Prologue 
Dimanche 8 octobre 2000
Dimanche 8 octobre 2000
 -Shambhala est géniale ! s’écria Dylan d’un ton fébrile.
Le train bleu entamait déjà une nouvelle chute vertigineuse, secouant ses occupants dans un fracas terrible.
Lorraine
 observa la structure en bois trembler sous la frénésie du convoi. Le 
cliquetis régulier du lift, les hurlements des passagers et le 
rugissement des roues contre les rails l’agaçaient prodigieusement. 
Toutefois, elle ne voulait pas gâcher le plaisir de son fils.
Shambhala,
 l’attraction mythique du parc de loisirs Happy Kingdom, l'inquiétait. 
L’accident qui, sept ans auparavant, avait coûté la vie à cinq 
personnes, y était probablement pour quelque chose . Ou peut-être 
était-ce simplement lié au fait qu’elle abhorrait ce genre de parcs. 
Elle exécrait ces manèges qui faisaient brailler les visiteurs, ces 
décors factices aux couleurs bariolées, ces odeurs saturées de pommes 
d’amour et de viandes grillées qui vous agressaient les narines, ces 
musiques doucereuses qui tournaient en boucle. Cette fausse joie 
fabriquée de toutes pièces lui était réellement insupportable.
Dylan 
était malheureusement son exacte antithèse, si bien qu’elle devait 
ponctuellement tordre ses principes. Ils avaient traversé suffisamment 
d’épreuves pour qu’elle concède quelques sacrifices et, surtout, Happy 
Kingdom était situé à moins de trente kilomètres de leur domicile. Cette
 proximité géographique bridait grandement les excuses recevables.
-T'aurais dû venir, cette fois, ‘man ! J'te jure, c’était vraiment excellent !
Dylan
 semblait euphorisé par Shambhala. Il avait dévalé ses pentes rebondies 
des dizaines de fois, mais il semblait toujours prendre ce même plaisir 
innocent, comme si chaque nouvelle itération était inédite.
-Je n’en doute pas ! accorda Lorraine. Mais tu sais comme je suis froussarde.  
Fidèle
 à son habitude, elle l’avait attendu sur l’un des bancs qui jouxtaient 
le colosse en bois. Coincée entre un stand de barbes à papa et une 
fontaine grimée de personnages loufoques, elle avait observé les trains 
se succéder sur le parcours, au gré de vociférations crispantes. Fort 
heureusement, l’attente avait été courte. Happy Kingdom était peu 
fréquenté en octobre.
Depuis peu, une baisse de fréquentation
 s’était d’ailleurs faite sentir dans le parc. La destination affichait 
un taux de fréquentation en berne, quelle que soit la période de 
l’année. Il n’en fallait pas plus pour que la rumeur d’une faillite 
imminente circule dans la région.
Lorraine avait beau le détester, la
 possible fermeture du site ne la réjouissait pas. L’économie de la 
région était déjà suffisamment sinistrée. Curieusement, la Direction ne 
semblait guère s’émouvoir de la situation. Au fil des années, les 
accidents s’étaient enchaînés, à tel point que les esprits locaux les 
plus ubuesques affirmaient que l’endroit était hanté. Un rien 
divertissait les foules dans les trous perdus, quitte à sombrer dans le 
pathétisme.
Si ces élucubrations étaient farfelues, la 
réputation du lieu, elle, était bien en chute libre. Lorraine aurait 
préféré visiter la concurrence mais ses finances ne le lui permettaient 
pas. De toute façon, les incidents étaient inévitables, non ? Ils 
suscitaient un important battage médiatique - et ce d’autant plus dans 
une région reculée où des événements inattendus défrayaient rarement la 
chronique - mais demeuraient statistiquement rares.
-Bon ! Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? questionna Dylan. Un tour de Tales Cave, non ?
Lorraine
 consulta sa montre tout en grattant nonchalamment sa tignasse blonde 
aux courbes quelconques. Dix-sept heures douze. Elle en avait son 
compte. Ses jambes la faisaient souffrir, et ses oreilles, assaillies 
par les cris et l'abrutissante musique d’ambiance, semblaient sur le 
point d’imploser. Elle aurait franchement préféré rentrer. Mais le parc 
ne fermerait pas ses portes avant dix-huit heures : elle ne pouvait 
décemment pas refuser à son fils une dernière attraction. Heureusement, 
Tales Cave faisait partie de ces rares manèges qu’elle pratiquait. 
Installé sur une barque en forme de cygne, le visiteur était promené à 
l’intérieur d’une grotte où les contes de fées prenaient vie. Un grand 
classique du milieu forain et, dans le fond, le parcours était plutôt 
reposant, si les contes de fées ne vous donnaient pas l’irrésistible 
envie de vous jeter à l’eau. Lorraine se reprocha immédiatement son 
cynisme. Deux personnes s’étaient noyées dans cette attraction. Elle 
chassa aussitôt ces pensées sordides de son esprit.  
-Très bien ! Va pour Tales Cave ! Ensuite, on rentre !
-Cool, ‘man ! jubila Dylan en se frottant les mains.
La
 journée touchait à sa fin et, déjà, le soleil déclinait, étirant 
l’ombre des arbres sur les allées jonchées de feuilles mortes.
Lorraine
 posa les yeux sur une fillette aux nattes blondes symétriques qui 
trimbalait d’énormes ballons chamarrés. Son visage exhalait le plus 
parfait bonheur. Lorraine l’envia. Elle aurait tant aimé retrouver cette
 innocence, cette joie de vivre, cette légèreté.
Soudain, 
Lorraine vit les quelques visiteurs qui les entouraient se ruer vers une
 boutique de souvenirs tapageuse. En tournant la tête dans leur 
direction, elle saisit immédiatement la raison de cette subite agitation
 : Lipsy venait d’apparaître. Lipsy, c’était la mascotte du parc. Un 
énorme écureuil aux courbes arrondies. Yeux ronds et sourire niais qui 
lui donnaient un air parfaitement crétin. Lorraine haïssait les 
costumes. On ne pouvait jamais savoir qui se cachait sous un masque, et 
cette simple idée l’effrayait. Lipsy, sous son apparente bonhomie, ne 
dérogeait pas à la règle. Il s’agissait toutefois, là encore, d’un sujet
 sur lequel Dylan n’était pas du même avis. Le garçon se dirigea 
spontanément vers la mascotte. Lipsy était déjà encerclé de visiteurs 
lorsque Lorraine daigna s’approcher. Elle avait connu le célèbre 
écureuil plus en forme. Lui qui, d’habitude, bondissait dans tous les 
sens et exécutait des pirouettes grotesques pour divertir le public, 
était étonnamment flegmatique. La morosité qui plombait le parc avait 
peut-être fini par toucher à son tour le légendaire Lipsy. 
Lorraine
 jeta un œil à son fils. Face à sa mascotte préférée, il rayonnait. Le 
voir aussi heureux, après ces longues années de galères successives, 
était un réel plaisir. Cela suffisait à effacer, du moins partiellement,
 sa culpabilité. 
Lipsy gesticula pour faire reculer les 
visiteurs qui envahissaient son espace vital. Sa main gauche trifouilla 
dans une poche de sa combinaison. A la stupéfaction générale, la 
mascotte poussa des grognements suffisamment inquiétants pour faire 
reculer les quelques personnes qui l'entouraient. Elle sembla 
soudainement agitée de spasmes incontrôlables, alors que des mots 
incompréhensibles s'échappaient du masque au sourire figé.
Et
 c’est alors que, sans la moindre raison, Lipsy se rua sur Dylan, un 
couteau fermement tenu dans la main gauche. La lame se ficha à plusieurs
 reprises dans sa carotide. Des flots d'hémoglobine giclèrent sur le sol
 tandis que le garçon, les yeux écarquillés par l'horreur et la 
surprise, porta la main à sa gorge. La seconde suivante, il s’effondra 
sur le sol comme un pantin dont on aurait coupé les fils, tandis qu'une 
auréole écarlate se répandait autour de son corps.
Estomaquée,
 la foule se dispersa en criant et, avant de s’évanouir, Lorraine, 
horrifiée, perçut une dernière image : celle de Lipsy qui, qui à son 
tour, se labourait la gorge.
Au loin, on pouvait entendre l’orgue de barbarie du vieux carrousel qui, imperturbable, jouait son air léger.
Cet incident fut le dernier d’une longue série qui établit la sinistre réputation de Happy Kingdom.
Sur ordre des autorités locales, le parc ferma officiellement ses portes le lundi 9 octobre 2000.
Et il tomba dans l’oubli.
Du moins, le pensait-on…
Texte de Coaster

Super, très agréable à lire, vivement la suite!
RépondreSupprimerY'aura pas de suite, je pense
SupprimerLe but d un prologue c est de préparer des bases pour la véritable histoire
SupprimerEn toute logique si, étant donné qu'il s'agit d'un prologue.
RépondreSupprimerLe prologue de cette histoire ressemble étrangement au début du jeu The Park, la mascotte est la même, un parc d'attraction abandonné... Pas mal de coïncidences.. J'ai hâte de lire la suite
RépondreSupprimerTu as raison, l'auteur à juste fait un plagiat de ce jeu et il n'a même pas penser à changer le nom de la protagoniste. C'est pathétique.
SupprimerUn bon début qui pose de bonne base pour ce qui peut être une excellente histoire
RépondreSupprimerTout ça pour ça ?
RépondreSupprimerCa aurait pu tenir en dix lignes.
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
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