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Rose, partie 1


Temps de lecture : 16 minutes

« Ok, mon Père, nous avons besoin que vous coopériez avec nous. Si vous êtes honnête dès le début, les choses iront beaucoup mieux pour vous. »

L'officier Green sirotait son café, un peu trop faible pour cette heure de la nuit. Ce genre de choses n'arrivait pas très souvent dans sa petite ville, alors il n'était pas habitué à faire des nuits blanches. Mais quand il y a une enquête pour homicide, tout le monde est sur le pont.

« Croyez-vous en Dieu, officier ? »

Le père McKenzie joignit ses mains et frotta nerveusement ses articulations.

« Je ne sais pas ce que ça a à voir avec tout le reste, mais non, pas particulièrement. »

L'officier Green s'appuya sur sa chaise, sa colonne vertébrale lui faisant mal. « On n'arrivera à rien avec ce type », pensa-t-il.

« Alors vous ne me croirez jamais. Mais je ne suis pas inquiet. Dieu sait que je suis un homme bon et que je n'ai rien fait de mal. »

L'officier Green prit une autre gorgée de son café, plus longue cette fois. Il avait besoin de temps pour réfléchir à ce qu'il allait dire ensuite. Il n'avait pas fait beaucoup d'interrogatoires depuis qu'il était dans la police et la plupart d'entre eux se terminaient par des aveux en 5 minutes environ. Celui-ci, il pouvait le dire, allait être un peu plus difficile.

« Eh bien, si vous n'avez rien fait de mal, pourquoi ne pas me dire ce qu'il s'est passé ? À quelle heure êtes-vous arrivé au domicile de M. Young ?

— Je suis arrivé chez lui vers 18 heures.

— Et il vous a invité ?

— Oui.

— Pourquoi ? »

« Ça va me prendre toute la nuit si je n'obtiens de ce type que des réponses en un mot », pensa-t-il en se penchant en avant tout en posant ses coudes sur la table.

« Ce serait probablement mieux si vous l'entendiez d'Eric Young lui-même.

— D'accord, petit malin, de quoi vous parlez ? Ce type est mort.

— J'ai reçu une lettre de lui par la poste il y a quelques jours. Elle est dans ma voiture. Je pense que ce serait mieux si vous la lisiez. »

L'officier Green fit une pause pendant un moment. Il n'était pas très enthousiaste à l'idée de suivre les ordres d'un présumé meurtrier. Mais qu'était-il censé faire d'autre ? Cet interrogatoire ne menait nulle part. Nulle part rapidement, en tout cas. Il posa ses paumes sur la table, la frappant avec plus de force que prévu, visiblement un peu exaspéré par les événements de la nuit. Il poussa son corps fatigué vers le haut et quitta la pièce.

Une heure environ s'était écoulée avant que l'officier Green ne revienne avec la lettre. Quatre pages toutes scellées dans des sacs en plastique individuels. C'était vraiment la seule preuve concrète qu'ils avaient jusqu'à présent. Il retourna à sa place, en face du Père, sans lui dire un mot. Avec une autre gorgée de son café maintenant froid, il s'installa pour la lire.

« Cher Père McKenzie,

Cela fait un moment que je ne suis pas allé à l'église. Environ 20 ans, probablement. Mais j'ai besoin de votre aide maintenant. Je ne suis pas fier de ce que j'ai fait, mais ça ne semblait faire de mal à personne au début. Je faisais plus de bien que de mal, vraiment. Je dois vous expliquer.

Je suis chasseur de fantômes depuis environ 10 ans maintenant. Mais je ne chasse pas vraiment les fantômes. J'entre simplement dans les maisons des gens, j'utilise un équipement sophistiqué pour avoir l'air légitime et je leur dis qu'il n'y a pas de quoi s'inquiéter, qu'il n'y a pas de fantômes chez eux. Ils me remercient, me paient et je pars. S'ils continuent d'insister, alors je brûle des trucs, j'accroche des croix, je crie des conneries du genre : « Quels que soient les esprits qui sont ici, veuillez partir ». Alors ils me remercient, ils me paient et je pars. C'est simple. Je sais que je suis un imposteur, mais au moins l'esprit des gens est apaisé et ils continuent à vivre leur vie. Je sais que les fantômes n'existent pas, mais certaines personnes ont une imagination débordante et ont besoin de quelqu'un pour la calmer. C'est mon travail. Durant les 10 dernières années, j’ai effectué ce travail sans incident.

J'ai reçu un appel d'une femme nommée Penny Hutchins il y a quelques semaines. Elle m'a dit qu'il y avait un mauvais esprit dans sa maison et elle avait entendu dire que j'étais le meilleur chasseur de fantômes du coin. Elle semblait très effrayée - comme la plupart des gens lorsqu'ils sont convaincus d'être tourmentés par des esprits. Je lui ai assuré que je l'aiderais et que le fantôme disparaîtrait en un rien de temps. Je lui ai dit que je lui calerais un rendez-vous dans la semaine à venir. La voix tremblante, elle m'a répondu : « Dépêchez-vous, s'il vous plaît. »

Quand je suis arrivé chez elle, j'ai déchargé mon matériel et je suis entré. Ce rendez-vous a commencé comme tous les autres. J'ai discuté de mes tarifs avec elle et elle était prête à payer n'importe quel montant du moment que je pouvais l'aider. Elle avait 1000$ en liquide en main et me disait de tout prendre. J'ai fait mon baratin habituel en disant que cela dépendrait de la gravité de la situation et de l'obstination de l'esprit, blablabla. J'avais l'intention de prendre la totalité des 1000$ à la fin.

J'ai sorti mon faux détecteur à EMF et j'ai commencé à marcher dans la maison avec lui, en appuyant sur le bouton placé sous mon index pour faire bouger l’aiguille. Elle m'a dit d'aller dans sa salle de bain parce que c'était là que le fantôme se trouvait habituellement. Mon Père, dès que je suis entré dans cette salle de bain, mon sang s'est glacé. En partie à cause de la peur, et en partie à cause de la température de la pièce. Je pouvais voir ma respiration, c'est dire à quel point il faisait froid. Au début, j'ai pensé qu'il devait y avoir un problème avec sa chaudière. Que j’aurais juste à lui dire d'appeler quelqu'un d'autre. Mais ensuite je me suis retourné. Penny se tenait derrière moi, me fixant droit dans les yeux. La porte était refermée derrière elle. Ses yeux se sont mis à rouler vers l'arrière de sa tête et sa bouche s'est lentement ouverte. Sa tête s'est alors inclinée très légèrement sur le côté. Ses pupilles n'étaient plus visibles mais je savais qu'elle ne regardait plus à travers moi, elle regardait en moi.

Je porte un collier avec une croix sur moi, juste pour l'effet, mais à ce moment-là, j'ai senti que cette croix était la seule chose qui pouvait me sauver. J'ai laissé tomber le détecteur à EMF, j'ai pris la chaîne dans ma poche et je l'ai balancée vers elle en reculant lentement, plus loin dans la pièce. J'ai commencé à lui crier dessus, disant à l'esprit maléfique qui était là de laisser Penny tranquille. Mes talons ont heurté la baignoire. Je n'avais nulle part où aller. Elle s'est précipitée vers moi, les bras tendus. Sa peau devenait grise, son corps semblait vide de toute vie à la façon dont ses membres s'agitaient. Je me suis baissé et j'ai sauté vers la porte, échappant à son emprise. La poignée était gelée, la peau de ma main s'y est collée instantanément. J'ai enfoncé mon épaule dans la porte aussi fort que je le pouvais, mais elle ne bougeait pas. Penny, ou ce en quoi elle s'était transformée, a commencé à venir vers moi. J'ai commencé à frapper sur la porte, en criant au secours. Elle s'est approchée de moi. J'ai essayé d'éloigner sa main mais elle a attrapé mon poignet. Le froid est monté directement dans mon bras, je pouvais même le sentir dans mon cou. J'ai crié comme une petite fille, tirant et tirant encore, mais sa prise était trop forte. Finalement, je lui ai donné un coup de pied en plein dans le ventre et elle a volé dans la baignoire, entraînant le rideau de douche avec elle. J'ai regardé ma main. Ma peau était complètement blanche du bout des doigts jusqu'au coude. J'ai commencé à avoir des vertiges et c'est là que je me suis évanoui.

Quand je suis revenu à moi, Penny était assise à côté de moi, son visage juste au-dessus du mien. « Eric ? disait-elle. Eric, parlez-moi ! Vous allez bien ? »

Tout est revenu en un éclair, je me suis levé d'un bond et j'ai reculé jusqu'à la porte. Penny ressemblait à nouveau à Penny et mon bras avait retrouvé sa couleur normale.

« Que s'est-il passé ? lui ai-je demandé.

— Ce qu'il s'est passé, c'est que vous m'avez guérie ! » s'est-elle exclamée à ce moment-là, tout en s'approchant lentement de moi. Ses yeux étaient brillants et elle retenait des larmes de joie. Des larmes de soulagement.

Je ne savais pas quoi dire. Je n'arrivais pas à me faire une idée précise de ce qu'il s'était passé.

« Je... Je ne comprends pas, ai-je bafouillé comme réponse.

— Venez. Venez dans la cuisine, je vais vous préparer une tasse de thé. Vous aimez le thé ? »

Elle a ouvert la porte de la salle de bain avec facilité. Cette femme semblait totalement différente de celle que j'avais rencontrée il y a quelques minutes. Ou était-ce des heures ? Je n'avais aucune idée du temps que j'avais passé évanoui. Je l'ai suivie dans le couloir et me suis assis à la table de sa cuisine. J'ai commencé à ranger mes équipements dans leurs étuis individuels. Je devais me ressaisir. Je ne pouvais pas lui faire savoir que ce n'était pas un jour comme les autres dans la vie d'un chasseur de fantômes. Je ne voulais pas perdre ces 1000$ si elle me démasquait.

« Donc ce fantôme… ai-je commencé, en choisissant mes mots avec soin. Qu'est-ce qu'il vous a fait ? »

Penny remplissait la bouilloire, sans me regarder pendant qu'elle parlait.

« Oh, c'était terrible. Cette pièce devenait de plus en plus froide à chaque minute qui passait. Je n'ai pas vraiment dormi depuis plusieurs jours. Ce fantôme, il hante mon esprit, principalement. Hier encore, je me suis évanouie pendant plusieurs heures. Elle m'a montré des images horribles. Dieu merci, vous êtes arrivé aujourd'hui, sinon je n'aurais pas pu le supporter plus longtemps. C'est une âme très agitée et malveillante. J'ai fait beaucoup de recherches sur les esprits quand tout ça a commencé. Mais je suis sûr que vous savez tout à ce sujet. Vous avez déjà eu affaire à ce genre de choses, j'en suis sûre.

— Oh oui, tout le temps. J'ai eu un cas très similaire le mois dernier. »

C'était une bonne chose que je sois un bon menteur. Mais mentir est la raison pour laquelle je suis dans ce pétrin maintenant.

Penny a préparé ma tasse de thé et a débuté une agréable conversation avec moi. J'ai essayé de répondre aussi normalement que possible mais mon esprit était ailleurs. J'essayais de ramener le sujet sur le fantôme.

« Alors, quel genre de chose cet esprit vous montrait-il ? » lui ai-je demandé.

Penny sirotait son thé en regardant profondément dans sa tasse.

« Vraiment… Je ne veux pas revivre cette horreur. Je suis désolée. C'était juste trop pour moi.

— Je comprends. »

J'ai regardé ma tasse de thé toujours à moitié pleine. On a continué à parler pendant que j'essayais de boire mon thé plus vite. Il s'est avéré que Penny avait trois enfants, qui ont tous grandi et déménagé. Elle a réduit la taille de son logement en emménageant dans cette maison et a commencé à avoir des problèmes avec ce fantôme quelques jours plus tard. Ses enfants ont pensé qu'elle devenait folle et ont commencé à lui faire des commentaires sur les maisons de retraite. Penny ne devait pas avoir plus de 60 ans.

Bref, je divague maintenant. Je vous écris, mon Père, car ce fantôme est maintenant avec moi. Il s'est passé quelque chose quand Penny a attrapé mon bras. Je peux sentir la présence de cet esprit tout le temps. Je m'évanouis fréquemment en pleine journée et elle me montre des choses horribles. J'ai réalisé des recherches mais je n'arrive pas à savoir qui elle est. Mais elle m'a montré ce qui lui est arrivé.

Je vois ces images comme si je flottais au-dessus d'elle, regardant les scènes se dérouler. D'après ses vêtements, elle a dû vivre à la fin des années 1800. Elle est dans sa maison avec son père. Il commence à lui crier dessus. Il lui reproche de ne pas être rentrée à la maison avant la nuit. Elle a l'air d'avoir environ 16 ans. Elle lui répond en hurlant. Il l'attrape et la jette contre le mur. Elle pleure. Elle sanglote de façon incontrôlable. Il la soulève du sol par le bras et la jette dans une salle de bains, fermant la porte avec une force incroyable.

Une autre scène. Quelques jours plus tard, son père ouvre la porte. La fille a l'air malade, elle est affalée contre le mur. Autour d'elle, des petites images peintes avec du sang. Des images de la fille en train de manger son père. Son père est terrifié. Il recule hors de la pièce alors qu'elle rit. Ses yeux le transpercent. Il claque la porte en partant.

Chaque fois que je m'évanouis, je me réveille dans une autre partie de la maison. Des choses autour de moi sont cassées. Ma maison est dans un état désastreux à présent, mais je n’arrive pas à me résoudre à faire quoi que ce soit. Cet esprit a consumé ma vie. Les scènes s'aggravent à partir d'ici.

Le père fait venir un médecin pour essayer de trouver ce qui ne va pas chez sa fille. Le médecin ouvre la porte. Les cheveux de la fille sont emmêlés. Elle a enlevé presque tous ses vêtements et est accroupie à la façon d'un animal. Les murs sont couverts de dessins de plus en plus nombreux montrant la fille en train de tuer son père et de le manger. La fille lève les yeux vers le docteur et hurle. Elle se jette sur lui. Le docteur recule et claque la porte. Le médecin et le père restent là, stupéfaits. Ils entendent le robinet s'ouvrir. L'eau est la seule chose qui la maintient encore en vie.

Après qu'elle m'a montré cette vision, mon robinet a commencé à s'ouvrir et se fermer seul par intermittence. J'ai d'abord pensé à appeler un plombier. Mais aucun plombier ne pourrait m'aider à présent.

La fois suivante où le père ouvre la porte, la fille est complètement nue. Son pied a été sectionné à la cheville, mais il n'est nulle part dans la pièce. Elle lève les yeux vers lui. Ses yeux sont morts, complètement dépourvus de vie. « Papa, dit-elle, d'une voix monotone. Aide-moi. » Elle tend la main vers lui un instant, puis la pose sur le sol ensanglanté. Elle commence à se traîner vers lui sur le carrelage, la tête inclinée vers le haut pendant tout ce temps. Le père reste à sa position pendant un moment, mais il n'en peut plus. Il claque la porte à nouveau. La fille hurle à l'agonie.

Quand je suis revenu à moi après cette vision, je me suis retrouvé avec des marques de morsure autour de la cheville. Certains points étaient assez profonds pour transpercer ma peau. Tout ce que je fais maintenant, c'est m'asseoir dans ma chambre, en attendant que le robinet s'ouvre. En attendant de perdre à nouveau connaissance. Je peux entendre sa voix dans ma tête parfois. « Aidez-moi », dit-elle. Je crains de commencer à devenir fou. J'ai peur qu'elle me ronge le pied et me l’arrache. Ou que ce soit moi qui le fasse. J'ai besoin de votre aide, mon Père. Je ne veux pas que quelqu'un d'autre soit impliqué. Je sais que Penny m'a transmis l'esprit quand elle m'a touché et je ne veux pas que quelqu'un d'autre subisse le même sort. J'aurais bien appelé mais pendant une de mes pertes de conscience, j'ai cassé mon téléphone. Je ne peux pas sortir car je suis terrifié à l’idée de toucher quelqu'un et de lui transmettre cet esprit.

Je sais que je suis une mauvaise personne, je sais que j'ai fait du mal, mais je ne pense pas que je mérite ce tourment. Si c'est la façon dont Dieu me punit pour avoir volé l'argent de tous ces gens, alors je veux m'excuser. J'ai besoin que vous veniez chez moi pour que je puisse confesser mes péchés. Avant qu'il ne soit trop tard. S'il vous plaît, dépêchez-vous.

Sincèrement,

Eric Young. »

L'officier Green replaça la dernière page dans son sac. Le Père McKenzie l'avait regardé pendant tout le temps qu'il lisait. L'officier Green croisa son regard.

« Vous vous attendez à ce que je crois… que ce type était possédé ? Par un fantôme ?

— Non. Je ne m'attendais pas à ce que vous le croyiez. Mais c'est la véritable histoire. »

L'officier Green secoua la tête. « C'est ridicule » proclama-t-il. Il rassembla les papiers dans les sacs et quitta la pièce.

« Tu as entendu ces conneries ? lança l'officier Green à son coéquipier, Warren, qui était derrière le miroir sans tain.

— Je viens de recevoir un appel de Tony. Il dit que nous devrions venir sur la scène du crime. » Warren, l'officier Perry, était dans la police depuis environ 20 ans – une dizaine d'années de plus que l'officier Green – mais même lui n'avait jamais eu affaire à un cas comme celui-ci.

La maison d'Eric Young était une zone sinistrée. Les cadres étaient brisés, le canapé était renversé et l’odeur de la nourriture pourrissante était presque insupportable. L'odeur de la chair en décomposition n’était pas encore apparue, mais cela ne saurait tarder.

Eric était encore assez jeune. Pas plus de 35 ans. Il n'avait pas de femme ni d'enfants. Sa mère était morte quand il était enfant et son père vivait à l'autre bout du pays. Pas de frères et sœurs, et il ne s'était pas fait beaucoup d'amis dans la profession de chasseur de fantômes.

Les officiers Green et Perry entrèrent sur la scène de crime pour la deuxième fois cette nuit-là. Ils avaient été les premiers à répondre à l'appel au 911 du Père McKenzie. Le corps n'avait pas encore été déplacé. Le pauvre homme gisait toujours sur le sol de sa salle de bain, la bouche grande ouverte, entouré de sang. La partie la plus troublante de la scène était ses yeux - ou leur absence. Ses globes oculaires avaient été arrachés de leurs orbites et pendaient sur son visage, reposant sur ses pommettes.

« Par ici les gars, venez voir. » Tony Walker, le médecin légiste, était assis dans la mare de sang, vêtu d'une combinaison en plastique.

« On ne peut pas regarder d'ici ? » demanda Green. Il n'était pas très sensible, mais il n'avait jamais vu quelque chose d'aussi horrible auparavant.

« Green, allez, sois un homme. »

Warren cogna son épaule contre celle de l'officier Green en passant devant lui. Green le suivit rapidement. Tony souleva la jambe du pantalon d'Eric avec douceur.

« Oh mon Dieu, souffla Warren en portant sa main à sa bouche.

— Les deux pieds sont complètement mordus par le gel. Mais celui-là... »

Tony remonta l'autre jambe du pantalon. « Celui-là a presque été arraché.

— A… Avec quoi ? » bégaya Green.

Il était presque certain de connaître la réponse, mais il ressentait le besoin de la demander quand même. Il avait encore une once d'espoir que Tony dise un couteau ou même une petite cuillère.

« Des dents. Le type s'est rongé la jambe avec ses propres dents. Bizarre, hein ? »

Les trois hommes échangèrent des regards gênés, personne n'était sûr de ce qu'il fallait faire. La cheville à moitié coupée était étrange et les traces de gel l'auraient été beaucoup moins si ça n'avait pas eu lieu en août.

« Peut-être que nous devrions appeler quelqu'un à ce sujet. Quelqu'un de l'État ? suggéra Green.

— Non, c'est bon. Il est manifestement devenu fou et est mort d'une perte de sang. Fin de l'histoire. Pas de meurtre. » conclut Warren.

Green dut détourner le regard. Il se retourna et commença à marcher dans la maison, en enjambant avec précaution les verres brisés. Il s’arrêta au milieu du salon. Un petit bureau était posé dans un coin. C'était la seule chose dans la maison qui semblait être en ordre. Après une inspection plus poussée, Green trouva des papiers sur le bureau. Celui qui était censé chercher des preuves ici n'avait pas fait un bon travail. Green s’assit au bureau et commença à lire.

« Cher Père McKenzie,

Cela fait quelques jours que j'ai envoyé ma lettre et je n'ai pas encore eu de nouvelles de votre part. Les choses empirent. J'ai besoin que vous m'aidiez le plus rapidement possible. J'ai de moins en moins de contrôle sur mon corps.

Les visions s'aggravent. Je commence à avoir du mal à séparer les visions de la réalité et maintenant, au lieu d'être un spectateur qui regarde la scène, je commence à les regarder comme si j'étais la fille. Cette pauvre fille. Je ne comprends pas pourquoi elle me fait ça. Je ne comprends pas ce qu'elle veut. Mais elle a besoin d'aide. J'ai besoin d'aide. J'ai eu deux autres visions depuis ma dernière lettre. Deux autres dont je me souviens très bien, en tout cas.

Le père a abandonné l'idée de sauver sa fille. Mais il ne peut pas laisser quiconque savoir pour elle. Cela le ruinerait. Il ouvre la porte de la salle de bain. L'état de la fille n'a pas beaucoup empiré. Ses os saillent de sa peau. Elle est visiblement affamée. Elle se tend vers lui, la bouche grande ouverte. « Papa », murmure-t-elle, la voix rauque et fatiguée d'avoir tant crié. Il prend une profonde inspiration et tend la main vers elle. Elle la mord, faisant couler le sang. Il pousse un cri. Il attrape une poignée de ses cheveux et l'arrache de lui. Il la traîne dans la maison, elle se débat en criant, se griffant en luttant pour s'accrocher à quelque chose. Il la sort par la porte de derrière, continuant à la traîner sur le sol, une traînée de sang s'infiltre dans la couche de neige blanche toute fraîche. Ils arrivent devant des toilettes extérieures à l'arrière de la propriété. Il ouvre la porte et la jette à l'intérieur. La fille lève les yeux vers lui.

C'est à ce moment-là que ma vision de la scène commence à changer et que je la vois maintenant à travers ses yeux.

« Papa ? » Sa voix a un ton paniqué, très différent de celui qu'elle avait avant. « Papa, qu'est-ce qui se passe ? Qu'est-ce qui se passe ? » Elle se met à hurler, des larmes commencent à couler sur son visage ensanglanté.

« Rose ? dit-il. Ma chérie, tu vas bien ? » Il se met à pleurer lui aussi. Il s’agenouille vers elle, appuyant à contrecœur sa paume sur sa joue.

Ses yeux roulent vers l'arrière de sa tête. Avant que le père ait le temps de réagir, elle… je… lui arrache le pouce. Il hurle. Il claque encore la porte. Je suis dans l'obscurité, en train de rire. Juste en train de rire.

J'ai essayé de faire plus de recherches pour savoir qui était Rose, mais je n'ai pas trouvé. Mon ordinateur est maintenant brisé, donc je suppose que je ne saurai jamais. Je pensais que si j'en savais plus sur elle, je pourrais peut-être l'aider, mais cet espoir est perdu.

Il devient de plus en plus difficile d'écrire. Je peux sentir Rose dans mon esprit, commençant à prendre le dessus sur mes pensées. Elle prend le contrôle de mes actions. Elle m'a montré une autre vision — j'espère que c'était la dernière. L’expliquer serait au-dessus de mes forces. J'ai d'autres marques de morsures autour de mes doigts et autour de ma cheville. Mes os sont froids. Je n'ai pas mangé depuis des jours. S'il vous plaît, mon Père. Je vous en prie, aidez-moi. Je ne sais pas si je peux supporter de voir davantage ce qu'elle me montre. J'ai besoin de vous pour la faire sortir de moi. S'il vous plaît, dépêchez-vous… »

Cette lettre n'était pas signée en bas de la page. Il n'a jamais vraiment eu l'occasion de la terminer. Green prit une profonde inspiration.

« Qu'est-ce que c'est ? demanda Warren en regardant par-dessus son épaule.

— C’est une autre lettre, encore du charabia sur un fantôme. Je pense que tu as raison, il est devenu fou. »

Les officiers Green et Perry retournèrent au poste. L'officier Perry se dirigea immédiatement vers la cafetière pour préparer une autre boisson. L'officier Green alla d'abord dans son bureau. Il commença à chercher toutes les affaires ouvertes entre 1850 et 1920. Il y en avait deux concernant des filles nommées Rose, mais il savait exactement laquelle il recherchait. Le document qu'il trouva était difficile à lire car il s'agissait d'un rapport de police qui avait été scanné dans l'ordinateur. L'écriture était désordonnée et l'encre s’effaçait par endroits. D'après ce qu'il put déchiffrer, une jeune fille nommée Rose Walker avait disparu le 17 décembre 1897, et n’avait jamais été revue. Ce qui lui parut étrange, c'est que c'était son professeur qui avait signalé sa disparition, et non son père.

Green prit un autre café avant de retourner dans la salle d'interrogatoire avec le père McKenzie. Aucun des deux ne dit un mot pendant près d’une minute. L'officier Green le fixait et le Père le fixait également en retour.

« Dites-moi ce qui s'est passé quand vous êtes arrivé chez Eric Young, dit l'officier Green en essayant de garder le même ton et de ne surtout pas bégayer.

— Je vous l'ai déjà dit, vous ne me croiriez pas.

— Je vous crois. Je vous crois maintenant. »

Il regardait le Père McKenzie droit dans les yeux pour lui faire comprendre à quel point il était sérieux.

« Très bien... Voici la vérité. Quand je suis arrivé chez Eric, il ne s'est pas présenté à la porte. Elle était déverrouillée, alors je suis entré. Tout était en désordre, comme vous avez pu le voir. J'entendais des gémissements et des marmonnements mélangés à quelques cris venant de la salle de bain. Je savais que je n'avais pas beaucoup de temps, alors je m’y suis précipité et j'ai ouvert la porte. Il était allongé sur le sol, rongeant sa propre cheville. Je pouvais voir que l'esprit avait pris le contrôle total de son corps et je devais agir rapidement. J'ai sorti ma bible, ma croix et mon eau bénite. J'ai dû le maintenir au sol d'un bras tandis que je tenais ma bible de l'autre. Eric a commencé à revenir mais il était complètement pétrifié. J'ai essayé de le calmer mais il continuait à crier. « Qu'est-ce que tu m'as fait ? » répétait-il en boucle. C'est alors qu'il a commencé à se griffer les yeux. J’ai dû détourner le regard. J'ai immédiatement appelé les secours. Je ne pensais pas que je pouvais faire autre chose pour lui. »

L'officier Green s'adossa sur sa chaise en croisant les bras.

« Vous êtes libre de partir, déclara-t-il d’une voix inexpressive.

— Je vous demande pardon ?

— Vous n'êtes plus un suspect. Il a été conclu qu'Eric Young était devenu fou et s'était suicidé.

— Mais vous savez que ce n'est pas tout à fait ce qu'il s'est passé.

— Je le sais et vous le savez aussi. Mais pour les autres, il est devenu fou et s'est suicidé. Je ne pense pas que quelqu'un d'autre croira à cette histoire, même en lisant les lettres. Et même si quelqu'un y croyait, personne de sensé n'accuserait un fantôme d'avoir causé un décès dans un rapport de police.

— C’est vrai. »

Les deux hommes commencèrent à se lever et à se diriger vers la porte, l'officier Green ouvrit la voie.

« Officier ? »

L'officier Green se retourna pour lui faire face, tournant la poignée et ouvrant la porte de quelques centimètres.

« Oui, mon Père ? »

Le Père McKenzie tendit la main à l'officier Green. L'officier Green sourit légèrement, pressant ses lèvres l'une contre l'autre. Il tendit sa main pour la serrer.

« Je suis désolé, officier. »

Les yeux de Green s'agrandirent lorsque le père McKenzie saisit rapidement sa main. Il essaya d'arracher cette dernière de la sienne, doigt par doigt, mais sa prise était trop forte. Le Père McKenzie regarda Green droit dans les yeux, des larmes commençant à couler. La main de Green commença à se refroidir, ses doigts à devenir blancs, l'engourdissement s’insinua jusqu'à son poignet.

« Je suis tellement désolé. »

Ce texte a initialement été réalisé par LAKK sur Creepypasta.com, et constitue sa propriété. Toute réutilisation, à des fins commerciales ou non, est proscrite sans son accord. Vous pouvez tenter de le contacter via le lien de sa création. L'équipe du Nécronomorial remercie également Shayanna qui a assuré sa traduction de l'anglais vers le français à partir de l'originale, Noname, Kitsune, Orizy et AngeNoire qui ont participé au processus d'analyse et de sélection conformément à la ligne éditoriale, et Litanie et Magnosa qui se sont chargés de la correction et la mise en forme.

2 commentaires:

  1. Quel enfoiré ce prêtre, il n'a pas l'air de croire en la force de son dieu, préférant transmettre la "maladie" à un autre

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