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Le Chiffre de l'ombre : Troisième partie

Le Chiffre de l'ombre : Première partie
Le Chiffre de l'ombre : Deuxième partie
Le Chiffre de l'ombre : Troisième partie
Le Chiffre de l'ombre : Quatrième partie


15 Février, 1860

Le prêtre est resté enfermé dans la chambre avec les filles toute la journée. Me laissant dans le couloir où je suis resté assis durant de longues heures. Écoutant, tentant avec quelques difficultés de comprendre ce qu'il se passait à l'intérieur. J'ai entendu plusieurs fois une chose horrible. J'ai entendu mes filles lui demander de venir dans leurs lits, dans un langage si lubrique et infect que je n'ose le répéter. Il répondait à leurs séductions par des prières. J'ai entendu des cris de terreur qui semblaient plus animaux qu'humains. Puis un chant. Puis un long silence. Je suis devenu perplexe. Inquiet. Inquiet pour mes jumelles, mais également pour le prêtre. Bien qu’il m’eût mis en garde et dit de ne pas le faire, j'ai frappé mon poing contre le bois.

« Révérend ? »

La porte s'est ouverte et il m'a fixé avec des yeux furieux, sa barbe négligée et recouverte de bave.

« Je sais que vous m'avez dit de ne pas vous déranger ; je me suis juste inquiété à cause de ce long silence. »

Il a levé la main pour me calmer.

« Tout va bien. Vos filles vous sont revenues. Mais je ne sais pas pour combien de temps. Vous pouvez défaire leurs liens pour le moment. Mais le soir, avant qu'elles ne s'endorment, vous devez les remettre en place. Ces forces de l'obscurité sont fortes et vous joueront des tours. »

J'ai regardé par-dessus son épaule pour découvrir mes petites princesses. Leurs visages étaient redevenus normaux, leurs lèvres n'étaient plus noires, leurs yeux étaient clairs. « Papa ! » ont-elles crié. J'ai couru vers elles et j'ai desserré les cordes, les libérant et les entraînant dans mes bras où nous avons pleuré ensemble.

« Oh, les filles, vous m'avez tant manqué. Je vous aime tellement.

– Nous t'aimons aussi, Papa. »

Elles avaient faim. Dire qu’elles étaient affamées serait plus exact. Qu'elles aient tenu si longtemps sans eau ni nourriture reste un mystère pour moi. Je leur ai apporté de la viande et du bouillon, leur demandant de manger lentement, pour qu'elles ne se rendent pas malades. C'était des retrouvailles splendides, et je suis resté avec elles jusqu'à la tombée de la nuit.

« Je dois vous attacher, les ai-je prévenues pendant que j'allumais une lanterne pour remédier à l'obscurité grandissante du soir.

– Oh, le dois-tu vraiment, Papa ? Mes poignets sont si douloureux, se plaignait Bethany, ses yeux émeraudes brillant avec un éclat de pitié.

– Je n'ai pas le choix, ai-je dit, prenant les cordes et me préparant à les attacher à leurs lits.

– Et Mère te manque-t-elle ? » a demandé Joséphine.

Je me suis arrêté. L'entendre dire ça a réveillé en moi de nombreuses émotions que j’avais enfouies dans mon cœur, il m’a fallu prendre une profonde inspiration pour me calmer.

« Bien sûr qu'elle me manque.

– Ça doit être si dur pour toi, d'être tout seul.

– Oui, ma chérie, ça l'est. Mais je vous ai vous.

– Oui, c'est vrai. Tu nous as nous. J'espère que nous pourrons te consoler, comme Mère le faisait. Te donner ce qu'elle te donnait. T’offrir le plaisir qu'elle t’offrait. »

Horrifié, j'ai remarqué que les filles léchaient leurs lèvres en parlant et caressaient leurs seins, soulevant au passage leur chemise de nuit au-dessus de leurs jambes. J'ai chancelé.

« Les filles, redevenez-vous mêmes immédiatement ! leur ai-je ordonné.

– Viens t'allonger avec nous, Père. Nous pouvons autant te satisfaire que Mère. »

Heureusement, le Révérend a soudainement fait irruption dans la pièce en hurlant : « La puissance du Christ vous y oblige, partez immondes démons ! »

Pendant qu’elles criaient, il s'est tourné vers moi et m’a dit : « Dépêchez-vous, mon garçon, attachez-les ! »

Mais juste à cet instant, elles ont repris leur forme monstrueuse, avec leurs visages pâles et leurs yeux révulsés qui ne laissaient voir que le blanc.

J'ai saisi une corde et l'ai enroulée autour du poignet de Bethany. Elle me grognait dessus et se débattait comme un chat sauvage. Et alors que je voulais attraper le bras suivant, elle a tendu sa main, qu'elle a plié en forme de griffe, pour attaquer mon visage. Ses ongles abîmés, aussi pointus et aiguisés que des serres, ont douloureusement déchiré mon œil gauche.

Joséphine, de son côté, était sortie du lit et avait les doigts serrés sur la gorge du Révérend. Pendant un moment j'ai eu peur pour lui, jusqu'à ce qu'il ne l’ait attrapée par la taille pour la jeter sur le matelas.

« Tiens celle-là pendant que je finis d'attacher l'autre ! » m’a-t-il sommé.

Ignorant la douleur, je me suis jeté sur elle, la clouant sur le lit tandis que le Révérend finissait de serrer les liens de Bethany.

Au bout de quelques instants, Joséphine a fini par abandonner et m'a regardé, son visage avait repris ses traits de petite fille.

« Oh papa, ça fait mal. Pourquoi es-tu allongé sur moi comme ça ? Laisse-moi partir. Tu me fais mal Papa. »

Mais déjà le Révérend était sur elle, saisissant sans pitié ses mains et les attachant avec les grossières cordes de chanvre.

« Ne le laisse pas me faire ça, Papa. Comment peux-tu le laisser faire ? » couinait-elle douloureusement.

– N'écoutez pas leurs mensonges, » m'a ordonné le Révérend en finissant ses nœuds.

Puis il s'est levé et a fait le signe de croix avec ses mains, en murmurant en latin : « En Dominum, sanctum…  »

Elles grognaient et crachaient sur lui. Et alors qu’elles se débattaient, il m'a regardé et a prononcé ce seul mot : « Partez. »


18 Février, 1860

Mon œil est salement amoché et je dois maintenant porter un bandage par-dessus. Quant aux filles, elles redeviennent lucides le jour, mais je me méfie d'elles. Le prêtre m'assure que c'est normal et que nous sommes sur le bon chemin. Je prie avec ferveur pour qu'il ait raison. Enfin, j'ai appelé mes jeunes frères à venir de leurs fermes et de leurs ranchs afin qu’ils rencontrent cet étrange Révérend, et pour discuter avec eux de ce qui pourrait être la meilleure marche à suivre concernant les récents évènements.


21 Février, 1860

Ayant reçu un courrier annonçant que mes frères arrivaient demain, je suis de suite aller annoncer la nouvelle au Révérend Michael. Sa porte était restée entrouverte, et alors que j’étais venu toquer, j'ai entendu des bruits étranges venant de l'intérieur. Un bruit de claquement suivi par des gémissements sourds. J'ai poussé la lourde pour l'ouvrir un peu plus et pouvoir regarder à l'intérieur. Là, à genoux sur le plancher en bois, se tenait le prêtre torse-nu qui me tournait le dos. Dans ses mains se trouvait un fouet – un chat à neuf queues – et il le frappait sur son épaule, flagellait son dos qui portait déjà des traces de coups. Ses blessures saignaient abondamment. Soudain, il s'est tourné avec une étrange rapidité et a aperçu mon regard avant que je n’aie eu le temps de prendre la fuite.

« Désolé Révérend, ai-je marmonné d'un air penaud, je ne voulais pas vous espionner. J'étais venu vous informer de l'arrivée de mes frères qui seront présents dès demain et j'ai entendu des bruits étranges, alors je voulais simplement connaître leur origine.

– Vous n'avez pas à me présenter des excuses. Je n’ai aucun secret, aucun. Un homme qui lutte contre le prince des ténèbres et sa légion se doit d’être fort et de savoir expier ses péchés. Non, je n’ai aucun secret, mais j'apprécie ma solitude.

– Oui, certainement Révérend. Pardonnez mon intrusion.

– Intrusion pardonnée, » a-t-il déclaré pendant que je fermais la porte tout en entendant le claquement du cuir sur la chair reprendre et résonner depuis la chambre.


20 Février, 1860

Mes frères sont arrivés aujourd'hui.

Ils semblaient vraiment inquiets à propos de la situation avec les jumelles, ce même si je leur ai bien dit que la situation progressait dans la bonne direction.

« Mais ton œil, cher frère, » a fait remarquer John, pointant du doigt ce que les autres essayaient délibérément d'omettre. Il a toujours été comme ça. Étant le plus jeune, il n'a pas une once de réserve et dit toujours tout ce qui lui passe par la tête.

« Ça paraît terrible, mais ce n'est qu'une égratignure, ai-je dit en ajustant le cache-œil, ça ira mieux sous peu. »

En dehors de cela, mes frères nous ont apporté de mauvaises nouvelles concernant le problème des natifs. Un groupe de plus de cent indiens entoure les forêts de séquoias au-dessus de nos terres. Ils sont affamés, ouvertement hostiles, et descendent avec hardiesse des collines dans l’optique de voler notre bétail. Ils sont aussi armés et pas seulement avec des arcs et des flèches, mais aussi avec des pistolets, brandissant effrontément leurs armes à quiconque s'opposerait à eux.


22 Février, 1860

J'ai été réveillé par un horrible cauchemar.

Je ramais sur un petit bateau en mer. Joséphine et Bethany étaient à la barre.

Les filles avaient huit ans, l'âge qu'elles avaient quand nous sommes arrivés à San Francisco : doux anges aux cheveux miel qui parlaient tranquillement entre elles, riaient.

Il n'y avait aucune terre en vue et le ciel était décoré par des étoiles et une lune, une lune carmine. J'ai baissé les yeux vers l'eau qui reflétait le rouge profond de l’astre.

Puis j'ai remarqué que ce n'était pas le reflet de la lune qui teintait l'eau, non, l’océan était ensanglanté. Et, en regardant au loin, j'ai vu un corps s'agiter, se débattre, se noyer dans l’hémoglobine. C'était ma Margaret.

J’ai bondi par-dessus bord pour la sauver, mais je ne pouvais pas l'atteindre. Le sang était épais et collant en plus d'avoir une odeur nauséabonde. Je n'arrivais pas à me frayer un chemin à travers, et plus que couler, j'ai commencé à m'enfoncer. Quant à Margaret, ce n’était plus elle qui se démenait pour rester à la surface, c'était la veuve indienne Kaiquaish et ses enfants, le vieil homme et les trois vieilles squaws. Ils poussaient ce hurlement qui est si spécifique à leur peuple. J'ai fait demi-tour vers le bateau en espérant qu'on me tende la main, cela pour seulement voir les filles qui se tenaient là devant moi, debout et riant d’un ricanement démoniaque. Elles étaient devenues des monstres cauchemardesques avec une peau pourrie et des yeux blancs clairs comme de la glace.

Je me suis brusquement réveillé dans un sursaut. Allongé dans mon lit, à bout de souffle. Pendant un moment je croyais encore entendre les cris des Indiens. Puis rien. Le silence. Je tendais l'oreille pour savoir si les sons que je percevais pouvaient être les craquements des poutres en bois. Rien. Puis, des murmures venant de la chambre des filles, suivis par des chuchotements et des éclats de rire.

Ce matin, quand je suis sorti dans la cour du domaine, il y avait du sang dans la neige. De grosses flaques de sang.

Et des marques d'éclaboussures contre les murs. Des taches de sang, de cervelle.

Des traces parcouraient la neige. Des sillons si profonds qu'ils s'enfonçaient dans la terre et laissaient apercevoir la boue.

Il y avait aussi les empreintes de plusieurs hommes.

Tous les natifs à qui nous avions permis de rester dans les murs de notre forteresse étaient partis, Kaiquaish, ses enfants, le vieil homme, les femmes. Disparus. Sans doute frappés à mort. Aucune arme n'avait été utilisée pour ne réveiller personne et ne pas attirer l'attention sur la boucherie.

J'ai trouvé le prêtre et mes frères en train de manger dans la salle-à-manger.

« Qu'avez-vous fait ? ai-je crié en boitant jusqu'à la grande table à laquelle ils étaient assis pour profiter d'une assiette remplie de victuailles, vous les avez tous tués, n'est-ce pas ? »

Ils ont répondu par le silence et des regards glacés.

« Comment avez-vous pu ? Ils étaient âgés, infirmes, des femmes et des enfants. »

Le prêtre a soutenu mon regard avec un air funeste.

« Ils étaient une peste. Un fléau. Ils devaient être exterminés.

– Vous avez commis un meurtre, lâche ! » hurlais-je, m'appuyant sur ma béquille pour que nos visages soient les plus proches possible, le regardant avec mon seul œil valide.

« Allez-vous en de mes terres » ai-je grogné.

George s'est levé et a osé dire : « Ce ne sont pas tes terres, William. Nous sommes une entreprise familiale et tu n'as pas le droit de lui ordonner de partir.

– Il a raison, a renchéri David, nous prenons les décisions en famille.

– Prendre les décisions en famille ? ai-je demandé, alors pourquoi n'ai-je pas été informé de la décision de tuer nos nobles invités la nuit dernière ?

– Nous savions comment tu allais réagir. Nous connaissions déjà ton avis sur la question. Tu étais en minorité.

– En minorité ? Je n'étais même pas présent pour donner mon avis sur cette affaire.

– Ta présence n'était pas nécessaire pour que notre décision soit unanime entre nous, a déclaré John.

– N'as-tu pas soif de justice pour Adolphe, notre frère disparu ? s'est enquis David.

– Qu'est-ce que la mort d'Adolphe a à voir avec le meurtre d'une veuve et de son enfant ?

– Bien, qu'en est-il de tes filles, alors ? a repris George qui soudainement a voulu donner son avis, mes jolies nièces ? Allons-nous les laisser dans le tourment ? Ne pas essayer de les sauver ? Et maintenant, tu voudrais attaquer le seul homme qui puisse leur venir en aide ? Qui puisse les sauver ?

– Je me pose des questions à propos de sa sorcellerie. Deutéronome 18:10 : “Qu'on ne trouve chez toi personne qui exerce le métier de devin.” » ai-je répliqué.

Le prêtre m’a regardé fixement. Lentement, il a porté une tasse fumante à ses lèvres pour siroter son café, puis m'a calmement rétorqué :

« En vérité, je vous le dis, faites attention à là où vous posez le pied et ne propagez pas de calomnies. Ce que nous avons fait, nous l'avons fait pour votre bien et celui de vos filles. Nous sommes en guerre avec le diable et vous devez apprendre à l'accepter.

– Ne mettez pas la faute de vos infamies sur moi, lui ai-je craché en saisissant ma béquille et en m'éloignant furieusement d'eux.

– Nous formons une famille, William, a crié George dans mon dos alors que j'ouvrais la porte et qu'un vent froid pénétrait à l'intérieur, quelque chose doit être fait pour régler le problème. C'est nous ou eux. Tu dois l'accepter. 

Je ne lui ai pas répondu, j'ai marché d'un pas lourd, dehors dans la neige et la tempête. Le ciel au-dessus de moi était gris et triste comme la douleur dans mes côtes, lentement, la glace en provenance du paradis tombait au sol.


Traduction de Antinotice

Auteur original : Humboldt Lycanthrope

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