Les citrouilles brillaient et éclairaient la pénombre de ce 31 octobre. Les enfants déguisés en petits monstres couraient dans les rues en criant « bonbon ou farce ! » à tout bout de champ.
« On te laisse la maison, Josh ! », cria ma mère du rez-de-chaussée.
Je jetai discrètement un œil à ma montre : 19 h 30. « Parfait, comme prévu... », pensai-je joyeusement.
« Josh ! Viens ici tout de suite ! », continua mon père.
Je descendis les escaliers rapidement, frôlant la chute. Mes parents m'attendaient devant la massive porte d'entrée en bois.
« Bon, je t'explique les règles, commença-t-il, tu as le droit d'inviter des amis mais vous restez calme, vous répondez aux enfants qui tapent à la porte, les bonbons sont dans la cuisine ! Tu nous appelles à 23 heures sur mon portable !
- Oui, je sais, je connais les règles !
- On rentre demain après midi, on dormira à l'hôtel, termina ma mère, en cas de problème de toute façon, il y a les voisins !
- Je sais, j'irai les voir au cas où ! »
Mon père me dévisagea avec insistance.
« Pas d'alcool...
- ...ni de drogue ! Quand même papa, tu me fais confiance, non ?
- Oui, oui. Bon, à demain ! »
Ils m'embrassèrent chacun leur tour avant de partir dans la voiture. Dès que la lumière des phares disparut, je me mis à la préparation de notre soirée.
J'avais invité quelques amis pour fêter Halloween, nous allions faire une soirée inoubliable. Le sel, les bougies, tout était prêt. Nous allions garder les bonbons pour nous, j'avais posé sur la porte une feuille indiquant que nous ne participions pas à Halloween, les enfants n'allaient pas nous déranger.
Vers 20 h 30, mes amis arrivèrent. Pas un seul en retard. Il y avait mon meilleur ami Travis, ma petite amie Sally, une de ses amies Joann et un autre ami à moi, Kevin.
Ils entrèrent rapidement, le temps s'était étrangement assombri et des nuages effrayant s'étaient formés.
« Salut ! dis-je en ouvrant la porte. Entrez vite, les pizzas sont prêtes, installez vous dans le salon ! »
J'embrassai ma petite amie qui prit tout de suite la direction des canapés en guidant Kevin et Joann. C'était la première fois qu'ils venaient chez moi, et il faut dire que ma maison était plutôt imposante : grandes portes en bois massif, charpente visible et plus de 200 mètres carrés de rez-de-chaussée, le terrain idéal pour notre projet nocturne.
Notre petit jeu, je l'avais organisé avec Travis. On avait mis le nez dessus en fouillant sur internet, sur un site racontant des histoires paranormales. Personne ne l'avait véritablement essayé, et ceux qui avaient tenté le recommandaient fortement pour ceux qui voulaient des sensations fortes.
Tout le monde à cette soirée avait accepté de participer, sans rechigner, mais ils ne savaient pas de quoi il s'agissait. On leur avait juste dit que ça allait être « effrayant. »
Sally étant une adepte du surnaturel, elle avait accepté la première, et avait motivé Kevin et Joann.
Alors que tout le monde était installé dans le canapé, Travis m'aida à sortir le repas du four et à répartir le matériel nécessaire par candidat.
« Ça suffira, à ton avis ? demandai-je à Travis.
- T'inquiète, j'ai aussi ramené quelques bières et une bouteille de vodka histoire de nous mettre dans l'ambiance ! »
Je restai sceptique lorsqu'il m'annonça son « cadeau ».
« Ouais, mais pas d'abus hein ! J'ai promis à mon père que...
- Il ne remarquera même pas une bouteille de panaché avec moi, t'as pas de souci à te faire ! »
Malgré toute la préparation et l'organisation dont on avait fait preuve, j'avais un peu peur que ça tourne mal. « C'est pas vrai, ce ne sont que des histoires, calme toi... ».
22 h 30. Les pizzas étaient mangées et on était avachis sur le canapé, devant un film d'horreur. Sally était blottie dans mes bras, Joann avait tenté une approche sur Kevin, qui s'était révélée victorieuse. Travis, quant à lui, commentait les effets gores du film mal fait, son verre de vodka à la main.
« H-1,5, me chuchota-t-il.
- Tais toi, j'écoute », répondis-je en rigolant et en le repoussant.
Il rigola et s'installa plus profondément dans le fauteuil de cuir.
23 h 30. Le film venait juste de se terminer quand Travis se leva.
« Je vais au toilette, je reviens », déclara-t-il.
En passant devant moi, il me donna un léger coup de coude et m'appela discrètement. Nous nous dirigeâmes alors vers la cuisine.
« T'as vraiment tout ce qu'il faut ? Papiers, crayons, aiguilles, bougies, allumettes, sel ?
- Oui oui, t'inquiète pas, j'ai tout préparé, répondis-je, mais je le sens mal...
- T'as pas à t'en faire, c'est qu'un jeu ! En quoi ça pourrait mal tourner ? Tu sais toi même que les fantômes n'existent pas et c'est toi qui es le premier à crier haut et fort que c'est des conneries !
- Ouais, mais bon... je sais pas...
- C'est qu'un jeu, on va flipper, et voilà ! Aller, on va expliquer les règles ! »
Nous emmenâmes le matériel dans le salon. Tout le petit groupe fut étonné de nous voir débarquer avec autant de babioles.
« C'est pour la surprise ça ? demanda Sally.
- Oui, répondis-je en répartissant les objets. Vas-y Travis, explique en quoi ça consiste !
- Nous allons faire ce soir le Jeu de Minuit. Pour faire simple, nous avons jusqu'à 3 h 33 précise à partir de minuit pour traverser la maison de Josh. Étant donné pour que Kevin et Joann, c'est la première fois qu'ils viennent ici, nous allons faire la visite de la maison et le trajet à effectuer. Sally, tu nous accompagnes pendant que ton copain prépare le matériel ?
- OK ! À tout de suite, Josh ! »
Elle m'embrassa avant de partir avec les autres, me laissant seul dans le salon.
Je répartis les bougies nous permettant de nous déplacer dans le noir, avec une boîte d'allumette par personne, le papier et le crayon. Chacun avait aussi une aiguille, pour la goutte de sang. Cette dernière était obligatoire pour l'invocation.
Le trajet à effectuer était assez simple : il fallait traverser le salon, la cuisine, le long couloir débouchant sur ma chambre et sortir par la baie vitrée donnant sur la piscine extérieur. En gros, il fallait cinq minutes avec les lumières pour traverser tout ça. Le jeu devait se terminer vers minuit et demi.
Après un quart d'heure de visite poussée, le groupe revint dans le salon et s'installa sur le canapé. Je commençai l'explication de la soirée.
« Nous allons invoquer l'Homme de Minuit. Pour cela, nous allons nous placer juste après devant ma porte d'entrée en bois. Chacun écrira son prénom sur un papier, déposera une goutte de son sang avec l'aiguille qu'il étalera le plus possible, posera la bougie allumée sur le papier qui sera devant la porte. Il faudra que tout le monde tape 22 fois sur la porte et le dernier coup devra tomber parfaitement sur minuit pile ! Autrement, cela risque de mal tourner.
- Comment ça, mal tourner ? s'inquiéta Joann.
- Tu n'as pas à t'en faire, répondit Travis, on gère la situation.
- Cela fait, continuai-je, il faudra traverser la maison, bougie à la main. L'Homme de Minuit est un esprit, pas une personne à part entière. Vous devrez l'éviter à tout prix ! Si votre bougie s'éteint, c'est qu'il est proche. Vous aurez alors 10 secondes pour rallumer votre bougie avec les allumettes. Si vous n'y parvenez pas, vous devrez utiliser le sel que vous aurez pour faire un cercle autour de vous.
- Et si jamais on n'arrive pas à faire le cercle ? demanda Sally.
- L'Homme de Minuit viendra à votre rencontre, expliqua Travis, et vous vivrez votre pire cauchemar jusqu'à 3 h 33 précisément. »
D'un coup, Kevin éclata de rire.
« Que des conneries ! rigola-t-il.
- On verra à minuit, grogna Travis, mais viens pas pleurer si t'aperçois une ombre.
- On se calme, dis-je, maintenant, je vais expliquer ce qu'il ne faut ABSOLUMENT PAS faire. Interdiction de s'éclairer avec autre chose que la bougie, donc les portables seront éteints. Pas une seule lumière allumée, j'irai couper le disjoncteur après. Le jeu se termine à 3 h 33, interdiction d'aller dormir pendant ce temps. Mais le plus important : ne jamais, jamais, jamais provoquer l'Homme de Minuit. »
Kevin rigola encore plus fort que la première fois.
« Ne jamais, jamais, jamais provoquer l'Homme de Minuit, répéta-t-il avec une voix sinistre. Je sens que je vais bien me marrer tout à l'heure !
- Tais-toi, cria Travis, écris ton nom sur le papier et met une goutte de sang, tout le monde le fait, aller ! »
Chacun écrivit dans le silence son nom puis, avec l'aiguille, déposa sur les papiers une goutte de sang bien étalée.
« Bien, continuai-je en suçant mon doigt piqué, maintenant, je reviens, je vais éteindre les lumières. Pendant ce temps, allumez les bougies, récupérez votre boîte d'allumette et le sel !
Je descendis à la cave. Cela faisait des mois que je n'étais pas descendu, la poussière avait envahi le sol. Des toiles d'araignées gigantesques s'étaient formées dans les coins des murs. En me dirigeant vers le disjoncteur, j'entendis un faible ricanement. Un rire sinistre qui me fit trembler.
« Arrêtez, c'est pas drôle les gars ! dis-je en tremblant. Sortez de là ! »
Personne ne me répondit. « C'est ton imagination... » J'éteignis rapidement l'électricité et pris le chemin des escaliers lorsqu'un vent glacial me stoppa. Une voix faible me parla :
« ... ne te retourne pas... »
Tremblant de peur, je courus jusqu'en haut et fermai la porte de la cave à clé. En me retournant, une lumière blanche m'aveugla.
« Tout va bien ? demanda Sally. Tu es tout pâle !
- J'ai... je... non ça va, t'inquiète pas. »
Elle m'embrassa et me guida jusqu'à la porte d'entrée. Ils avaient disposé les bougies sur les papiers et se tenaient tous debout devant la grande porte en bois. Travis me tendit mon sel et ma boîte d'allumette.
« Viens à côté, dit-il, ta bougie est juste là. »
Je me mis en place et fixai mon cadran de montre. Il était 23 h 56.
1, tout le monde se tient droit, le visage faiblement éclairé par la lueur des bougies.
2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15. Je tremblais légèrement.
16, 17, 18, 19, 20.
« Préparez vous à éteindre vos bougies », déclara Travis.
21.
« Attention... »
Minuit pile. Vingt-deuxième coup. Nous avions compté juste. Tout le monde souffla sur les bougies. J'allai ouvrir la porte mais la poignée tourna légèrement d'elle-même. « Il est là ». J'entrouvris la porte, la refermai rapidement et, d'un coup sec, craquai une allumette. Ma bougie était allumée, Travis s'en était occupée.
« Le premier arrivé à la piscine a gagné ! rigola Joann.
- Bienvenue, Homme de Minuit », déclara d'une voix hautaine Kevin.
Tout le monde prit un chemin différent. Travis et moi étions restés devant la porte d'entrée.
« Je crois qu'ils n'ont pas bien imprimé le parcours, chuchotai-je.
- Tant pis pour eux, répondit-il, on les reverra dans trois heures en plein cauchemar. »
Sur ce, il prit la direction du salon. J'attendis quelques minutes avant de prendre la même direction que lui.
J'avais l'impression de ne pas visiter la même maison, que tout avait changé. L'atmosphère était lourde, pesante et glauque. J'entendais de temps en temps des rires, ceux de mes amis, mais parfois, j'entendais comme une respiration derrière moi, comme une personne qui me suivait tout doucement. D'un coup, ma bougie frôla l'extinction mais avec ma main, je la protégeai des coups de vent étranges.
Le salon avait changé, véritablement changé. Les meubles avaient bougé et des symboles étaient inscris sur les murs.
« Travis ? criai-je doucement. C'est toi qui a déplacé tout ça ? »
Pas un bruit. Pas une seule réponse. Mes pas résonnaient dans le salon, la table était renversée, la télévision me paraissait grésiller étrangement, quoique je fût certain qu'il n'y avait plus d'électricité.
Soudain, un grincement juste derrière moi, puis un souffle chaud dans mon cou. Ma bougie vacilla quelques secondes avant de faiblir dangereusement. Je tâtai vainement mes poches d'une main tremblante. « Non, tiens le coup, c'est pas le moment de sortir le sel. Prépare juste une allumette au cas où. »
Je m'immobilisai au milieu de ce salon que je ne reconnaissais pas. Ma bougie ne vacillait plus. J'étais dans un nouvel endroit, effrayant. Je voulais partir d'ici, mais je ne pouvais pas. Je regardai ma montre avec l'aide de ma bougie : 00 h 14. La nuit ne faisait que commencer.
J'avançai tout doucement vers la cuisine quand j'entendis un cri. Pas un cri de peur, ou autre, mais un râle sinistre provenant de l'étage, comme si une personne agonisait.
« Ça va ? », demandai-je.
Une voix chuchota à mon oreille.
« Ne jamais me défier... »
Je me retournai prestement, dans l'espoir de trouver Travis ou Kevin me faisant une blague, mais personne n'était derrière moi. Simplement le mur.
Deuxième cri d'agonie.
« Je... J'arrive ! », déclarai-je.
Je fis demi-tour et me dirigeai vers l'escalier. Le premier étage était composé d'une salle de bain, de ma salle de jeux avec mes consoles et mon ordinateur et d'une chambre d'ami.
En arrivant devant les escaliers, ils me semblaient beaucoup plus long. « Tant pis, il faut que j'aille voir. »
Je montai tout doucement quand quelque chose tomba sur mes cheveux. Une goutte. Je touchai en tremblant mon crâne et éclairai mes doigts à la bougie. Du sang. Du sang avait coulé sur mes cheveux.
Je n'osai pas relever la tête, je tremblais de tout mon corps et ma bougie ne vacillait pas. L'Homme de Minuit n'était pas à côté. Je continuai mon ascension vers le premier étage, en essayant d'ignorer les gouttes de sang qui me coulaient sur le haut du crâne.
Arrivé au premier étage, tous les cadres étaient tombés par terre. Des pentacles étaient dessinés sur les murs, des yeux étaient dessinés avec une couleur que je mis du temps à identifier. Un rouge pourpre. « Du sang... ». Le couloir s'était aussi allongé, offrant quatre nouvelles portes. « C'est impossible, c'est un cauchemar... ».
Troisième cri. Il provenait de ma salle de jeu. J'avançai tout doucement vers la salle puis me baissai pour essayer de distinguer de la lumière sous la porte. Rien. L'Homme de Minuit avait dû avoir l'un d'entre nous dans la salle. « Comment il s'est retrouvé ici ? J'espère qu'il a fait le cercle de sel... »
« Qui est là ? » demandai-je, l'oreille collée à la porte.
Un autre cri.
« Je rentre ! »
La porte grinça sur ses gonds. Dès le premier pas que je fis dans la pièce, plusieurs bougies s'allumèrent autour de moi. Un véritable cauchemar.
Kevin était là, au centre de la pièce. Il était cloué au sol, par les mains, les pieds et le ventre. Il était dans un pentacle, dessiné avec son propre sang.
« Oh... oh mon Dieu... Kevin... c'est... »
Je n'eus pas le temps de finir ma phrase que je vomis tout mon repas par terre.
« Pars d'ici, cracha-t-il. Ne reviens pas, ou Il sera là. Il faut que... »
Ses yeux regardaient dans toutes les directions. Les bougies installées dans la salle à la place de mes consoles, de ma télé et de l'ordinateur vacillèrent.
« Il est là, murmura-t-il. Fuit maintenant ! Tu as encore le temps... »
Je rebroussai chemin, sans le lâcher des yeux. « Je suis désolé... ». Il hurla de nouveau et toutes les bougies s'éteignirent. Repensant aux règles, j'allumai une allumette et ma bougie était de nouveau étincelante. Une ombre était apparue devant moi, mais en voyant la bougie, elle disparut en courant vers le rez-de-chaussée. En me retournant pour jeter un dernier regard à Kevin, je vis qu'il avait disparu, laissant place à une large flaque de sang.
00 h 42. J'avais fouillé tout le premier étage, je n'avais rien trouvé. Les nouvelles portes amenaient dans des pièces vides, sans aucun intérêt. Seule une pièce inconnue était fermée à clé, au fond du couloir, et un filet de lumière sortait par le trou de la serrure. La salle de bain était maculée de sang, et remplie de ce qui me semblait être de nombreux outils de torture, je ne savais pas exactement. Après plusieurs minutes de recherche, je décidai de redescendre dans le salon et de continuer le chemin vers la piscine.
Le salon avait encore changé, la télévision était débranchée, on pouvait voir le câble au milieu du salon, mais elle continuait de grésiller.
Je décidai de ne pas m'attarder à cet endroit et continuai mon chemin vers la cuisine. Bizarrement, rien n'avait changé. Quelqu'un avait placé une simple bougie sur le bar, histoire d'éclairer un peu plus la pièce, mais sinon, pas d'inscription satanique sur les murs, pas d'objets détruits ou de couteaux couverts de sang. Tout était impeccable. Jusqu'au souffle.
Un souffle éteignit toutes les sources de lumière, et je me retrouvai dans le noir total quelques secondes, le temps que je rallumai ma bougie. « C'est... c'est impossible... ».
Tout avait changé à nouveau ! Le bar, qui était alors à ma droite, se trouvait en face de moi, un pentacle géant était dessiné sur le sol, une traînée de sang se trouvait en face de moi, continuant vers le couloir.
« Je le savais, on n'aurait jamais dû jouer à ça... »
Je suivis la traînée de sang. Plus j'avançais et plus elle s'étendait. Elle devait normalement suivre le couloir et arriver dans ma chambre ou une autre pièce mais non, elle tourna vers la gauche et alla vers un escalier. Un escalier était apparu dans ma maison. Il montait encore plus haut que le premier escalier. « Un deuxième étage ? ». Je ne savais pas quoi faire, mais j'avais trop peur pour l'emprunter. J'allai continuer mon chemin vers ma chambre quand une voix me stoppa.
« Josh ? Viens, s'il te plaît... viens m'aider... je t'aime Josh... »
Cette voix. C'était Sally.
« Sally ? C'est toi ? »
J'avais les larmes aux yeux. J'entendais enfin une voix que je connaissais.
« Viens... je t'aime, j'ai besoin de toi... pourquoi tu veux m'abandonner Josh ? »
La voix venait d'en haut des escaliers, de ces fameux escaliers. Je fis tout de suite le lien entre Sally et la traînée de sang. « Non, ce n'est pas possible... »
« J'arrive Sally ! Attends-moi !
- Pourquoi tu m'as abandonnée Josh ? Pourquoi tu m'as laissée ? »
Plus je montais, plus la voix était forte.
« Je ne t'ai pas abandonnée ! Ce n'est pas vrai !
- Tu t'éloignes de moi, pourquoi ?
- Mais j'arrive Sally ! »
Une porte se dessina avec la faible lueur de la bougie. Il fallait que je l'aide, que je la sorte de là, de cet enfer. Mais je ne reconnaissais pas sa voix. À l'intérieur de moi, j'avais un doute, j'avais peur que ça soit un piège. Mais elle continuait à m'appeler, et je ne pouvais pas la laisser ici.
J'allais actionner la poignée quand une voix m'appela.
« Redescends, Josh ! Ce n'est pas elle ! »
C'était Travis, c'était sa voix.
« Mais elle est là !
- Ce n'est pas elle, redescends vite ! On se rejoint à la piscine, ça va pas du tout, là ! »
Je redescendis en vitesse, en essayant de ne pas faire attention à la fausse voix de Sally.
« Je souffre Josh... et tu me laisses là... tu ne m'aimes pas Josh, tu ne m'as jamais aimée... j'ai mal... j'ai mal... »
La voix continuait de répéter « j'ai mal » comme un CD rayé. Une fois arrivé en bas, elle se tut. Je repris mon chemin vers ma chambre, complètement chamboulé.
La porte de ma chambre était entrouverte. En me retournant une dernière fois, je vis une ombre avancer tout doucement vers nous, comme si elle nous suivait. Mais le pire, c'était que je n'arrivais pas à distinguer les escaliers que je venais d'emprunter. Ils avaient disparu.
« Elle veut pas s'ouvrir ta baie vitrée ! »
Travis tentait, en vain, d'ouvrir la fenêtre. Il avait posé sa bougie sur ma table de chevet.
« Regarde, me dit-il, ta putain de piscine est juste derrière. On est à quelques mètres de la victoire ! Et ta baie vitrée veut pas s'ouvrir, bordel ! »
J'essayai à mon tour : rien à faire, elle était complètement bloquée.
« Bah merde, on a essayé juste avant, ça marchait impec'...
- Ouais mais là tu vois, c'est un peu un bordel monstre ! On n'est plus que deux, il y a du sang partout et des trucs de Satan sur les murs...
- Balance un truc contre la fenêtre, tant pis si je me fais engueuler, faut sortir de là ! »
Il posa sa bougie par terre et attrapa ma table de chevet.
« Écarte toi ! »
Il lança de toutes ses forces la table contre la vitre. Pendant ces quelques secondes, je me sentais enfin libre, nous allions nous en sortir, sauver les autres, ne plus vivre ce cauchemar. Mais nos rêves furent vite estompés.
La table rebondit contre la vitre, sans même lui faire la moindre marque d'impact.
« C'est pas possible... chuchotai-je.
- Attends, je vais réessayer ! », répondit-il.
Rebelote. La table retomba au sol et se cassa en plusieurs morceaux. De rage, Travis se jeta sur la fenêtre et frappa de toutes ses forces avec ses poings. Il avait les mains en sang, mais il n'y faisait pas attention, il frappait de toutes ses forces, malgré la douleur.
« Laisse tomber Travis, murmurai-je. Il faut attendre... »
Il s'écroula par terre, en larme.
« J'en peux plus... dit-il entre deux sanglots. Je veux en finir... »
Je pris le sel de sa poche et fis un cercle autour de lui.
« D'après les règles, tu ne risques rien ici, alors reste là et attends 3 h 33 ! Il est exactement... »
Mon espoir disparut dès l'instant où je vis l'heure : 0 h 56.
« C'est pas possible, il est au moins 1 h 30, pas 1 h 00 ! Le temps passe moins vite ou quoi ?
- Je viens avec toi, dit Travis en repoussant le sel, je vais pas rester ici tout seul ! Il faut retrouver les autres ! »
Décidés, nous repartîmes vers le salon, puis vers la porte d'entrée.
Les meubles n'arrêtaient pas de changer de place, de nouveaux symboles apparaissaient, les voix étaient plus présentes. Il fallait sortir de ce cauchemar. Soudain, je me souvins de la porte bloquée au premier étage.
« Il y a une porte en haut qui est fermée, dis-je. Ça se trouve, c'est une sortie ou un truc dans le genre !
- Ça vaut le coup d'essayer, au point où on en est... »
Nous montâmes les escaliers tout doucement, les voix se rapprochaient dangereusement de nous. Malgré les ombres et les murmures, nous avancions vers la fameuse porte. Alors que nous étions à quelques mètres, un coup de vent éteignit nos bougies. Je n'eus aucun mal à rallumer la mienne, mais Travis avait plus de mal : ses allumettes ne fonctionnaient pas.
« Merde... allume toi... souffla-t-il.
- Dépêche toi, t'as quelques secondes ! Sinon, utilise le... »
Le sel. Il n'avait pas de sel, je l'avais gaspillé quand nous étions dans ma chambre.
Nous nous regardâmes. Je lus de la peur et de la haine dans son regard. Il savait qu'il allait y passer. C'était trop tard pour lutter. Il lâcha sa bougie, essaya de murmurer quelque chose, mais c'était trop tard.
Quelque chose le tira par les jambes. Il hurla à la mort mais l'ombre le tira vers la salle de jeu, là où Kevin était mort. Je n'osais même pas imaginer ce qu'il allait subir.
« Je suis désolé Travis... »
Je n'eus aucune réponse. J'étais seul.
J'arrivai en face de la porte et posai ma main sur la poignée. La lumière était plus intense qu'avant et éclairait une petite partie du couloir. Je tournai par automatisme la poignée, j'avais déjà essayé avant et la porte était fermée, mais là, c'était ouvert. La porte était ouverte ! Nous étions si près du but, et Travis... je devais avancer, sortir de là et prévenir les secours. J'ouvris la porte et une lumière blanche m'aveugla.
« Ça y est ! Je vais sortir d'ici ! »
Je fis un premier pas dans la lumière et d'un coup, je me sentis plus léger, serein, en sécurité. C'est alors que j'ai fermé les yeux.
Silence.
Chuchotements.
Je sentais... je sentais des personnes autour de moi.
« Il se réveille ! »
La lumière. Une lumière m'aveuglait.
J'ouvrais les yeux mais c'était flou.
« Ça va Josh ? »
C'était Sally, avec le groupe. Il y avait Travis, Kevin et Joann.
« Qu'est-ce qui s'est passé ? demandai-je.
- On jouait au jeu, raconta Travis, et on t'a entendu hurler à la mort donc on est venu te voir ! Tu étais pâle comme un linge, limite gris ! T'avais pas de sel et ta bougie était éteinte ! T'as dû te faire avoir par l'Homme de Minuit ! »
J'en croyais pas mes oreilles, je m'étais fait avoir comme un Bleu. L'Homme de Minuit m'a eu dès le début !
« Alors, ce n'était qu'un cauchemar !
- Oui ! Tu n'as plus à t'en faire maintenant, me rassura Sally en me prenant dans ses bras.
- Mais, quelle heure il est ? demandai-je.
- Il doit être deux heures, répondit Travis.
- Et vous avez rallumé les lumières... ?
- Bah oui, pourquoi ? »
Un silence s'abattit sur la maison. Un silence surnaturel. Les lumières s'éteignirent d'un seul coup. Le cauchemar recommença.
Drame pendant Halloween.
Cinq adolescents ont été retrouvés massacrés dans la maison de l'un d'eux. Il semblerait qu'ils jouaient à un jeu nommé : l'Homme de Minuit, basé sur des faits paranormaux.
Une enquête est en cours sur les circonstances du massacre. Les autorités privilégieraient l'hypothèse du coup de folie de l'un des adolescents.
Un seul indice semblerait être associé à la cause paranormal : un message inscrit avec le sang d'une victime sur un mur : « Ne jamais contrarier l'Homme de Minuit... »
« On te laisse la maison, Josh ! », cria ma mère du rez-de-chaussée.
Je jetai discrètement un œil à ma montre : 19 h 30. « Parfait, comme prévu... », pensai-je joyeusement.
« Josh ! Viens ici tout de suite ! », continua mon père.
Je descendis les escaliers rapidement, frôlant la chute. Mes parents m'attendaient devant la massive porte d'entrée en bois.
« Bon, je t'explique les règles, commença-t-il, tu as le droit d'inviter des amis mais vous restez calme, vous répondez aux enfants qui tapent à la porte, les bonbons sont dans la cuisine ! Tu nous appelles à 23 heures sur mon portable !
- Oui, je sais, je connais les règles !
- On rentre demain après midi, on dormira à l'hôtel, termina ma mère, en cas de problème de toute façon, il y a les voisins !
- Je sais, j'irai les voir au cas où ! »
Mon père me dévisagea avec insistance.
« Pas d'alcool...
- ...ni de drogue ! Quand même papa, tu me fais confiance, non ?
- Oui, oui. Bon, à demain ! »
Ils m'embrassèrent chacun leur tour avant de partir dans la voiture. Dès que la lumière des phares disparut, je me mis à la préparation de notre soirée.
J'avais invité quelques amis pour fêter Halloween, nous allions faire une soirée inoubliable. Le sel, les bougies, tout était prêt. Nous allions garder les bonbons pour nous, j'avais posé sur la porte une feuille indiquant que nous ne participions pas à Halloween, les enfants n'allaient pas nous déranger.
Vers 20 h 30, mes amis arrivèrent. Pas un seul en retard. Il y avait mon meilleur ami Travis, ma petite amie Sally, une de ses amies Joann et un autre ami à moi, Kevin.
Ils entrèrent rapidement, le temps s'était étrangement assombri et des nuages effrayant s'étaient formés.
« Salut ! dis-je en ouvrant la porte. Entrez vite, les pizzas sont prêtes, installez vous dans le salon ! »
J'embrassai ma petite amie qui prit tout de suite la direction des canapés en guidant Kevin et Joann. C'était la première fois qu'ils venaient chez moi, et il faut dire que ma maison était plutôt imposante : grandes portes en bois massif, charpente visible et plus de 200 mètres carrés de rez-de-chaussée, le terrain idéal pour notre projet nocturne.
Notre petit jeu, je l'avais organisé avec Travis. On avait mis le nez dessus en fouillant sur internet, sur un site racontant des histoires paranormales. Personne ne l'avait véritablement essayé, et ceux qui avaient tenté le recommandaient fortement pour ceux qui voulaient des sensations fortes.
Tout le monde à cette soirée avait accepté de participer, sans rechigner, mais ils ne savaient pas de quoi il s'agissait. On leur avait juste dit que ça allait être « effrayant. »
Sally étant une adepte du surnaturel, elle avait accepté la première, et avait motivé Kevin et Joann.
Alors que tout le monde était installé dans le canapé, Travis m'aida à sortir le repas du four et à répartir le matériel nécessaire par candidat.
« Ça suffira, à ton avis ? demandai-je à Travis.
- T'inquiète, j'ai aussi ramené quelques bières et une bouteille de vodka histoire de nous mettre dans l'ambiance ! »
Je restai sceptique lorsqu'il m'annonça son « cadeau ».
« Ouais, mais pas d'abus hein ! J'ai promis à mon père que...
- Il ne remarquera même pas une bouteille de panaché avec moi, t'as pas de souci à te faire ! »
Malgré toute la préparation et l'organisation dont on avait fait preuve, j'avais un peu peur que ça tourne mal. « C'est pas vrai, ce ne sont que des histoires, calme toi... ».
22 h 30. Les pizzas étaient mangées et on était avachis sur le canapé, devant un film d'horreur. Sally était blottie dans mes bras, Joann avait tenté une approche sur Kevin, qui s'était révélée victorieuse. Travis, quant à lui, commentait les effets gores du film mal fait, son verre de vodka à la main.
« H-1,5, me chuchota-t-il.
- Tais toi, j'écoute », répondis-je en rigolant et en le repoussant.
Il rigola et s'installa plus profondément dans le fauteuil de cuir.
23 h 30. Le film venait juste de se terminer quand Travis se leva.
« Je vais au toilette, je reviens », déclara-t-il.
En passant devant moi, il me donna un léger coup de coude et m'appela discrètement. Nous nous dirigeâmes alors vers la cuisine.
« T'as vraiment tout ce qu'il faut ? Papiers, crayons, aiguilles, bougies, allumettes, sel ?
- Oui oui, t'inquiète pas, j'ai tout préparé, répondis-je, mais je le sens mal...
- T'as pas à t'en faire, c'est qu'un jeu ! En quoi ça pourrait mal tourner ? Tu sais toi même que les fantômes n'existent pas et c'est toi qui es le premier à crier haut et fort que c'est des conneries !
- Ouais, mais bon... je sais pas...
- C'est qu'un jeu, on va flipper, et voilà ! Aller, on va expliquer les règles ! »
Nous emmenâmes le matériel dans le salon. Tout le petit groupe fut étonné de nous voir débarquer avec autant de babioles.
« C'est pour la surprise ça ? demanda Sally.
- Oui, répondis-je en répartissant les objets. Vas-y Travis, explique en quoi ça consiste !
- Nous allons faire ce soir le Jeu de Minuit. Pour faire simple, nous avons jusqu'à 3 h 33 précise à partir de minuit pour traverser la maison de Josh. Étant donné pour que Kevin et Joann, c'est la première fois qu'ils viennent ici, nous allons faire la visite de la maison et le trajet à effectuer. Sally, tu nous accompagnes pendant que ton copain prépare le matériel ?
- OK ! À tout de suite, Josh ! »
Elle m'embrassa avant de partir avec les autres, me laissant seul dans le salon.
Je répartis les bougies nous permettant de nous déplacer dans le noir, avec une boîte d'allumette par personne, le papier et le crayon. Chacun avait aussi une aiguille, pour la goutte de sang. Cette dernière était obligatoire pour l'invocation.
Le trajet à effectuer était assez simple : il fallait traverser le salon, la cuisine, le long couloir débouchant sur ma chambre et sortir par la baie vitrée donnant sur la piscine extérieur. En gros, il fallait cinq minutes avec les lumières pour traverser tout ça. Le jeu devait se terminer vers minuit et demi.
Après un quart d'heure de visite poussée, le groupe revint dans le salon et s'installa sur le canapé. Je commençai l'explication de la soirée.
« Nous allons invoquer l'Homme de Minuit. Pour cela, nous allons nous placer juste après devant ma porte d'entrée en bois. Chacun écrira son prénom sur un papier, déposera une goutte de son sang avec l'aiguille qu'il étalera le plus possible, posera la bougie allumée sur le papier qui sera devant la porte. Il faudra que tout le monde tape 22 fois sur la porte et le dernier coup devra tomber parfaitement sur minuit pile ! Autrement, cela risque de mal tourner.
- Comment ça, mal tourner ? s'inquiéta Joann.
- Tu n'as pas à t'en faire, répondit Travis, on gère la situation.
- Cela fait, continuai-je, il faudra traverser la maison, bougie à la main. L'Homme de Minuit est un esprit, pas une personne à part entière. Vous devrez l'éviter à tout prix ! Si votre bougie s'éteint, c'est qu'il est proche. Vous aurez alors 10 secondes pour rallumer votre bougie avec les allumettes. Si vous n'y parvenez pas, vous devrez utiliser le sel que vous aurez pour faire un cercle autour de vous.
- Et si jamais on n'arrive pas à faire le cercle ? demanda Sally.
- L'Homme de Minuit viendra à votre rencontre, expliqua Travis, et vous vivrez votre pire cauchemar jusqu'à 3 h 33 précisément. »
D'un coup, Kevin éclata de rire.
« Que des conneries ! rigola-t-il.
- On verra à minuit, grogna Travis, mais viens pas pleurer si t'aperçois une ombre.
- On se calme, dis-je, maintenant, je vais expliquer ce qu'il ne faut ABSOLUMENT PAS faire. Interdiction de s'éclairer avec autre chose que la bougie, donc les portables seront éteints. Pas une seule lumière allumée, j'irai couper le disjoncteur après. Le jeu se termine à 3 h 33, interdiction d'aller dormir pendant ce temps. Mais le plus important : ne jamais, jamais, jamais provoquer l'Homme de Minuit. »
Kevin rigola encore plus fort que la première fois.
« Ne jamais, jamais, jamais provoquer l'Homme de Minuit, répéta-t-il avec une voix sinistre. Je sens que je vais bien me marrer tout à l'heure !
- Tais-toi, cria Travis, écris ton nom sur le papier et met une goutte de sang, tout le monde le fait, aller ! »
Chacun écrivit dans le silence son nom puis, avec l'aiguille, déposa sur les papiers une goutte de sang bien étalée.
« Bien, continuai-je en suçant mon doigt piqué, maintenant, je reviens, je vais éteindre les lumières. Pendant ce temps, allumez les bougies, récupérez votre boîte d'allumette et le sel !
Je descendis à la cave. Cela faisait des mois que je n'étais pas descendu, la poussière avait envahi le sol. Des toiles d'araignées gigantesques s'étaient formées dans les coins des murs. En me dirigeant vers le disjoncteur, j'entendis un faible ricanement. Un rire sinistre qui me fit trembler.
« Arrêtez, c'est pas drôle les gars ! dis-je en tremblant. Sortez de là ! »
Personne ne me répondit. « C'est ton imagination... » J'éteignis rapidement l'électricité et pris le chemin des escaliers lorsqu'un vent glacial me stoppa. Une voix faible me parla :
« ... ne te retourne pas... »
Tremblant de peur, je courus jusqu'en haut et fermai la porte de la cave à clé. En me retournant, une lumière blanche m'aveugla.
« Tout va bien ? demanda Sally. Tu es tout pâle !
- J'ai... je... non ça va, t'inquiète pas. »
Elle m'embrassa et me guida jusqu'à la porte d'entrée. Ils avaient disposé les bougies sur les papiers et se tenaient tous debout devant la grande porte en bois. Travis me tendit mon sel et ma boîte d'allumette.
« Viens à côté, dit-il, ta bougie est juste là. »
Je me mis en place et fixai mon cadran de montre. Il était 23 h 56.
1, tout le monde se tient droit, le visage faiblement éclairé par la lueur des bougies.
2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15. Je tremblais légèrement.
16, 17, 18, 19, 20.
« Préparez vous à éteindre vos bougies », déclara Travis.
21.
« Attention... »
Minuit pile. Vingt-deuxième coup. Nous avions compté juste. Tout le monde souffla sur les bougies. J'allai ouvrir la porte mais la poignée tourna légèrement d'elle-même. « Il est là ». J'entrouvris la porte, la refermai rapidement et, d'un coup sec, craquai une allumette. Ma bougie était allumée, Travis s'en était occupée.
« Le premier arrivé à la piscine a gagné ! rigola Joann.
- Bienvenue, Homme de Minuit », déclara d'une voix hautaine Kevin.
Tout le monde prit un chemin différent. Travis et moi étions restés devant la porte d'entrée.
« Je crois qu'ils n'ont pas bien imprimé le parcours, chuchotai-je.
- Tant pis pour eux, répondit-il, on les reverra dans trois heures en plein cauchemar. »
Sur ce, il prit la direction du salon. J'attendis quelques minutes avant de prendre la même direction que lui.
J'avais l'impression de ne pas visiter la même maison, que tout avait changé. L'atmosphère était lourde, pesante et glauque. J'entendais de temps en temps des rires, ceux de mes amis, mais parfois, j'entendais comme une respiration derrière moi, comme une personne qui me suivait tout doucement. D'un coup, ma bougie frôla l'extinction mais avec ma main, je la protégeai des coups de vent étranges.
Le salon avait changé, véritablement changé. Les meubles avaient bougé et des symboles étaient inscris sur les murs.
« Travis ? criai-je doucement. C'est toi qui a déplacé tout ça ? »
Pas un bruit. Pas une seule réponse. Mes pas résonnaient dans le salon, la table était renversée, la télévision me paraissait grésiller étrangement, quoique je fût certain qu'il n'y avait plus d'électricité.
Soudain, un grincement juste derrière moi, puis un souffle chaud dans mon cou. Ma bougie vacilla quelques secondes avant de faiblir dangereusement. Je tâtai vainement mes poches d'une main tremblante. « Non, tiens le coup, c'est pas le moment de sortir le sel. Prépare juste une allumette au cas où. »
Je m'immobilisai au milieu de ce salon que je ne reconnaissais pas. Ma bougie ne vacillait plus. J'étais dans un nouvel endroit, effrayant. Je voulais partir d'ici, mais je ne pouvais pas. Je regardai ma montre avec l'aide de ma bougie : 00 h 14. La nuit ne faisait que commencer.
J'avançai tout doucement vers la cuisine quand j'entendis un cri. Pas un cri de peur, ou autre, mais un râle sinistre provenant de l'étage, comme si une personne agonisait.
« Ça va ? », demandai-je.
Une voix chuchota à mon oreille.
« Ne jamais me défier... »
Je me retournai prestement, dans l'espoir de trouver Travis ou Kevin me faisant une blague, mais personne n'était derrière moi. Simplement le mur.
Deuxième cri d'agonie.
« Je... J'arrive ! », déclarai-je.
Je fis demi-tour et me dirigeai vers l'escalier. Le premier étage était composé d'une salle de bain, de ma salle de jeux avec mes consoles et mon ordinateur et d'une chambre d'ami.
En arrivant devant les escaliers, ils me semblaient beaucoup plus long. « Tant pis, il faut que j'aille voir. »
Je montai tout doucement quand quelque chose tomba sur mes cheveux. Une goutte. Je touchai en tremblant mon crâne et éclairai mes doigts à la bougie. Du sang. Du sang avait coulé sur mes cheveux.
Je n'osai pas relever la tête, je tremblais de tout mon corps et ma bougie ne vacillait pas. L'Homme de Minuit n'était pas à côté. Je continuai mon ascension vers le premier étage, en essayant d'ignorer les gouttes de sang qui me coulaient sur le haut du crâne.
Arrivé au premier étage, tous les cadres étaient tombés par terre. Des pentacles étaient dessinés sur les murs, des yeux étaient dessinés avec une couleur que je mis du temps à identifier. Un rouge pourpre. « Du sang... ». Le couloir s'était aussi allongé, offrant quatre nouvelles portes. « C'est impossible, c'est un cauchemar... ».
Troisième cri. Il provenait de ma salle de jeu. J'avançai tout doucement vers la salle puis me baissai pour essayer de distinguer de la lumière sous la porte. Rien. L'Homme de Minuit avait dû avoir l'un d'entre nous dans la salle. « Comment il s'est retrouvé ici ? J'espère qu'il a fait le cercle de sel... »
« Qui est là ? » demandai-je, l'oreille collée à la porte.
Un autre cri.
« Je rentre ! »
La porte grinça sur ses gonds. Dès le premier pas que je fis dans la pièce, plusieurs bougies s'allumèrent autour de moi. Un véritable cauchemar.
Kevin était là, au centre de la pièce. Il était cloué au sol, par les mains, les pieds et le ventre. Il était dans un pentacle, dessiné avec son propre sang.
« Oh... oh mon Dieu... Kevin... c'est... »
Je n'eus pas le temps de finir ma phrase que je vomis tout mon repas par terre.
« Pars d'ici, cracha-t-il. Ne reviens pas, ou Il sera là. Il faut que... »
Ses yeux regardaient dans toutes les directions. Les bougies installées dans la salle à la place de mes consoles, de ma télé et de l'ordinateur vacillèrent.
« Il est là, murmura-t-il. Fuit maintenant ! Tu as encore le temps... »
Je rebroussai chemin, sans le lâcher des yeux. « Je suis désolé... ». Il hurla de nouveau et toutes les bougies s'éteignirent. Repensant aux règles, j'allumai une allumette et ma bougie était de nouveau étincelante. Une ombre était apparue devant moi, mais en voyant la bougie, elle disparut en courant vers le rez-de-chaussée. En me retournant pour jeter un dernier regard à Kevin, je vis qu'il avait disparu, laissant place à une large flaque de sang.
00 h 42. J'avais fouillé tout le premier étage, je n'avais rien trouvé. Les nouvelles portes amenaient dans des pièces vides, sans aucun intérêt. Seule une pièce inconnue était fermée à clé, au fond du couloir, et un filet de lumière sortait par le trou de la serrure. La salle de bain était maculée de sang, et remplie de ce qui me semblait être de nombreux outils de torture, je ne savais pas exactement. Après plusieurs minutes de recherche, je décidai de redescendre dans le salon et de continuer le chemin vers la piscine.
Le salon avait encore changé, la télévision était débranchée, on pouvait voir le câble au milieu du salon, mais elle continuait de grésiller.
Je décidai de ne pas m'attarder à cet endroit et continuai mon chemin vers la cuisine. Bizarrement, rien n'avait changé. Quelqu'un avait placé une simple bougie sur le bar, histoire d'éclairer un peu plus la pièce, mais sinon, pas d'inscription satanique sur les murs, pas d'objets détruits ou de couteaux couverts de sang. Tout était impeccable. Jusqu'au souffle.
Un souffle éteignit toutes les sources de lumière, et je me retrouvai dans le noir total quelques secondes, le temps que je rallumai ma bougie. « C'est... c'est impossible... ».
Tout avait changé à nouveau ! Le bar, qui était alors à ma droite, se trouvait en face de moi, un pentacle géant était dessiné sur le sol, une traînée de sang se trouvait en face de moi, continuant vers le couloir.
« Je le savais, on n'aurait jamais dû jouer à ça... »
Je suivis la traînée de sang. Plus j'avançais et plus elle s'étendait. Elle devait normalement suivre le couloir et arriver dans ma chambre ou une autre pièce mais non, elle tourna vers la gauche et alla vers un escalier. Un escalier était apparu dans ma maison. Il montait encore plus haut que le premier escalier. « Un deuxième étage ? ». Je ne savais pas quoi faire, mais j'avais trop peur pour l'emprunter. J'allai continuer mon chemin vers ma chambre quand une voix me stoppa.
« Josh ? Viens, s'il te plaît... viens m'aider... je t'aime Josh... »
Cette voix. C'était Sally.
« Sally ? C'est toi ? »
J'avais les larmes aux yeux. J'entendais enfin une voix que je connaissais.
« Viens... je t'aime, j'ai besoin de toi... pourquoi tu veux m'abandonner Josh ? »
La voix venait d'en haut des escaliers, de ces fameux escaliers. Je fis tout de suite le lien entre Sally et la traînée de sang. « Non, ce n'est pas possible... »
« J'arrive Sally ! Attends-moi !
- Pourquoi tu m'as abandonnée Josh ? Pourquoi tu m'as laissée ? »
Plus je montais, plus la voix était forte.
« Je ne t'ai pas abandonnée ! Ce n'est pas vrai !
- Tu t'éloignes de moi, pourquoi ?
- Mais j'arrive Sally ! »
Une porte se dessina avec la faible lueur de la bougie. Il fallait que je l'aide, que je la sorte de là, de cet enfer. Mais je ne reconnaissais pas sa voix. À l'intérieur de moi, j'avais un doute, j'avais peur que ça soit un piège. Mais elle continuait à m'appeler, et je ne pouvais pas la laisser ici.
J'allais actionner la poignée quand une voix m'appela.
« Redescends, Josh ! Ce n'est pas elle ! »
C'était Travis, c'était sa voix.
« Mais elle est là !
- Ce n'est pas elle, redescends vite ! On se rejoint à la piscine, ça va pas du tout, là ! »
Je redescendis en vitesse, en essayant de ne pas faire attention à la fausse voix de Sally.
« Je souffre Josh... et tu me laisses là... tu ne m'aimes pas Josh, tu ne m'as jamais aimée... j'ai mal... j'ai mal... »
La voix continuait de répéter « j'ai mal » comme un CD rayé. Une fois arrivé en bas, elle se tut. Je repris mon chemin vers ma chambre, complètement chamboulé.
La porte de ma chambre était entrouverte. En me retournant une dernière fois, je vis une ombre avancer tout doucement vers nous, comme si elle nous suivait. Mais le pire, c'était que je n'arrivais pas à distinguer les escaliers que je venais d'emprunter. Ils avaient disparu.
« Elle veut pas s'ouvrir ta baie vitrée ! »
Travis tentait, en vain, d'ouvrir la fenêtre. Il avait posé sa bougie sur ma table de chevet.
« Regarde, me dit-il, ta putain de piscine est juste derrière. On est à quelques mètres de la victoire ! Et ta baie vitrée veut pas s'ouvrir, bordel ! »
J'essayai à mon tour : rien à faire, elle était complètement bloquée.
« Bah merde, on a essayé juste avant, ça marchait impec'...
- Ouais mais là tu vois, c'est un peu un bordel monstre ! On n'est plus que deux, il y a du sang partout et des trucs de Satan sur les murs...
- Balance un truc contre la fenêtre, tant pis si je me fais engueuler, faut sortir de là ! »
Il posa sa bougie par terre et attrapa ma table de chevet.
« Écarte toi ! »
Il lança de toutes ses forces la table contre la vitre. Pendant ces quelques secondes, je me sentais enfin libre, nous allions nous en sortir, sauver les autres, ne plus vivre ce cauchemar. Mais nos rêves furent vite estompés.
La table rebondit contre la vitre, sans même lui faire la moindre marque d'impact.
« C'est pas possible... chuchotai-je.
- Attends, je vais réessayer ! », répondit-il.
Rebelote. La table retomba au sol et se cassa en plusieurs morceaux. De rage, Travis se jeta sur la fenêtre et frappa de toutes ses forces avec ses poings. Il avait les mains en sang, mais il n'y faisait pas attention, il frappait de toutes ses forces, malgré la douleur.
« Laisse tomber Travis, murmurai-je. Il faut attendre... »
Il s'écroula par terre, en larme.
« J'en peux plus... dit-il entre deux sanglots. Je veux en finir... »
Je pris le sel de sa poche et fis un cercle autour de lui.
« D'après les règles, tu ne risques rien ici, alors reste là et attends 3 h 33 ! Il est exactement... »
Mon espoir disparut dès l'instant où je vis l'heure : 0 h 56.
« C'est pas possible, il est au moins 1 h 30, pas 1 h 00 ! Le temps passe moins vite ou quoi ?
- Je viens avec toi, dit Travis en repoussant le sel, je vais pas rester ici tout seul ! Il faut retrouver les autres ! »
Décidés, nous repartîmes vers le salon, puis vers la porte d'entrée.
Les meubles n'arrêtaient pas de changer de place, de nouveaux symboles apparaissaient, les voix étaient plus présentes. Il fallait sortir de ce cauchemar. Soudain, je me souvins de la porte bloquée au premier étage.
« Il y a une porte en haut qui est fermée, dis-je. Ça se trouve, c'est une sortie ou un truc dans le genre !
- Ça vaut le coup d'essayer, au point où on en est... »
Nous montâmes les escaliers tout doucement, les voix se rapprochaient dangereusement de nous. Malgré les ombres et les murmures, nous avancions vers la fameuse porte. Alors que nous étions à quelques mètres, un coup de vent éteignit nos bougies. Je n'eus aucun mal à rallumer la mienne, mais Travis avait plus de mal : ses allumettes ne fonctionnaient pas.
« Merde... allume toi... souffla-t-il.
- Dépêche toi, t'as quelques secondes ! Sinon, utilise le... »
Le sel. Il n'avait pas de sel, je l'avais gaspillé quand nous étions dans ma chambre.
Nous nous regardâmes. Je lus de la peur et de la haine dans son regard. Il savait qu'il allait y passer. C'était trop tard pour lutter. Il lâcha sa bougie, essaya de murmurer quelque chose, mais c'était trop tard.
Quelque chose le tira par les jambes. Il hurla à la mort mais l'ombre le tira vers la salle de jeu, là où Kevin était mort. Je n'osais même pas imaginer ce qu'il allait subir.
« Je suis désolé Travis... »
Je n'eus aucune réponse. J'étais seul.
J'arrivai en face de la porte et posai ma main sur la poignée. La lumière était plus intense qu'avant et éclairait une petite partie du couloir. Je tournai par automatisme la poignée, j'avais déjà essayé avant et la porte était fermée, mais là, c'était ouvert. La porte était ouverte ! Nous étions si près du but, et Travis... je devais avancer, sortir de là et prévenir les secours. J'ouvris la porte et une lumière blanche m'aveugla.
« Ça y est ! Je vais sortir d'ici ! »
Je fis un premier pas dans la lumière et d'un coup, je me sentis plus léger, serein, en sécurité. C'est alors que j'ai fermé les yeux.
Silence.
Chuchotements.
Je sentais... je sentais des personnes autour de moi.
« Il se réveille ! »
La lumière. Une lumière m'aveuglait.
J'ouvrais les yeux mais c'était flou.
« Ça va Josh ? »
C'était Sally, avec le groupe. Il y avait Travis, Kevin et Joann.
« Qu'est-ce qui s'est passé ? demandai-je.
- On jouait au jeu, raconta Travis, et on t'a entendu hurler à la mort donc on est venu te voir ! Tu étais pâle comme un linge, limite gris ! T'avais pas de sel et ta bougie était éteinte ! T'as dû te faire avoir par l'Homme de Minuit ! »
J'en croyais pas mes oreilles, je m'étais fait avoir comme un Bleu. L'Homme de Minuit m'a eu dès le début !
« Alors, ce n'était qu'un cauchemar !
- Oui ! Tu n'as plus à t'en faire maintenant, me rassura Sally en me prenant dans ses bras.
- Mais, quelle heure il est ? demandai-je.
- Il doit être deux heures, répondit Travis.
- Et vous avez rallumé les lumières... ?
- Bah oui, pourquoi ? »
Un silence s'abattit sur la maison. Un silence surnaturel. Les lumières s'éteignirent d'un seul coup. Le cauchemar recommença.
Drame pendant Halloween.
Cinq adolescents ont été retrouvés massacrés dans la maison de l'un d'eux. Il semblerait qu'ils jouaient à un jeu nommé : l'Homme de Minuit, basé sur des faits paranormaux.
Une enquête est en cours sur les circonstances du massacre. Les autorités privilégieraient l'hypothèse du coup de folie de l'un des adolescents.
Un seul indice semblerait être associé à la cause paranormal : un message inscrit avec le sang d'une victime sur un mur : « Ne jamais contrarier l'Homme de Minuit... »
Texte de Pierre B.
C'est moi ou ça commence BEAUCOUP trop vite, les évènements super étranges surviennent d'un coup sans prévenir, pas le temps de monter une ambiance, pas de crescendo de peur, juste il commence le jeu, BIM des symboles sur les murs, et la maison a changé, c'est pas terrible, honnêtement.
RépondreSupprimerC'est sympa à lire mais c'est un peu trop théâtral et j'ai pas senti de réelle tension, à par a la fin quand le héros se réveille, que tout n'était que son imagination et que ses amis ont allumé les lumières
RépondreSupprimerj'ai bien aimé dommage que l'action commence trop rapidement
RépondreSupprimerEt la voix dans le sous sol quand il était 23H30 et qu'ils ne jouaient pas encore elle devient quoi du coup? Moi je lance le pari que il y avait quelqu'un d'autre dans la maison au final en plus du Bad Trip avec L'Homme de Minuit, et que c'est cette personne à l'origine du Massacre. En tout cas j'ai vraiment bien apprécié cette pasta.
RépondreSupprimer*et que c'est cette personne qui est à l'origine du Massacre.
Supprimerje pense pareil
RépondreSupprimerAbsolument géniale !
RépondreSupprimerL'une des premières creppypasta que j'ai lu!
RépondreSupprimerJe l'adorerai toujours, mais quelque chose m'a échappé la première fois:"trick or treat" se traduit plutôt par "farce ou friandise".