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Le petit garçon dans la voiture

Ce qui suit est le récit d'une histoire vraiment étrange et plutôt dingue qui m'est arrivée il y a quelques années, à l'époque où j'ai eu ma première voiture. Je venais d'avoir vingt ans, et l'idée de passer mon permis ne m'enchantait vraiment pas au début, mais j'ai finalement cédé.

En grandissant, j'avais toujours plutôt été un partisan du vélo, et me concernant, il n'y avait aucun endroit où j'avais besoin de me rendre qui n'était pas à une distance atteignable en bicyclette. Oui, j'étais un peu naïf.

Je n'ai finalement réalisé l'intérêt d'avoir une voiture qu'après avoir été recalé à un entretien d'embauche pour un travail que je voulais absolument avoir parce qu'ils exigeaient un permis valide. En y repensant, ça me fait toujours rire, puisque le boulot était dans un bureau de l'administration, un emploi qui ne nécessitait absolument pas de conduire pour ce que j'en savais. Mais bon, j'imagine que ce n'est pas moi qui édicte les règles.

Ainsi, après avoir réussi mon permis de conduire, mon père m'a surpris en m'offrant sa propre voiture, une Ford Mondeo. J'étais d'autant plus étonné par ce geste de bonté que je savais bien à quel point il aimait ce véhicule.

« C'est la voiture que James Bond conduit dans Casino Royal ! n'arrêtait-il pas de répéter.
– Mais comment je vais faire pour payer l'assurance d'un monstre pareil ? ai-je demandé à mon père en prenant bien soin de ne pas le laisser croire que je n'étais pas absolument ravi de son cadeau.
– Oh, ne t'inquiète pas, je paierai l'assurance si tu me promets d'être mon chauffeur à chaque fois que j'aurai besoin d'être ramené à la maison depuis le pub parce que je serai trop arraché pour conduire. » a-t-il répondu fièrement.

Inutile de dire que j'étais totalement submergé par la joie.

J'ai passé mes premiers mois à prendre la voiture pour aller n'importe où, même à des endroits où je n'en avais vraiment aucun besoin. Je faisais souvent de petits allers-retours à l'épicerie du coin, et bien sûr j'allais quelquefois chercher mon vieux au bar, comme convenu. Je n'avais jamais réalisé combien de loisirs mes parents pouvaient avoir avant de devoir les y conduire.

Quelques temps plus tard, j'ai postulé et été pris pour un job de bureau dans une zone d'activité juste à la sortie de la ville. J'en étais enchanté car cela signifiait que j'allais devoir traverser des petites routes de campagne chaque matin pour aller travailler. Il n'y a rien de tel que de rouler à travers champs, la vitre baissée en écoutant un bon petit John Denver au petit matin. Le choix de la musique était en partie à cause du fait que mon père avait laissé ses CDs dans la boîte à gants, et en partie parce que je me plongeais dans les classiques.

Cependant, comme pour la plupart des choses qui perdent de leur nouveauté, j'ai commencé à me désintéresser de la voiture à mesure que mes responsabilités augmentaient. Je prenais toujours du plaisir à conduire, mais c'était principalement des allers-retours entre chez moi et le travail, car comme j'habite en ville, les petites sorties comme pour faire les courses ou rejoindre des amis pouvaient se faire en y allant à pied.

On en vient maintenant à la raison pour laquelle j'écris cette histoire ; ce n'est pas pour faire dans le cliché, mais tout a commencé un matin relativement ordinaire. Je m'étais levé à six heures du matin, réveillé comme d'habitude par le chant des oiseaux, et après une douche et un petit-déjeuner rapides, j'étais déjà dans ma voiture à 6h45, en train de bidouiller mes enceintes Bluetooth. En effet, la nuit passée, un ami m'avait donné un de ces kits en me disant que je devrais pouvoir jouer la musique qui se trouvait sur mon téléphone sans utiliser de câble, mais je n'arrivais pas à m'en servir. Peu importe à quel point je m'acharnais, le Bluetooth refusait de se connecter, si bien que j'ai fini par me rabattre sur un des CDs de mon père.

En quittant la quatre-voies, j'ai pris une sortie qui menait sur l'une de ces routes de campagne dont je parlais tout à l'heure. Je pouvais désormais respirer un peu plus aisément maintenant que j'avais quitté les embouteillages matinaux de la ville. J'avais tout de même encore 20 minutes de route à faire avant d'arriver au boulot, alors comme souvent, j'ai allumé la radio.

J'étais confortablement installé sur mon siège, écoutant « Annie's Song », tout en observant les lignes blanches disparaissant sous le capot de la voiture. Et quelque chose dans le rétroviseur intérieur a attiré mon regard.

Juste derrière le siège passager se trouvait un petit garçon, une casquette rouge vissée sur la tête. Il était assis là, observant le paysage par la fenêtre, l'air absent. Il avait l'air de s'ennuyer et... on aurait qu'il n'y avait rien d'anormal pour lui.

Je sais que ça peut paraître étrange au premier abord, mais c'est ce que je me suis dis quand je l'ai vu. Il avait l'air tellement normal qu'après l'avoir regardé quelque secondes, mes yeux se sont tout naturellement reportés sur la route. Ce n'est que quelques instants plus tard que je me suis aperçu que « Mais j'ai pas d'enfant ! »

Je dois avouer avoir fait quelque chose que personne ne devrait jamais faire lorsqu'il est en train de conduire, mais heureusement, je roulais en ligne droite. J'ai brusquement retourné ma tête vers le siège arrière. Le gamin s'y trouvait toujours, sauf que ses yeux avaient abandonné la fenêtre pour se braquer sur moi.

Il paraissait maintenant surpris et confus. Je pense qu'il avait dû avoir la même impression à mon propos. Il portait une casquette rouge surmontant ses cheveux bruns et bouclés qui en sortaient de tous les côtés, il avait les yeux bleus et son visage était couvert de taches de rousseur. D'après ses vêtements, il avait l'air d'aller à un match de football ou d'en revenir.

Nous nous sommes regardés pendant un moment, au moins assez longtemps pour que je puisse voir qu'il était manifestement plutôt effrayé. Un moment de lucidité m'a cependant ramené à la raison : j'étais en train de conduire une voiture !

Je me suis rapidement retourné dans le bon sens pour m'apercevoir que ma sortie approchait à grande vitesse. J'ai à nouveau regardé dans le rétroviseur. « Où est-ce que tu... », ai-je commencé à crier avant de m'apercevoir que la banquette était à présent vide.

Mon cœur battait la chamade à cause de la frayeur, je me suis donc rangé sur le côté et suis sorti du véhicule. J'ai pris quelques longues inspirations et me suis mis à faire le tour de la voiture et à inspecter jusqu'à la banquette arrière jusqu'à ce que je sois rassuré : il n'y avait aucun signe permettant d'affirmer qu'un enfant s'était trouvé là un jour.

Je ne sais pas ce qui m'effrayait le plus : qu'un enfant se soit réellement trouvé là ou que j'aie vu un mirage. La perspective d'avoir des hallucinations me faisait vraiment peur. Cela ne m'était jamais arrivé, et j'étais absolument sûr de n'avoir jamais pris quoi que ce soit que je n'aurais pas dû.

Me tenant dans le vent frais de février, avec le bruit du trafic routier loin derrière moi, j'essayais de trouver une explication rationnelle à ce qui venait de se produire. Vous voyez, avant que tout cela n'arrive, j'avais toujours été très sceptique et n'avait jamais cru à ce qui touchait au paranormal, il ne m'a donc pas fallu longtemps pour arriver à la conclusion que j'avais eu un coup de folie.

Lorsque je suis arrivé au travail, il est devenu évident que j'avais l'esprit ailleurs. Peu importe le nombre de fois où j'ai essayé d'être productif, je n'arrivais pas à m'arrêter de penser à l'enfant. Si cela avait réellement été une hallucination, pourquoi lui ? Pourquoi tant de détails ?

Il n'a pas fallu longtemps pour que mon patron m'arrête dans un couloir pour me demander si tout allait bien car, selon lui, j'avais l'air un peu secoué et de ne pas être moi-même. Je ne lui ai pas rapporté ce qui s'était passé, mais je lui ai simplement demandé si je pouvais rentrer chez moi, comme je me sentais mal. Il a accepté et je suis rapidement allé rassembler mes affaires pour partir.

En sortant, j'ai pris une grande inspiration dans l'air matinal. Il faisait froid, mais cela m'était agréable, le froid était suffisamment mordant pour me garder les pieds sur terre alors que j'avais l'impression de perdre la tête.

J'ai lentement traversé le parking pour me rendre à ma Ford, puis ai refait quelques tours autour de la voiture. Elle était complètement vide.

« Peut-être qu'il s'était glissé dans la voiture avant que tu ne partes ce matin ? » Mon esprit essayait de rationaliser. Mais cela ne menait à rien. « Mais dans ce cas, où s'est-il volatilisé ? » s'est-il rétorqué.

J'ai finalement rassemblé assez de courage pour m'asseoir sur le siège conducteur et boucler ma ceinture avant de prendre mon téléphone et d'appeler ma mère. Elle a répondu après quelques sonneries.

« Âllo ?
– Salut maman, c'est moi, ai-je doucement dit.
– Oh, qu'est-ce qui s'est passé ? » a-t-elle demandé.

J'ai senti les larmes me monter aux yeux. Depuis que j'étais enfant, ma mère avait toujours eu le don de savoir quand quelque chose n'allait pas même lorsque je faisais de mon mieux pour donner l'impression que tout allait bien.

« Comment sais-tu que quelque chose s'est passé ? ai-je dit en riant un peu.
– J'ai simplement eu la sensation que quelque chose de mauvais allait arriver toute la matinée, et tu n'as pas l'air dans ton assiette, a-t-elle répondu.
– Eh bien, je pense que je ne vais pas très bien, ou quelque chose du genre... J'ai eu une hallucination ce matin, j'ai vu quelque chose que je ne peux pas m'expliquer alors que je conduisais la voiture ce matin. » ai-je admis.

C'est fou ce qui se passe quand on met en voix ce qui nous inquiète, j'ai immédiatement senti un poids s'envoler de mes épaules alors que je prononçais ces mots. Il y a eu un silence avant que ma mère ne réponde.

« Qu'est-ce que tu as vu ? a-t-elle demandé prudemment.
– Je t'expliquerai quand on se verra, je vais passer si ça ne te dérange pas, je devrais arriver d'ici vingt minutes, ai-je articulé.
– D'accord mon chéri, je vais mettre la théière sur le feu. » a-t-elle dit avant que je n'entende le bip signifiant qu'elle avait raccroché.

J'ai souri et essuyé les larmes qui s'étaient accumulées sur mes joues, puis j'ai mis la clé dans le contact. Après environ cinq minutes, j'ai commencé à me sentir mieux, j'avais roulé sur la portion de route où j'avais vu le garçon, et rien ne s'était produit. Encore cinq minutes et je serais de nouveau en ville, en route pour la maison de mes parents. Juste alors, mon cœur s'est totalement décroché.

« Qui êtes-vous ? » a demandé la jeune voix derrière moi.

Je n'avais jamais ressenti autant de terreur de toute ma vie. Le genre de terreur que vous sentez au creux de votre estomac. Je me suis retrouvé soudainement paralysé, alors que mon regard quittait la route, passait sur le tableau de bord pour s'arrêter sur le rétroviseur.

Le garçon était assis sur son siège, sa ceinture bouclée et ses bras croisés sur ses genoux et sa casquette rouge arborant un logo Coca Cola. Il avait un regard plein de confusion et de frayeur alors qu'il me fixait à travers le rétroviseur.

Juste au moment où ma panique allait atteindre le point de non-retour, j'ai décidé qu'il valait mieux m'arrêter à nouveau. Cette fois, j'ai entrepris de le faire en gardant mes yeux fixés sur le jeune garçon. La voiture s'est arrêtée sur l'aire d'arrêt d'un abri-bus curieusement vide.

« Dieu merci », ai-je pensé. La dernière chose dont j'avais besoin à ce moment était d'un public pour les divagations de mon esprit. Je me suis retourné pour trouver l'enfant toujours assis. J'ai choisi mes mots avec attention et ai demandé d'une voix tremblante :

« D'où viens-tu ? »

Ses sourcils se sont froncés avant qu'il ne réponde.

« D'où venez-vous ? Où est mon papa ? » a-t-il demandé.

C'était une question légitime et tout à fait censée compte tenu des circonstances, mais une question à laquelle je ne pouvais répondre. C'est alors que j'ai remarqué qu'il avait commencé à pleurer. Quelque chose n'allait vraiment pas. Pourquoi est-ce que mon hallucination se mettait à pleurer devant moi ?

Juste à ce moment, une bonne dose de réalité m'a frappé sous la forme du bruit d'un klaxon d'un bus qui s'approchait. J'ai regardé dans un de mes rétroviseurs latéraux pour y voir un chauffeur furieux qui me lançait le genre de regard que vous ne jetteriez même pas à votre pire ennemi.

J'ai à nouveau regardé la banquette arrière pour la trouver vide.

« Ok, c'est officiel, ai-je pensé, je suis devenu complètement taré. »

Cette prise de conscience déprimante m'a submergé et j'ai pensé qu'il valait mieux pour tout le monde que je termine mon voyage chez mes parents.

Lorsque je suis rentré, j'ai été soulagé de trouver ma mère et mon père assis à la table avec des tasses de thé prêtes. Mais avant même de pouvoir penser à en attraper une, mes nerfs ont lâché. Je me suis mis à pleurer. Un homme adulte sanglotant devant ses parents. Je ressentais... tellement de honte pour perdre mes moyens de la sorte et devant eux. Mon père s'est approché et a passé un bras autour de mes épaules.

« Eh, t'inquiète pas, mon gars, a-t-il lancé, essayant d'avoir l'air enjoué. Ta mère m'a raconté ce qui s'est passé. »

Je me suis assis sur une chaise et j'ai essuyé mon visage.

« C'est encore arrivé alors que j'étais sur la route, je crois que je vois des choses. » ai-je dit d'un air sombre.

Alors que je racontais mes pires souvenirs de la matinée à mes parents qui avaient l'air très inquiets en buvant mon thé, j'ai remarqué que ma mère n'arrêtait pas de regarder mon père, en particulier lorsque j'ai évoqué la casquette rouge. Lorsque j'ai terminé mon histoire, je me suis senti plus calme, plus à mon aise, mais n'oublions pas que je suis anglais, et l'effet qu'une tasse de thé peut avoir sur le corps et l'esprit est absolument incroyable. Ma mère a parlé la première.

« Mon garçon, je pense qu'il est possible que tu n'hallucines pas, a-t-elle dit d'un ton rassurant. Je veux dire, oui, si ça continue, on va aller voir un médecin, mais il y a quelque chose que ton père devrait te dire d'abord. »

Elle a de nouveau dirigé ses yeux vers mon père après avoir fini sa phrase. Ce dernier m'a regardé, a soupiré, puis a de nouveau regardé ma mère.

« Il a même le même manteau ! » a-t-il dit en riant, dans ce qui semblait être un refus de vouloir y croire.

Ma mère lui a jeté un regard noir avant de rapidement reporter son attention sur moi.

« De quoi êtes-vous en train de parler ? ai-je demandé en regardant ma veste bordeaux matelassée qui pendant à présent sur le dossier de ma chaise.
– Quand j'étais enfant, mon père, ton grand-père m'emmenait à l'entraînement de foot tous les dimanches. », a-t-il dit avec un sourire alors qu'il se replongeait dans ses souvenirs.

Je connaissais déjà cette histoire. Mon père avait joué au football jusqu'à la fin de son adolescence avant de rencontrer ma mère.

« Un jour, sur le chemin de l'entraînement, je m'étais endormi sur la banquette arrière de la voiture, je m'étais couché très tard la veille, alors j'étais exténué. »

Il a regardé ma mère pour avoir son approbation, et elle a hoché la tête.

« Lorsque je me suis réveillé, je me suis retrouvé dans la voiture de quelqu'un d'autre, a-t-il continué.
– Quoi ? ai-je répondu, choqué.
– Je me rappelle que j'étais absolument terrorisé, un instant j'étais en train de regarder mon père conduire, mes paupières ont commencé à s'alourdir, et la seule chose dont je me rappelle ensuite, c'est cet homme étrange assis devant moi, et nous roulons vers un endroit que je n'avais jamais vu avant, a-t-il dit en prenant la main de ma mère dans la sienne et en la serrant. C'est arrivé trois fois en tout et tes grands-parents ont pensé que je l'avais rêvé après m'être endormi dans la voiture, ils pensaient que c'était juste mon imagination, mais ça avait l'air si réel. »

Je ne pouvais croire ce que j'entendais, toute cette épreuve semblait sortir tout droit de la quatrième dimension, mais je pouvais le voir dans le regard de mes parents et le sentir dans la voix de mon père. Ce n'était pas une blague, cette discussion était très sérieuse.

« De quoi l'homme avait l'air ? ai-je demandé, ayant la sensation que je connaissais déjà la réponse.
– Tu sais, j'avais huit ans à l'époque, donc le souvenir s'est un peu effacé, mais je me rappelle bien de quoi sa veste avait l'air. » a-t-il répondu en désignant ma veste qui pendait sur ma chaise.


Traduction de Magnosa




6 commentaires:

  1. Ouais... trop cliché les histoires de fantômes... ah ? Non... Bah du coup super récit avec une fin originale et assez complète pour pas trop nous laisser dans le mystère !

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  2. "C'est arrivé trois fois en tout"
    Mais nous n'avons vu que deux apparitions du gamin (ou bien j'ai sauté un paragraphe à la lecture)...
    Vu que le père semble en rire (au début), on devine donc que rien de tragique ne va se passer. La 3e rencontre promet d'être assez touchante pour le fils (et pas très agréable pour le pauvre gamin, en un sens).

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  3. Digne d'un épisode de DARK, j'adore ! :P
    Une suite de prévue (j'espère) ?

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  4. Si j'ai bien compris c son futur fils le gamin ? Vraiment sympa !

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    1. Non, le gamin c'est son père quand il était gosse
      Gros paradoxe temporel :p

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