable… Mais, rien. Avec un reniflement sonore, le professeur Blondeau a recouvert le visage du christ avec le drap qui était posé sur son corps.
J’ai fait le tour de la pièce, espérant trouver un indice sur la relique de la Paresse. Mais tout ce que j’ai pu trouver, c’est une boite de pilules et une lettre, que je me suis empressé de lire. Elle était rédigée dans un parfait anglais.
« Professeur… Je pense que la relique de la Paresse est encore ici… Et qu’elle a été « activée » par nul autre que Jésus lui-même…
- Comment peux-tu dire ça ?
- Ce n’est pas moi qui le dis. Je l’ai simplement déduit après lecture de cette lettre.
- Quelle lettre ? Qu’est-ce que c’est ?
- Professeur… C’est une lettre d’adieu. Elle date de trois jours »
***
« A ceux qui liront cette lettre… Je suis désolé.
Je suis censé tous vous sauver. Mais la vérité est que vous ne le méritez pas.
Cela fait plusieurs mois que j’ai été renvoyé sur terre pour accomplir mon devoir de sauveur. J’ai parcouru le monde, de villes en villes, de pays en pays, de continents en continents. J’ai arpenté énormément de rues de ce monde, pour finir dans cette maison, au beau milieu de cette riche ville américaine.
Durant tous ces mois, j’ai pu côtoyer toutes sortes de personnes. Des pauvres, des riches. Des hommes, des femmes, des personnes qui n’étaient ni l’un ni l’autre. Et tout ce que j’ai pu retenir de mes pérégrinations, c’est que l’homme est mauvais.
Je vous l’avais pourtant demandé : aimez-vous les uns les autres. Aime ton prochain comme toi-même. Et pourtant, je n’ai vu que trop peu de bonté, noyée au milieu de tout cet individualisme.
Chacun ne pense qu’à soi, et ne veut que son propre bonheur, au détriment des autres. Je n’ai vu que haine, vanité et cruauté.
Je suis mort pour vos péchés sur la croix. Mais maintenant, mille morts ne suffiraient pas à racheter le quart de vos péchés.
L’humanité ne mérite pas de survivre. Elle ne mérite pas d’être sauvée.
Je refuse de vous aider. Je suis désolé.
Je vais juste m’allonger sur ce lit, et faire en sorte de ne plus bouger. Je ne lèverai pas le petit doigt pour empêcher l’Apocalypse.
Je vais mourir, comme la dernière fois, mais je ne mourrai pas pour vous. Cette fois, cette mort est la mienne. Et elle sera sans souffrance.
Je vais rejoindre mon Père dans les Cieux. Puissent les rares personnes ayant encore un cœur pur me rejoindre là-haut.
Ne les pardonnez plus, Père. Car ils savent très bien ce qu'ils font.
Jésus de Nazareth. »
***
Après la lecture de ce texte, le professeur s’est affalé sur une chaise. Il s’est pris la tête à deux mains pendant quelques secondes, puis s’est levé. Il a alors fixé le mur en face de lui, avant de donner un coup de poing dans celui-ci. J’assistais à la scène, sans oser prendre la parole.
Après quelques minutes de tension, il s'est calmé, puis s’est de nouveau affalé sur la chaise. Il semblait vraiment désespéré, plus que jamais.
« Professeur… Est-ce vraiment Jésus Christ, mort sur ce lit ? Je veux dire, il s’est visiblement suicidé… Dans la religion chrétienne, le suicide est quelque chose d’interdit, qui conduit directement en Enfer… Il n’aurait jamais pu faire ça…
- C’est bien lui, Edgar… C’est bien lui. C’est le fils de Dieu, pas un simple mortel. Il est déjà allé en Enfer, avant sa résurrection. Crois bien qu’il n’ira pas griller dans les flammes de la damnation éternelle. »
Il s’est de nouveau pris la tête entre les mains, au bout du gouffre. Pendant ce temps, j’ai une nouvelle fois inspecté la pièce, espérant trouver ce pourquoi nous étions venus en premier lieu : la relique de la Paresse.
J'avais à peine commencé mes recherches que j'ai entendu un grognement inaudible dans mon dos. Je me suis retourné vers le professeur, qui m'a rendu mon regard surpris. Pourtant, à part lui et moi, il n'y avait personne dans la maison. A moins que...
Un deuxième grognement s'est fait entendre. Derrière nous, une silhouette se levait du lit. Le drap recouvrait encore son corps, comme s'il s'était agi un fantôme. Puis il est tombé, dévoilant ainsi le visage du Messie.
Jésus avait une nouvelle fois ressuscité, le troisième jour. Mais cette fois, ce n’était pas pour monter au Ciel rejoindre son Père, mais bien pour nous enterrer, le professeur et moi.
"Professeur, je crois bien que vous aviez tort. Je pense que Dieu n'a que peu apprécié son suicide !"
Le regard de jésus était vitreux, et il se déplaçait lentement, en grognant. Si un jour on m'avait dit que je verrais Jésus de mes propres yeux, je ne l'aurais jamais cru. Mais Jésus en zombie... C’était vraiment inenvisageable.
Zombie Jésus a saisi le bras du professeur, qui a poussé un cri d'effroi. J'ai essayé de l'aider, mais la force de Jésus était énorme, et il m'était impossible de lui faire lâcher prise. Avisant la chaise sur laquelle était auparavant assis le professeur, je l'ai saisie, et l'ai fracassée sur la tête du zombie, qui, déconcerté, a lâché le bras du professeur Blondeau.
Visiblement, cela n'a pas du tout plu a Jésus, qui s'est tourné vers moi avec un grognement vindicatif. Il m'a alors saisi par l’épaule, et a ouvert grand les mâchoires, comme s'il voulait me grignoter un bout de visage. Malgré toute la force que j'avais pu me découvrir au Vatican, sa poigne était beaucoup trop puissante, et bientôt, je ne parviendrais plus à le tenir suffisamment à distance.
Le professeur, lui, semblait désemparé. Pour lui, c'était beaucoup trop d'émotions d'un coup. Trouver Jésus. Découvrir qu'il s’était suicidé. Assister à sa résurrection. Découvrir qu'il était devenu un zombie avec pour seule envie de nous manger le cerveau.
Je suppose qu'à force que les chrétiens mangent ce qu'ils appellent le "corps du Christ", ce dernier voulait désormais prendre sa revanche en inversant les rôles. Cette pensée m'aurait presque fait sourire, si je n’étais pas dans une telle situation.
En scannant la pièce des yeux, j'ai remarqué que la chaise avec laquelle j'avais frappé la tête de Jésus s'était brisée sur le coup, et que l'un de ses pieds s'était transformé en pieu de fortune.
"Professeur ! Le pied de la chaise... Prenez-le et aidez-moi !"
- Mais... que dois je faire ?"
Mes bras lâchaient petit à petit, et la mâchoire béante de Zombie Jésus s'approchait dangereusement de mon visage.
"Mais... Vous n'avez jamais vu The Walking Dead ? Ou n'importe quel film de zombies ? Enfoncez-lui ce pieu dans le crâne, bon sang ! Il va me tuer !"
Le professeur a saisi le pieu, et s'est approché de Jésus, hésitant. Il a brandi son arme, mais s'est figé.
"Mais que faites-vous ! Je ne vais pas tenir longtemps !
- Mais... C'est Jésus... Notre sauveur. Le fils de Dieu...
- Ce n'est plus Jésus ! Tuez-le, pour l'amour de Dieu !"
Alors que je me rendais compte que ce n’étaient peut-être pas les mots adaptés à la situation actuelle, j'ai senti mes forces m'abandonner définitivement. Je ne pouvais plus lutter. J'ai fermé les yeux, peu désireux de voir la version zombie de Jésus Christ planter ses dents dans mes jolies joues rondes. Mais au lieu de ça, j'ai entendu un bruit sourd. J'ai aussitôt ouvert les yeux, surpris.
Le professeur avait finalement pris son courage à deux mains et avait enfoncé le pieu dans le crâne du Messie, qui gisait maintenant au sol, inanimé. J'ai pris le drap qui le recouvrait initialement, et je l'ai posé sur son cadavre.
"Merci... vous m'avez sauvé la vie."
En retour, le professeur m'a regardé. On pouvait lire le désespoir dans ses yeux.
"Maintenant, trouvons la relique et quittons cet endroit. J'ai vu assez de trucs improbables pour aujourd'hui.
- A quoi bon… Tout est perdu.
- Il faut ramener la relique à l'Arche. Il se peut que les gens dehors puissent encore être sauvés s'ils sont libérés de son emprise"
A mon plus grand agacement, il a répondu avec un soupir. J'ai alors compris que je ne pouvais plus compter sur l'aide du professeur.
A première vue, il n’y avait rien qui puisse correspondre avec une relique des péchés, dans la pièce. En désespoir de cause, je me suis avancé vers le corps du Christ pour l'inspecter. J'ai alors retiré le drap qui le recouvrait, et l'ai gardé en main tout en examinant Jésus. En y réfléchissant, ce qu'il portait n'avait rien à voir avec ce à quoi on s'attendrait. Je m’attendais à voir des habits que l’on pouvait voir sur des peintures ou des sculptures, mais il n’en était rien. Jésus était habillé comme les gens modernes. Enfin, je pouvais déduire cela par les vêtements d'apparence contemporaine impeccablement pliés sur la chaise à coté du lit, et surtout par le caleçon Calvin Klein que portait le Christ.
Après plusieurs minutes de recherches sur le corps de celui-ci, je n’ai rien trouvé de concluant. J’ai donc pris soin de recouvrir une nouvelle fois le corps de Jésus avec le drap que j'avais dans la main. Mais c'est alors qu'un détail m'a frappé. A bien y regarder, ce morceau de tissu blanc n’était pas aussi moderne que les habits de jésus, et se distinguait des draps du lit par son apparence ancienne. Et si j’avais la relique dans la main depuis tout ce temps ?
J’ai à nouveau pris le fameux drap en main, et l’ai minutieusement inspecté. En le retournant et en l'exposant à la lumière du jour, j’ai pu discerner un motif sur sa surface qui représentait une sorte de visage. J’avais déjà vu ça quelque part. Le Saint Suaire ! C'était donc bien cela, la relique de la Paresse. Le drap qui avait recouvert le corps du Christ après sa crucifixion. Je me suis empressé de faire part de ma découverte au professeur, qui n’a même pas daigné me répondre, ou même lever la tête.
A la place, il s’est dirigé vers la porte.
"Rentrons à l’avion. Je t’avais promis de tout te dire. Le temps est venu. Tu sauras tout là-bas. »
Nous sommes sortis de la maison, et j’ai tendu la relique au professeur. De nous deux, il était encore le seul à posséder un anneau capable d'en neutraliser les effets, ce qui devait être fait au plus vite. Il a attrapé le drap avec indifférence, et alors que nous empruntions deux vélos laissés à l'abandon sur le trottoir afin de sortir de la ville en vitesse, nous avons aperçu la plupart des victimes de la relique qui se relevaient péniblement, l'air hagard. Une fois parvenus à l'entrée de New York, nous avons laissé nos vélos aux militaires, et sommes montés dans la voiture. Le professeur s'est installé derrière le volant, et nous nous sommes mis en route.
Pendant le trajet du retour, il n’a pas dit un mot. Il se contentait de me jeter un petit regard coupable de temps à autre, puis fixait de nouveau la route, dans le silence le plus complet. Une fois arrivés à l’avion, nous avons entreposé la dernière relique dans l’Arche, suite à quoi le professeur a insisté pour que nous mangions avant de repartir. Nous nous nous sommes donc posés sur une table, en terrasse d’un restaurant situé à quelques kilomètres de l'avion. Les deux gorilles du Vatican nous ont suivis, et se sont postés à l’entrée de celui-ci, non loin de nous.
« Bon… Je sais que tu attends ce moment depuis longtemps. Ce que j’ai à te dire n’est pas facile à entendre, alors écoute bien. Et, je t’en prie, pardonne-moi. Pardonne-moi de t’avoir caché cela si longtemps… Il y a une partie du Testament dont je ne t’ai jamais parlé. Elle parle du rôle qu’aura la descendance de Judas dans l’apparition des reliques.
- Judas ? Vous voulez parler de l’apôtre qui a trahi Jésus ?
- C’est bien lui, oui. Dans les parchemins que j’ai pu traduire, il est question d’un descendant de Judas. D'un homme, dans la fleur de l’âge. Un homme qui aura un rôle majeur dans l'Apocalypse. Mais malheureusement, les parchemins indiquant la nature de ce rôle sont incomplets. Alors, le Vatican, en attendant de pouvoir déterminer celle-ci, a décidé de lancer de vastes recherches sur la famille de Judas, afin de trouver tout potentiel descendant de sexe masculin qui aurait entre vingt et quarante ans. Et ils n’ont trouvé qu’une seule personne correspondant à ces critères… toi.
- Attendez, vous essayez de me dire que je suis un descendant de Judas ? »
Le professeur a posé sa main sur mon épaule, et a acquiescé.
J’avais du mal à le croire. Moi, un descendant de l’apôtre le plus haï de l’histoire ? Cela ne se pouvait. Mais c'est alors que j'ai repensé à cette larme qui avait coulé sur ma joue à la vue de Jésus allongé sur son lit de mort. Était-ce un remord, une douloureuse réminiscence de la trahison de celui que le professeur annonçait être mon aïeul ?
Je me suis levé, et ai contemplé le ciel durant quelques secondes. Puis, mon regard s'est tourné vers le professeur Blondeau.
« Il n’y a vraiment personne d’autre ?
- Le Vatican a bien trouvé d’autres descendants, mais ce sont soit des femmes, soit des personnes ayant plus de 40 ans. Ils ont même trouvé une personne dont on a perdu la trace il y a plus de 500 ans.
- C’est donc pour ça que cet évêque me traitait d’engeance. Il avait raison.
- Ne... Ne dis pas cela, tu n’as rien d’une engeance. Tu n’es pas responsable des actes de tes ancêtres.
- Peut-être, mais reste que j'ai le sang de l'un des plus grands traîtres de l’Histoire qui coule dans mes veines. J’aurais aimé ne jamais le savoir. Comment me regarder dans une glace, à présent ? »
Le professeur m'a toisé avec un air gêné. Il ne savait visiblement plus quoi me dire.
« Reste là quelques instants, tu veux bien ? J’ai une dernière affaire à régler. »
Il s’est levé, puis s’est brièvement entretenu avec les deux gardes du Vatican. Il s'est ensuite isolé pour passer quelques coups de fil. Pendant qu'il était au téléphone, je le voyais me lancer de petits regard coupables par intermittence, les mêmes que durant le trajet du retour. Au bout de quelques minutes, il est revenu s’asseoir en face de moi.
Étrangement, les deux gardes se sont avancés à sa suite, et se sont placés derrière moi.
« Écoute, Edgar, je suis vraiment désolé. J’ai beaucoup réfléchi durant le trajet retour en voiture. Comme je te l’ai dit, on ne savait pas quel était ton rôle dans cette histoire… Et pour être honnête, on ne le sait toujours pas. Tu nous as beaucoup aidés, et je t’en remercie. Mais, même si l’Apocalypse semble inévitable avec le suicide du Messie, s’il y a encore une opportunité de l’éviter, il faut saisir notre chance. Tu es le descendant du traître, tu peux être celui qui arrêtera l’Apocalypse… ou celui qui la déclenchera. Nous ne pouvons pas courir ce risque… Je suis vraiment désolé. »
Il s’est alors adressé aux gardes.
« Saisissez-le. »
Les deux gorilles m’ont attrapé, et m'ont passé les menottes avant même que je réalise pleinement ce qui se passait. Autour de moi, le temps semblait avoir été ralenti en un instant, comme si cette scène était trop irréelle pour appartenir à notre dimension.
« Mais… qu’est-ce que ça veut dire ? Professeur, que faites-vous ?
- Je suis vraiment, vraiment désolé. Je n’ai pas le choix. Le sort du monde est en péril. Nous ne pouvons prendre aucun risque. J’ai eu le Vatican, et le président Trump au téléphone. En attendant qu’on en sache plus, tu seras détenu dans une prison américaine ultra sécurisée. Je sais de quoi tu es capable, et j’ai vu l’étendue de ta force. Tu seras en sécurité là-bas… et nous aussi.
- Mais vous ne pouvez pas faire ça ! Je n’ai rien fait de mal… Après tout ce que j’ai fait pour vous, pour le monde… comment osez-vous me faire ça ?
- Je… Je n’ai vraiment pas le choix. Comprends-moi. Tu aurais fait de même à ma place. »
Il s'est tourné vers les gardes, et leur a fait signe de m’emmener avec eux dans la voiture qui venait de se garer à quelques mètres de nous. J’allais donc finir cette aventure au fond d’une cellule. Après tout ce qui s’était passé, jamais je n’aurais imaginé une telle fin. Avant de monter dans le véhicule, je me suis tourné vers le professeur.
« Je pensais qu’on était amis. Je le pensais vraiment. »
Le professeur fuyait mon regard.
« Je… je faisais semblant. Mon devoir était de garder un œil sur toi. Je ne suis pas ton ami.
- Vous mentez, j’en suis sûr. Allez, repensez à tout ce qu’on a vécu ces derniers mois… Vous allez vraiment me faire moisir en prison ? C’est injuste !
- Je n’y peux rien. Je fais ce qu’il y a de mieux pour le monde. Tu n’es pas mon ami. Tu étais un travail de plus. »
A ces mots, je me suis arrêté. Les gardes me tiraient pour me mettre dans la voiture, mais dans un élan de rage, j’ai brisé les menottes qui me liaient les mains, et j’ai fait valser mes geôliers au loin. Je me suis approché du professeur, qui avait l’air terrifié.
« Regardez-moi dans les yeux, jurez-moi que vous n’êtes pas mon ami, et que me mettre en cage a une chance de sauver le monde. Jurez-le moi. J’ai peut-être le sang d’un traître dans mes veines, mais aujourd’hui, c’est vous qui me trahissez. »
Le professeur a approché son visage du mien, et j'ai pu remarquer que des larmes silencieuses ruisselaient sur ses joues. Il les a annihilées d’un revers de la main, et a empli ses yeux de dédain.
« Nous ne sommes pas amis. Tu es une menace pour le monde. Ta place est dans une prison. Une engeance telle que toi ne devrait même pas avoir le droit de fouler cette terre. »
A ces mots, le chant du coq a retenti.
Il avait renié notre amitié par trois fois. Fort de cette constatation, je me suis dirigé vers la voiture, et me suis docilement assis à l’arrière. Les gardes, bien que sonnés, sont parvenus à se relever, et sont montés dans le véhicule à ma suite, sans un mot.
Alors que la voiture démarrait, emmenant l'engeance que j'étais vers le point final de son voyage, je me suis retourné sur mon siège, et ai écarquillé les yeux. Derrière nous, rétrécissant à vue d’œil alors que nous commencions à prendre de la distance, le professeur pleurait à chaudes larmes.
***
Cela faisait maintenant plusieurs heures que nous roulions, si bien qu'au-dehors, la nuit avait fini par tomber. J'avais beau ne pas savoir dans quelle prison j’allais finir, une chose était sûre : elle n’était pas toute proche.
Soudain, m'arrachant à mes pensées, la voiture a pilé, projetant ma tête contre le dossier du siège conducteur. J'ai levé les yeux, et à la lueur des phares de la voiture, j'ai pu distinguer quelque chose, quelque chose qui s'était arrêté en plein milieu de la route.
En me rapprochant du pare-brise pour mieux distinguer cet obstacle inattendu, j'ai étouffé une exclamation. C'était une silhouette, montée sur un cheval.
Le conducteur a mis les pleins phares, nous permettant de voir plus distinctement le cavalier.
C’était un homme, tout de noir vêtu, coiffé d'un chapeau de cowboy. L'imposant cheval sur lequel il était monté était d'un blanc presque fluorescent, tirant vers le pâle. Le cavalier fumait le cigare d'un air provocateur et nous regardait, le sourire aux lèvres.
Face à cet imprévu, les gardes se sont empressés de descendre du véhicule. J’en ai fait de même, plus intrigué qu'autre chose par ce mystérieux cavalier au sourire provocateur sorti tout droit d'un western.
Sans sommation, l'un des gardes a sorti son pistolet, et a mis le cowboy en joue. Celui-ci l’a regardé avec dédain du haut de son cheval, et a porté le cigare à sa bouche. Il en a pris une grande bouffée.
A ce moment précis, le garde qui le tenait en joue s'est écroulé sans un cri, comme un pantin désarticulé. De là où je me tenais, j'ai pu voir son visage retomber au sol, figé dans une expression que je n'aurais su qualifier. Il était blanc comme un linge. Le deuxième garde a accouru vers lui pour lui porter secours, mais s'est très vite rendu à l'évidence : son collègue était mort.
Le cavalier souriait de toutes ses dents, cigare à la bouche.
De la même façon que feu son camarade quelques secondes plus tôt, le second garde a sorti son arme, mais lui n’a pas hésité : il a vidé son chargeur dans le torse du cavalier.
Mais étrangement, malgré le tonnerre de détonations qui venait de lui percer le tronc, le cowboy n'a bronché. Avec stupéfaction, j'ai vu les douilles tomber au sol dans un cliquetis sonore, tandis que les trous laissé par les impacts des balles se refermaient d'eux-mêmes. Le cavalier a retiré le barreau de chaise de sa bouche, et s'est mis à rire aux éclats, laissant le garde du Vatican complètement désemparé.
Il l’a regardé avec un grand sourire, puis a lentement porté le cigare à ses lèvres, à nouveau. Le garde, sentant sa fin approcher, s’est enfui en criant. Lorsque le cavalier a tiré la bouffée fatidique, le pauvre homme avait déjà eu le temps de courir une bonne vingtaine de mètres. Mais rien n'y a fait. Il s'est écroulé de la même façon que son collègue avant lui, foudroyé par une force invisible.
Le cavalier s'est tourné vers moi, puis a intimé à son cheval l'ordre de s’approcher.
Une fois à ma hauteur, il est descendu de son destrier et a retiré son chapeau de cowboy, laissant apparaître des cheveux blonds et bouclés.
Le sourire au lèvres, il s'est avancé, et m'a gratifié d'une accolade amicale.
« Ça fait un bail que je t’attends, p’tit gars. Les choses sérieuses vont enfin pouvoir commencer. Ça va être… d’Enfer.. »
Texte de Kamus
Genial !
RépondreSupprimerSuper le petit twist aussi x)
Mortel, en plus de la conclusion ouverte de ce chapitre :)
RépondreSupprimerJ'ai beaucoup aimé cette série, si tant est qu'elle soit réellement terminée. Un peu plus de mal avec le passage sur Zombie Jésus, qui part vraiment dans la série B, mais sinon c'est quali comme d'habitude !
RépondreSupprimerC'est finis ou il y'aura une suite ?
RépondreSupprimeril y a encore 4 chapitres :)
SupprimerVite la suite cette histoire me regale de chapitre en chapitre
RépondreSupprimerCe chapitre sur le dernier des péchés capitaux en liberté est déchirant. Depuis le début de cette quête, la relation entre le professeur et son protégé n'a eu de cesse de se renforcer, malgré les épreuves.
RépondreSupprimerEt voilà qu'à cause de son ascendance, Edgar se retrouve trahit... On ne peut décidément se fier qu'à soi même !
L'ouverture sur les cavaliers de la fin du monde est bien trouvée, quel va être le choix de notre attachant et malheureux héros ? Merci à toi pour ces écrits poignants Kamus :)
PS: Bien qu'apparemment il a "sauvé" notre descendant de Judas, quelle peste ce cavalier x)
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