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Une mer noire


Temps de lecture : 9 minutes.

Je me souviens très bien de comment ça a commencé.

J’étais dans mon lit, confortablement installée en position fœtale, essayant de dormir pour relever les défis du lendemain. Mais je n’y arrivais pas. Mes yeux restaient grand ouverts alors que je me demandais comment je pouvais encore respirer. La peine qui écrasait mon cœur était tellement forte qu’elle brisait ma poitrine de son poids. Avec désespoir, je regardais l’heure, je savais que je ne m’endormirais pas.

Cela me faisait me sentir d’autant plus mal.

Sans que je ne le veuille, une pensée m’a assaillie. « Tu sais très bien que tu n’en vaux pas la peine. »

Je ne voulais pas l’écouter, alors je me suis repliée sur moi-même.

Et je me suis endormie.


………….


Le lendemain, après une journée harassante au travail, je suis rentrée chez moi, j’ai mangé et je suis allée me coucher. Je voulais juste disparaître dans les ténèbres du sommeil et ne plus exister. Ne serait-ce que pour un instant.

Mais je ne pouvais pas m’endormir, la même pensée que la veille me hantait, avec une voix froide, si glaciale que je savais que ce n’était pas la mienne.

Je n’ai pas cherché à lutter.

J’ai fini par sombrer dans l'inconscience en pleurant.


…………


Le troisième soir, j’ai décidé de regarder la télévision. La voix était là, insidieuse, cruelle, elle transperçait mon âme. « Tu perds ton temps, tu ne fais rien de bien, tu es inutile. » Et je lui répondais, doucement. « Je sais. »

Pendant un moment, elle s’est tue. Alors j’ai pu penser à ces derniers jours. Rien n’avait changé dans ma vie, tout était comme d’habitude. J’aimais mes collègues, mes amis, le célibat ne me dérangeait pas, j’avais de quoi être heureuse. Un bon travail, un appartement rien qu’à moi… Mais tout me semblait vide, comme si je n’observais plus ma vie qu’à bord d’un train qui défilait à grande vitesse. Tout ce que je voyais de mon existence, c’étaient des images floues, ternes.

« Tu devrais avoir honte. » Oui, j’avais honte, c’était normal.

Je souriais dans le vide, en contemplant les vaches qui broutaient dans les champs à la télévision. Elles et moi, étions-nous les mêmes ? Du bétail dont le seul et unique but était d’être dévoré ?

J’ai éteint, je me suis levée, et je me suis couchée.

La voix me berçait douloureusement, j’avais l’impression d’être dans un cocon chaud, moelleux, collant… J’avais la sensation que je pouvais me dissoudre à l’intérieur de ma couverture. « Ce serait mieux si tu disparaissais. » J'ai acquiescé.

Cette nuit-là, j’ai fait un cauchemar. J’étais dans une grande maison dont on ne voyait pas le plafond, et j’avançais dans un grenier avec des étagères remplies de jouets et d’objets en tous genres. Doucement, la poussière tombait dans des rayons de lumière dont la source était inconnue. J’étais seule, je marchais, et au bout d’une rangée, j’ai découvert un miroir.

Je me contemplais. De longs cheveux noirs, coiffés, un visage pâle, des yeux vert clair, un petit nez retroussé, une bouche aux lèvres fines et exsangues. Je voulais devenir jolie, être aimée. Mais je n’arrivais pas à trouver de la beauté dans ce corps fragile, si fluet qu’un souffle de vent aurait pu avoir raison de lui. Non, je ne l’aimais pas, je le haïssais.

Ma peau était d’une couleur maladive, mes yeux tombaient, mon nez était trop remonté, mes lèvres ressemblaient à des lignes. J’avais l’allure d’un cadavre. Et d’un coup de poing rageur, j’ai brisé ce miroir qui me présentait ce qui me répugnait le plus.

Le verre est tombé en morceaux, offrant la vision de ténèbres sans fin derrière ce qu’il cachait. Des mains noires en sont sorties et m’ont attrapée. J’essayais de hurler, je refusais de mourir, je voulais encore un peu d’espoir. Mais j’avais beau me raccrocher aux étagères, ce qui m’entraînait était plus fort que moi. J’étais faible.

Et sans que je ne puisse rien faire, je suis tombée dans une mer sombre et poisseuse. Je pensais me noyer, mais j’ai sombré tout en gardant la faculté de respirer. J’avais seulement mal.

À mon réveil, j’ai retrouvé une tache noire sur mon oreiller.


…………


J’avais peur, mais je n’avais personne à qui confier cette étrange histoire d’oreiller, ni ce rêve qui continuait de me hanter. Au travail, tous semblaient me regarder, j’avais l’impression de les dégoûter, j’étais paralysée par la crainte qu’ils disent quelque chose sur moi. J’ai fini par m’enfuir en prétextant être malade, et c’était tout. Je suis rentrée chez moi et j’ai fermé les volets. Je voulais être dans le noir et faire comme si je n’étais plus là pour apaiser la peine. Mais c’était si douloureux, j’avais l’impression qu’on me tordait de l’intérieur.

« C’est tout ce que tu mérites pour être aussi immonde. »

Je me suis mise à pleurer, la voix surenchérissait. « Tu pensais que tu pourrais peut-être valoir quelque chose, mais tu n’es qu’un déchet. Ta famille ne veut pas de toi, tes amis savent que tu n’es qu’une sous-merde et ils se moquent de ton existence. Tout le monde rit en te voyant, il n’y a pas d’exception. Et tu sais pourquoi ? Parce que depuis le jour de ta naissance tu n’as jamais rien fait de bien. »

J’ai hurlé.

« Tu vas jusqu’à essayer de porter l’attention sur toi ? Tu es pathétique. Tu ne fais que pourrir le monde par ta présence. »

Mes sanglots étaient si violents que je n’arrivais plus à reprendre mon souffle. J’étais si misérable, si laide, si stupide et horrible. La voix avait raison.

Et c’est ainsi que j’ai fini par fermer les yeux.


…………


Mon rêve de cette nuit reprenait là où l’autre s’était fini. Dans les tréfonds d’une mer opaque. J’avais cessé de lutter, je voulais juste ne plus être.

L’eau entrait dans ma bouche, mes poumons, et pourtant j’avais la sensation de toujours pouvoir respirer. Dans une descente qui m'a paru durer des heures, je suis finalement arrivée sur le sol de cet endroit. Comme une enfant perdue, je pleurais en marchant, avançant sans savoir où aller. Jusqu’à ce qu’une lumière s’approche de moi, une jeune fille de douze ans, portant une robe blanche en soie de coton, avec une lanterne entre les mains. Son visage était complètement défiguré. Celui-ci n’avait rien d’humain, mais je n’avais pas peur, elle me semblait familière. D’une voix peu assurée, je lui ai demandé si elle était venue pour moi. Elle a hoché la tête et m'a saisi la main. Sa peau était chaude, j’avais l’impression d’être en sécurité. Et pendant longtemps, nous avons marché jusqu’à ce qu’elle m’emmène jusqu’à une maison abandonnée.

Elle est entrée, et je l’ai suivie. Tout ici sentait la désolation, les murs étaient gris sale, le sol en parquet abîmé et noirci par le temps, tous les meubles et tous les objets étaient couverts de poussière. Dans le salon, tout semblait inhospitalier. Le canapé en vieux cuir était complètement usé, les portraits avaient l’air d’avoir fondu, l’écran de la télé était brisé, des volutes de fumée s’envolaient à chaque pas sur le tapis, et des poupées décapitées, torturées, siégeaient sur le seul fauteuil de la pièce. Plus étrange encore, tout semblait être couvert d’un filtre grisâtre particulièrement opaque.

La petite fille s’est tournée vers moi. Je me sentais mal, je voulais sortir. Mais elle a attrapé ma main et a fait non de la tête en me montrant la fenêtre. D’ici, je pouvais voir des corps noirs me fixer bien qu’ils n’avaient pas d’yeux. Tout en eux semblait lisse. Et en même temps, ils se collaient à la vitre, allant jusqu’à se grimper les uns sur les autres pour nous regarder.

Horrifiée, j’ai voulu faire un pas en arrière, mais je suis tombée au sol, mes jambes ne pouvaient plus me porter. Entre les lattes du parquet, je sentais de l’humidité et en passant ma main au sol, j’ai remarqué que celle-ci était tachée par une espèce de liquide goudronneux.


…………


À mon réveil, la chambre était couverte de cette substance noire de mon rêve. J’ai ri. Peut-être que mon désespoir prenait forme, cela ne faisait-il pas de moi quelqu’un de spécial ? Mais en même temps, la peur dévorait mes tripes. Je ne pouvais pas bouger de là où j’étais et je me sentais si faible. Je n’avais aucune importance de toute façon, personne n’en avait rien à faire de moi. Je n’avais pas de sauveur, j'étais juste seule, dans le noir.

Me cachant sous ma couverture, je suis restée à trembler. Je pensais des choses affreuses. Je me disais que c’était tant mieux si je mourais. Que c’était tout ce que je méritais, que je le voulais. Que si j’étais née, c’était pour me débarrasser de moi.

Pendant des heures je suis restée prostrée, incapable de faire le moindre mouvement. Oui, si je disparaissais, si je disparaissais.

« Si tu disparaissais, ce serait tant mieux. »

Enfin je me suis endormie.


…………


Que veux-tu faire en ce bas monde ? Est-ce que tu veux vivre, ou est-ce que tu veux mourir ? Dans tous les cas, le résultat sera toujours le même, tu n’es pas immortelle. Tu ne pourras jamais que retarder l’échéance et ton existence n’aura été qu’un triste rêve.

Je sais.

Tu me laisserais ta place ? Tu sais que tu ne vaux rien. Mais moi, je suis quelque chose.

Est-ce que tu feras en sorte que ma vie en vaille la peine ?

Il y a même des chances que je puisse te rendre heureuse.

Mon cœur battait plus fort que je ne le voulais. La petite fille me réconfortait en me tenant dans ses bras comme on berce un enfant. Et je savais qu’elle avait raison, qu’il n’y avait qu’une seule solution. Alors, avec le peu d’espoir qu’il restait au fond de moi, je lui ai offert ma lumière. Elle l’a cueillie devant ma poitrine et l’a enfermé dans sa lanterne. Lentement, son visage a pris forme pour devenir le mien. Elle grandissait, son corps prenait des formes d’adulte. Si délicate, si jolie… Je ne m’étais jamais rendu compte auparavant que j’étais belle.

Avec des larmes de regret ou d’envie, je la regardais alors que lentement, je disparaissais. Je me dissolvais en gouttelettes noires qui tombaient pour traverser le parquet. Mon moi double m’a regardée alors que tout devenait sombre, et m’a embrassée. C’était un baiser doux, chaud, réconfortant… « Je veux être heureuse », lui ai-je murmuré alors que je n’étais plus que liquide.

Et maintenant, au cœur de ce monde de ténèbres, à tous ceux qui m’ont récemment rejointe. J’espère que vous avez obtenu votre souhait.


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