Paul était maintenant réveillé depuis environ deux heures. Il était assis sur son lit, et semblait en pleine réflexion. Il n’avait pas beaucoup de temps. Il savait qu'il lui fallait agir, et vite. Il se leva donc, prit l’objet qui lui paraissait le plus contondant dans sa chambre, ici un grand bâton en bois, et ouvrit la porte.
Les ténèbres régnaient dans sa maison. Il n’y avait pas un bruit. Sur le qui-vive, il se mit à avancer dans le couloir. Alors qu'il progressait dans cette obscurité totale, Paul se retourna. Il lui semblait avoir entendu un rire, derrière lui. Néanmoins, il continua d’avancer vers le fond du corridor. Pendant un long moment, il ne fit rien d'autre que marcher. Un très long moment. Long comme une demi-heure, là où trente secondes suffisaient d’habitude à traverser cette partie de la maison.
Enfin, il arriva au bout. Dans la pénombre, on pouvait distinguer un escalier qui s'enfonçait dans les profondeurs. Paul avait peur de descendre. Il avait déjà eu énormément de problèmes avec les escaliers. Malgré tout, il s’engagea sur la première marche, doucement. Puis sur la deuxième. Lentement mais sûrement, il prenait son rythme. Au bout d’un autre long moment, il s’arrêta, essoufflé. Il n’était pas très sportif. Il s’assit cinq minutes sur une marche, et réfléchit. Il se demanda où il était. Pourquoi ça lui arrivait à lui, et pas à quelqu’un qui le méritait. A moins qu’il le méritât, d’une manière ou d’une autre. Il regarda autour de lui. Il n’y avait pas de lumière, mais on voyait les marches de l’escalier, malgré les ténèbres environnantes.
Paul se releva, et poursuivit sa descente. Enfin, il finit par arriver à la dernière marche. Essoufflé, il contempla ce qui lui faisait face : un mur. Un simple mur. Une phrase était griffonnée dessus.
“Ne t’inquiète pas,
Bouge donc de la lumière vers les ténèbres,
Pas la peine de t’inquiéter.”
Paul trouva tout de suite le message caché. Il aimait bien ce genre de trucs. Il resta droit comme un piquet pendant longtemps. Puis enfin, au bout de plusieurs longues minutes, tout disparut. Il ne restait que lui. Il ne savait pas sur quoi il était, mais c’était désagréable. Paul risqua un petit pas devant lui : rien de particulier ne se produisit. Il continua donc d’avancer, tout droit, dans ces ténèbres opaques. Il avait chaud. Très chaud. Il s’arrêta. Devant lui, une personne. Qui lui ressemblait comme deux gouttes d’eau. Comme un miroir. Il leva la main droite. Le reflet leva la main droite.
Aussitôt, Paul retourna sur ses pas en courant. Comment son reflet, alors qu’il levait la main droite, pouvait-il lui aussi lever la main droite, et non pas la gauche, comme tout bon miroir qui se respecte? Paul trébucha et tomba. Il ne tomba pas sur le sol, non, mais il tomba comme s’il tombait d’un immeuble. Dans le vide.
Finalement, il atterrit dans sa chambre, où il se réveilla en sursaut. Le soleil venait de se lever. Il tenait dans ses mains poisseuses son carnet et son stylo. Il les reposa sur son lit, et, trempé de sueur, ouvrit la porte pour aller prendre une douche dans la salle de bain. Une bonne douche chaude. Il resta sous le jet un bon moment. Jusqu'à ce que l’eau commence à prendre une teinte étrange. Elle virait au rouge.
Derrière le rideau, une créature lui ressemblant comme deux gouttes d’eau avait transpercé la fine protection qui la séparait de Paul avec ses griffes. Elle lui montra son hideux visage. Bien qu’ils fussent quasiment les mêmes, la chose avait des cornes, et une peau plus sombre. Quant à ses yeux, ce n'étaient rien de plus que deux petits étangs entièrement noirs.
Noirs comme les ténèbres les plus sombres.
Pourtant il suffisait de ne pas bouger.
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