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Claude reposa sa tasse de café et soupira. La journée s’annonçait longue
et ennuyeuse, comme souvent. Il était à peine dix heures et il en était
déjà à sa quatrième place. Le vieil homme se leva, traversa lentement
son petit salon et regarda la rue par la fenêtre. Son petit village
lorrain était très tranquille à cette heure de la journée. Presque tous
les gens en âge de travailler étaient employés dans les villes voisines,
le reste était réparti entre le bar, la boulangerie, la mairie, la
bibliothèque et la poste. Il n’y avait ni école primaire, ni de
pharmacie, et la mine qui se trouvait non loin avait été fermée.
Du
temps de sa jeunesse, Claude avait été mineur. Tous les matins, il se
levait de bonne heure, et il revenait le soir, fourbu, éreinté de sa
journée. Mais il était content de son travail. Il ne risquait pas de
perdre sa place, et il gagnait suffisamment pour vivre modestement.
L’homme avait travaillé des dizaines d’années dans cette mine, jusqu’à
ce que son dos le fasse trop souffrir pour lui permettre de reprendre la
pioche. À partir de ce moment-là, sa vie était devenue encore plus
monotone, il se levait le matin uniquement pour aller se coucher le
soir.
Le vieil homme sortait peu. Sa femme était morte pendant la
Seconde Guerre Mondiale. Lui avait été soldat, et prisonnier de guerre.
Après sa libération, il était rentré, et avait trouvé une maison vide.
Il avait été abattu et s’était réfugié dans le travail. Bien qu’il
adhérât au Parti Communiste, il n’était pas un membre actif, et n’avait
donc pas vraiment d’activité politique. Au fil du temps, ses amis
étaient morts, de maladie ou de vieillesse, jusqu’à ce qu’il ne lui en
reste plus qu’un, Gilbert, qui, lui, avait trouvé sa femme après la
guerre et avait eu une descendance. Ils se retrouvaient de temps à
autres au bar pour bavarder un peu, mais avec l’âge Gilbert devenait
casanier et taciturne.
Claude n’avait donc plus grand-chose à
faire. Il lisait le journal sans grand intérêt, achetait de temps à
autres un roman mais le finissait rapidement, n’écoutait pas la radio
car ce qui passait ne lui plaisait pas, et n’utilisait pas internet car
il ne comprenait rien aux technologies nouvelles. Il regardait plutôt la
télévision, soit des documentaires soit les informations, et
l’addiction au café qu’il avait développé l’amenait souvent à râler
pendant les journaux télévisés pour diverses raisons, ce qui lui avait
fait gagner, dans le voisinage, la réputation de vieux grincheux.
Il
attendit midi sans trop s’activer, rajoutant quelques tasses de café
sur son compte, puis il mangea, et décida qu’il n’était pas sorti depuis
un moment. Il sortit donc, se trainant lentement dans les rues et le
parc, dans lequel il s’assit une petite heure pour profiter de l’air
frais, puis vers quinze heures il se dirigea vers le bar, où il eut la
surprise de trouver Gilbert, contre le bar, regardant dans le vide, un
verre posé devant lui. Claude alla s’asseoir près de lui et dit :
« Alors, vieille branche, tu es sorti de ta cabane ? »
Gilbert
tourna la tête vers lui sans un mot. Il avait les yeux rougis et
gonflés. Après quelques instants il prononça d’une voix enrouée :
«
Comme toi, Claude… On vieillit, et ça devient mauvais de s’enfermer. On
vieillit tous… Comme ma Francine… Elle a trop vieilli, et ce matin elle
ne s’est pas réveillée… »
Il continua à parler, ou plutôt à
marmonner, si bien que Claude ne comprenait plus ce qu’il disait, mais
l’important avait été dit. Son ami était abattu, et lui ne savait que
dire. Oui, ils vieillissaient, leurs cheveux étaient blancs, leurs os
craquaient, leurs yeux ne voyaient plus aussi bien et leurs corps ne
répondaient plus à leurs attentes. Claude savait que le point final
n’était plus très loin, que demain ce pourrait être lui que l’on
trouverait dans son lit, paisiblement endormi pour l’éternité. Au moins,
il rejoindrait le bon Dieu et laisserait derrière lui ce monde de fou,
qui perdait de son sens de jour en jour et n’en finissait pas d’indigner
le vieil homme.
Ces pensées firent naître en lui un élan de
nostalgie. Comme il aurait aimé revenir au temps où il rentrait chez
lui, auprès de sa femme qui l’attendait avec un bon repas chaud, après
avoir miné toute la journée. Rien que le travail lui manquait, surtout
l’ambiance de camaraderie qu’il y avait entre lui et tous ses collègues.
Ce genre d’emploi difficile rapprochait beaucoup les gens, qui
peinaient tous les jours, parfois les uns collés aux autres, dans
l’obscurité, pour empocher leur salaire du mois. Lorsque l’un d’entre
eux se blessait, c’était tout le corps minier qui était handicapé.
Lorsque l’un d’entre eux s’en allait, le vide qu’il créait n’était
jamais totalement comblé. Lorsqu’un nouveau arrivait, une place lui
était faite pour qu’il se rattache à cette machine humaine.
À
force de se souvenir, Claude eut envie de retourner voir à la mine, même
s’il se doutait qu’elle était fermée. Vers dix-sept heures trente,
après avoir essayé de parler avec Gilbert et de lui remonter un tant soit peu le moral, il prit congé, et ses pas le menèrent à son ancien
lieu de travail. Il faisait déjà sombre, aussi ne comptait-il pas
s’attarder, mais il avait tout de même envie d’y refaire un petit tour.
Il traversa le terrain vague qui s’étendait devant l’entrée, et fut
surpris de constater que la porte du poste d’entrée était ouverte. Une
faible lumière en sortait, aussi Claude entra, afin de voir si l’on
n’avait tout simplement pas oublié d’éteindre après être passé pour une
quelconque raison. Un seul néon fonctionnait encore, la lumière en
parvenait.
Les pioches étaient rangées à droite, les casques à
gauche. Près de ces derniers se trouvait la table à laquelle s’asseyait
jadis celui à qui les mineurs devaient rendre compte de leur présence.
Au fond de la salle se trouvait la porte qui donnait sur le monte-charge
qui descendait dans les entrailles de la mine. La porte était
entrebâillée, et un faible bruit de machinerie sortait de la pièce. Le
vieil homme, dubitatif, se demandait pourquoi diable quelqu’un serait
ici. Il se prépara à rebrousser chemin, songeant que ce n’étaient pas
ses affaires, mais la curiosité l’emporte et il chercha parmi les
casques un dont la lampe n’aurait pas rendu l’âme. Par chance, il en
trouva un facilement.
Il passa alors la porte donnant sur l’autre
pièce. Le bruit devait venir du monte-charge. Il se positionna dessus
et abaissa la manette permettant de le faire bouger. La plateforme
produisit un grincement assourdissant, puis commença difficilement à
descendre vers les entrailles de la terre, se bloquant parfois quelques
secondes et renvoyant maintes secousses. Les installations
vieillissaient, elles aussi. Soucieux d’économiser la batterie de sa
lampe, Claude se contenta de la petite lueur jaune que diffusait une
minuscule ampoule à coté du panneau de contrôle jusqu’à ce qu’il arrive
dans la mine même.
Quelques ampoules fonctionnaient encore sur les
murs du tunnel, mais certains endroits étaient complètement plongés dans
le noir, aussi le vieil homme ralluma-t-il la torche frontale de son
casque. La lumière blafarde éclaira les parois rocheuses et le sol
jonché de petits cailloux. Des fissures se voyaient par endroits, il
valait mieux ne pas trop s’attarder, au cas où un éboulement choisirait
ce moment pour se déclarer. Un silence pesant régnait, interrompu
occasionnellement par le grésillement d’une ampoule. Claude avança vers
les ténèbres qui l’engloutissaient tous les jours lors de ses jeunes
années.
Il marchait depuis quelques minutes lorsqu’il remarque un
petit bout de papier collé sur le mur, où il était inscrit « Maurice
Cheminois, 29 avril 1927 ». La coutume voulait que lorsqu’un mineur en
avait définitivement fini avec le travail, on laissât une trace là où il
s’était arrêté de piocher. Cette coutume s’était mise en place très tôt
dans la mine, et s’était perpétuée, pour peu que Claude le sache,
jusqu’à sa fermeture. Ainsi, il marcha en croisant de temps en temps
d’autres petits bouts de papiers, avec parfois des noms connus écrits
dessus. Son cœur se serra lorsqu’il vit le siens collé en-dessous d’une
ampoule. C’était donc ici qu’il avait porté son dernier coup de pioche,
la suite du tunnel serait donc une entière nouveauté pour lui. Mais le
couloir rocheux se prolongeait encore bien au-delà de la vue du vieil
homme.
Il se demanda si cela valait le coup de continuer. Il
avait revisité la mine de ses souvenirs, des choses étaient remontées à
sa mémoire au cours de son chemin, et son petit sentiment de nostalgie
s’était en allé. De plus, il n’était pas sûr d’être ici en toute
légalité, si des fissures avaient commencé d’apparaître, la mine devait
être interdite d’accès ou en passe de le devenir. Il se retourna donc et
rebroussa enfin chemin, pensant se reposer dans son fauteuil bien
douillet lorsqu’il serait rentré chez lui. Mine de rien, tout ce temps à
marcher avait fatigué ses vieux membres, et ses articulations lui
rappelait qu’il n’avait plus l’âge pour de longues escapades de ce
genre. Cependant, après quelques pas, il s’arrêta soudainement,
entendant un son qui n’avait pas lieu d’être. Claude l’aurait reconnu
entre mille : le son d’une pioche qui tapait contre la roche. Le son
venait de la partie inconnue du tunnel, il se répercutait sur les parois
en écho et, maintenant qu’il avait commencé, ne s’interrompait plus.
Le
vieil homme se retourna à nouveau vers les ténèbres, perplexe. Comment
se faisait-il qu’il entendait cela ? Son esprit lui jouait-il des tours ?
Pourtant cela semblait bien réel. Il s’avança lentement vers le noir.
Les petits cailloux crissaient sous ses chaussures. Aucune ampoule
n’éclairait cette partie du souterrain, seule la faible lueur émanant de
sa lampe frontale lui permettait de s’assurer qu’il n’allait pas droit
vers le bout du cul-de-sac. Tap, tap, tap. Le son se rapprochait au fur
et à mesure qu’il avançait, mais il devait encore être éloigné du bout
du tunnel. Tap, tap, tap. L’odeur caractéristique de la mine envahissait
ses narines, enivrait son esprit, imprégnait son corps. Tap, tap, tap.
Le vieil homme commençait à perdre la notion du temps, le tapement de la
pioche remplaçait le tic-tac des horloges, les secondes qui
s’écoulaient étaient autant de coups portés sur la roche dure, chaque
minute qui s’évanouissait étaient une partie des parois qui se brisait
sous l’ustensile.
Soudain, Claude arriva au bout du tunnel, et
s’arrêta, étonné. Personne. Le son était pourtant toujours présent, et
paraissait toujours éloigné. C’était à n’y rien comprendre. L’écho
venait-il de son esprit ? Était-ce un fantôme du passé ? Les yeux de
Claude se posèrent sur… Une porte d’acier ? Qu’est-ce qu’une porte
d’acier faisait au fond d’une mine ? Elle paraissait bien vieille,
pourtant, aux dernières nouvelles, le lieu dans lequel il se trouvait
n’abritait aucun trésor archéologique caché, aucune expédition n’avait
découvert de lieu secret caché dans les profondeurs. Il s’approcha et
colla son oreille sur le métal froid. Les coups de pioche semblaient
bien venir de là. Il se demanda s’il aurait assez de force pour
l’ouvrir. À sa grande surprise, il eut à peine besoin de tirer, la porte
pivota toute seule, dans un grincement effroyable, une fois qu’il eut
abaissé la poignée, comme si elle attendait de lui qu’il vienne et lui
ouvrait maintenant le chemin.
Le vieil homme faillit alors avoir
une crise cardiaque. Le coté intérieur de la porte, jusqu’alors
dissimulé, n’avait rien à voir avec ce qu’on pouvait apercevoir en
venant du tunnel. Elle était noircie, comme si on avait tenté de la
brûler sans succès, la rouille la dévorait par endroit, et, au milieu de
la surface irrégulière, un œil rouge était représenté, si bien fait
qu’au début, Claude avait cru que c’était la porte qui le regardait d’un
air sinistre. C’était de plus en plus étrange. Il se demanda si c’était
un lieu de culte sataniste, et, furieux que ce genre de vermine se
serve de sa mine pour de telles activités, il pénétra sans hésiter dans
le nouveau boyau obscur qui s’étendait maintenant devant ses yeux, avec
dans l’idée d’appeler la police dés qu’il aurait épinglé les voyous et
serait de nouveau dehors. Le son de la pioche se faisait maintenant
beaucoup plus proche, mais le reste des bruits était comme étouffé, si
bien qu’il n’entendit pas la porte se refermer derrière lui. Ici, la
paroi était totalement lisse, sans bout de papier, sans lampe, sans rien
permettant de se repérer. La lampe frontale de Claude projetait une
faible lueur blafarde sur le sol tout aussi lisse. Ce ne pouvait avoir
été fait de main d’homme, et l’idée que quelqu’un ait fait pénétrer une
machine ici pour creuser un nouveau souterrain lui paraissait dénuée de
sens. Alors, qu’est-ce que c’était que ce tunnel, à la fin ?
Petit
à petit, le vieillard entendit un son qui s’ajoutait à la pioche. Il
n’en n’était pas sûr au début, mais plus il avançait, plus ce son se
faisait distinct : les pleurs d’une enfant. Claude commença alors à
s’inquiéter, n’arrivant pas à faire le lien entre ses hypothèses et les
faits, ni entre les faits entre eux, et surtout ne comprenant pas la
présence d’une enfant seule dans un tel lieu, si loin de la surface.
« Petite ? Allons, ne pleure plus, je viens te chercher, on va sortir de là ! »
Comment
avait-elle fait pour entrer et parvenir jusqu’ici ? Il lui demanderait
quand ils seraient sortis. Au loin, il vit une ombre se détacher du
reste du tunnel, ce devait être elle. À partir du moment où il la
remarqua, la pioche cessa de frapper, et les pleurs de l’enfant
emplirent tout le tunnel. La petite était vêtue d’un manteau à capuchon
bien trop grand pour elle. De loin, on aurait dit qu’il tenait tout seul
en l’air. Lorsqu’il ne fut plus qu’à quelques mètres, Claude l’avertit
qu’il était là et qu’il allait la faire sortir. Une odeur de saleté, de
terre et de poussière se renforçait à mesure qu’il s’approchait et
gênaient ses voies respiratoires, et il finit par se demander si c’était
d’elle que cela émanait. Elle pleurait toujours. Le haut du capuchon
atteignait le mètre cinquante. Elle était bien trop grande pour la voix
qu’elle avait. Claude posa malgré tout une main bienveillante sur son
épaule pour la faire se retourner.
Bien qu’il n’eut pas le temps
de voir grand-chose, car sa lampe frontale grilla à ce moment là, la
vision du vieillard fut cauchemardesque. Une tête large, presque carrée,
veinée et dont la chaire semblait être à vif, une bouche à la mesure de
la largeur du visage, et deux yeux noirs, luisants, dénués de tout
sentiment. Une haleine pestilentielle, et le dessous du manteau qui
exhalait cette puanteur qu’il avait senti en s’approchant. Lorsque la
lampe grilla, quelque chose qui ressemblait à un cri de rage humaine,
mais en plus guttural, retentit, et Claude fut violemment repoussé en
arrière et tomba au sol. Il n’y voyait plus rien, il n’avait plus que
son ouïe, son odorat et son toucher.
Quelle était cette chose
qu’il avait vue ? Était-ce une abomination de Satan ? Il était peut être
entré dans un passage vers l’Enfer. Mais pourquoi donc, il avait mené
une vie honnête, il méritait de rejoindre Dieu au paradis… Ou bien ce
démon avait-il été invoqué dans ce monde pour semer la destruction ?
Cette créature abominable ne pouvait, quoi qu’il en soit, avoir été
créée de la main du Seigneur. Claude devait rebrousser chemin au plus
vite et fermer la porte derrière lui, peut être était-elle capable de
l’arrêter.
Le vieil homme rampa lentement, au hasard, jusqu’à
sentir un mur et y prendre appuis pour se relever. Des bruissements
rapides de tissu se faisaient parfois entendre, mais impossible de
savoir d’où cela venait exactement. En tout cas, il n’avait plus aucun
contact avec la créature. Peut être l’avait-il rêvée ? Ou alors se
tapissait-elle dans l’ombre, prête à lui porter le coup de grâce ? La
chute l’avait en effet beaucoup endolori, et il éprouvait de la
difficulté à marcher. Peu importe, l’important était de sortir. Claude
suivit le mur à tâtons, espérant qu’il ne se méprenait pas sur la
direction.
Quelque chose de volumineux et métallique s’écrasa
alors derrière lui. Quel était ce nouveau maléfice ? Le tunnel était
pourtant vide, pour ce qu’il en avait vu. Le silence reprit son règne
dés que le fracas métallique eut cessé. Il n’entendait pas ses propres
pas, sa propre respiration. La seule chose qu’il entendait, de temps en
temps, était un grincement, comme si quelque chose exerçait une pression
sur un objet de métal. Rien d’autre. Cette attente était pesante,
angoissante. Un peu trop pour le cœur du vieillard. Il se promit de ne
pas sortir pendant les prochains jours, pour se remettre de ses
frayeurs, et d’adresser des prières au ciel pour que la chose ne puisse
nuire à personne. Il tremblait affreusement et avait du mal à respirer,
la douleur emplissait son corps à cause de la chute et ses os
craquaient.
Le même fracas métallique que précédemment se fit
entendre dans son dos, plus proche cette fois, puis il sentit comme un
courant d’air effleurer son visage. De sombres pensées commencèrent de
naître dans son esprit. La chose se rapprochait certainement, tout comme
cet objet de métal qui était comme projeté vers lui, les intentions du
démon étaient claires. Qu’avait-il fait au ciel pour mériter d’être aux
prises avec pareille créature sans recevoir aucune aide divine ? Il
était trop vieux pour de telles aventures. Il marmonna d’une voix
tremblante un « vade retro, satanas », mais sans aucune conviction. Il
ne pensait plus pouvoir s’en sortir. Mais après tout, ce ne serait peut
être pas si mal. Il mourrait sur le lieu de travail qu’il avait tant
chéri, et il pourrait enfin rejoindre sa femme dans la demeure du
Seigneur.
Comme en réponse à ces pensées, une énorme masse de
métal percuta le vieillard de plein fouet, lui brisant des côtes et son
bras droit au passage. La douleur était insupportable, à son âge. Il
hurla de douleur, comme il y a des années, lorsqu’on avait du lui
extraire une balle du corps sans anesthésie aucune. Il ne savait pas si
des organes internes étaient touchés, ni si quelque blessure demeurait
encore cachée à ses sens en pleine confusion. Presque aussitôt, il se
sentit soulevé dans les airs par la cheville, et fit un long vol plané
avant d’aller s’écraser de nouveau, se déboîtant cette fois l’épaule. La
chose devait avoir des pouvoirs télékinétiques, et s’en donnait à cœur
joie. Claude n’était plus qu’une marionnette qu’elle se plaisait à
briser et démembrer.
Combien de temps dura le supplice ?
Longtemps. Le vieil homme eut le loisir de sentir chacun de ses os se
fendre, chacun de ses membres fut tordu en un angle bizarre, sa colonne
vertébrale fut touchée et il perdit toute sensation dans ses jambes,
mais ce n’était pas fini, ses épaules et sa cage thoracique furent
réduits en miettes. Ce n’était qu’une question de minutes avant qu’il ne
perde la vie, s’il avait encore été capable de penser, il se serait
étonné de ne pas être passé de l’autre côté, après tout ce qu’il avait
subi. Mais la douleur était telle qu’il ne pouvait même plus hurler,
même plus penser. Une pression horrible s’exerçait sur son crâne. À
chaque fois qu’il était projeté dans les airs, des craquements sinistres
retentissaient, et il avait l’impression d’exploser.
Le corps en
charpie de Claude, contenant son dernier souffle de vie, s’écrasa avec
un horrible son d’os brisés, et alors une faible lueur blafarde éclaira
le plafond. Peut être sa lampe frontale n’avait-elle en fait pas grillé
et remarchait-elle, malgré tout ce qui s’était passé. Un réfrigérateur
volait au-dessus de lui. Le métal était abimé, rouillé en certains
endroits, les chocs avaient rendu la surface irrégulière. Claude ne
pouvait regarder ailleurs, mais du coin de l’œil il discernait une
silhouette sombre, encapuchonnée, qui levait les mains en l’air, vers le
singulier objet qui n’était clairement pas à sa place dans un tel lieu.
La suite était cependant claire comme de l’eau de roche pour le
mourant. La chose abaissa ses mains, et toute la masse du réfrigérateur
s’écrasa sur le vieillard, explosant ses organes internes, éclatant son
crâne et faisant gicler le contenu tout autour. Le sang se répandit
rapidement autour des restes du vieil homme, désormais inidentifiables.
Mais la dernière seconde de sa vie, Claude fut heureux. Heureux de
quitter ce monde cruel ici, dans sa mine. Chez lui.
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C'était quoi ? Enfin, je veux dire, c'était bien écrit, mais pas un frisson; une créature peu décrite, on sait pas ce que c'est, des esprits des mineurs morts ? Je suis perplexe.
RépondreSupprimerIl me semble qu'il avait été dit que tous les NOR se recouperaient, à moins que je confonde mais il ne me semble pas. Donc on aura sûrement des explications à la fin...
SupprimerPersonnellement je me suis sentie très oppressée, mais sûrement plus par rapport au lieu (agoraphobie) que l'histoire en elle-même.
Non tu as raison, tous les NOR sont liées.
Supprimerbonjour, excellente pasta mais petite question ou sont passés les autres chapitres?
RépondreSupprimerCes histoire "NOR" sont tous simplement géniales! Ce serait sympa de trouver des hypothèses sur ce qu'est cet œil. Un culte, des démons,...? En tout les cas, hâte de lire la suite.
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