Je revenais comme tous les vendredis soir de mon campus, qui se trouve vers Le Mans, là où habitent mes parents. J'étais parti un peu plus tard que d'habitude après avoir passé un peu de temps en ville avec des potes, j'avais devant moi encore deux bonnes heures de route et il me semblait clair qu'après encore quelques kilomètres, ce serait la fatigue qui l'emporterait sur le café.
Pressé de rentrer, j'étais exceptionnellement passé par l'autoroute. Malgré cela, je connaissais bien le tronçon de l'A10 suivant Tours, et j'aurais juré ne jamais avoir traversé aucune forêt lors de mes précédents passages. Ce n'était pas un détail bien frappant, mais l'autoroute, souvent très répétitive, m'offrait là un décor bien rafraîchissant... et peu rassurant. J'imagine que je suis loin d'être le seul à avoir peur de rouler en pleine nuit en forêt. Il devait en effet être une heure du matin, voire deux heures. À ces périodes-là, l'autoroute est toujours déserte, et dans mon cas, des heures passées à rouler sans croiser un seul automobiliste me le confirmait.
Qu'importe, à la vue de la première aire, je sautai sur l'occasion. Que ce soit « Aire de la vie » ou « Aire des viviers », le nom est rarement quelque chose que l'on retient. Contrairement aux toilettes, aux tables de pique-nique... Bref, une aire d’autoroute tout ce qu'il y avait de plus... banal, à la différence près qu'elle se composait d'un grand parking complètement vide et non éclairé dont l'extrémité semblait disparaître dans la nuit noire, et de quelques hautes barrières qui délimitaient une dalle de bitume ornée de quelques arbres. Sans trop m'attarder sur le décor, je coupai le contact, sortis et fis un rapide tour du long capot de ma voiture. C'était une nuit de printemps des plus normales. Le ciel était dégagé, mais ne laissait pas apparaître la lune. J’inclinai le siège passager dans la position la plus basse possible (c'était l'une des raisons pour lesquelles j'étais fier d'avoir acheté une si grosse berline : le confort). Mais le sommeil appelait, et ne laissait plus place à la réflexion. Pour éviter la buée, j'entrouvris une fenêtre. Le velours du siège était chaud, et une petite brise s'infiltrait par l'ouverture...
Plus tard dans la nuit, un toc incessant et répétitif à la vitre de ma voiture me tira de ma rêverie.
Un homme était à la fenêtre. J'étais confus, émergeant à peine de mes quelques minutes (heures ?) de sommeil.
« Vous n'avez rien à faire ici ! » s’exclama-t-il d'un ton ferme et grave.
« Excusez-moi ?
- Vous ne savez pas lire ? »
Il pointa du doigt un panneau accroché à un arbre planté juste devant l'entrée de l'aire, dont j'aurais juré l'absence à mon arrivée.
« Interdiction de stationner plus de quinze minutes, vous voyez ? Vous savez lire ?
- Je... excusez-moi, j'étais très fatigué, j'ai préféré m'arrêter avant de m'endormir au volant et d'avoir un accident, vous comprenez...
- Ecoutez-moi bien, cela fait maintenant deux ans, quatre mois et trois jours que je vous regarde, et vous n'avez jamais bougé, cela devrait suffire comme repos.
- Pardon ?
- Maintenant, fichez le camp de mon parking ! »
Il s'éloigna ensuite du véhicule en continuant de me regarder du coin de l’œil. J'étais déjà terrifié par son charabia, il ne me fallut pas bien longtemps pour bouger.
Mais lorsque je voulus me lever, un sentiment de malaise profond m'assaillit. Le doux velours du siège était désormais semblable à une vraie éponge. Ce dernier était devenu un peu humide et recouvert d'un film de mousse incrusté dans le tissu, qui s'était immiscé à l'intérieur depuis l'ouverture de la fenêtre. Je bondis dehors en tentant d'ouvrir de mon mieux la portière encore verrouillée.
Une fois sorti du véhicule, quelques pas en arrière me dévoilèrent rapidement ce qui semblait être une grosse berline abandonnée depuis des années : vandalisée, les pneus dégonflés, et une épaisse couche de crasse sur toutes les surfaces planes atteignables...
Je la contournai rapidement par l'arrière pour m'installer sur le siège conducteur, qui lui n'était recouvert que d'une fine couche de poussière. Comme je m'en doutais, rien ne se passa en tournant la clef dans le contact.
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« Va falloir pousser ! » me dit-il. « Fais pas cette tête, une batterie à plat, ça arrive ! » ajouta mon ami.
Dimitri fit le tour de la voiture et s'appuya sur le capot pour faire reculer la berline immobilisée. Je me me collai alors contre la portière, alors que lui allait à l'arrière afin de pousser de notre mieux le long de la légère pente du parking, dans un effort commun. Une vitesse engagée et un dernier effort suffirent pour remettre la machine en route.
« On a réussi ! » s'exclama-t-il, en s'installant à l'arrière.
« Bon, on va pas rester là toute la soirée, quand même ? L'autre vieux con m'a déjà assez fait flipper comme ça, ça serait sympa d'y aller. »
Dimitri était dans le même campus que moi. Quand ses parents ne pouvaient pas venir le chercher le vendredi soir, je le ramenais de temps à autre. Il était déjà frustré que l'on soit partis avec du retard, alors ma petite pause ne l’arrangeait guère plus.
« Si t'es vraiment trop crevé, on peut s'arrêter à la prochaine. On n'est plus à ça près, mais mes parents vont être furax. »
En effet, l'appel du sommeil me semblait encore une fois plus qu'important. Ainsi, on s'arrêta à l'aire d'après. C'était une aire d’autoroute tout ce qu'il y avait de plus... banal, à la différence près qu'elle se composait d'un grand parking complètement vide et non éclairé dont l'extrémité semblait disparaître dans la nuit noire, et de quelques hautes barrières qui délimitaient une dalle de bitume ornée de quelques arbres.
« Moi, je vais me rafraîchir un peu, t'as qu'à te reposer en attendant. »
Plus tard dans la nuit, je me réveillai en sursaut. Cela faisait probablement un bon moment que je me reposais, et Dimitri n'était toujours pas revenu.
Je m'aventurai alors en direction du petit local qui servait de toilettes sur ce genre d'endroits. C'était une nuit de printemps tout ce qu'il y avait de plus normal. Le ciel était dégagé mais ne laissait pas apparaître la lune. Une petite brise chaude soufflait, l'air était putride...
« Tu l'as laissé tomber sur ce parking, durant six ans. »
L'homme du parking était là, face à moi. Du sang coulait de ses poignets. Cela faisait probablement un moment qu'il était ici. L’odeur de la chair en putréfaction, c'est quelque chose que l'on n'oublie jamais.
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« On y va ? » Elle aimait mal me parler, sa voix douce et agressive me donnait toujours des frissons, même après tant d'années ensemble. On avait déjà pris assez de retard et il semblait clair que l'on ne serait pas chez mes parents à l'heure. Il était déjà tard, il devait être une heure du matin, voire deux heures.
De retour sur l'autoroute, elle s'exclama :
« Les enfants ! Où sont-ils ? »
À ma grande surprise, Léo et Sarah n'étaient plus à l'arrière. Mais elle se reprit :
« Ah ! Suis-je bête ! »
...
« Ils sont dans le coffre, bien sûr. »
...
A la vue de la première aire d'autoroute, je sautai sur l'occasion. Que ce soit « Aire de la vie» ou « Aire des viviers», le nom est rarement quelque chose que l'on retient. Contrairement aux toilettes, aux tables de pique-nique... Bref, une aire d’autoroute tout ce qu'il y avait de plus... banal, à la différence près qu'elle se composait d'un grand parking complètement vide et non éclairé dont l'extrémité semblait disparaître dans la nuit noire, et de quelques hautes barrières qui délimitaient une dalle de bitume ornée de quelques arbres.
Je sortis alors de la voiture, et elle me suivit sans faire de bruit. C'était une nuit de printemps des plus normales. Le ciel était dégagé, mais ne laissait pas apparaître la lune.
A l'arrière, en ouvrant le coffre, il y avait deux sacs poubelle.
« Tu vois, pas de quoi s'inquiéter. » ajouta-t-elle.
Elle me regardait fixement, les yeux injectés de sang.
« Ces seize dernières années furent mouvementées, n'est-ce pas ? Désormais, il faut creuser. » ajouta le vieil homme, qui s'était glissé derrière elle.
Alors que je me tenais déjà au fond du trou que j'achevais, elle me regarda avec un air menaçant, son fusil pointé sur moi.
« A toi maintenant. », s'ensuivit un coup de feu.
Je me réveillai alors sur mon siège. Une fine brise s'introduisait dans la cabine par l'ouverture de la fenêtre, il faisait jour, et on entendait le flux des voitures passer au loin...
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Ce rêve m'a hanté durant des années.
Si je m'en souviens si bien, c'est parce que chacun des événements suivants sont venus me le rappeler à chaque fois.
Il y a de ça dix ans, j'ai perdu mon meilleur ami. Je l'ai retrouvé dans sa salle de bain, une semaine après qu'il ait mis fin à ses jours. On s'était rencontrés peu après que je sois tombé en panne sur le parking de l'université, et il s'était proposé pour m'aider à pousser ma voiture. Ses parents m'ont toujours accusé d'être la source de ses problèmes, malgré le fait que j'ai été le seul à être présent pour lui durant ses périodes les plus difficiles.
On m'a volé ma voiture il y a quelques années, avant que je ne la retrouve abandonnée dans les bois. Elle était dans l'état exact dans lequel j'ai pu la décrire. Je l'aimais beaucoup, elle me rappelait mon meilleur ami et cela m'avait beaucoup affecté.
J'ai rencontré ma femme sur une aire d'autoroute quelques mois après. Elle travaillait alors comme agent d’entretien sur les lieux. On a pour la première fois échangé après qu'elle m'a grondé pour m'être arrêté sur une place réservée au personnel. Elle était brute, et c'était ce qui m'avait séduit chez elle.
Je suis père de deux faux jumeaux âgés de 6 ans.
Ma femme et mes enfants ont disparu il y a quelques jours.
Texte d'Ulrichou
Après tant d’années à côtoyer ce site et cpftc, je suis vraiment agréablement surprise de trouver une nouvelle qui ce passe dans ma ville ahah !
RépondreSupprimerSinon j’ai bien aimé ;)
Je suis pas sûre d'avoir bien compris...
RépondreSupprimerToute la première partie, c'était un rêve ?
C'est cela. L'aire d'autoroute a envoyé à l'homme des échos de son futur, sous forme onirique.
SupprimerJuste... WOW... une des meilleures que j'ai lu, et de loin. Ça nous sort completement des histoires de d'habitude ! Très très originale comme façon de faire et franchement elle est très agréable à lire.
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