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Je voudrais qu'on me conduise quelque part où le ciel était bleu


Temps de lecture : 22 minutes

A cette heure avancée de la nuit, les rues de la ville étaient calmes. Le seul élément venant animer le paysage était une voiture roulant lentement. Une Volkswagen noire, conduite par un homme d'une quarantaine d'années. Ses cheveux étaient bruns et peu nombreux sur son large crâne, et ses yeux bleus et froids. Ses sourcils paraissaient constamment froncés, mais plus par concentration que par humeur mauvaise. Il portait un costume sombre parfaitement ajusté, tout comme ses mains sur le volant. Son regard était dirigé droit vers la route, et ses battements de paupières, eux, étaient presque imperceptibles. 

Sur le siège arrière, une femme environ du même âge regardait silencieusement la route, avec un peu de mélancolie peut-être. L'ambiance était assez pesante dans le véhicule, mais le chauffeur était habitué. Après tout, c'était le métier, alors il n'en était pas vraiment affecté. Ce n'est pas qu'il manquait de cœur, mais s'il commençait à trop s'impliquer dans les émotions de ses passagers, cela aurait été invivable pour lui. Son boulot, ce n'était pas de les réconforter, mais de mener les passagers à destination. Être un peu empathique tout de même, en tant qu'humain et pas en tant que chauffeur ? Non, ses clients ne faisaient pas non plus preuve de beaucoup d'empathie, ni ne lui demandaient comment il allait ou s'il avait passé une bonne journée lorsqu'ils s'asseyaient mollement sur les banquettes impeccablement nettoyées. Chacun ses emmerdes.

Le paysage avait alors commencé à changer, dehors. Les immeubles s'étaient espacés au fur et à mesure qu'ils entraient dans la banlieue. Ils étaient moins jolis, aussi, destinés à des populations plus pauvres. Lesdites populations étaient d'ailleurs visibles dans les rues. Certains jeunes trainaient encore en bas des bâtiments, ou dans les parcs pourtant fermés par groupe de quatre ou cinq. Amiral, c'est le nom de notre chauffeur, ne s'intéressait pas aux activités de ces jeunes. En fait, il les regardait à peine, ils faisaient quasiment partie du décor à ses yeux. 

La passagère à l'arrière a alors commencé à s'agiter un peu sur son siège, jouant avec la ceinture, croisant et décroisant les jambes. C'est à ce genre de signes qu'Amiral savait que les passagers étaient prêts à parler avec lui, et cela se produisait souvent à ce niveau-là du trajet.

« J'espère que le voyage est agréable pour vous. Je peux monter le chauffage, si vous voulez. Ou le baisser, c'est vous qui voyez.

– Quand est-ce qu'on arrive ? a demandé la femme d'une voix lasse, ignorant la proposition du conducteur.

– Bientôt. Ne vous tracassez pas, le trajet dure toujours juste le temps qu'il faut. »


**


Un passe-temps comme le mien mène à de nombreuses aventures que peu peuvent se vanter d'avoir vécues, mais pour ma part, après plusieurs années d'activité, je commençais à éprouver un sentiment de routine. Savoir chercher là où il faut sur internet, tout particulièrement dans des recoins peu recommandables vous fait découvrir des histoires fascinantes, sordides parfois, vous font douter de vos certitudes sur les êtres humains. Et pourtant, l'impression d'avoir tout vu et de ne plus pouvoir être surpris se faisait ressentir.

J'arpentais le dark web même sur mes heures de travail, que je passais dans un local loué près de chez moi où j'avais installé tout mon matériel informatique. Officiellement, je travaillais depuis la maison. Mon emploi n'étant pas vraiment des plus honorables, et c'est la raison pour laquelle je n'entrerai pas dans les détails à ce sujet ; l'entreprise qui m'employait n'aimait pas vraiment me voir dans leurs locaux, bien qu'ils ne puissent se passer de mes services. Je ne m'en étais jamais vraiment formalisé, à vrai dire ça m'arrangeait de ne pas avoir à venir. 

Au début, je venais une ou deux fois par semaine, souvent les mardis et parfois les mercredis, et je m'y ennuyais presque suffisamment pour faire plus ample connaissance avec mes très estimés collègues. Bien malheureusement, je me rappelais toujours avoir une urgence avant que M. Vuyllon ne finisse de me raconter le formidable accouchement de sa femme. L'héroïne de ce récit avait fait sortir de l'antre deux bébés de quatre kilos chacun à une vitesse inouïe. La maternité n'avait jamais vu ça. Ainsi, je ne savais toujours pas à quel vitesse le troisième était sorti, ni combien il pesait. 

Ce mardi de décembre, donc, j'étais tombé sur une compilation de vidéos de meurtres que je regardais distraitement en buvant mon café. Je n'étais pas particulièrement fan de ce genre de vidéos, mais j'aimais bien m'imaginer la petite histoire derrière qui avait pu mener au crime. Je me disais que telle femme avait été égorgée à cause de son tatouage sur le bras faisant référence à Satan et que le coupable devait être un fidèle de l'église, et que cet homme enrobé avait sans doute été pris comme victime parce qu'il n'avait pas pu s'enfuir. Parce qu'il faut le dire, l'assassin n'était pas très habile ni dynamique.

La compilation que je regardais ce jour-là était terriblement ennuyeuse, et j'avais déjà vu la plupart de ces vidéos, elles n'étaient même pas bien difficiles à trouver. C'est la dernière vidéo qui m'a intéressé. Elle datait de ce mois-ci, du moins c'est ce qui était écrit, et montrait juste un homme semblant en pleine lutte contre une force invisible dans une petite ruelle, mais se vidant petit à petit de son sang et succombant à ses blessures, lesquelles semblaient étrangement commencer à se cicatriser avant de se redétériorer fortement. Le plus fascinant était que cela se déroulait dans un endroit de ma ville. Je l'avais déjà reconnu sur une ou deux autres vidéos, visiblement ce n'était pas rare que des règlements de compte se produisent là-bas. 

Toujours est-il que je pouvais donc facilement mener mon enquête sur les personnes assassinées là-bas, notamment grâce aux caméras de surveillance présentes dans la ville, celles publiques comme celles l'étant moins, et aux dossiers des services de polices. J'adorais m'y introduire pour mes petites enquêtes. Parfois j'y déposais même des informations pour les aider, ou en modifiait pour brouiller les pistes, selon mes envies. C'est ainsi qu'en croisant les informations obtenues par mes recherches, j'étais arrivée à une autre affaire intéressante, qui s'est avéré être liée à celle dont j'étais parti.

Cela faisait quelques semaines que des personnes disparaissaient dans le département, toujours après qu'elles étaient montées dans un taxi. On avait même des photographies et des vidéos de surveillance montrant le véhicule, mais le souci était que la plaque d'immatriculation était visiblement fausse, elle n'était enregistrée nulle part. Sur l'un des enregistrements de la caméra de l'hôtel de ville, on pouvait voir un homme monter dans une de ces Volkswagen. Sur une vidéo prise par un téléphone portable envoyée par un gars d'un forum, l'homme de la ruelle gisait mort à terre, baignant dans une mare de sang. Il semblait avoir été poignardé. De quoi sérieusement s'inquiéter pour les autres personnes disparues.

Si l'enquête était toujours en cours sur ce meurtre, la police risquait de ne pas tarder à faire le lien avec les disparitions, alors le temps m'était compté si je voulais être le premier à connaître la vérité. La méthode qui m'a paru la plus indiquée était la plus dangereuse, aller voir moi-même sur le terrain. J'avais toujours eu ce goût du risque, le goût des enquêtes si intenses que je devais risquer ma vie. Grâce aux nombreuses vidéos et informations récoltées en discutant subtilement sur des forums, je me suis fait un itinéraire cohérent mais discret pour croiser le véhicule.

Après une longue marche, j'ai finalement aperçu ce que je cherchais. Une Volkswagen noire surmontée de la petite plaque indiquant « taxi ». J'ai fait signe au chauffeur, et je me suis installé sur la banquette arrière, qui était étrangement poisseuse. Cela m'a procuré un sentiment de dégoût très désagréable. J'ai alors donné au chauffeur de cette décharge ambulante une adresse correspondant à la zone où on avait perdu toute trace des victimes autres que le poignardé, un coin de banlieue assez désert.

Nous avons roulé un moment en silence, mais cela n'a rien donné. Il m'a déposé à destination et j'ai exploré les alentours, sans rien trouver de suspect. Me résignant, j'ai rappelé un taxi, prêt à retrouver le théâtre des ombres chinoises. C'est le nom que j'avais donné à la mansarde dans laquelle je dormais, mangeais et faisais mes besoins depuis que je vivais en ville.

L'appartement était situé au dernier étage d'un immeuble sentant l'humidité. Comme chaque soir, j'ai monté les marches dont le bois craquait sous mes pas. Je me suis arrêté devant la porte à la recherche de mes clés, tout en me disant qu'un jour il faudrait que je songe à les oublier pour passer une nuit à l'hôtel. Celui de l'autre côté de la rue avait même une piscine chauffée.

Ouvrant finalement la porte de la tanière, je me suis affalé dans mon canapé. Je n'avais pas fait les courses, je n'en avais pas eu le courage. Si j'avais faim, je n'aurais qu'à commander. Si pour satisfaire ma curiosité sur les faits divers malsains j'étais d'une détermination assez rare, il en était tout autrement dans ma vie personnelle. Je n'avais plus contact avec ma famille depuis bien longtemps. Alcoolique et un peu trop porté sur les substances illicites, j'avais fini par me montrer violent avec eux, tant dans mes mots que dans mes actes. Bien qu'impuissants face à ma déchéance, ils me pardonnaient toujours mes écarts. J'avais tout de même eu la lucidité de prendre la décision de couper les ponts avec eux. Je leur étais néfaste. Au reste de ma famille, ils racontaient que je jouissais d'un bon train de vie grâce à mon travail dans une grande ville, travail qui me prenait tant de temps que je n'avais pas le temps de venir leur rendre visite, mais que je leur écrivais régulièrement des cartes pour les fêtes et prenais de leurs nouvelles chaque fois que j'en avais l'occasion. Je ne leur avais pas adressé le moindre mot ni envoyé quoi que ce soit depuis trois ans.

Je n'étais pas vraiment intéressé par les femmes, ni par les hommes à vrai dire, et mes quelques amis ne suffisaient pas à égayer mes journées. Il n'y avait bien que mes enquêtes pour apporter un peu de piment à mon existence, et encore, je sentais ma passion décliner peu à peu. Il m'arrivait parfois en rêvassant de me dire qu'une fois mon ultime enquête résolue, je garderais la vérité pour moi, après avoir détruit les preuves sans doute. Ensuite je mettrais fin à mes jours, emportant ainsi avec moi un secret dans ma tombe. Cette idée me faisait jubiler.

La nuit est tombée rapidement et j'ai allumé la lampe posée sur la table basse, qui a projeté les ombres de mes meubles et de ma silhouette sur le mur sombre. Voilà pourquoi j'avais nommé cet endroit le théâtre des ombres chinoises. L'atmosphère était à la fois anxiogène et réconfortante, car cette pièce aux ombres difformes, où je laissais voguer mes pensées, m'était d'une familiarité agréable malgré tout. 

J'avais fini par apprécier le parquet légèrement pourri, le papier peint jaune aux fleurs bleues posé par le propriétaire, ainsi que la vieille télévision qui envoyait des décharges électriques une fois sur deux quand je la touchais. Même mes lampes à franges multicolores dégageaient désormais à mes yeux un certain charme

Je me suis servi un verre de vin suivi rapidement de quelques autres et ma conscience s'est dissipée sur cette ultime pensée, qui elle était très clair dans mon esprit. La dernière enquête que j'amènerais dans la tombe, ce serait celle-ci. Je refusais d'attendre de devenir la victime de l'ennui.


**


Le client qu'avait pris Amiral cette nuit-là était nettement plus jeune que ce dont il avait l'habitude. Ils étaient presque arrivés à la banlieue et le chauffeur ne pouvait s'empêcher de jeter de petits coups d’œil discrets dans le rétroviseur pour voir si le jeune homme ne montrait pas de signes de peur. Mais le gamin n'avait pas bronché un seul instant, n'avait même pas regardé le paysage au-dehors. Il avait les yeux perdus dans le vide.

Amiral s'est finalement garé devant un bâtiment un peu délabré, mais finalement pas plus que les autres du coin. Il en est descendu pour ouvrir la portière à l'enfant, et celui-ci a enfin regardé furtivement à gauche et à droite sans toutefois sembler éprouver un quelconque intérêt pour ce qu'il avait sous les yeux, avant de s'efforcer de mettre pied à terre. Amiral lui a gentiment tapoté l'épaule.

« Je reste toujours garé une vingtaine de minutes. Tu sais, au cas où tu changerais d'avis. Je ne propose pas ça parce que t'es jeune, je le propose à tout le monde. Enfin bon, content de t'avoir connu Léon, et je te souhaite une bonne errance. »

Léon lui a tendu la main avec l'assurance d 'un adulte, et Amiral la lui a serré avec surprise. 

Alors que le garçon s'éloignait au loin, Amiral lui a fait une proposition qu'il faisait parfois, quand il avait ce petit pincement au cœur pour un de ses clients bien qu'il n'ait normalement pas le droit de préciser cette clause « secrète » du contrat. Oui, ce n'était pas très sérieux de sa part, pas très honnête et carrément répréhensible si ça se savait, mais il avait ce besoin de le faire.

« Léon ! Si tu en ressens l'envie, même après ce soir… Retrouve-moi ici quand tu le souhaites, à la fin de ma dernière course de la nuit. Je pourrais faire… quelque chose pour toi. »

A bien y réfléchir, c'était peut-être parce que Léon était encore un minot.

Léon a hoché la tête et est entré dans le bâtiment gris qui l'attendait.


**


Je ne me suis réveillé qu'une fois l'après-midi bien entamée, l'esprit embrumé. Je me suis servi un café auquel j'ai ajouté beaucoup de sucre pour me stimuler au maximum. Une fois douché et habillé, je suis sorti m'acheter un sandwich dans une boulangerie et suis retourné au local pour analyser une nouvelle fois les pistes que j'avais. J'avais probablement loupé un détail crucial. C'était aussi l'occasion de m'assurer que certaines preuves et éléments de l'enquête ne seraient plus accessibles pour qui que ce soit d'autre que moi. Vu que j'allais disparaître, je pouvais me permettre ces prises de risque quant à ma discrétion.

Après avoir passé plusieurs heures à revoir en boucle les mêmes vidéos, lire les mêmes témoignages, je n'ai rien décelé de bien concluant, si ce n'est avoir ajouté un lieu ou deux où possiblement rencontrer la Volkswagen noire à mon enquête. Ce jour-là, j'ai également appris qu'une disparition avait encore eu lieu la nuit dernière. Cette fois, la victime était un jeune garçon d'une quinzaine d'années du nom de Léon.

Vers 23h, je me suis décidé à rentrer chez moi. Je devais me rendre à l'évidence, sillonner la ville en espérant trouver ma cible risquait de me prendre beaucoup trop de nuits à mon goût. Il me fallait un plan plus élaboré. C'est alors que ce qui m'a semblé être le destin s'en est mêlé et que, quelques numéros de rue plus loin, j'ai vu un taxi garé, correspondant parfaitement au véhicule que je recherchais.

Ne me réjouissant pas trop vite, car il y avait de fortes chances que ce ne soit pas mon homme, je me suis approché prudemment du véhicule. Le chauffeur était un homme d'une quarantaine d'années à la calvitie avancée, au costume d'un noir de jais et aux yeux d'un bleu triste et froid. Il s'est présenté sous le nom d'Amiral. J'allais voir avec lui s'il n'attendait aucun client et s'il pouvait m'amener à l'adresse que je pensais avoir identifiée, mais il a parlé avant.

« Nous nous mettons en route pour le bâtiment des errants ? » m'a demandé l'homme.

J'ai tout de suite su à ces mots que je l'avais trouvé. Je ressentais un mélange d'excitation et de soif du danger.

Au fur et à mesure que nous sommes sortis de la ville, le paysage a défilé de plus en plus vite, n'étant presque plus distinct. Les formes se mélangeaient entre elles, ainsi que les couleurs, devenant peu à peu une toile lisse et violette. Cela ne me paraissait pas vraiment être un phénomène normal. À vrai dire, je me demandais même si je ne m'endormais pas, mais mon esprit était pourtant tout à fait alerte, et je me sentais en pleine possession de mes moyens.

« Dites Amiral, c'est étrange comme paysage, non ?

– Bof, pas vraiment... C'est un paysage, quoi. Moi j'aime bien. »

Il n'était décidément pas très aimable, ce chauffeur.

Le paysage a commencé à redevenir peu à peu normal, et Amiral s'est garé devant un bâtiment gris et fortement délabré.

« On y est » m'a simplement dit Amiral.

J'allais sortir mon portefeuille pour régler la course quand il m'a aboyé que je n'avais pas à payer et m'a pressé de descendre, qu'il avait un autre client qui l'attendait.

À l'intérieur se trouvait une sorte de bureau. La pièce était assez vide mais disposait de deux chaises en métal, l'une étant occupée par une femme dont je n'arrive pas à me rappeler l'apparence. C'est étrange, je sais, mais seule sa voix cristalline me revient. Je suppose que je la voyais, mais pourtant, alors que je me trouvais dans la pièce, c'était surtout sa présence que je ressentais.

Elle m'a invité à m'asseoir sur la chaise vide et m'a demandé ce qui m'amenait ici. J'ai eu à peine quelques secondes d'hésitation, me disant que je n'avais pas pensé à ça, que les mots ont jailli seuls de ma bouche. Voilà que, malgré moi, je lui racontais ma vie, mon enfance, mon déménagement dans le théâtre des ombres chinoises, ainsi que tout ce qui avait fait de moi un homme si malheureux aujourd'hui. Malheureux ? Je n'étais pourtant pas malheureux, je m'ennuyais juste. Je lui ai ensuite mentionné mon projet de suicide après être devenu tout-puissant.

« Tout ira bien désormais. »

Après avoir prononcé ces mots, je me suis retrouvé seul dans la pièce. La femme était-elle sortie ? Ou bien peut-être que sa présence s'était évaporée ? Je ne saurais le dire. J'ai décidé de ressortir du bâtiment, il n'y avait rien dedans à l'exception de cette pièce et ces deux chaises. J'ai alors constaté avec stupeur une luminosité très intense, le jour devait s'être levé. Et pourtant, le ciel était indéniablement violet, de la même teinte étrange que lorsque je m'étais trouvé dans la voiture.

Je me suis aventuré entre les bâtiments. Il n'était pas normal que les rues soient si désertes, que le jour se soit levé ou non. J'avais beau marcher depuis bientôt une heure, je n'avais toujours pas croisé la moindre âme qui vive. Mon téléphone, lui, ne captait aucun réseau.

Finalement, je me suis rendu compte qu'il y avait de la « vie » dans cet étrange endroit, qui, je commençais à en être certain, était soit un songe soit un monde différent de celui que je connaissais. Aux fenêtres de certains immeubles, des figures blafardes hurlaient, leur visage passant par tous les âges de la vie. Le temps d’ici semblait se dérouler d'une façon tout à fait anormale. Quand je fixais une plante suffisamment longtemps, je pouvais la voir se flétrir, puis refleurir. Je pouvais même voir les arbres pousser doucement, mais sûrement. La pluie, parfois, se mettait à tomber sans qu'aucun nuage ne soit visible dans le ciel, et sur le sol, elle se transformait en flocons alors que je transpirais sous la chaleur digne d'un temps d'été. L'instant d'après, j'avais froid, comme si la température venait de chuter de plusieurs degrés, et les rayons du soleil m'éblouissaient sans que celui-ci ne se fasse voir dans le ciel uniformément violet.

Mon téléphone ne me servait même plus à connaître l'heure, j'avais fini par me rendre compte en le regardant plus régulièrement qu'il avait changé de date trois fois, et que l'heure avançait et reculait sans cesse. De vieux messages datant d'un an ou deux apparaissaient parfois sur mon écran comme s'ils étaient nouveaux. Pour ce qui est de ma personne, il ne me semblait pas subir ces changements. Cela me confortait dans mon idée que je n'avais rien à faire dans cet endroit, j'y faisais tache.

J'étais de plus en plus désorienté, bien que fasciné. Cet environnement ne me paraissait ni vraiment hostile ni accueillant, j'avais donc l'impression que, peut-être, ce monde et les figures blafardes ne pouvaient remarquer ma présence. J'ai essayé de parler à l'une d'elles, mais elle ne semblait ni me voir ni m'entendre.

Petit à petit, je suis retourné en ville, me dirigeant machinalement vers mon appartement. Épuisé, je me suis assis par terre à mi-chemin, dans la rue. J'ai sursauté en m’apercevant qu'à côté de moi se trouvait un cadavre, et pas n'importe lequel... Était-il apparu d'un coup ou ne l'avais-je pas remarqué ? J'étais dans cette fameuse ruelle.

Je me suis vite levé, peu curieux de savoir par quels états son corps risquait de passer en bien peu de temps dans ce monde. J'essayais de continuer ma route vers chez moi, mais les bâtiments n'étaient pas exactement les mêmes que d'habitude. Certains étaient plus délabrés que dans mes souvenirs, d'autres avaient laissé place à des bâtiments futuristes, cela me désorientait complètement. Il y avait même une échoppe de forgeron semblant sortir du Moyen-Âge à la place de l'habituel Kebab Istanbul. Mon appartement n'existait peut-être même pas ici.

Finalement, je suis parvenu à y accéder, sans doute plus par miracle que par mon sens de l'orientation. L'intérieur de l'immeuble était normal, ce qui m'a un peu rassuré. L'espace de quelques instants, je pouvais oublier la folie à laquelle je venais d'être confronté. Par réflexe, j'ai sorti mon téléphone, mais il était visiblement déchargé. Pas un bruit aux différents étages.

Enfin, j'ai découvert que la porte de chez moi était grande ouverte et qu’elle ne possédait plus ou pas encore de serrure. L'intérieur était vide et sale. La poussière s'accumulait d'ailleurs à vue d’œil sous mes yeux, bien que le parquet et les murs, eux, semblaient dans un meilleur état de minute en minute. Assoiffé, je me suis approché du robinet. Heureusement pour moi, il fonctionnait encore et j'ai pu m'abreuver convenablement. Mais que pouvais-je faire à présent ? Alors que sur le mur des ombres se projetaient malgré l'absence de lumière appropriée, je me suis endormi à même le sol.

Mon réveil s'est effectué au son de ma sonnerie de téléphone. Au moment de décrocher, j'ai entendu un « Allô ? » coupé aussitôt par un bip strident. Plus de réseau. Cela m'a confirmé que j'étais bel et bien toujours piégé dans ce cauchemar. Pourtant, un appel m'était parvenu, et je ne pouvais m'empêcher de me demander s'il était possible que pendant un court instant, un lien se soit établi avec le monde réel. L'appel provenait du numéro d'un ami que je voyais souvent ces derniers temps. Ce n'était pas impossible qu'il ait cherché à me joindre. Du moins, c'est ce dont je cherchais à me persuader. C'était la seule issue à laquelle je pouvais me raccrocher.

Ma détermination retrouvée grâce à cet événement, j'ai décidé de sortir explorer ce monde. Il ne m'avait pas semblé hostile, et si je devais un jour rentrer chez moi, autant profiter d'abord de cette expérience. Ensuite, je chercherais par tous les moyens à contacter quelqu'un. Maintenant que je commençais à me sentir réellement en danger, l'idée de me suicider me semblait assez absurde.

J'avais à peine tourné au coin de la rue qu'une voiture garée plus loin a attiré mon attention. La veille, j'avais croisé plusieurs voitures de diverses époques, immobiles ou en train de rouler, mais aucune d'elles ne possédait de vrai conducteur (j'y voyais parfois dedans les figures blafardes et hurlantes, mais elles étaient plus comme des apparitions fantomatiques). De plus, comme les autres choses de ce monde, leur état n'était pas stable. Elles disparaissaient subitement du paysage, ou partaient en flamme d'un coup. Parfois, il n'y avait que des sons : des voix humaines, ou des bruits de moteurs, de travaux, et pourtant, personne en vue. Il y avait toujours quelque chose qui clochait.

Cette fois pourtant, la voiture semblait stable, le moteur était allumé, mais surtout, un vrai conducteur se trouvait au volant. Le seul autre être humain que j'avais croisé depuis mon arrivée était le cadavre. Mais même de dos, j'ai reconnu au premier coup d’œil la silhouette dans la voiture, à son crâne dégarni et à sa façon stricte de poser ses mains sur le volant.

Amiral.

Ma première réaction a été autant stupide que violente. J'ai ramassé une pierre au sol pour la jeter sur une des vitres. Je ne voulais pas blesser le conducteur, bien sûr, mais je ne pouvais m'empêcher de le considérer comme responsable de la situation dans laquelle je me trouvais. Aucune réaction. D'ailleurs, cela n'avait même pas brisé la vitre. J'ai alors couru jusqu'à la voiture, et Amiral m'a salué d'un signe de tête. Il ne semblait pas vraiment fâché. Ni surpris de me voir. J'ai entendu le petit clic indiquant qu'il avait déverrouillé la portière, ce que j'ai pris pour une invitation à monter. Ce n'était pas comme si j'avais mieux à faire, et il ne pourrait pas m'emmener dans un pire endroit que celui-ci. Enfin, c'est ce qu'il valait mieux penser.

« Vous me devez une explication. »

Amiral est demeuré silencieux, et a commencé à rouler. On ne se dirigeait pas vers le même endroit que la dernière fois, en fait j'avais plutôt l'impression qu'on se promenait au hasard des rues instables.

« Le paysage est plus intéressant par ici, n'est-ce pas ? » m'a dit Amiral sur le ton de la plaisanterie.

Je ne savais pas s'il faisait cette comparaison avec la banlieue ou le monde normal, mais cette fois, c'était à mon tour de l'ignorer. Amiral a alors compris que je n'avais pas l'intention de passer par quatre chemins.

« Vous voulez que je vous ramène ? »

Il venait de prononcer les mots que j'avais rêvé d'entendre. Je ne m'étais pas imaginé un seul instant que ça puisse être si simple, ni que cela puisse se faire avant que je n’aie le temps de visiter. Même dans mes rêveries les plus folles de la veille, je me disais que si je recroisais Amiral ou la femme du bâtiment délabré, ils me proposeraient sans doute un marché où je devrais payer le prix fort.

« C'est possible alors ? Je ne vous dois rien en échange ?

– Qu'est-ce que vous croyez ? J'ai l'habitude des clients qui veulent faire marche arrière » m'a-t-il répondu en levant les yeux au ciel.

J'ai ressenti un immense soulagement. La tension que j'avais accumulée dans mon corps commençait à se relâcher. Amiral a accéléré et a pris la même direction que la dernière fois que j'étais monté dans sa voiture. Je devais tout de même lui poser une question avant de retrouver ma vie.

« Où sommes-nous ? »

J'ai perdu connaissance à cet instant.


**


À mon réveil, ma tête était contre le sol humide du caniveau. Une douleur vive m'a vrillé le crâne lorsque j'ai tenté de me relever. Un homme s'est approché de moi, inquiet. Je me trouvais une fois de plus dans la petite ruelle du cadavre. Mais cette fois, la personne en face de moi n'était ni le cadavre ni Amiral. C'était un homme que je n'avais jamais vu de ma vie, et il était vivant. Cela m'a procuré tant de joie que j'ai trouvé le courage de me relever d'un coup, un sourire jusqu'aux oreilles.

« Enchanté, Max ! » lui dis-je en lui tendant la main.

Un peu étonné par mon brusque changement d'état, ce que je ne pouvais que comprendre, c'est vrai que dans le monde normal les choses n’évoluent pas si vite, il est tout de suite devenu un peu moins avenant, et ne m'a pas tendu la main en retour.

« Faites attention à vous. Joyeux Noël et bonne année 2022 en avance. »

Il est parti sur ces mots. Alors on était en 2022 ? Cela faisait donc un an que j'avais disparu. Je n'avais plus mon téléphone sur moi. Aucune idée de ce que mes proches pensaient que j'étais devenu. Sans doute me croyaient-ils mort. Reprendre ma vie n'allait pas être une chose aisée, mais j'avais enfin réussi à revenir, je me sentais comme ressuscité. Alors peu importe les efforts que cela me demanderait, j'étais prêt à y parvenir. Je n'allais pas simplement récupérer mon ancienne vie, j'allais réparer les torts que j'y avais commis. Profiter réellement de la vie. J'allais abandonner mon grand projet orgueilleux de suicide et me fixer de vrais objectifs. Démissionner pour un travail plus honnête. Passer du bon temps avec mes amis. Peut-être pas non plus chercher l'amour, il y a des limites aux résolutions de Noël, mais peut-être qu'une fois que j'aurais également déménagé du théâtre des ombres chinoises, j'y songerais...

Je remarquais également avec joie que le ciel était d'un bleu des plus merveilleux.

Mais la première chose que j'avais décidé de faire, c'était d'appeler mes parents. Je me suis rendu dans un de ces magasins où on peut passer des coups de téléphone. J'avais suffisamment de monnaie sur moi. J'étais un peu stressé alors que les bips retentissaient. J'avais appelé sur un coup de tête, et je ne savais pas trop quoi dire. Par quoi on commence quand on n'a pas parlé à ses parents depuis des mois et ignoré toutes leurs tentatives de nous contacter ? M'excuser me semblait être une bonne solution.

« Allô ? Qui est-ce ? »

La voix de ma mère m'est parvenue comme émanant d'une source lointaine, comme si le téléphone était très loin de mon oreille. Ce foutu appareil ne m'aidait pas dans mes réconciliations.

« C'est moi Maman. Je suis désolé et je vous aime. Je vous rappelle dans la journée, excuse-moi je ne peux pas rester tout de suite. Joyeux Noël. »

J'étais vraiment en rogne, ce téléphone pourri venait de me gâcher mes belles retrouvailles. Pas de panique, j'allais aller me racheter un téléphone portable, aller dans un bar afin de profiter d'être avec des êtres vivants et boire de l'alcool, puis je rentrerais et je leur téléphonerais tranquillement. Avec un peu de chance, je pourrais même aller chez eux pour le repas du 25. Je ramènerais une bûche, ou du foie gras...

Finalement je suis entré dans le premier bar venu et me suis commandé une pinte. Jamais je n'avais tant apprécié le brouhaha des gens éméchés parlant trop fort. J'ai bu quelques gorgées et j'ai décidé de faire la conversation à une femme assise seule une table plus loin, elle semblait attendre quelqu'un depuis un moment déjà et la pauvre devait s'ennuyer.

« Bonjour mademoiselle, vous êtes seule ? Je peux vous tenir un peu compagnie ? »

Alors que je rejoignais agilement la banquette face à la sienne, la tête m'a tourné vivement et je n'ai même pas entendu sa réponse, bien que son visage souriant semblait indiquer qu'elle acceptait volontiers ma compagnie. Je me suis présenté à elle, mais une fois de plus, je n'ai pas entendu sa réponse. J'étais donc revenu avec un problème aux oreilles ? Le problème touchait également mes yeux alors, car son visage m'était devenu flou. Tout le bar était flou. Je me suis levé, titubant malgré les quelques gorgées que j'avais bues de ma bière.

« Je dois prendre l'air. Je reviens. » ai-je articulé difficilement.

Je me suis dirigé tant bien que mal vers la sortie pour constater avec effroi que le ciel était violet. Ma respiration s'est accélérée, j'étais pris de panique. Je ne voulais pas retourner là-bas. Pas après toutes ces promesses à moi-même. Non, ce devait être une hallucination. Je ne voyais pas d'autres explications, je devais souffrir de conséquences post-traumatiques. Oui, c'est bien la seule chose qui faisait sens. Amiral avait dit qu'il me ramenait, et je n'étais effectivement plus dans le monde instable. Ici, tout était stable, et les rues regorgeaient de vie. Le temps s'écoulait normalement et ne faisait pas de bonds, ni dans le passé ni dans l'avenir.

Je me suis efforcé de me concentrer sur ma respiration, mais je me sentais de plus en plus coupé de la réalité. Était-ce même la réalité ? Les sons étaient de plus en plus indistincts, et je ne parvenais même plus à discerner le visage des passants correctement. Seule la couleur violette venait peu à peu remplir mon champ de vision, elle était maintenant présente tout autour de moi sous forme de brume épaisse. Elle était presque palpable, poisseuse. L'air s'épaississait autour de moi. Je n'arrivais plus à respirer correctement.

Je me suis alors mis à courir sans but, bousculant tout le monde sur mon passage. Même mon sens du toucher n'était plus aussi aiguisé qu'avant. Tout ce que je touchais, les murs comme les gens, semblait recouvert de coton. Durant ma course, j'ai trébuché sur quelque chose et me suis étalé par terre. À travers la brume violette, j'ai discerné une silhouette allongée par terre. Plissant les yeux, j'ai constaté que j'étais encore une fois revenu à la ruelle du cadavre, et qu'il était chez lui.

Ce n'était pas normal, il n'aurait pas dû être ici. Il ne pouvait se trouver ici, dans le monde stable, presque un an après sa mort. En le regardant, déboussolé, il m'a semblé qu'il n'était pas vraiment un cadavre. Ses paupières semblaient tressaillir et sa poitrine se soulever légèrement malgré son état de décomposition apparent et les asticots qui grouillaient sous ses vêtements, détail que je tentais d'ignorer.

Il m'a alors fixé avec des yeux ouverts et bien vivants.

« Tu m'entends ? » m'a-t-il demandé.

Et étonnamment, je l'entendais. Je le voyais même très clairement malgré l'épaisse brume lilas. J'étais soulagé d'avoir quelqu'un avec qui je pouvais communiquer, bien que mon interlocuteur soit dans un état assez peu agréable à contempler.

« Qui êtes-vous ? Vous étiez allongé par terre il y a un an, je vous ai vu sur internet. Vous étiez également là-bas. Dans le monde instable. »

Aussi stupide que cela puisse paraître, j'avais hésité à lui dire que je l'avais vu dans le monde instable, j'avais peur de passer pour un fou. Mais au point où j'en étais, en train de parler à un cadavre... Alors que je me faisais la réflexion qu'il était paradoxalement drôlement bien conservé pour quelqu'un mort il y a un an, j'ai vu qu'il était « instable ». Son corps semblait peu à peu moins rigide, moins pâle.

« Est-ce qu'on est de retour là-bas ? » me suis-je inquiété.

– Je m'appelle Léon. Il y a quelque temps, j'ai fait appel à Amiral pour faire marche arrière. Je venais de perdre mes parents et j'ai entendu parler de l'offre sur internet. Comme toi, sans doute, j'ai atterri dans le royaume de l'errance, c'est comme ça que je l'ai appelé. Je ne sais combien de temps j'y suis resté, mais j'ai fini par recroiser la route d'Amiral. Il m'a proposé de me ramener et j'ai accepté. Quand j'ai compris que le monde de l'errance faisait désormais partie de moi, me coupait du monde réel, et que je ne pouvais lui échapper, j'ai voulu en finir une bonne fois pour toutes. Je me suis poignardé avec une arme que j'avais sur moi depuis le début. Je ne peux pas lui échapper. Ma conscience ne cesse de s'éveiller, à mi-chemin entre le monde réel et celui de l'errance. »

La vie quittait de nouveau Léon, de sa gorge ne sortait plus qu'une respiration et une odeur de pourriture. Tout m'a semblé encore plus flou. Je me suis remis à courir dans le brouillard, difficilement, mais sûrement. Je suis finalement arrivé devant l'entrepôt et me suis effondré, à bout de forces. Amiral est descendu de sa voiture et m'a porté à l'intérieur, me déposant sur la chaise métallique de la dernière fois. Il est ensuite reparti.

Je me sentais si faible, mes pensées étaient plus confuses qu'elles ne l'avaient jamais été sous influence de drogues ou alcools. Je devais me concentrer pour comprendre ce que me disait la voix féminine, dont la présence apaisante envahissait de nouveau la pièce austère.

« L'univers et les événements qui composaient votre existence se sont étiolés petit à petit lorsque vous l'avez abandonnée. Je sais que naturellement vous vous demandez où vous avez échoué après votre disparition. Il s'agit d'une sorte de dépotoir où atterrissent les résidus perdus de temps et d'espace. Incapables de se fixer sur une quelconque cohérence induite par une dimension ordinaire, ils demeurent constamment en mouvement.

– Pourquoi m'avoir ramené alors ? Pourquoi ne pas m'avoir prévenu ?"

Je bouillonnais de colère.

« Qu'auriez-vous fait si je vous avais laissé là-bas ? Il n'y a pas d'avenir possible dans un monde où le temps ne s'écoule pas vers l'avenir. Certaines âmes y errent éternellement, incapables même de mourir. D'autres, comme vous, éprouvent le besoin de contempler leur monde une dernière fois quand ils comprennent que leur choix était une erreur. Je leur offre ensuite le salut.

– Ce que vous dites ne tient pas debout, je n'ai jamais demandé à revenir pour « contempler le monde une dernière fois avant de me faire offrir le salut ». Je n'ai pas commis cette erreur volontairement, je ne savais pas que je me retrouverais dans ce monde fou en montant dans ce taxi !

– On n'y atterrit jamais vraiment par hasard.

– Vous ne faites que mentir. Vous faites croire aux gens que vous effacerez les souffrances qu'ils ont vécues afin qu'ils reprennent un nouveau départ, mais vous les piégez juste. Vous êtes une vile salope. Montrez-vous ! Osez me dire dans les yeux que vos intentions sont bonnes.

– Mon cher enfant, nulle entité ne saurait effacer le passé. Il subsiste toujours là-bas. Je me contente d'essayer de l'expliquer à ceux qui en douteraient malgré tout. Joyeux Noël. »

Le silence a pris possession de la pièce alors que la voix et ma conscience s’éteignaient.

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