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Autres chapitres : - Les brumes de sang : Le Hiérophante
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- Les brumes de sang : Le cas 216 Portstreet, partie 2
- Les brumes de sang : Le cas 216 Portstreet, partie 3
On lui donnerait 25 ans tout au plus ! Alors qu’elle devrait en avoir le double, selon les informations publiques ! Un vampire ? Impossible, l’éclat du soleil irradie littéralement toute la pièce et Johnson l’a déjà vue sortir de jour. Certainement un artefact, mais l’idée que la confrérie utilise des artifices magiques pour rallonger la vie de ses dirigeants la dérange profondément. Alors, elle tente de chasser au plus vite ces pensées de son esprit.
– Oui, oui ! Pardonnez-moi, j’étais ailleurs.
– Pas en Enfer cette fois, j’espère ! Heather lui sourit avec complicité.
– Non, plus jamais ! Lili laisse échapper un rire.
– Une épreuve d’admission, quelque chose de ce type ?
– Oui, madame ! Merci de me laisser cette chance ! Heather soupire.
– Ce n’est pas de mon fait, je vous estime encore bien trop inexpérimentée pour ce boulot. Trop inexpérimentée et encore trop fragile. La colère et la soif de vengeance sont de bons moteurs, mais particulièrement explosifs. Autant pour vous, que pour ceux qui vous entourent.
– Vous m’avez déjà prévenue des risques et des méthodes vampiriques. Jouer sur les peurs, les émotions et frapper là où ça fait mal. Je me rappelle de toutes ces discussions, Mme Van Helsing mais je suis sûre de moi. Je peux et je vais le faire !
– Je n’ai donc pas réussi à te décourager de ton projet insensé, elle semble se relâcher de sa position pendant un instant, de “vous” découragez, excusez ma familiarité.
– Il n’y a pas de problème, dit-elle en prenant la pochette, je ne vous décevrai pas !
– Pour votre bien-être, moi je souhaite que si. Pardonnez-moi, agent, mais l’horloge tourne et mon prochain rendez-vous va arriver sous peu, Lili incline légèrement sa tête et sourit, tenant fermement sa précieuse tâche.
– Au revoir, m’dame Helsing ! lance-t-elle en partant, aussi joyeuse que satisfaite.
– Je ne suis pas la seule à avoir perdu le sens des convenances, apparemment. » répond cette dernière avec amusement, mais tout bas, comme en se parlant toute seule.
L’agent sourit. « Immature », lui dit-on, c’est peut-être vrai tout compte fait. « Quel ressenti de gamine », pense-t-elle, mais peu importe. Peu importe car son objectif prévaut sur le reste, sur ces sentiments ou cette immaturité, tout pour retrouver l’ordure qui a tué Alexy.
« Bonne chance, froggie.
– Moi, je m’écroule pas après trois pintes, j’suis la plus anglaise de nous deux ! »
– Moi, je m’écroule pas après trois pintes, j’suis la plus anglaise de nous deux ! »
L’endroit est toujours aussi majestueux ! Le plafond est si haut que la pièce est fusionnée avec le septième étage ! Les rayons montent jusqu’au plafond et sont plein à craquer d’ouvrages de sciences et d’ésotérisme ! Des symboles arcaniques gravés sur le sol traversent toute la surface, avec cet éternel conduit électrique violacé en guise de tracé. Lili sait qu’il s’agit de la source d’énergie occulte dont Van Helsing se sert pour sa technologie. Point de la découverte du célèbre Tesla.
C’est un peu stressant car il n’y a qu’une sorte de vitre, similaire à un plastique solide, qui sépare le pied du clampin de l’électrocution. Néanmoins, une aura de paix se dégage des immenses étagères de bois ancien, des tables de lecture modernes en acajou avec leurs petites lampes vertes. Cette décoration épurée, mais ruisselante de glyphes discrets dorés, apaise l’esprit. On pourrait presque y méditer…
Elle voulait ouvrir sa première mission dans cette section, pour la symbolique. Le bordereau contient trois documents : un livret marqué du symbole de la confrérie, une lettre cachetée à la cire, ainsi que des annexes reliées par des anneaux de métal. Elle commence par craquer le sceau et ouvrir le papier de bonne qualité afin d’en découvrir le contenu.
Veuillez pardonner cette méthode quelque peu cavalière, nous souhaitons vous habituer à la discrétion inhérente aux opérations de la section. Si vous travailliez déjà dans l’ombre aux sein de l’Agence, vos peut-être futures prérogatives obligent à redoubler de prudence quoiqu’il advienne. Le Conseil de la Division nocturne (CDN) souhaite vous réitérer les principes élémentaires de nos opérations. Nous pensons salvateur de vous réinformer des enjeux ainsi que de vos devoirs au sein de la confrérie, au travers des trois impératifs catégoriques qui guident nos activités :
Préserver le secret est moins difficile qu’à première vue, les humains vont systématiquement rationaliser et douter du surnaturel tant qu’une explication scientifique ou d’allure raisonnable est plausible. Les Hommes postulent la non-existence de l’occulte, pour l’écrasante majorité, et nous pouvons ainsi nous appuyer sur ce fait pour cultiver le doute métaphysique.
Ne vous y trompez néanmoins pas, notre but reste, in fine, l’anéantissement complet de l’engeance hématophage. Une part de votre travail est de nous offrir le temps dont nous avons besoin pour mettre en adéquation nos moyens avec nos ambitions.
- Nous ne gouvernons pas. Voici la première loi qu’Abraham Van Helsing a prononcé lors du serment fondateur de notre organisation en 1349. Depuis lors, nous n’avons pas dévié de cette promesse au genre humain. Ce faisant, il nous est interdit d’interférer avec les gouvernances légitimes et ses décisions. Nous agissons dans leur ombre et nous nous adaptons à elles sans jamais s’y substituer. Nous cultivons contacts et réseaux, mais cela ne sert strictement qu’à la préservation du Scepticisme afin d’agir contre nos ennemis. Nous sommes des protecteurs, rien de plus.
Il transmettra vos informations à un arbitre de conformité qui pourra valider ou non une intervention contre le suspect et dans quelle mesure. Le travail des arbitres et de la Cour d’appréciation de la conformité de l’éthique et la légalité des activités occultes (CACELAO) est de veiller à ce que nos actes correspondent à nos valeurs et à nos engagements, tout en préservant les libertés de chacun.
- La loyauté envers la confrérie. Une chose à la fois simple à comprendre mais difficile à appliquer. Les tentations de trahir nos valeurs pour obtenir diverses gratifications ou servir quelques intérêts personnels seront nombreuses sur votre chemin, mais vous ne devez y céder. Il en va de la sauvegarde de l’humanité et de notre avenir à tous. Notre mission de contenir la menace occulte est la priorité absolue. Elle prime sur nos relations, nos rêves, nos besoins et nos vies, car les enjeux sont immenses.
Gardez-vous donc de faire confiance outre mesure aux multiples organisations de chasseurs concurrentes, aux volontés ou méthodes souvent moins nobles que les nôtres. Méfiez-vous encore plus des organisations para-humaines ou bien non-humaines que nous tolérons. Leurs agendas ne servent pas celui de l’Homme. Soyez donc prudente dans les informations que vous choisirez de transmettre, soyez prudente dans les liens que vous tissez avec des initiés au monde des ténèbres et surtout : faites en sorte que jamais notre technologie ne tombe entre des mains qui ne soient les nôtres.
Si nous sommes les seuls à pouvoir la reproduire, un équipement perdu représente à la fois un risque pour le Scepticisme, mais aussi pour les populations en cas d’usage malveillant. Même un humain bien intentionné, qui n’est pas formé à son usage, sera à l’origine de drames s’il s’y essaie. Ne la confiez donc à personne ne disposant pas des accréditations du Centre de formation à l’expertise de terrain. Vous comprendrez que la loyauté envers la confrérie ne naît pas d’un désir de puissance, mais bien d’une nécessité de sécurité collective pour l’organisation et, plus encore, pour l’humanité tout entière.
« Nous nous élevons face aux démons se tapissant dans la nuit, pas contre ceux se nichant dans le cœur des Hommes. »
Inquiets pour un risque sanitaire, ils ont préféré fuir au plus vite. Nous soupçonnons donc, avec ces témoignages, qu’un vampire s’est installé sur place et a pris le contrôle de Yarrin. Il est fort probable que la plupart des autochtones soient goulifiés, donc attendez-vous à une résistance féroce. Votre mission est de découvrir s’il y a une présence occulte dans le village et de l'éliminer conséquemment.
Vous aurez toute autorité sur lui et vous devrez transmettre un rapport d’activité sur ses méthodes, son respect des instructions ainsi que son éthique. Si cela peut vous paraître surprenant, vous comprendrez le pourquoi lorsque vous vous serez présentée au centre d’équipement. Vous y trouverez également votre matériel. Un formulaire logistique à remettre aux responsables est adjoint en annexe de ce dossier. Vous pourrez également poser toutes questions complémentaires à l’agent Nayeli Vances qui sera votre référente pour cette affaire. Elle vous transmettra la nature de votre couverture ainsi que vos papiers d’identité s’y associant.
Bonne chance, agent Johnson, que Dieu accompagne vos pas.
Fraternellement, Heather Van Helsing et le Conseil de la Division nocturne.
Le centre d’équipement est singulier, il s’agit d’une vaste salle circulaire éclairée par des lumières blanches. Huit portes sont disposées à intervalles réguliers et font ainsi le tour de la pièce. En son centre, trône un bureau propre avec quelques piles de documents dessus. Un homme en blouse noire, semblant occupé à travailler sur un petit engin d’allure ésotérique et mystérieuse, y est assis. Le scientifique est jeune, brun, avec des yeux marrons presque noirs, diverses rides parcourent son visage ovale. Cela le vieillit, bien que le reste de son apparence ne laisse pas de doute sur son âge véritable. Elle s’approche ainsi du réceptionniste, un peu timidement.
« Euh bonjour, excusez-moi je suis… le garçon lève les yeux de son œuvre avec un air désabusé.
– L’agent Johnson, oui. Vous avez votre formulaire logistique, mademoiselle ?
– Oui, oui, je vous le donne de suite, la chasseuse fouille dans la chemise pour en sortir le dossier technique. Son interlocuteur s’en saisit et le lit attentivement dans un long silence gênant.
– C’est… bon, parce que c’est Mme Heather qui l’a rem… dit-elle après quelques minutes, avant de se faire inviter au silence d’un geste ferme de la main. Le blanc dure une nouvelle poignée de minutes avant que le type ne tamponne le formulaire puis le rende à sa propriétaire.
– Tout est ok. Vous pouvez y aller. Ce sera la porte A, puis A.5. Bonne journée et bonne chance pour votre mission, agent Johnson. »
La femme se dirige donc vers la porte A, désignée par une plaque de métal poli et gravé de la lettre. Elle l’ouvre et arrive dans un nouveau long et large couloir, toujours éclairé par ces lumières agressives. A.1, A.2, A.3… A.5, voilà ! La détective frappe, pas de réponse, alors elle ouvre sans attendre. Elle voit ainsi un spectacle plutôt impressionnant. Une dizaine de plans de travail où s’activent de nombreux techniciens pour examiner l’équipement de Van Helsing, le disposer sur une table ou bien l’expliquer à d’autres agents très attentifs. Étonnamment, il n’y a pas de capharnaüm, comme si chaque espace était insonorisé.
La dame sourit largement à l’arrivante et lui demande la raison de sa présence. Une fois expliquée, Lili lui transmet le document dûment tamponné. La contrôleuse l’observe minutieusement et part pendant ce qui semble une éternité, afin d’effectuer les vérifications d’usage. Elle revient et sourit toujours, un sourire qui paraît sincère malgré la répétitivité et l’ingratitude de la tâche administrative.
« Vous pouvez y aller, madame, veuillez pardonner l’attente. » La remarque sort la suspicieuse de ses songes et elle bafouille en retour, un peu dans la panique : « Non, non, pas de mal, je vous en prie ! Bon week-end à vous ! » Elle se précipite ensuite dans l’immense pièce.
« Agent, je ne vous attendais plus. Tâchez d’être plus ponctuelle la prochaine fois, Lili n’a même pas le temps de protester que la technicienne continue son discours en parlant plus fort afin de lui couper la parole. Voici l’équipement dont vous disposerez pour cette mission. N’oubliez pas de le rendre sitôt celle-ci terminée. Détruisez-le si vous ne pouvez le restituer au Sanctuaire. Compris ?
– Oui, bien compris.
– Parfait, voici votre arme de service. Un revolver six coups “Redawn Mark VI” avec trois chargeurs. Ses balles délivrent une énergie similaire au soleil à l’impact, fatal pour les sangsues. Un kit pour l’entretien est fourni avec.
– Parfait, voici votre arme de service. Un revolver six coups “Redawn Mark VI” avec trois chargeurs. Ses balles délivrent une énergie similaire au soleil à l’impact, fatal pour les sangsues. Un kit pour l’entretien est fourni avec.
– Oh il est beau avec ces runes grav…
– Ensuite, nous avons les monocles de doubles-vues, type “Abraham”. Spécialisés dans la détection des énergies de longues-dents et associés. Deux vous sont fournis. Ensuite, un sac à dos type “Brown Hypnos”, modèle 3, capable de provoquer le désintérêt de tout curieux le fouillant. Il est spacieux et confortable à l’utilisation.
– Ensuite, nous avons les monocles de doubles-vues, type “Abraham”. Spécialisés dans la détection des énergies de longues-dents et associés. Deux vous sont fournis. Ensuite, un sac à dos type “Brown Hypnos”, modèle 3, capable de provoquer le désintérêt de tout curieux le fouillant. Il est spacieux et confortable à l’utilisation.
– Un ensemble de matériel non occulte divers pour vous assister. Soit : provisions, équipement de montagne et autres. Ensuite, nous vous proposons les crèmes de survie que vous connaissez, des grenades solaires “Mils Sun”, ainsi que les “Mils Night” contre les groupes de goules. Deux de chaque. Un manteau long gris “Cross H”, trench-coat discret et élégant qui vous protégera des capacités vampiriques et des chocs, dans une certaine mesure du moins. Ne vous inquiétez pas, l’architecture occulte de l’objet se situe dans sa doublure donc la discrétion est garantie. Un nécessaire d’investigation dont vous êtes coutumière est à votre disposition également. Des questions ?
– Oui, est-ce que le manteau est…
– La question était rhétorique, je n’ai guère le temps pour ça. Suivez-moi, votre dernière arme se situe ailleurs. » Lili approuve en exhibant son air renfrogné face au comportement déplaisant de l’ingénieure.
D’un pas ferme, Margaret Taylor (le nom qu’indique son badge) se dirige vers le seuil gardé par quatre agents portant un équipement militaire complet pour des opérations de choc. Fusil automatique et armure de combat des pieds à la tête. Elle leur montre ses autorisations et l’un des quatre ouvre le porche à l’aide d’une clef fragmentée dont chacun dispose d’un morceau. Le spectacle ainsi révélé choque Lili. Effrayée, elle ne peut pas s’empêcher de rester pantoise et empreinte d’une fascination morbide qui la révulse elle-même.
La pièce est grande, peut-être cinq mètres de diamètre, et un homme d’une trentaine d’années, torse nu, est enchaîné en son centre. Il est placé au cœur d’un cercle occulte façonné par l’énergie violacée.
Taylor sourit, pour la première fois depuis sa rencontre avec Lili.
« C’est une sangsue oui, nous l’avons capturée il y a deux ans, dans les colonies d’Extrême-Orient. Nous avons les moyens de les dresser, de combattre le mal par le mal ! Théodose, de son nom, s’est montré suffisamment coopératif dans son dressage pour que nous autorisions son déploiement sur le terrain. Sous votre supervision, évidemment, elle lui donne un collier d’acier s’achevant par un médaillon, si vous l’estimez dangereux ou bien suspect, ouvrez ce bijou et cela mettra fin à l’existence de cette bête. Par contre, c’est une ressource de Van Helsing, ne le faites pas pour rien. Le dressage demande du temps, des moyens et comporte des risques. Perdre Théodose, c’est perdre un équipement de pointe. Ne faites pas n’importe quoi, agent.
– Je… Lili ne sait pas quoi dire.
– Oui, c’est perturbant. Je sais. Mais nous combattons le mal par tous les moyens. Si des questions éthiques vous taraudent, sachez que nous les nourrissons avec les dons du sang et qu’aucun humain ne souffre pour cela. Les sangsues incontrôlables sont immédiatement éliminées, la sécurité est notre priorité.
– Je… je ne sais pas si…
– C’est la méthode de la Division nocturne, agent, si cela ne vous convient pas, alors abandonnez l’idée de la rejoindre.
– Non ! Certainement pas ! Margarette fait une grimace subtile.
– Soit. Chaque vampire dispose d’une capacité unique et qui lui est propre. Théodose de Malte, lui, a la faculté de se fondre dans la matière. Très efficace pour l’infiltration.
– …
– Je vais le réveiller et le libérer. Il est désormais sous votre responsabilité. Comprenez-vous ?
– Ou… oui, je comprends.
– Excellent. »
« C’est bon ? J’peux enfin me barrer de ce trou de clebs ? un soldat le frappe avec la crosse de son fusil.
– Ferme-la, putain d’abomination.
– Tu es sous les ordres de l’agent Johnson. Fais ce qu’on te demande, sans rechigner et on ne t’éliminera pas. Si tu te montres coopératif, nous n’aurons pas à t’enfermer de nouveau dans cette cage. Comprends-tu ?
– Ouais, j’ai dit oui, il regarde Lili, qui le toise avec dégoût, t’inquiètes pas, ma puce, je vais être un bon toutou obéissant, il se reprend un coup de crosse.
– Ce sera Mme Johnson, joue pas avec nos nerfs, sangsue de merde, le vampire affiche un rictus de douleur.
– J’vais bien bosser, agent Johnson, vous en faites pas… Taylor arbore une mine satisfaite.
– Vous pouvez rejoindre vos moyens de locomotion. Mme Nayeli Vances vous y attend pour la fin de votre briefing. Bonne chance à vous et que la nuit vous soit clémente, Lili souffle pour se redonner courage.
– Merci, ingénieure Taylor.
– On se dépêche, j’ai en ai ma claque de cet endroit ! » dit le vampire avant de se prendre de nouveau un coup qui le fait taire de nouveau.
« Je n’ai pas confiance dans ces moderneries de moteurs à explosion. Les joujoux technologiques m’ont suffisamment claqué entre les pattes pour que je compte surtout sur moi et mes capacités avant tout. Fais en autant, Johnson. Si tu ne peux pas survivre sans gadget, t’es juste un porte-flingue remplaçable qui finira crevé et vidé de son sang, un jour ou l’autre. Tu sais pourquoi ? Lili reste stoïque, bien qu’elle se sente écrasée par la présence puissante de la vétérane.
– Non, madame.
– Car ces trucs techno-magiques de mes burnes, c’est pas fiable. C’est le défaut que les ingés ont jamais pu régler. Ils finissent toujours par tomber en panne, exploser au pire, elle montre une de ses cicatrices au bras, une cicatrice de brûlure grave remontant jusqu’au coude. L’entretien doit se faire tous les jours, et même là faut au moins une révision hebdomadaire par un techos. Sans ça, c’est une putain de bombe que t’as entre tes doigts de princesse. Pigé ?
– Oui madame, mais je ne suis pas une…
– Je connais ton dossier. Impressionnant cette histoire d’Hypogée, mais te repose pas sur tes lauriers. Un exploit te rend pas invincible ou plus douée que les centaines qui ont aussi tenté le coup d’la Nocturne. Les trois-quarts terminent pas bien, ok ? la détective détourne le regard. Et t’es jeune, t’as fait pression pour nous j’rejoindre, sans leurs expériences. Je t’en veux pas, j’veux juste pas qu’tu crèves comme une conne parce que t’es arrogante comme un nobliau à Westminster.
– … »
« Si t’es en galère, appuie sur le bouton. C’est une ligne directe vers moi. T’es en test, la gosse, alors joue pas à la p’tite héroïne comme t’as l’habitude. Si tu galères trop, tu m’appelles, c’est clair ?
– Oui, bien sûr.
– Bien sûr, “madame”, Lili dégluti.
– Bien sûr, madame.
– Tu comprends vite. Maintenant, on va parler de ce merdeux, Vances montre Théodose qui regardait par la fenêtre et s’est retourné en entendant son deuxième prénom.
– Moi ?
– Ferme ta gueule, toi. C’est un agent biologique, sacrifiable. L’ingé a dû te tanner pour que t’y fasses gaffe, affaire de budget et autres conneries, mais t’oublies.
– C’est-à-dire, madame ? Lili peine à assimiler ce que lui dit sa supérieure.
– C’est-à-dire qu’il est pas plus important que ton flingue ou que ton monocle. Tu t’en sers pour accomplir la mission, t’essaies de le ramener si tu peux, mais pas de zèle. Tu te fous pas dans la merde pour ça et t’hésites pas à l’envoyer au front si besoin est. Il est là pour ça, c’est un putain de monstre meurtrier. C’est pas un être humain. La seule chose qui l’empêche de reprendre son carnage, c’est la laisse qu’on lui a mise.
– C’est quoi ces conneries, j’ai jamais fait de… Vances le menace violemment du regard en serrant les poings, ce qui fait taire le vampire.
– Je t’ai dit de fermer ta putain de gueule. C’est une conversation entre humains, la prochaine fois que tu ouvres ta petite bouche de sangsue, je t’arrache la langue et la cautérise. On verra combien de temps tu vas mettre pour la régénérer. Bref, on a chopé ce petit branleur dans une ferme à humains. Il avait pris le contrôle d’un hospice dans le Cachemire et saignait les vieux pour se nourrir, comme des foutues fontaines à eau. Les pauvres étaient complètement à l’ouest quand ils ne mouraient pas dans l’affaire, elle fait un signe de croix respectueux, pas de pitié ou de sentiments mal placés, capiche ?
– Les vampires sont des monstres qui doivent être exterminés, madame.
– Exactement, ils ressemblent peut-être à nous, mais les similitudes sont juste physiques. À l’intérieur, ça reste des monstres. Trop de copains se font fait buter dans un moment de faiblesse comme ça, en oubliant cette loi de la nature, la femme ferme les yeux quelques secondes avant de les rouvrir avec une détermination sauvage. Eux ou nous, Lili, l’empathie faut la garder pour nos congénères, les victimes.
– Je suis là pour protéger l’humanité, je crois dans ce que fait Van Helsing et pourquoi on le fait !
– Bien, ça te sauvera la mise plus d’une fois. Revenons à notre affaire. Vous êtes donc deux journalistes : Lydia Davies et Jacob Morton. Tu es une journaliste londonienne qui veut faire un reportage sur les communautés religieuses et le renouveau spirituel chrétien. Tu es là pour en apprendre plus sur Yarrin et leurs préceptes. Tu as déjà été voir d’autres villages au travers du royaume. Les informations dont tu as besoin sont dans ce document : un carnet de notes journalistiques qui imite ton écriture. Mémorise ce qui est important pour plus de naturel. Jacob est ton collègue, un immigré australien qui fait ses premiers pas en tant que pigiste. La rédaction l’a mis sous ta supervision afin de le former au travail de terrain et pour que tu jauges son professionnalisme, elle lui balance une feuille volante, voilà les infos perso que tu dois retenir, Jacob, détruis ça ensuite, sans attendre sa réponse, elle reprend, tu travailles pour le London Spiritual Magazine, un magazine de niche mais plutôt reconnu dans son milieu. Tout est arrangé avec. Voici donc vos papiers, elle dépose les papiers officiels sur la table, bon, des questions ?
– Non, madame.
– Vous prenez le train, vous arriverez une heure avant le lever du soleil. En cas de problème, nous avons un accord avec le contrôleur qui donnera accès à la soute à bagages pour la créature, qu’il ne crame pas inutilement. Sur place, un hôtel est réservé, les rideaux sont suffisamment épais pour ne pas laisser entrer le soleil, nous y avons veillé. Tu pourras commencer tes investigations de jour, mais ce sera sans lui.
– Évidemment. Et vous, où serez-vous ?
– Non loin, je garderai un œil distant sur toi. Mais attention, j’ai mes propres affaires donc compte pas trop là-dessus pour que je te sauve le cul spontanément. Clair ?
– Clair, madame.
– Dernier point, la faculté de ce type est de se fondre dans la matière.
– L’ingénieure Taylor m’a transmis cette info, madame.
– Je te le redis donc. Et dans tes bagages, on a prévu un peu de sang. Attention, ça périme vite. 50 % par jour à peu près, moitié moins nourrissant quoi. En deux jours, c’est fini. L’agence va te réapprovisionner, mais traîne pas trop dans ton enquête. On veut pas une sangsue dalleuse en liberté à gérer.
– Très bien, madame !
– Bon, j’te conduis à la gare. Profite du voyage pour bosser le dossier. Et si tu trouves ça court, dis-toi que ça fait partie de ton test. On a pas toujours le luxe d’être préparé à fond. La Nocturne, c’est savoir s’adapter à la merde qui nous tombe dessus, Lili la regarde dans les yeux.
– Je vais réussir, madame, je vous jure.
– J’te souhaite de te planter et de revenir aux opérations courantes, petite. La Nocturne, ça paraît peut-être sexy, mais c’est pas une vie. Je t’assure, Vances prend une voix encore plus grave et solennelle.
– J’en suis consciente, mais cela reste mon but. Madame.
– Ta vie, tes conneries. J’suis pas là pour juger ça. Le briefing est terminé, au boulot maintenant. »
« Tes actes parleront pour toi, créature.
– Nicetas, mon nom est Nicetas. Théodose est celui que j’avais quand j’étais humain, Lili soupire.
– Ok Nicetas, si t’es réglo, alors je le serai avec toi. Ne t’attends pas à plus de ma part, ne me prends surtout pas pour une imbécile, Nicetas sourit.
– Ça me va ! C’tout ce que je veux, p’tite humaine.
– Ferme-la, on a du boulot.
– À vos ordres, ô grande esclavagiste des temps modernes, l’agent grogne.
– Ne crois pas que je vais me justifier qu’on te mette hors d’état de nuire, assassin, le longues-dents est amusé par la réponse.
– Me mettre hors d’état de nuire ? Ça ressemble déjà à une justification, elle ignore la réponse et entre dans la locomotive, le laissant un peu derrière.
– Dépêche-toi un peu, le train ne va pas t’attendre.
– Je sens que cette histoire sera plus amusante que prévu. » un rictus malsain et cruel se dessine sur son visage, faisant frémir Johnson.
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