Quand on est adulte, les rencontres deviennent quelque chose de compliqué. La seule façon de se faire de nouvelles connaissances est soit d'aller sur internet, soit de se rendre dans un bar, et l'idée d'essayer d'entamer une relation avec quelqu'un que j'aurais rencontré via l'un ou l'autre de ces biais me mettait mal à l'aise. À 28 ans, comme aucune de mes amies ou collègues célibataires ne m'intéressait sur le plan romantique, je me suis dit que j'étais condamné à être célibataire pour le reste de ma vie.
Mais ensuite, je l'ai rencontrée.
« Je suis Miranda », a-t-elle roucoulé lorsque je lui ai serré la main. Elle était belle, et moi, hypnotisé.
Les présentations se sont transformées en bavardages, les bavardages en conversations, et avant que je ne m'en sois rendu compte, ma montre m’a indiqué que deux heures étaient passées depuis que nous nous étions assis dans l’herbe à côté du trottoir, à parler. A regret, j’ai annoncé à Miranda que je devais rentrer chez moi, puis je lui ai nerveusement demandé si elle voulait me retrouver le lendemain soir pour dîner. Elle a accepté, et nous avons fixé l'heure et le lieu de notre rendez-vous.
Le reste de la nuit, et une grande partie de la journée suivante, j’étais sur un petit nuage. Mais sur le chemin du restaurant italien très cher que nous avions choisi, j’ai commencé à me sentir nerveux. Je me suis soudain rendu compte que nous n'avions même pas échangé nos numéros de téléphone. Et si elle s'était juste montrée polie et n'avait pas l'intention de venir ? Et si elle avait eu un accident ? Et si sa voiture était tombée en panne et qu'elle n'avait pas pu me prévenir ? Un million de scénarios se bousculaient dans ma tête alors que je commençais à transpirer et que mon cœur s'emballait. J'avais l'estomac noué lorsque j'ai franchi les portes du restaurant, mais les mauvais pressentiments se sont envolés dès que je l'ai vue debout dans le coin, portant une robe violette qui épousait parfaitement sa silhouette mince.
L'hôtesse m'a regardé avec un drôle d'air quand j'ai demandé une table pour deux, et mon anxiété a repris le dessus. Ma panique m'avait fait transpirer à tel point que j'avais passé mes doigts dans mes cheveux à plusieurs reprises durant le trajet. Je devais avoir l'air d'une loque, malgré mon beau pantalon et ma belle chemise. J'ai utilisé mes mains pour m'assurer que mes cheveux étaient bien remis en place, et j'ai essuyé mon front avec ma manche en suivant l'hôtesse et mon rencard jusqu'à une table dans un coin du restaurant.
Le rendez-vous s'est incroyablement bien passé. Miranda m'a laissé commander pour nous deux, disant qu'elle avait confiance en mon jugement. Nous avons discuté et ri tout au long du repas comme si nous nous connaissions depuis toujours. Le monde autour de moi aurait pu s'effondrer que je ne l'aurais même pas remarqué. J'aimais tellement être avec elle.
Bien sûr, la joie d'un nouvel amour n'a pas duré bien longtemps, sinon je ne serais pas en train de poster cela ici, parmi tous les endroits que j'aurais pu choisir pour en parler.
Nous avons décidé de nous promener dans le parc voisin après avoir payé l'addition. J'ai trouvé le courage de lui prendre la main alors que nous marchions joyeusement sur le chemin bétonné et éclairé par de douces lumières jaunes. Mes doigts se sont liés aux siens, et au moment où j'ai senti le froid de sa peau, j'ai remarqué qu'elle avait cessé de parler et que l'atmosphère autour de nous était devenue très tendue.
Ma première pensée a été que j'avais merdé. Alors je l'ai regardée, en lui demandant si elle allait bien.
Elle avait changé. Sa peau était devenue d'un gris bleuté, marquée de profondes ecchymoses violettes autour de sa gorge. Le côté gauche de son visage était tellement pourri que je pouvais voir ses dents à travers sa joue. Le bleu vif de ses yeux était maintenant recouvert d'une pellicule laiteuse, et ils me fixaient avec une haine si profonde que même le soldat le plus courageux aurait probablement fui.
J'ai eu le souffle coupé et j'ai essayé de reculer, mais elle a renforcé sa prise sur ma main de sorte que je ne puisse plus bouger mon bras, combiné avec le sien en une douloureuse étreinte. Mes doigts tressaillaient, et les muscles de ma main et de mon poignet commençaient à brûler tandis que j'essayais de me libérer de son emprise. Ses doigts étaient tellement décomposés que je pouvais voir ses tendons et ses os, mais ils étaient forts. Inhumainement forts.
Mes appels à l'aide résonnaient dans les arbres environnants. J'ai tiré de toutes mes forces, mais Miranda ne voulait pas lâcher prise. Elle restait là, dans sa robe sale et en lambeaux, à me regarder comme si j'étais la pire des ordures. Mon cœur battait si fort que je le sentais de ma poitrine jusqu'au sommet de ma tête. Des larmes coulaient sur mon visage brûlant. J'ai arrêté de crier. Même si malgré ma respiration laborieuse, je parvenais à hurler, je savais que personne ne pouvait m'entendre. Je suis tombé à genoux, me forçant à fixer le sol plutôt que la femme en décomposition devant moi. J'ai supplié entre deux halètements :
« S’il te plaît, s’il te plaît ne me tue pas… »
Miranda s'est alors mise à rire. Pas le rire si musical qui m'avait hypnotisé plus tôt, mais un gloussement profond et menaçant qui m'a fait frissonner. Quand elle s'est arrêtée, elle s'est accroupie pour que nous soyons face à face. Elle a incliné sa tête, les os de son cou craquant et grinçant avec le mouvement, et elle a grimacé.
« J'ai dit la même chose, tu sais. Ça ne m'a pas aidée du tout. »
Elle a levé la main qui n'était pas sur le point de briser la mienne, et a caressé ma joue, laissant une trace collante de sang pourri derrière elle, alors que sa peau se déchirait au contact de la mienne. Une fois qu'elle a rencontré la base de ma mâchoire, le geste tendre a pris fin et elle a enroulé ses doigts pourris autour de ma gorge. Elle m'a poussé sur le dos et a ramené son autre main sur ma gorge tout en me chevauchant. J'ai haleté et je me suis débattu, essayant alternativement de la repousser et d'écarter ses mains. Les bords de ma vision devenaient flous, l'image de son teint macabre se brouillait. J'étais sûr que j'allais mourir.
Alors que j’étais sur le point de perdre conscience, elle a baissé son visage jusqu'à ce qu'il soit à quelques centimètres du mien et a crié. J'ai porté mes mains à mes oreilles pour essayer de bloquer le cri perçant, puis j'ai fermé les yeux. Après un bref instant, j'ai réalisé que la pression autour de ma gorge avait disparu et que je pouvais à nouveau respirer. J'ai roulé sur le côté, toussant et me frottant la gorge, tandis que les cris de Miranda s'estompaient comme des échos.
Elle était partie.
Je suis resté allongé sur le sol pendant quelques minutes jusqu'à ce que ma respiration et mon rythme cardiaque reviennent à un état semi-normal, puis j'ai couru jusqu'à l'endroit où j'avais garé ma voiture, et je suis rentré chez moi.
Il a fallu quelques jours pour que les hématomes autour de mon cou guérissent, mais physiquement, il n'y a pas eu de dommages permanents. Je me suis dit que j'avais eu de la chance, et je n'ai plus jamais eu de rendez-vous depuis.
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