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Maman dort dans la cave



Temps de lecture : 6 minutes

« Parle plus fort, s'il te plaît. »

Depuis le fond de la classe, j'ai placé ma main derrière mon oreille pour lui signaler qu'elle devait élever la voix.

Elle a pris une profonde inspiration. Je voyais l'anxiété qui lui  rougissait le visage, alors que des mèches de cheveux blonds commençaient à se détacher de cette queue-de-cheval qu'elle portait tous les jours. Elle avait quelque chose qui me paraissait si familier, mais je n'arrivais pas à mettre le doigt dessus. Le visage collé à sa feuille, trop effrayée pour établir un contact visuel, elle a rapidement soufflé :

« Bonjour, je m'appelle Paisley Jackson, et voici mon poème intitulé Ma Famille. »

Paisley était une petite fille timide. En fait, elle était l'une des élèves les plus silencieuses que je n’eusse jamais connues au cours de mes dix années d'enseignement. J’imagine que le fait d'être la plus jeune d’une fratrie comptant onze membres ferait cet effet à n'importe qui. Mais étonnamment, elle était très intelligente, contrairement au reste de ses frères et sœurs qui étaient tous plus bêtes que leurs pieds. Seigneur, les enfants Jackson étaient un tel casse-tête, sauf Paisley bien sûr. J'aurais aimé lui donner plus d'opportunités pour améliorer son avenir.

Ne vous méprenez pas, j'ai essayé d'aider Paisley, j’ai vraiment essayé. Je lui ai donné des vêtements, de la nourriture, et j’avais même mis des sous de côté pour elle. Mais, vivre dans une cabane au milieu du désert, c'était déjà mal partir dans la vie. De plus, peu importe ce que j’aurais fait, cela n'aurait rien changé, tout le monde sait que le cycle de la pauvreté est presque impossible à rompre.

J'ai croisé les jambes, stylo à la main, me préparant pour une autre histoire fade sur une famille que je ne rencontrerais jamais. Si vous avez déjà travaillé avec des enfants défavorisés, vous savez que l’implication des parents ou du tuteur est plutôt rare. Et lorsqu'il s'agit de s'intéresser à l'éducation de leur fille, les parents de Paisley ne font exception.

« J'ai deux mamans. L’une d’elles s'appelle Betty et sait faire de bons spaghettis. Je l'appelle Mère, c'est celle qui est mariée à mon papa, Tom. L’autre s'appelle Claire, elle a de jolis cheveux blonds. Je l'appelle Maman. Papa l'appelle son projet, son hobby. »

Étant donné que je suis dans l’Utah, j'ai vu des centaines de familles polygames, donc cela ne m'a pas paru bizarre. Aussi, même si la polygamie est illégale, ce ne sont pas vraiment mes affaires.

« Mère prend soin de nous tous. Elle peut le faire parce qu'elle est très grande. Maman porte un joli bracelet en argent. Elle le porte parce qu'elle est très célèbre. »

Ce n’était pas la première fois que je voyais des enfants inventer des histoires sur des parents célèbres pour ajouter de l'excitation à leur vie trop ordinaire. Mais je ne m'attendais pas à cela de la part de Paisley.

« Maman nous a moi et Tommy. C'est un de mes frères aînés. Mère est beaucoup plus âgée. Elle a tous les autres. »

J’ai grimacé. Cela signifiait qu'une des mères de Paisley avait donné naissance à 9 enfants. Je ne pouvais pas m'imaginer vivre autant de grossesses.

« Papa dit que Tommy et moi sommes un cadeau de Dieu. Il ne nous frappera jamais avec un bâton. Sa fierté et sa joie, c'est Tommy, mais il dit que la seule personne qu'il aime vraiment, c'est Maman. »

J'ai levé les yeux de mon carnet de notes, la phrase sur le bâton ayant attiré mon attention. Cependant, ce n'était pas la première fois que mes élèves signalaient accidentellement un cas de maltraitance. En vérité, les services de protection de l’enfance choisissent les personnes qu'ils veulent aider....

« Mère va avoir un autre bébé. Elle est furieuse que papa veuille l'appeler Daisy. Maman ne peut pas avoir d'autres enfants. Son dernier est mort d’une MSN. »

En me glissant sur mon siège, j'ai griffonné une note me rappelant de livrer les vieux vêtements de bébé de ma fille à la cabane des Jackson. Étant moi-même mère, je sais que les bébés peuvent coûter cher.

« Papa dit qu'elle l'a fait exprès, parce qu'elle voulait s'enfuir et rejoindre le cirque. Mais Mère dit que ce n'était pas sa faute. J’ai promis de garder ça dans notre jardin secret à tous les deux. »

J'ai secoué la tête de tristesse. Comment peut-on blâmer une mère en deuil pour quelque chose qui est complètement hors de son contrôle ?

« Maman est celle que papa a choisie. Il est allé voir tous ses spectacles à l’école. Ils ont été réunis dans la nuit. Papa dit qu'en elle, il y a beaucoup d’acharnement. Mère n'est qu'une couverture, papa ne l'aime pas vraiment. »

J'ai levé la main, un geste signifiant d’arrêter, que j'avais enseigné à mes élèves, mais Paisley n'a pas levé la tête. Elle a continué à lire, ignorant mon froncement de sourcils. Il était évident qu'un de ses frères et sœurs lui a fait écrire cela pour plaisanter.

« Maman dit qu'elle a besoin de sortir. Elle veut me montrer ce qu'est la vie. Papa se met en colère, c'est sa plus grosse bête noire. Maman est triste, elle veut juste sortir. Maman me chante sa chanson préférée. Mère dit que la tête de papa est mal câblée. »

En secouant la tête, j'ai soupiré. Encore une enfant avec tant de potentiel et un cœur si pur, coincée au milieu d'une querelle d'amoureux qui ne la concernait même pas.

« À son dernier anniversaire, je voulais emmener Maman à un match de son équipe de basket préférée. Mère m’a fait un gâteau avec de la crème au beurre. Je suis allée voir les Knicks, mais papa a dit qu'il avait fait une erreur qu'il ne pouvait pas réparer. Rien n'est plus pareil. Je ne sais pas pourquoi, mais c’est sûr. Maintenant, papa pleure seul la nuit. Il demande à Dieu : "Qu'est-ce que j'ai fait ?", il ne s'occupe plus de Mère, elle espère que le bébé va les réconcilier. »

Paisley a levé la tête en souriant, cherchant mon approbation. Bien que j’étais consternée par le caractère inapproprié de son poème, je ne voulais pas lui casser le moral. Elle en était visiblement très fière, et la gronder pour quelque chose qui n'était pas sa faute allait simplement renvoyer cette petite fille dans sa coquille que j'essayais de briser depuis des mois.

Au lieu de cela, j'ai applaudi, faisant applaudir aussi le reste de la classe (qui était trop jeune pour comprendre la gravité de la situation).

« Madame June, j'ai apporté une photo de Maman en plus, elle contient une autre partie du poème. Est-ce que je peux la montrer à la classe ? »

J'ai hoché la tête en pensant qu'il ne pouvait pas y avoir de détails pires que ceux qu'elle avait déjà présentés.

Paisley a mis sa main dans la poche de devant de sa vieille robe usée, en sortant une photo vieillissante. Elle a retourné la photo, la montrant comme si c'était son bien le plus précieux.

Mon sang s'est glacé. J'ai finalement compris pourquoi Paisley me semblait si familière.

Sur ce qui semblait être une photo de classe, avec un sourire identique à celui de Paisley, se trouvait une jeune fille du nom de Claire Daisy. Elle était une lycéenne, connue pour sa capacité à obtenir le premier rôle dans toutes les pièces de théâtre de l'école, et qui avait disparu sans laisser de trace douze ans auparavant. Elle avait été vue pour la dernière fois à la répétition d’une pièce de théâtre tard un soir et elle a tout simplement disparu. Aucun signe de lutte. Pas de témoins. Pas de preuves. Pas de corps. Rien. Son cas avait été couvert par toutes les chaînes d'information de l'Utah pendant un certain temps, à cause de sa particularité, jusqu'à ce que les gens s'en désintéressent.

Paisley a poursuivi avec joie. J'étais tellement sous le choc que je n'ai pas pu l'arrêter, alors qu'elle lisait le dos de la photo.

« Il y a une chose que je ne comprends pas, et peut-être que vous aurez la réponse. Si l'amour de papa pour maman ne vacille jamais, pourquoi l'a-t-il traitée ainsi ? Maman pose sa tête sur un beau lit douillet. Mais maman dort dans la cave sur une grande dalle de ciment. »

Ce texte a initialement été réalisé par Haley Hendershot sur Creepypasta.com, et constitue sa propriété. Toute réutilisation, à des fins commerciales ou non, est proscrite sans son accord. Vous pouvez tenter de le contacter via le lien de sa création. L'équipe du Nécronomorial remercie également Naveen qui a assuré sa traduction de l'anglais vers le français à partir de l'originale, Noname, Undetermined.B et Kitsune qui ont participé au processus d'analyse et de sélection conformément à la ligne éditoriale, et Kintefleush et Antinotice qui se sont chargés de la correction et la mise en forme.

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