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Je vais directement rentrer dans le vif du sujet. Il faut que je m'en débarrasse. J'ai besoin que vous m'aidiez.
Les explications, tout d'abord. Je pense qu'il faut que vous compreniez la situation, sinon tout cela vous paraîtra bien trop étrange. J'habite dans une grande ville, dans un immeuble au sein d'un quartier plutôt calme. Mes relations avec mes voisins de palier sont courtoises (même si je dois avouer que ce ne sont pas des gens particulièrement intéressants) et il m'arrive occasionnellement de dîner avec certains d'entre eux. En clair, je menais une vie banale, travail, amis et dodo. Mais, comme vous vous en doutez, quelque chose s’est produit.
Depuis plusieurs semaines, j'avais remarqué que la relation entre mes voisins du rez-de-chaussée se dégradait peu à peu. Les disputes incessantes, une histoire de fugue de leur fils et le mari qui rentre tard… Bon, un couple qui va mal, rien d’exceptionnel. Cependant, un jour, plus rien… Un silence. Je ne saurais vous en donner la raison, mais j'en ai perdu le sommeil. Me trouverez-vous bizarre si je vous avoue que les cris me manquaient ? Au fil du temps, c'était devenu une sorte de douce berceuse et cette absence de bruit me gênait maintenant énormément. Me tourner et me retourner dans mon lit me rendait dingue ! Sans compter l'impact sur ma vie quotidienne... Et pourtant, avec le recul, j'aurais mieux fait de rester insomniaque…
Au bout de quelque temps, mon mal a fini par passer. C'est un rêve terrifiant qui a pris sa place, se répétant chaque nuit. Je suis encastré dans un mur de salon d'appartement. Je peux néanmoins observer avec mes yeux qui en dépassent (ne me demandez pas comment). J'inspecte alors la pièce : deux, trois photos de famille, une décoration quelque peu impersonnelle et très peu de meubles. Bref, une résidence en plein déménagement. Soudain, M. Pinkerton, mon voisin, surgit avec une hache. C'est un respectable père de famille, qu’est-ce qu’il fout avec ça ? Le plus étrange, c'est qu'il chantonne : « Chérie ? Chééééééérie ? CHÉRIE ! » Cette dernière entre dans la pièce, puis son visage se décompose devant sa moitié ainsi armée. Elle pousse un hurlement, tente de s'enfuir, mais il l'attrape. La jette sur le sol violemment, lui assène des dizaines de coups de hache ; jusqu’à ce que tous les membres de la défunte soient détachés et en lambeaux. Sous les borborygmes de joie du meurtrier, je me réveille. Chaque fois en sueur, et en retard au travail. C’en était assez ! Un jour, je me suis dit que sitôt rentré, je vérifierais si Mme Pinkerton était encore vivante, ainsi ce rêve ne me boufferait plus la vie.
Le soir, je me suis caché en bas de mon immeuble pour guetter le retour de ma voisine. Rien, absolument rien. J’ai donc décidé de sonner chez eux. La porte s'est ouverte sur l'homme d'âge presque mûr et plutôt massif. Je vous retranscris (à peu près) l'échange.
« Oui ? » a dit Pinkerton, engageant la conversation. « Oh salut, comment tu vas, la jeunesse ?
– Bien, j'ai appris que vous déménagiez, donc j'aimerais vous dire au revoir, à vous et à votre famille.
– C'est gentil de ta part, mais ma femme et mon ado ne sont pas là. » Là, pour rien vous cacher, un frisson glacé m'a parcouru le corps. « Nous avons eu quelques mots, je crois que notre histoire est terminée, a-t-il poursuivi avant de soupirer. Ne sois pas triste pour moi, un chapitre se termine et un autre débute, ainsi va la vie. »
Je vous passe les usages qui ont suivi. Je suis rapidement remonté chez moi, l'absence de sa femme ne constituait pas une preuve, mais soulevait des soupçons raisonnables. La coïncidence était trop parfaite. J’ai alors décidé de cuisiner un gâteau saupoudré d'un vieux somnifère. Je dis vieux, car cela faisait belle lurette qu'il n'avait plus aucun effet sur moi. Je suis redescendu au rez-de-chaussée et ai sonné à la porte. Celle-ci s'est ouverte moins d'une minute plus tard.
« Je suis vraiment désolé pour vous, alors je vous ai fait un gâteau pour vous réconforter.
– Merci, il ne fallait pas, a répondu Pinkerton en arborant un sourire.
– Peut-on le partager ensemble ? Je n'aime pas vous voir triste. »
Il m’a fait entrer dans son logis, immense et vide… Il n'était pas disposé tel que dans mon rêve, mais cela n’avait aucune importance. Dans la cuisine, aussi triste que son occupant, nous avons partagé le plat. M Pinkerton m’a impressionné par sa résistance par rapport à la quantité de drogue ingurgitée... Mais bon, il a fini par s'effondrer, ce foutu potentiel psychopathe. J’ai alors saisi son téléphone et ai cherché le numéro de Rebecca Pinkerton. J’ai appelé : « Bip… Bip… Biiiiiip… Quoi ? Allô ? » J’ai raccroché. Sur le moment, j’ai cru m'être trompé. En m’apprêtant à sortir, j’ai vu une revue de bricolage posée sur une étagère. Dans celle-ci, il y avait des haches à vendre. C'est alors que tout est devenu clair, : mon rêve était prémonitoire. Il n’était pas question que je laisse faire ça. Si je laissais ce gros porc en liberté, ce serait comme tuer Rebecca moi-même.
J’ai tourné en rond, en rond et en rond. Trouver une solution pour garder captif un tueur en puissance n'est pas chose aisée, je vous assure. Pour éviter tout problème, je l'ai attaché et bâillonné, et j’ai fracturé ses deux jambes. Prudence est mère de sûreté. J'ai pris quelques heures pour consulter des sites internet sur les psychopathe, articles, témoignages et compagnie… Il en est ressorti que ce sont d'habiles manipulateurs, qui savent jouer avec les émotions. Il aurait sûrement essayé de faire de même avec moi, jouer avec ma sensibilité. Il aurait imploré ma pitié, m’aurait dit qu'il avait un fils et Dieu seul sait quoi d'autre… Je devais être fort, pour Rebecca et son fils. Je ne devais pas non plus le laisser m'embarquer dans un délire psychotique, qui aurait pu me mener à la folie. Croyez-moi, c'est une situation compliquée à vivre, je vous ne la souhaite pas ! Enfin, pour ma propre sécurité, il fallait lui couper la langue. C'était atroce comme ça saignait, répugnant. Après lui avoir penché la tête en avant pour éviter qu'il ne se noie dans son propre sang, j’ai repris mes réflexions sur la marche à suivre. Prévenir la police était exclu, ils ont l'esprit trop étriqué pour comprendre la situation, ils auraient été dépassés. Cela n’aurait fait qu'aggraver les choses. C'est alors qu'un hurlement a retenti derrière moi, ce qui m’a tiré de mes pensées. L'autre regardait le sol couvert de sang, puis il a levé vers moi des yeux difficilement descriptibles. Des yeux qui m'ont paralysé, un mélange de douleur et d’incompréhension. Je dois avouer qu'il a bien failli m'avoir, mais j'ai tenu et ai pris les mesures qui s'imposaient dans une situation comme celle-ci… Malheureusement (ou pas), l'assassin est mort au second œil crevé. Rebecca, tu peux dormir sur tes deux oreilles, à présent.
Donc voilà, maintenant vous connaissez la situation, je me tourne vers vous. J'aimerais avoir quelques conseils ou idées pour me débarrasser du corps malodorant. Et discrètement de préférence, j'aimerais éviter tous quiproquo avec les autorités. Vous savez comme c'est obtus, un policier ! Et si vous savez comment faire partir les tâches tenaces (j'ai déjà essayé le bicarbonate)... Ce serait terrible que Reb ne récupère pas sa caution...
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Super stylé !
RépondreSupprimerOriginal, captivant... j'ai adoré !
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