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Le monstre du placard


Temps de lecture : 13 minutes

Il y a deux semaines, j’ai déménagé. Je suis passé du traditionnel 9 m² étudiant à une maisonnette beaucoup plus sympa. J’ai trouvé récemment du travail dans une petite ville, et la baraque est située à sa sortie (ou à son entrée, tout dépend d’où vous venez). Le voisinage y est sympathique et ma propriétaire Mme D*** habite non loin. C’est une vieille femme charmante, bien qu’un peu étrange (du genre patte de lapin à la porte, miroirs recouverts, sauge brûlant régulièrement sur son palier…)

Notre première rencontre a été assez normale. Elle m’avait donné rendez-vous à 10h et avait chaleureusement souri en me voyant descendre de ma petite voiture. Son regard s’était attardé sur mes tatouages, mais rien d’inhabituel pour moi. Elle m’avait précédé à l’intérieur, se signant d’une croix, et avait esquissé une révérence discrète. Au moment où j'avais passé la porte, j'avais ressenti une drôle d’impression, comme un poids tombant soudainement sur mes épaules. Sans raison aucune, mon ventre s'était noué. Était-ce la faible luminosité ou le fait que le dernier coup de balai ne devait pas dater d’hier qui me faisait trouver l’endroit un peu lugubre ?

Je vous passe les détails de la visite : une cuisine donnant sur un espace salon ; un palier supérieur avec chambre et salle de bain ; un petit jardin avec un chêne immense auquel une balançoire rouillée était attachée… Accolée à la maison, se trouvait une double porte en bois fermée par une chaîne et donnant sur un sous-sol dont Mme D. avait oublié les clefs. Je me rappelle m'être demandé : « Pourquoi cette chaîne alors que la maison semble vide ? » La vieille femme avait alors dit, comme si je lui avais posé directement la question :

" Le quartier est calme, mais les enfants du voisinage restent des enfants. C’est pour les empêcher de forcer la porte et de rentrer. "

Ou de sortir, avais-je pensé, mi-amusé mi-étonné par la clarté des images qui se présentaient en mon esprit. Un petit blond, pleurant et suppliant, ses petits poings martelant la porte en bois. Puis les pas lourds de la chose qui vivait là, en bas, se rapprochant dans une lenteur grotesque et faisant craquer les marches de bois. L’odeur de la peur et de la sueur de l'enfant qui se mêlait soudainement à celle de son urine. La main crochue aux ongles trop longs qui se pressait contre ses lèvres avant de le tirer en arrière avec force, faisant mourir son dernier cri contre une paume rêche.

D’un petit éclaircissement de gorge, Mme D. m'avait ramené à la réalité.

C'était étrange, jamais avant ce jour je n’avais eu une imagination aussi claire. Cette maison me plaisait. Son potentiel me plaisait. Son… aura me plaisait.

Très vite, la vieille et moi nous étions serrés la main.

Dès la semaine suivante, je me suis mis à déménager mon appart' avec ma voiture. Ma seule contrariété concernait l'état des lieux, les clés de la cave étant introuvables. Certes, je disposais du reste de la maison, mais cette cave m’intriguait. Je voulais l’ouvrir, pénétrer dans les entrailles de cette bâtisse…

C’est au troisième jour que les choses ont commencé à devenir étranges, car c’est au troisième jour qu’il m’est apparu. Blond, des yeux bleus glaçants, une peau pâle sous laquelle on devinait la moindre petite veine courir. Le même que dans ma vision, le petit garçon de la cave… J’en suis persuadé. Il se tenait devant la balançoire, me faisant un signe de la main, un sourire bien trop grand déformant sa bouche. J'ai fermé les yeux et en les rouvrant, comme vous l'aurez deviné, il n'était plus là. Seule la balançoire se trouvait devant moi, secouée par un souffle de vent presque imperceptible.

Les jours passaient sans que je n'arrive à oublier la vision de ce garçon. À mesure, je remarquais également des choses étranges : des courants d'air froids qui traversaient la maison de part et d'autre sans que rien ne soit ouvert ; de lourds pas faisant grincer une à une les marches des escaliers comme si quelqu'un les gravissait... Parfois, la nuit, j'étais réveillé par un robinet qui se mettait à couler. Un soir, alors que je rentrais du travail, il m'a même semblé apercevoir une ombre à la fenêtre de la salle de bain.

Puis, un matin, j'ai été réveillé par une comptine. Allongé sur le dos dans mon lit, dans la pénombre de la chambre, je n'ai rien pu faire d'autre qu'en écouter et en ressentir le moindre mot :

" Sois sage, sois sage petit enfant,

Sois toujours poli et jamais ne mens.

Sois gentil et ne réponds pas

Ou tu auras affaire à moi.

Mes ongles te déchireront,

Mes dents te grignoteront,

Dans tes jolis petits os

Je taillerai des pipeaux

Pour te jouer cette mélodie,

Là, juste sous ton lit.

Non, ne te lève jamais le soir,

C'est moi, le Monstre du placard…"

Instinctivement, mes yeux se sont portés sur la porte du placard, entrouverte. C'était un putain de placard. Acheté par moi, d'occasion. Rien de maudit ou d'effrayant. Mais sa porte était maintenant une bouche prête à me gober si je me levais pour la pousser. Et la chose sous le lit me croquerait les tendons, c'était certain. Quand la mélodie a cessé, mon sang pulsait à mes tempes. J'avais de nouveau 10 ans, et j'avais peur du Croque-Mitaine. Puis...

Lentement.

Presque.

Comme un souffle.

La porte du placard a commencé à s'ouvrir.

IL était là, je le savais, prêt à déchirer ma peau et grignoter mes os, prêt à faire de mon squelette un pipeau.

La porte s'est arrêtée. Et je jure que j'entendais des pleurs depuis l’intérieur. Un long sanglot d'enfant incessant, ou un murmure… ou des rires… ou tout ça en même temps. Oui, plusieurs voix se mêlaient. Et comme tout adulte qui se respecte, j'ai enfoui la tête sous mes couvertures. Alors les voix se sont arrêtées, et ont laissé place à un nouveau grincement de porte. J'ai sursauté quand j'ai entendu la poignée frapper le mur d'un bruit sec.

Lorsque le son d'un lourd pas a fait craquer le sol de ma chambre, j'ai pleuré et prié.

**BAM**

De la vapeur sortait d'entre mes lèvres, j'étais gelé alors que mon corps entier était couvert de sueur.

**BAM**

Les poils sur ma nuque s'étaient dressés.

**BAM**

Mon ventre a formé un nœud.

Un long souffle rauque. Puis, le silence.

Alors, le parquet juste à côté de mon lit a craqué.

Je me suis mis à crier, plus fort que jamais. Pour chasser les cauchemars, pour sauver ma vie, pour éloigner les monstres.

Finalement, l'attaque que je redoutais n'a pas eu lieu, mais je devais maintenant changer mes draps.

Ma mère m'aurait mis une sacrée rouste si j'avais pissé au lit parce j’avais eu peur d’un « monstre ». Je ne l’ai jamais aimée. Elle est morte, et c'est tant mieux. Elle était du genre pas commode : à tirer les cheveux, pincer les bras et siffler comme un serpent. Puis à me serrer contre sa poitrine soudainement en me disant qu'elle m'aimait et que j'étais trop faible pour ce monde. La nuit, si j'avais un "accident", elle m'attrapait par les cheveux, me traînait jusqu'à la salle de bain, me jetait sous l'eau froide. Elle me griffait le dos, les jambes, les cuisses, et me frottait ensuite énergiquement à l'eau de Cologne, pour enlever l'odeur de la saleté. Elle me jetait ensuite nu dans le jardin. Et souvent, j'allais trouver refuge dans la niche du chien.

De nouveau, la clarté de ce souvenir rejaillissant m'a effrayé. Comme pour le petit garçon entrevu dans le jardin, j'avais l'impression d'avoir vu ces images défiler devant mes yeux, et non pas de les avoir pensées ou de me les être rappelées.

J'ai toujours aimé les histoires de fantômes, aussi mon esprit a immédiatement classé ce que je venais de vivre dans le "paranormal". Autrement dit, si je voulais approfondir la chose, je devais en savoir plus sur cette maison. C'est donc naturellement que je me suis rendu chez Mme D., encore secoué par mon réveil. Dehors, c'était une magnifique journée d'automne. Une brise agréable secouait les feuilles, et la rue commençait à se teinter de rouge-orangé rappelant la couleur

– du sang –

du pain d'épice. Les enfants avaient fait leur rentrée depuis peu, et je croisais ces petits merdeux partout sur le trottoir. Ils riaient, se bousculaient, c'était adorable. Je suis arrivé chez Mme D. Sur le perron était suspendue une balancelle, et des pots de fleurs encadraient l'escalier. On retrouvait des jardinières à chaque fenêtre. Une patte de lapin ornait sa porte d'entrée.

Alors que mon regard parcourait la façade, mes yeux se sont arrêtés sur un rideau apparaissant derrière une fenêtre de l'étage du bas. Une petite main était posée sur ce dernier, j'en distinguais les doigts pâles. Je me suis approché d'un pas : la menotte a saisi le rideau pour entreprendre de le tirer, et s'est arrêtée. Un pas de plus, et le rideau a commencé à s'ouvrir. Et en quelques secondes, le petit garçon blond est apparu. Il a collé son front sur la fenêtre et a soufflé de la buée sur la vitre. Il y a dessiné une balançoire, et un arbre. Sur l'une des branches, il a tiré un trait qu'il a fini par un cercle. Du bas de celui-ci est parti un bâton se terminant par deux autres traits, plus petits. Il a finalisé son esquisse en traçant deux derniers bâtons, partant de chaque côté de ce que je comprenais être un corps. Pendu. J'ai frissonné alors que le garçon me souriait à nouveau, de sa bouche trop grande. Il a agité sl main, s'est reculé d'un pas et a disparu dans la pénombre de la pièce.

J'ai eu l'impression de devenir dingue. J'ai couru, effectuant alors les derniers mètres me séparant de la porte de Mme D. et martelant le bois de toute ma force. Elle a ouvert et ma main s'est retrouvée à serrer sa gorge. Pendant que sa langue pendait hors de sa bouche, qu'elle cherchait l'air en poussant de petits cris et que ses lèvres prenaient une teinte bleutée, j'ai hurlé " Espèce de sale vieille pu... " Elle a ouvert et m'a appelé par mon prénom, me demandant si j'étais dans les nuages et pourquoi j'étais là de si bon matin. Pour ne rien lui révéler de mes mésaventures, j’ai menti sur les raisons de ma venue : " Ma mère va me rendre visite, et elle me posera sans doute des questions sur la maison et son passé. "

Mme D. – vieille salope – m'a gentiment invité à m'installer sur la balancelle pendant qu'elle allait chercher de la citronnade.

Une petite heure plus tard, c'est déçu que je repartais. La maison avait appartenu à un de ses grands oncles, un musicien qui avait déménagé dans une autre région. Personne n'y était mort, aucun crime violent n'y avait eu lieu. Mais il y avait forcément une explication à ce que j'avais vécu depuis mon arrivée !

Puis, l'idée m'est apparue. J'avais la réponse, mais elle était tellement proche de moi que j'étais passé à côté.

La cave.

Dès cet après-midi, j'irais acheter une pince-monseigneur et je ferais sauter ce cadenas.

Je suis arrivé chez moi, et me suis aussitôt rendu dans le jardin pour prendre la mesure de la chaîne. Mais je me suis arrêté. Net.

Le cadenas était au sol. La chaîne ouverte, et la porte entrebâillée. J’ai soudainement senti l'angoisse me gagner.

IL est là.

Je ne sais pas si mes oreilles me jouaient un tour, mais j'entendais clairement le son d'un pipeau monter de la cave. Une mélodie lancinante qui me perforait le corps et réveillait le petit garçon fragile qui sommeillait en moi. Effrayé mais curieux, je me suis approché, jusqu’à ce que je les entende. Les craquements, comme du bois sec que l'on cassait. Puis un bruit, atroce, grouillant et mouillé. S'en est suivi un son de mastication, pareil à celui d'un chien qui dévore sa pâtée. J'ai perçu des grognements, des soufflements, des bruits de langue et de bouche. Un bruit de succion, comme un os à moelle qu'on aspirerait.

Alors que mes oreilles étaient captivées par ce qu'elles entendaient, mes pieds, eux, avaient décidé d'avancer de leur propre initiative. Et sans m'en rendre compte, j'avais complètement ouvert la porte de la cave et je me tenais sur la première marche de l'escalier.

D'en bas, résonnait une voix qui chantonnait cette horrible comptine.

J’ai mis le pied sur la seconde marche. Au bout de l'escalier, tout était sombre. Encore une marche, doucement, sans bruit. Je reconnaissais à présent le bruit d'une lime, suivi de celui d'une petite perceuse. Encore une marche.

Et toujours cette comptine entêtante qui ne cessait pas.

Arrivé dans les ténèbres de la cave, j'ai retenu un cri. La chose que j'avais devant moi était immense. Si grande qu'elle devait se tenir voûtée et que son dos touchait le plafond. Elle était uniquement vêtue de ce qui semblait être un caleçon taché de noir, de marron et de rouge. Ce que j’appelais chose avait une peau pâle, translucide même. Ses os étaient saillants et semblaient si pointus que je ne comprenais pas comment ils ne transperçaient pas sa chair. Partout sa peau formait des plis, comme celle des chats sphinx. Des cheveux avaient poussé çà et là, formant de longues mèches dispersées aléatoirement sur son crâne plein de croûtes. Une odeur pestilentielle se dégageait d'elle. Une odeur de viande pourrie et d'excréments. IL était penché sur ce qui semblait être un établi éclairé par une petite veilleuse. Au sol, derrière lui, un amas de chair. Je pouvais clairement y distinguer une salopette rose qui semblait habiller ce qu'il restait d'un cadavre. J'avais vu un jour sur internet la main d'un homme passée dans un mixeur, sanguinolente, formant une bouillie informe dont on ne distinguait plus rien. Cela n'était rien comparé à ce que j'avais devant moi. Le sang se mêlait à ce qui semblait être un gros intestin arrangé avec de la viande humaine sur laquelle je voyais déjà les mouches se poser. Et toujours en fond, ce bruit de perceuse…

Soudain, la comptine s'est interrompue.

Mes oreilles ont été assourdies par le silence. Je n'osais ni bouger ni respirer. La chose quant à elle, a commencé à se retourner. Dans une lenteur extrême, elle a bougé la tête pour la faire tourner au-dessus de son épaule. Son cou semblait bien trop grand. Et quand IL a eu fini de se mouvoir ainsi, sa face tournée vers la mienne, ma mâchoire s'est décrochée sous l'effet de la surprise. Ses yeux étaient deux grands ronds noirs sans la moindre étincelle de vie ; ses narines se résumaient à deux trous percés dans son visage, comme si son nez avait été amputé ; et sa bouche s'était déformée dans un sourire cruel, s'étendant d'une oreille à l'autre, donnant presque l'impression que son visage se découpait en deux. Il a dévoilé une série de dents pointues irrégulières et a pointé un doigt vers moi. Ses mains étaient rougies, ses ongles longs et sales. J'ai entrepris de reculer, je devais à tout prix remonter si je ne voulais pas finir comme l'amas de chair en salopette rose. Mais je n'ai pas été assez rapide.

IL m'a attrapé, déchirant mon avant-bras de ses ongles. IL m'a retourné de force, plongeant ses deux yeux abyssaux dans les miens. IL a posé son index sur mon front, puis a murmuré : " Bienvenue à la maison " avant que tout ne devienne noir.

Lorsque j'ai rouvert les yeux, j'étais assis en position fœtale, adossé à un mur. Mon avant-bras me faisait souffrir, je pouvais sentir le sang séché tirer sur mes poils. Des choses tombaient du plafond – les entrailles de la gosse en salopette rose – et frôlaient mon visage et mes cheveux dans leur chute. L'endroit me semblait très exigu, et mes yeux, qui commençaient à s'habituer à l'obscurité, m’ont permis d'identifier ce qui tombait au sol comme étant des chemises et des pantalons. J'ai étiré mes jambes jusqu'à ce qu'elles rencontrent une porte que je n’ai eu aucune difficulté à ouvrir. Au-delà du battant, je pouvais voir mon lit et une partie de ma chambre, et par la fenêtre, je distinguais l'aube.

J'avais de nouveau dix ans. Mon petit frère et moi jouions à la maman. C’était moi qui jouais ce rôle, avec le collier en perles et les escarpins de notre mère. Mon frère faisait " moi ". Il venait de casser un vase auquel maman tenait. Je l'ai saisi par l'oreille et l'ai traîné jusqu'aux toilettes. " Tu n'es qu'une petite merde ! Et tu sais ce qu'on fait des petites merdes ?! On les évacue, qu’elles retrouvent leur place. " Alors qu'il se débattait et suppliait, alors qu'il me demandait d'arrêter de jouer, j'ai saisi fermement son cou si fragile et ses cheveux blonds. D'une main, j'ai maintenu sa tête sous l'eau, et de l'autre, j'ai tiré la chasse. Une, deux, sept, vingt fois. Jusqu'à ce qu'il arrête de se débattre. Je me suis ensuite assis au sol, le serrant contre moi en lui disant que je l'aimais, mais que ce monde était trop dangereux. Ses yeux bleus étaient devenus vitreux. Ses cheveux blonds, trempés, collaient à son front. Il était beau. Je comprenais pourquoi c'était le préféré de maman. J'ai enlevé les perles et les chaussures, les ai rangées soigneusement et je suis retourné à la salle de bain pour proposer à mon petit frère de jouer à cache-cache. Comme il ne réagissait pas, je l'ai traîné par les pieds et l’ai caché dans son placard. Je suis ensuite parti me cacher sous mon lit pour attendre le retour de maman. Quelle surprise elle allait avoir ! Avant qu'elle n'arrive, j'avais crié à mon frère : " Si elle te trouve en premier, fais-lui BOUH, elle pensera que tu es le monstre du placard ! " Quand maman est rentrée, elle a commencé à nous chercher. Elle a trouvé mon petit frère avant moi et il a dû sacrément bien se débrouiller car elle s'est mise à hurler très fort et à pleurer. Bien fait pour elle. Moi, ça me faisait rire de l'entendre sangloter et crier.

J'ai mis du temps à me tirer de ce souvenir, à me tirer de ce placard et à faire le point. Le jour se levait, et je n'avais aucun souvenir depuis hier, depuis la cave.

Retournes-y pauvre con.

Je me suis levé avec difficulté. Mes jambes étaient comme du coton. Lentement, j'ai descendu les marches qui menaient au rez-de-chaussée, et j'allais me diriger vers le jardin quand un bruit sourd contre la porte d'entrée m’a poussé à me retourner. J'ai avancé prudemment, en ouvrant la porte avec lenteur avant de baisser les yeux sur mon paillasson : le quotidien de la ville. Le gros titre m'a tout de suite interpellé :

" Troisième disparition d'enfant dans la région, la série noire se poursuit. "

Le portrait affiché en-dessous était celui de Marie, six ans, qui visiblement portait une salopette rose le jour de sa disparition. Et c'était ce même type de salopette qui était actuellement dans mon sous-sol… Non, non, je vous jure monsieur l'agent, c'est un monstre, le monstre du placard qui est coupable. Je l'ai vu tailler un pipeau dans ses os !

Il fallait absolument que je retourne dans la cave pour me débarrasser de toutes les preuves, de tout ce que le Monstre avait laissé et qui pourrait se retourner contre moi. En passant par la cuisine, j'ai pris un couteau afin de pouvoir me défendre s'IL était encore là. La double porte avait été refermée, et pas la moindre mélodie ne semblait émaner des entrailles de la maison. J’ai descendu la première marche, puis la seconde. Rapidement, je suis arrivé en bas.

Et il n'y avait rien. Un établi en bois était bien présent au fond de la pièce, mais l'endroit était plutôt propre pour une cave. Pas de tripes répandues, pas d'odeur de charogne. Le sol terreux sentait l'humidité mais rien ne ressemblait au carnage que j'avais vu hier. C'était donc ça, en définitive ? Je devenais fou. J'ai pris ma tête entre mes mains ; mes pensées étaient brouillées, mes souvenirs également. Je m'apprêtais à remonter les escaliers quand je l'ai entendue, à peine plus forte qu'un murmure. Une voix m'appelait :

" Petit... petit, viens par ici… "

Au fond, à droite de la cave, dans un petit renfoncement. C'était de là dont venait la voix. Je me suis avancé. Comment avais-je fait pour ne pas la voir la première fois ? Une armoire en bois massif, dont la porte était close, ornée d'un immense miroir. Je me suis avancé et dans la glace, la cave qui se reflétait était celle d’hier : sombre, sale, digne d'un abattoir. Et IL était là. Pareil à mon souvenir, vêtu de ce caleçon crasseux. Autour de lui se tenaient trois enfants, dont une petite fille en salopette rose. IL me faisait signe de venir. Je ne voyais pas mon reflet, mais plus je me rapprochais du miroir, et plus cette horrible odeur de charogne me torturait les narines.

" Viens mon enfant, je ne te veux aucun mal. "

J'ai voulu faire demi-tour. IL a alors dit :

" Ne t'en vas pas, car où que tu sois, je serai là. "

Il a désigné mon avant-bras blessé. Les griffures qu'il m'avait faites semblaient pulser. Ma peau me brûlait.

" Tu es à moi à présent, mais je peux te libérer aisément. "

J'ai attendu, à la fois curieux et effrayé, incapable de bouger. IL a alors fait apparaître le reflet du petit garçon blond.

" Il me manque un de mes enfants. Il a réussi à échapper à ma vigilance et la vieille sorcière a eu pitié de son âme tourmentée, aussi l'a-t-elle abrité chez elle. Mais il est à moi. Je dois le récupérer. Aucun d’eux ne doit m'échapper. "

" Pourquoi ? " ai-je pensé.

" Parce que leur présence m'apaise, que grâce à eux ma faim et ma soif sont comblées. Je suis si seul ici. J'ai besoin de mes enfants. Rapporte-le moi et je m'en irai. Je libérerai cette maison en emportant leurs âmes avec moi et tu trouveras la paix. "

J'ai pris un instant pour réfléchir :

" Comment m'y prendre ? "

La chose a souri, et j'en ai eu des frissons.

" C'est un jeu d'enfant. Mes petites âmes et moi adorons jouer à cache-cache. Il lui suffira d'entrer dans une armoire, n'importe laquelle, et il sera de nouveau à mes côtés. Prends ceci pour l'attirer, il ne pourra pas y résister. "

J’ai regardé ce qu’il me tendait. Il s’agissait d’un pipeau. J'ai alors senti ma main se refermer sur quelque chose, et comme par magie, l’instrument s’est retrouvé en ma possession.

" Maintenant, va. "

À ces mots, l'image s’est brouillée.

J'étais toujours debout, devant l'armoire en bois. Je voyais mon reflet tenir un pipeau fait en os. J'aurais dû être répugné. Mais l'idée que le cauchemar pourrait prendre fin, si je ramenais ce gamin ici, était plus que séduisante.

Je suis sorti de la cave et me suis rendu chez – cette garce, cette salope, cette vieille sorcière – Mme D. J'ai guetté la maison un long moment jusqu'à ce que je la voie sortir. La voie libre, j'ai fait le tour de la demeure et j’ai fracturé une des fenêtres de sa porte arrière, ce qui m’a donné un accès au loquet que j'ai pu déverrouiller sans difficulté.

La maison était sombre et calme. Des draps et des morceaux d'étoffes pendaient de certains murs, et lorsque j'en ai soulevé un, j'ai trouvé un miroir, mais il ne renvoyait pas mon image. La chose était là et me souriait. Un à un, j’ai retiré tous les draps qui couvraient les miroirs. Chacun de mes reflets était LUI.

J'ai entendu le parquet de l'étage craquer et lentement, sans un bruit, j'ai monté l'escalier.

Je me suis surpris à chantonner la comptine du Monstre.

La première porte était entrouverte, et je l'ai vu à l'intérieur de la pièce qu'elle ouvrait. J'ai toqué et je suis entré.

" Salut, tu me reconnais ? C'est moi, le nouveau locataire de Mme D. et je t'ai vu il y a quelques jours dans mon jardin. Puis hier, lorsque je suis venu ici. J'ai vu qu'elle était sortie, du coup je me suis dit que tu te devais te sentir seul. "

Il semblait hésitant, voyait-il le monstre en moi ? Il a néanmoins fini par répondre :

" Je me souviens de toi, mais tu devrais pas être là. Je ne crois pas qu'elle serait d'accord.

– Bien sûr que si, puisqu'elle me laisse habiter sa maison un peu plus loin. Veux-tu jouer à un jeu ? "

Il a hésité. Même mort, un enfant reste un enfant.

" Quel genre de jeu ?

– C'est simple. Je vais aller me cacher et grâce aux sons que je produirai avec ma flûte tu devras me retrouver. Ensuite ce sera ton tour, d'accord ? "

Il a froncé les sourcils et m'a répondu : " C'est trop facile ! Je commence à compter. "

Et il a fermé les yeux. J'ai alors rapidement arpenté l'étage à la recherche d'un placard, et il était là, dans la chambre de la vieille, semblable à l'armoire dans la cave. Son miroir n'était pas recouvert d'un drap, et le reflet que j'y voyais n'était pas celui de la chambre, mais celui de la cave. IL était là. À son établi. Il m'attendait. Ou plutôt, il attendait son enfant.

Je me suis glissé à l'intérieur et lorsque le décompte s'est arrêté, j'ai commencé à jouer du pipeau. Je maniais l'instrument comme si j'avais toujours su en jouer. Mais mes doigts devenaient bien trop fins et trop longs, la peau de mes mains m'apparaissait tachée et je commençais clairement à dégager une odeur de viande avariée. J'étais LUI. IL était moi.

Par l'embrasure, j'ai vu le petit blond entrer dans la chambre, alors j’ai arrêté de jouer. Il s'est baissé pour regarder sous le lit, puis je l'ai vu lever la tête vers l'armoire.

Au moment où il a ouvert la porte, je l'ai attiré contre moi et lui ai murmuré : " Chuuuut, je t'aime, mais ce monde est trop violent pour toi. "

On toque à ma porte. Cela fait deux jours maintenant que je suis revenu à la maison. Deux jours de calme, sans mélodie venant de sous le lit, sans courant d'air froid, sans robinet qui s'ouvre tout seul. IL a tenu parole, et je suis des plus paisibles. Après mon aventure, j'ai verrouillé la cave. Ça faisait trop de bruit en bas, ça grognait trop et ça pleurait.

Je me lève de mon lit et regarde ma montre : il est 8 h. Je descends les escaliers alors qu’on toque à nouveau. Lorsque j'ouvre, Mme D. se tient devant moi, vêtue de noir et les yeux rougis. Elle me demande quelque chose, mais je n'arrive pas à comprendre. Est-ce qu'elle sait que j'ai repris l'âme de l'enfant pour la redonner au monstre ? Elle me tend le journal qu'elle a trouvé sur mon perron, y joint une affiche, puis s'en va.

" Anthony D. 8 ans, disparu depuis le 21/09/2021. Merci d'appeler le 03 8* ** ** si vous détenez des informations. "

Je déchire l'affiche et lis le titre du quotidien :

" QUATRIEME DISPARITION, L'ENQUÊTE PIÉTINE. "

Le mode opératoire est le même. Un enfant laissé seul à la maison. La fenêtre de derrière fracturée...

Je pose le journal sur mon meuble d'entrée et me dirige vers le jardin. J'ouvre le cadenas de la cave, entre et referme derrière moi. J'entends pleurer. Je tente d'apaiser les pleurs en chantant :

" Sois sage, sois sage petit enfant,

Sois toujours poli et jamais ne mens.

Sois gentil et ne réponds pas

Ou tu auras affaire à moi… "

Ça a l'air de marcher, car il ne pleure plus. Je me dirige vers l'établi, et allume le " PRÉLUDE à l'APRÈS-MIDI D’UN FAUNE ". J'aime le son de la flûte.

J'ouvre le placard et je le vois. Recroquevillé sur lui-même, les joues noircies par la saleté et deux sillons de larmes tracés sur son joli minois. Il me demande de le laisser partir, mais il est à la maison maintenant. Je retourne à l'établi et sors ma perceuse, ma scie et ma tenaille.

Alors qu'il se rue hors du placard, j'entends ses pas, rapides et étouffés par le sol meuble, puis le bruit de l'escalier. Il tambourine et supplie. Mais le son de la flûte est plus fort que ses cris, et la porte de la cave bien trop lourde pour lui.

Lentement, je me dirige vers lui. Alors que je monte l'escalier, je vois son pantalon se tremper d'urine. L'odeur âcre me prend à la gorge. Je déteste les petits garçons sales, ils ont un goût amer. Il faudra que je le frotte énergiquement à l'eau de Cologne pour enlever l'odeur de la saleté. Tandis que ma main presse sa bouche et que ma paume accueille son dernier cri, je lui murmure :

" Jamais tu ne repartiras,

Car le monstre du placard, c'est moi. "

Ce texte a été réalisé par Quarante-deux et constitue sa propriété. Toute réutilisation, à des fins commerciales ou non, est proscrite sans son accord. Vous pouvez le contacter sur nos plateformes, nous tâcherons de vous y aider si besoin. L'équipe du Nécronomorial remercie également Sawsad, Orizy et Adiboy qui ont participé au processus d'analyse et de sélection conformément à la ligne éditoriale, et Noname et Gordjack qui se sont chargés de la correction et la mise en forme.

3 commentaires:

  1. Une histoire pas très intéressante qui n'as pas lieu d'exister, elle est trop commune

    -Rabadu

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  2. Previsible mais j'ai beaucoup aimé

    RépondreSupprimer
  3. C'est dommage, l'écriture est enfantine au possible, l'histoire commune et sans surprise.. On comprend de suite où l'auteur veut en venir. Comme une impression d'avoir perdu du temps à lire une rédaction de 6eme..

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