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La sacrifiée

Le vieux bureau du géniteur, je l’aime énormément. Le secrétaire en chêne, le fauteuil en cuir confortable ainsi que les bibliothèques garnies m’offrent un sentiment de sécurité. Je me sens comme les érudits du XIXème siècle fouillant inlassablement dans les secrets anciens. La mort de ce vieux grigou m’a laissé une blessure incurable. Il me manque tellement. Les commères de la ville ont beau clamer que je suis bien content de la rente offerte en héritage, mais je conchie ces accusations ! Certes, les biens familiaux me mettent à l’abri du besoin mais ce n’est guère une raison suffisante d'arrêter mes activités. Je suis détective en freelance, je savoure le fait de fouiner dans les cachotteries diverses et variées. L’idée de rester oisif m’est inconcevable de toute façon, bien que le boulot soit souvent ennuyant.

Le dossier sur lequel je travaille actuellement est imbuvable. Une sombre histoire de divorce, de femme cherchant à démontrer les infidélités de son mari… Dieu que cela est sans intérêt. Soudainement, le majordome vient à ma rencontre avec la discrétion et la diligence le caractérisant. Wellington m’informe qu’une vieille femme souhaite s’entretenir avec moi. Loué soit le destin de me sauver ainsi d’une si morne affaire. J’invite donc la vénérable ancêtre au sein de mon cabinet. Il s’agit de la femme du maire, une grande chercheuse enseignant son savoir dans toutes les meilleures universités du monde. Cette vie faite de voyages l’a visiblement atteinte car son derme est marqué des stigmates de la fatigue chronique, cela malgré un maquillage et des vêtements minutieusement choisis. Elle s’assoit sans attendre mon accord, ce qui ne me gêne en aucun cas car je souffre d’attendre le motif d’une si mystérieuse visite. La dame me regarde droit dans les yeux avec un air non loin de l’arrogance, se racle la gorge et débute :
 
« Monsieur Dare, tout d’abord, je vous suis gré de me recevoir à une heure si inconvenable. »

Le ton est froid, les convenances bourgeoises sont très ancrées en mon interlocutrice.
 
« Je suis honoré de vous accueillir en ma demeure, madame Barton. Rares sont les visiteurs d’une telle qualité. »

Il me faut être bienséant, l’aristocratie locale m’ostracise déjà en raison de mon métier, alors inutile de leur offrir du nouveau grain à moudre. 

« Faisons fi de ces salamalecs, voulez-vous ? Vous vous doutez que si je suis venue moi-même, c’est que je suis singulièrement anxieuse face à une situation. »

Inutile de nier qu’effectivement, le mouron sur son visage est aussi tangible que la lassitude.
 
« Continuez donc.
 
– Tout ce qui va être dit au cours de notre conversation est confidentiel, vous ne devez le révéler à qui que ce soit. Suis-je claire ? Mon frère, George, s’est suicidé il y a de cela trois jours. (Les journaux ont évoqué une crise cardiaque. J’imagine que la famille catholique souhaite cacher l’infamie.) La seule chose qu’il nous ait laissée est une lettre extrêmement… suggestive. »

Barton me tend un court manuscrit que je lis immédiatement. 
 
« À toi, chère sœur,
 
Mes mots vont être brefs, car je ne mérite rien de moins que la mort. Je sais bien qu’il t’est infaisable de saisir les motivations de mon ultime jugement car rares sont ceux connaissant les sombres dessous de ma soudaine réussite… Mère clamait sans cesse que je n’étais qu’un bon à rien, infoutu de m’en sortir sans aide. Je voulais démontrer à cette garce tyrannique qu’elle se fourvoyait sur toute la ligne, une défaite outre-tombe troublant cruellement son éternité. 
Malheureusement, le coût de ma victoire me terrasse. J’ai commis un acte inqualifiable afin d’obtenir ce que je souhaitais. À cause de moi, elle est égarée, volatilisée. Je l’ai sacrifiée dans l’unique dessein de m’enrichir. 
Je t’aime, Maria, et je suis désolé. »
 
Malgré la brièveté de ma lecture, ma convive s’est déjà levée et est en train de s’en aller. Je lui adresse un regard inquisiteur qu’elle dédaigne totalement. La conférencière m’adresse alors ses ultimes instructions fermement et sans intention d’être contredite. 

« Je vous autorise à fouiller ses affaires et ses biens… S'il a effectivement sacrifié une malheureuse alors je vous ordonne de la retrouver. »

La dame n’attend aucune réaction ou consentement de mon côté avant de franchir le seuil. Je vais devoir marcher sur des œufs, il s’agit d’une famille extrêmement influente et l’idée de m’en faire des ennemis m’est désagréable. Quoi qu’il en soit, cette histoire m’intrigue, je dois bien l’admettre. Il me tarde de commencer mon enquête, au diable les infidélités de ce Dwight. 
 
En début de matinée, je me dirige vers la riche habitation du défunt dans l’objectif de découvrir des indices sur les raisons d’un geste si sinistre. Nonobstant, je décide de suivre une route indirecte afin de m’émerveiller devant la beauté marine. Notre cité balnéaire est vraiment un joyau brut, son architecture sublimant seulement une nature douce et aimable. La rade et le sable chauffé sous l’éclat d’un soleil avenant me mettent d’une humeur aimable, bien qu’afficher une mine grave soit obligatoire une fois arrivé à mon objectif. La résidence de ce Hayes, qui est le nom de famille originel de ma froide intruse de la veille, est objectivement une très belle création. Certes, elle ne brille guère via son originalité mais le style XIXème a un charme indéniable. Ce serait mensonge que de nier la magnificence des colonnes ou du jardin classiquement britannique. La regrettée reine Victoria nous a laissé davantage que des colonies aux quatre coins du monde. Enfin, j’entre dans la bâtisse sans me laisser enchaîner de béatitude. Le travail avant toute autre chose, évidemment. 
 
L’intérieur est aussi luxueux que l’extérieur, un sol en marbre blanc serti de symboles finement ouvragés, un escalier en bois Swietenia, ode au talent de son artisan et venant directement des Antilles, mène aux étages. Je détache mon regard des tableaux et bibelots de valeur innombrables jonchant l’endroit à intervalles réguliers et reste concentré sur ma mission. Les domestiques me guident jusqu’à ma destination, un cabinet à l’antithèse de l’incroyable raffinement dont le reste de l’édifice se targue. Une étude s’inscrivant dans la sobre tradition luthérienne, sans fioriture ni indécence d’aucune sorte.   
 
Trier ces documents est une tâche fastidieuse et d’une longueur infinie. L’immense majorité est d’une totale inutilité, je doute que les finances brillantes ou la foule d’admiratrices envoyant leurs vœux m’aident à résoudre l’enquête. Je finis néanmoins sur une note intéressante, en effet le bougre fait régulièrement mention du troisième dimanche d’avril comme une date charnière. Le style sec et méthodique de l’homme change brutalement lorsqu’il aborde celle-ci à quelques endroits, comme son journal ou les débuts de sa florissante industrie. Une chance que Hayes fût diariste car il consignait tout dans un carnet sombrement intitulé « Course contre mon chien noir » et se terminant à la date étrange. Le magnat mentionne un accord triumvir nécessitant un grand sacrifice. La discrète boîte contenant les écrits recèle aussi une gravure de taille modeste sur laquelle est inscrite deux choses. 
 
«  QUE » et « ÉNURIE »
 
En accentuant mes investigations, je conclus que ces termes inconnus étaient des fragments rituels obligatoires dans un but cabalistique. «  QUE » est certainement une contraction du mot aqueuse, désignant notre douce ville. Cette élucidation ne me convient nullement, le cultiste note qu’ils désignent une fête ainsi qu’une affliction touchant l’environnement où doit se dérouler le rituel. J’ai beau me creuser la tête, mais rien n’en sort. La dernière tribulation dont nous fûmes victimes est la tragique famine de l’hiver…datant de deux ans, il me semble ? Les routes étaient toutes bloquées en raison d’une neige cataclysmique et les réserves s’étaient vidées à une vitesse ahurissante. Malheureusement, diverses maladresses logistiques et de ravitaillement ont créé une disette momentanée, faisant quelques morts. 
 
Bref, je réfléchirai à la signification exacte de tout cela ultérieurement car un nom retient immédiatement mon attention : Hodgson Erik. Les chances qu’il soit un des cultistes sont très élevées, le décédé en fait mention quasiment directement. Une fois la gravure rangée au creux de ma veste, j’interroge les serviteurs au sujet de ce gentleman. Un me renseigne efficacement en me révélant que son maître l’eut un jour de vive voix en ligne et qu’au cours de la discussion, il révéla habiter dans un quartier londonien. Les quelques communications archivées entre les deux associés m’offrent une adresse moins vague, et quelques informations sur ma cible. Un riche commerçant de la City, féru d’occultisme et d’ésotérisme mais vraisemblablement en fin de vie. Il n’y a aucun besoin d’être un génie afin de deviner son mobile. Le vieillard souhaite obtenir des années additionnelles sur notre bonne Terre. 

Je vais tirer cela au clair avec l’intéressé chez lui. 
 
La résidence de l’excentrique érudit est assez modeste au vu de ses moyens économiques. Une maison en banlieue chic, discrète, cherchant à se fondre dans le décor. Sans attendre, je vais m’annoncer sur le seuil. Une trentenaire blonde, ma foi fort jolie avec de magnifiques yeux océan, vient à ma rencontre. 
 
« Excusez-moi monsieur, ce lieu est clos, donc je vais vous demander de vous en aller. »

Je la laisse terminer son discours, sa voix est aussi belle que ses yeux. 
 
« Vous êtes mademoiselle… ? 
 
– Madame Bright, je vais devoir contacter les forces de l’ordre si vous refusez de quitter ma maison. » 

Je l’effraie, c’est une évidence, il me faut la rassurer. 
 
« Je suis Johann Ellington, j’enquête sur le suicide d’un de nos concitoyens d’Erec, une bourgade d’ordinaire tranquille. Ce dernier a eu des liens avec monsieur Erik Hodgson, j’aimerais m’entretenir avec lui à ce sujet. N’ayez crainte, monsieur est juste un témoin. Je souhaite seulement glaner des renseignements sur la victime confirmant les analyses initiales. » 

La démarche et le ton assuré sont dans le but qu’elle me juge en tant qu’agent, et donc m’amène au chef de famille. 
 
« Oh je vois, je suis navrée car il est décédé dans un accident cet été. Si vous avez des questions, adressez-les-moi. Nous avons toujours été très liés. Je suis sa fille vous savez ? »

Je doute fortement que la gourgandine soit au courant de quoi que ce soit d’utile, il me faudrait accéder à sa bibliothèque. 
 
« Toutes mes condoléances madame, j’ignorais cela. Vous me voyez navré d’avoir autant négligé mon enquête de routine, néanmoins il y aurait bien quelques documents que je souhaiterais consulter. Rien qui n’atteigne vos affaires ou la mémoire de monsieur Hodgson, je vous rassure. Je voudrais jeter un œil aux échanges entre la victime et lui ainsi que ses analyses intimes sur l’état de santé mentale du suicidé. Bien évidemment, seulement si de telles analyses existent, mais une vérification serait salvatrice à notre enquête. Vous voyez ? »

Je converse fort et avec assurance en jouant totalement sur un audacieux bluff. Heureusement que ma chemise cache les gouttes de sueur coulant le long de mon échine. 
 
« Eh bien, je ne vois aucun inconvénient à ce que vous regardiez ses archives et ses vieux documents. Suivez-moi, si vous le voulez bien. » 

C’est encore une victoire, j’ai l’habitude de suggérer être de la maréchaussée. Ce rôle me convient tellement que je fais aussi vrai que nature. 
 
La femme me conduit dans un grenier envahi de cartons et d’archives retraçant toute une vie. Divers courriers, journaux et autres écrits du défunt. Il va me falloir un nombre incroyable d’heures afin de trier ce dont j’ai besoin. Heureusement, miss Bright est conciliante et me laisse revenir quelques jours de suite. Je l’estime heureuse d’enfin voir quelqu’un s’intéresser à l’existence de son géniteur, même si ce n’est qu’un flic. Cela fait mes affaires et je m’attèle donc à fouiller la masse inouïe de documents en tous genres. Dieu merci, Hodgson était un homme méticuleux et très organisé, il faut entrer dans son système de classification et le reste est aisé. Il m’a fallu un long moment avant de trouver ce que je suis venu chercher au fond d’une large boîte métallique. Elle contient quelques notes de synthèse concernant un rituel. Bingo. Je dévore le contenu. 
 
Le trio voulait invoquer une créature issue des abysses, un Marid. Elle aurait la faculté d’exaucer les souhaits en échange de sacrifices, nonobstant les demandes de l’engeance sont toujours démesurées. Le sorcier souligne à moults moments que ce sont des monstres fourbes et extrêmement intelligents, et que leur conscience est à des années-lumière de la nôtre. Il ajoute également que ce sont des êtres curieux et donc que les rituels d’invocation sont souvent couronnés de succès. 

Le véritable obstacle est dans la constitution du sacrement, celui-ci nécessite trois occultistes ayant chacun un fragment du lien qu’ils devront conserver tout au long de leur existence. Ce lien doit inscrire la date, l’événement tragique touchant la communauté, les offrandes, ce qui a servi à tracer le cercle incantatoire de même que le nom du créateur de ce rite. Le génie maléfique ne se manifestera qu’au cours d’une nuit de grand malheur, l’odeur de la misère et la désolation l’attirant. Le sacrifice sera ensuite échangé contre les vœux conformément au macabre contrat. Le vieux reste silencieux sur l’oblation, ce qui est frustrant. 
 
Bref, le reste des notes évoquent le créateur des moyens de contracter ce genre de marchés. Son nom n’est aucunement mentionné, mais suggéré via le qualificatif de théoricien grec. Rien de concluant à se mettre sous la dent de ce côté. Un mathématicien renommé et membre émérite d’Eleusis, un initié de ces mystères interdits. Finalement, je tombe sur la gravure infâme où il est inscrit. 
 
« YTHAGORE » et « EINTURE »
 
Je la range avec l’autre et observe les ultimes documents. Je ne trouve rien qui ne m’aiguille davantage si ce n’est une fine série de messages emballée. Très récentes, ces lettres sont à destination d’un Mark Brown visiblement interné à cause de sa santé mentale défaillante. Ce doit être le dernier survivant du rituel, je dois le trouver. L’adresse indique l’asile de Sainte Hélène, non loin de Canterburry, je me rends là-bas sans attendre. 
 
Quelques mensonges d’usage suffisent à m’envoler sans défiance venant de la famille Hodgson. Étonnamment, le rendez-vous avec Brown est fixé vite. Enfin, un rendez-vous avec sa docteure attitrée en vérité. C’est un bon début qui me satisfait momentanément, je me rends donc dans l’endroit sitôt l’heure convenue venue. Les lieux sont aussi tristes qu’un cimetière… Je déteste les maisons de fous. Je vais écourter ce désagréable moment au maximum. 

Le médecin me reçoit, une quadragénaire brune et somme toute très élégante, qui m’informe succinctement de l’état de son malade. Voilà deux ans qu’il a craqué et tient des discours incohérents avec des mots manquants ou inconnus. Une dissonance neurolinguistique exaltée à la suite d’un traumatisme d’origine indéterminée. Une liasse de billets discrète rend la docteure extrêmement loquace. J’ai désormais accès à son dossier, ses mentions cliniques et les effets de l’interné. Quelques bribes sur le jour fatidique seulement néanmoins, il y a la gravure où sont nommés les derniers termes du sinistre accord. 
 
« OURRITURE » et « YTHON »
 
De la nourriture rituelle ? C’est une éventualité, bien que le récit du rite mentionne un besoin de chair avariée et d’un loxocemidae… Il s’agit d’une variation raciale qui m’est inconnue certainement, je creuserai cela une fois rentré. Mon ami monnaie convainc sans mal la directrice de me laisser emmener le fragment, je vais ensuite à la rencontre de Mark qui est un sublime jeune homme. Un grand brun au regard vermeil et à la face angélique. Le malheureux hère a le regard dans le vague et ne m’offre aucune attention, même lorsque je m’assieds devant lui. 
Je sors alors ma voix de stentor dans l’objectif de le concentrer sur moi. 
 
« Monsieur Brown, je suis ravi de vous rencontrer. Je viens sous les conseils de Monsieur Bright. »

J’ai enfin un début de considération, finalement. 
 
« Qu’est-ce que ce vieux me veut ? Je ne à ses lettres et je ne le veux. » 

Effectivement, ce triste sire a des soucis de communication. Ce qui est étrange est qu’il semble le remarquer car il marque des arrêts régulièrement dans sa diction. Nul besoin d’en tenir rigueur et nous continuons. 

 « Une nuit que vous n’avez sans doute jamais oubliée m’amène, il me faut des informations. »

Je lui montre les trois gravures, à bonne distance car une réaction sanguine est envisageable. Il est enfermé dans un asile, oublier cela serait une erreur. 
 
« Ouais, je m’en souviens… Qu’est-ce que vous voulez savoir ? Comment on a une immonde qu’elle nous rende riche, en bonne santé ou beau ? Ouais, j’avais une vraie tête de cul à. Vous voulez faire, hein ? C’est une idée de merde qui nous a tous fait d’une manière ou d’une autre. » 

Heureusement que j’ai de quoi enregistrer car je ne déchiffre rien. Il semble blasé et calme, son ton est quasiment cordial voire condescendant. Le ton d’un homme qui a la sagesse d’un devin. 
 
« Je veux savoir qui vous avez sacrifié et où se trouve la dame maintenant. À défaut, son cadavre. » 
Le visage tranquille se raidit et change en nervosité. La question le met mal à l’aise, je viens de toucher la faiblesse. 
 
« Je… Vous ne trouverez aucun. Ce n’est une femme que nous avons offerte, je regrette tellement. Ce que nous avons commis est un crime contre toute humaine sur le de notre vanité ! Nous lui avons donné ce qui ne nous ! Nous lui avons donné une de. Je vous en, si vous la retrouver, faites-le. Négociez, filoutez mais nos conneries »

L’homme s’excite à mesure que son discours sans queue ni tête avance. Je commence à ressentir de la frayeur, les risques qu’il devienne violent s’accentuent. Je suis excessivement stressé et donc rétorquer correctement m’est insurmontable. 
 
« Qu’est-ce que vous dites… »

Il me saisit le bras et me regarde droit dans les yeux, et enchaîne sans me laisser terminer. 

« Allez à la rade de nuit, sous la jetée Est de Erec. Vous refaire le rituel et mettre fin à cette farce cosmique. Soyez et vous mentalement surmonter… »

Les infirmiers le maîtrisent et lui injectent un sédatif. Je n’en tirerai rien d’autre, si ce n’est son conseil de refaire ce rituel. 
 
En rentrant dans ma demeure, je m’interroge sur les événements. Je crois en la raison et la matière, mais il est vrai que de nombreuses choses allant au-delà de notre entendement existent. Et si ces trois gus avaient vraiment convoqué un être des mers ? Un démon des tréfonds ? Bien sûr, cette éventualité sort de la bouche d’un fou, nonobstant la confronter ne me coûte guère. En étant honnête avec moi-même, c’est davantage la curiosité que la recherche sincère de la vérité qui me motive à le faire. Quoi qu’il en soit je me rends, la nuit venue, sous l’ancienne rade. La baie est calme à cette heure tardive et je doute qu’un badin n’interfère. Tant mieux, je vais avoir besoin de silence afin de tracer les runes nécessaires. Fort heureusement, les gravures sont substituables aux ingrédients initiaux car il s’agit d’un contrat déjà acté. Une fois fait, je chante les mélodies immorales de convocation et l’air semble alors s’arrêter. Le bruit des vagues devient lointain et le froid mordant comme bloqué. 
 
Une chose émerge de l’eau, une chose inimaginable tant sa biologie n’a aucun sens. Un agglomérat de tentacules et de récifs, alambiqué de telle sorte que cela forme une silhouette humanoïde. Seuls deux trous au niveau de la tête mouvante distinguent les yeux, yeux qui ne restent jamais au même endroit car les tentacules bougent et mutent continuellement selon un schéma totalement aléatoire. Son odeur est aussi horrible que sa façade, sentant l’écume fermentée, les algues brunes et la chair morte. 
 
L’indicible monstruosité ne dialogue guère conventionnellement, seulement en suggérant selon une transmission des émotions. Elle sait ce que je veux savoir, elle s’en amuse, son attitude est celle du défi. La bête est non loin de moi maintenant, elle souhaite que je cède et ainsi ravir mon âme. La chose échoue, je tiens bon et lui ordonne de me montrer où se trouve la victime, où se trouve la sacrifiée. Cela l’étonne énormément que je résiste à sa domination et la frustre car elle doit obéir conformément aux accords. La rétention est une clause formellement interdite, néanmoins une angoisse monte en moi. Si je ne suis dominé, l’inverse est valable. Éructant de rage, le grand immonde me montre une boîte qu’il ouvre lentement. La sacrifiée est à l’intérieur ? Comment ? 
 
Sur le bois moisi est gravé un symbole étrange, une barre avec une bulle accrochée sur son côté droit. Qu’est-ce que cela signifie ? La créature ignore mes questions et retourne vers l’océan, ses obligations étant honorées. 
 
Seigneur, que signifie ce « P » ?

Texte de Wasite

15 commentaires:

  1. Super bonne, en espérant qu'il est une suite!!

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  2. Un texte entier dans la lettre P.. Chapeau bas!

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  3. Il y a une suite ? Sinon je n'ai rien compris à cette fin ?

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    1. Relis le texte tu verras qu il n utilise jamais la lettre P, comme si C était une lettre inconnue suite au sacrifice

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  4. Tout ça pour dire que la sacrifiée c'est la lettre P ? ...

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    1. Vu le texte chapeau bas a l'auteur, c'etait galere a faire

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  5. OOOOOOH trop bien fait ! 😂😂 Bravo

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  6. J'avais compris qu'il manquait un "p' aux différents mots ("ythagore", "ourriture"...) mais je n'ai pas compris pour "que"... Quelqu'un•e pour éclairer ma chandelle ?

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    1. c est juste une contraction du mot ''aqueuse''

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    2. Je pense qu'il a oublié le "a" et que c'était censé être "Pâques"

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  7. Tout ça pour ça je suis a la fois impressionné et dessus

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  8. De plus, on peu penser que les mots que Brown ne peut prononcer sont des mots contenant la lettre P et par conséquent n'existe plus.

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