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Ubloo (Partie 6)

Partie 1
Partie 2
Partie 3
Partie 4
Partie 4.5
Partie 5


Depuis que je fais partie des forces de police, j'ai escorté pas mal de criminels. Du petit voleur de rue en passant par l'ivrogne, jusqu'au suspect de tentative de meurtre. J'ai ainsi appris qu'il existe deux sortes de personnes : celles qui restent silencieuses à l'arrière de la voiture de police, et celles qui sont bruyantes.

Si vous êtes du genre bruyant, vous pouvez aussi bien directement avouer votre crime. On a un dicton dans la police : « c'est la poule qui chante qui a pondu l’œuf ». Et cela s'avère plus vrai que ce que vous pouvez penser. Pour ceux qui gardent le silence, c'est une autre histoire. La plupart du temps, ils sont innocents, mais parfois, vraiment peu souvent, ce sont les plus dangereux.

J'ai jeté un coup d'œil furtif dans le rétroviseur, avisant le vieil homme assis derrière, les mains sur les genoux. Il avait le regard vissé sur la fenêtre, et semblait regarder sans conviction les maisons qui défilaient, tandis que nous nous approchions du poste de police. Il était venu sereinement, presque de son plein gré, même si je n'attendais pas spécialement de résistance. Pourtant, je ne pouvais me défaire de la sensation que quelque chose n'allait pas dans cette première interaction.

Après un long moment de silence embarrassant, il m'a finalement demandé si j'étais la personne en charge de l'enquête sur la mort de Thomas Abian. Je lui ai alors répondu que c'était bien le cas, puis lui ai demandé s'il le connaissait. Il m'a appris qu'il l'avait brièvement rencontré il y a un certain temps, et qu'ils étaient depuis restés en contact. Je lui ai alors demandé s'il voulait bien venir au poste pour répondre à quelques questions, ce qu'il a accepté, et voilà comment nous en sommes arrivés là.

Cependant, la manière dont il avait regardé le journal et dont ses yeux s'étaient écarquillés lorsqu'il avait vu mon nom inscrit sur mon badge... J'ai secoué la tête. Je devais me faire des idées. Peut-être était-ce le manque de sommeil, mais j'avais l'impression que mon instinct n'était pas aussi aiguisé que d'habitude.

Nous sommes finalement arrivés au poste de police, et je l'ai fait traverser l'accueil et les bureaux qui où l'on sentait encore faiblement l'odeur du café brûlé de Bill, avant de finalement arriver dans la salle d'interrogatoire, où nous allions pouvoir discuter en privé.

« Si vous voulez bien vous installer... » ai-je dit en tirant une chaise à un bout de la table tandis que je la contournais.

« Avec plaisir, Monsieur » répondit-il en s'asseyant, lâchant un soupir tout en se laissant tomber sur sa chaise. Il devait être plus vieux qu'il n'en avait l'air.

Je me suis assis en face de lui et ai posé le journal à ma droite. J'ai alors sorti un stylo et un bloc-notes, avant d'ouvrir ce dernier à une page vierge.

« Très bien, commencez par me donner votre nom, et un papier d'identité en attestant la véracité, comme votre permis de conduire, si vous l'avez.

Bien sûr, a répondu le vieillard, cherchant dans la poche arrière de son pantalon. Je m'appelle Eli Jacobs. »

Il a saisi son portefeuille et en a alors sorti son permis de conduire, qu'il m'a fait glisser sur la table. J'ai commencé à recopier les informations sur mon bloc-notes.

« Très bien, merci. L'adresse marquée est à jour ?

Oui monsieur, elle l'est. »

Pendant que j'inscrivais son adresse sur mon bloc-notes, mon regard s'est redirigé vers lui.

« Natchez, dans le Mississippi, hein ? Vous êtes bien loin de chez vous.

Oui monsieur, j'y ai acheté une belle petite ferme. Je suis à la retraite désormais, mais il fut un temps où j'étais professeur d'histoire africaine à Northwestern. Après tous ces longs hiver glaciaux et ces accablants étés bruyants propres aux grandes villes, j'ai fini par décider qu'il me fallait un endroit chaud et calme, et c'est tombé sur Natchez.

Bon, ai-je dit en tapotant le dos de mon stylo sur le bloc de papier et en lui faisant glisser son permis. On ne peut pas tourner autour du pot comme ça pour toujours, n'est-ce pas ?

En effet », a-t-il rétorqué en gigotant, rangeant d'une main son portefeuille, le visage apathique.

J'ai senti un frisson me parcourir la nuque.

« Bien. Commençons par le commencement. Comment avez-vous connu Thomas Abian ? »

Le vieil homme a alors posé son chapeau sur la table, et a passé sa main dans sur son bouc blanc. Il a ensuite posé ses lunettes sur l'arête de son nez, a croisé les bras sur la table, avant de se pencher vers moi. Je l'ai imité.

« Un jour, j'ai reçu un e-mail qui semblait sortir de nul part. Dans ce message, l'expéditeur disait avoir en sa possession un livre ancien écrit dans une langue presque morte, et il avait cruellement besoin qu'on le lui traduise. Étant plutôt curieux de nature, je lui ai répondu, en lui demandant de m'envoyer un échantillon du texte.

Vous avez été capable de le traduire ? ai-je demandé.

Ha ! C'est une chance pour lui d'être tombé sur moi, car je suis probablement l'une des quatre ou cinq dernières personnes sur cette terre capables de le faire. Voyez-vous, cet ancien alphabet africain ressemble beaucoup aux hiéroglyphes égyptien, ce ne sont pas exactement les mêmes, mais ils sont similaires. En réalité, ils utilisaient des symboles pour les noms, mais écrivaient des mots pour les dialogues et pour à peu près tout le reste. Pour une personne inexpérimentée, il est presque impossible de distinguer un symbole représentant un nom d'un caractère normal, ce qui rend par la même occasion la rédaction d'un dictionnaire extrêmement problématique pour quatre ou cinq personnes, dont vous vous adressez au deuxième plus jeune, si je peux me permettre. Nous n'avons simplement pas assez de temps et de ressources à nous seuls.

C'est très impressionnant, ai-je finalement dit après cette très longue réponse. J'ai appris l'espagnol au lycée, mais depuis, j'ai quasiment tout oublié. J'ai aussi un peu appris l'arabe quand j'étais en outre-mer, mais même pour ça, je commence déjà à rouiller.

Le temps et l'entraînement sont les clés pour parler une langue couramment. Et pour ce qui est de la question du temps, je vous ai déjà largement dépassé... »

J'ai ri un bref instant, puis me suis redressé et ai recommencé à tapoter mon stylo sur le bloc-notes.

« Bon, allons un peu plus vite. Vous dites donc à cet Abian que vous pouvez traduire son bouquin, et ensuite ? »

Eli m'a alors raconté qu'Abian avait roulé du Massachusetts jusqu'à Tawson, et qu'il avait pu faire un crochet par le Mississippi. Que lorsqu'il était enfin arrivé chez Eli, il était dans un état pitoyable. Il a ajouté que le livre que ce dernier avait lui apporté était incroyablement ancien et précieux, mais qu'Abian ne lui avait pas expliqué comment il se l'était procuré. Apparemment, celui-ci ne lui avait demandé de traduire qu'un court passage du livre, et qu'une fois que cela avait été fait, il était parti abruptement en laissant le bouquin à Eli. Ma prochaine question était donc évidente.

« Que disait le texte, dans le passage qu'il voulait traduire ? »

Alors qu'Eli me regardait, un profond soupir lui a échappé alors qu'il se redressait sur sa chaise, puis il a empoigné son chapeau posé sur la table, et a commencé à le faire doucement tourner sur la lisse surface en aluminium.

« Avant que je ne vous en dise plus, vous devez me promettre de ne pas retourner ce que je vais vous dire contre moi. »

J'ai haussé un sourcil.

« Hé bien, c'est dur à dire, ai-je répliqué. Je ne peux pas promettre que je ne vais pas utiliser ce que vous allez dire contre vous, mais, une fois encore, je vous rappelle que notre discussion n'est pas enregistrée. »

Eli a esquissé alors un sourire en coin.

« Faites-moi confiance, monsieur l'agent. De toute manière, personne ne vous croira. »

Je déteste l'expression « glacer le sang », mais, que le diable m'emporte, c'était la meilleure manière de décrire ce que ce qu'il venait de dire m'a fait ressentir. J'ai repris ma contenance et posé mon stylo.

« Allez-y, crachez le morceau, ai-je dit.

Thomas Abian voulait des informations sur un sorcier très ancien et puissant, qui vivait il y a des milliers d'années de ça, a-t-il répondu sans détourner son regard ni même cligner des yeux. Ce sorcier a effectué un rituel pour invoquer un esprit extrêmement colérique et vengeur. Cet esprit s'attaque aux rêves de sa victime, la rendant incapable de dormir et l'amenant éventuellement à s'ôter la vie. »

J'ai froncé les sourcils.

« Et Abian croyait en tout ça ? »

Eli m'a regardé droit dans les yeux, avant d'articuler simplement :

 « Oui.

Et vous aussi ? »

Il a fermé les yeux un instant, puis a soupiré doucement.

« Oui. »

Je me suis replacé dans le fond de ma chaise.

« Et laissez-moi deviner... Si Abian avait l'air si lessivé, c'est parce qu'il ne dormait pas, à cause de ce monstre du sommeil qui attaquait ses rêves ? »

Eli acquiesça.

« Fait chier, ai-je dit en fermant mon bloc-notes. J'aurais pu aller à la police scientifique pour étudier les objets personnels de ce mec, mais à la place, je suis là à perdre mon temps avec un putain d'illuminé. »
J'ai alors reculé ma chaise de la table et me suis levé, avant de jeter un œil à la pendule accrochée au mur. Quatre heures et demie. Génial, je n'aurai jamais le temps de voir toutes les affaires de ce type avant que ça ne soit l'heure de...

« Ubloo. »

J'ai eu la sensation que mes pensées s'écrasaient contre un mur.

Instinctivement, je me suis tourné vers Eli, toujours assis sur sa chaise, les mains jointes sur la table.

« Qu'avez-vous dit ? »

Eli a poussé ses lunettes sur son nez.

« Vous êtes celui qui l'a trouvé, n'est-ce pas ? Le premier ? Vous êtes la personne à qui j'ai parlé au téléphone ? »

J'ai dégluti avec difficulté, avant d'acquiescer.

« Vous avez déjà entendu ce mot, n'est ce pas ? »

J'en ai perdu la voix. Mes pensées qui s'étaient arrêtées se sont mises à tourner dans ma tête comme une véritable tornade… La boîte, Danny, les interrogateurs, ce mot...

« C'est de l'arabe, non ? Je me rappelle l'avoir déjà entendu dans mon rêve la nuit dernière, mais je n'arrivais pas à me souvenir de ce que ça voulait dire... suis-je finalement parvenu à répliquer. Mais comment saviez-vous que...

Ce n'est pas de l'arabe, a-t-il rétorqué en se levant. C'est de l'africain, du khoï pour être précis. »

Il s'est alors mis à marcher vers moi, faisant lentement le tour de la table. Je savais que j'aurais dû lui demander de s'arrêter, mais j'étais tétanisé de peur.

Conscient de mon malaise apparent, il a poursuivi :

« C'est un diminutif pour « Ubua Loo », une phrase assez courante dans cette langue. On peut la traduire grossièrement par « réveille-toi. »

J'ai nerveusement secoué la tête.

« Vous vous foutez de ma gueule.

– Désolé que vous l'appreniez comme ça, monsieur l'agent.

– Reculez ! ai-je dit, serrant de plus en plus fort mon bloc-notes.

– Le monstre saute de personne en personne, infectant à chaque fois la première personne à trouver le cadavre de la victime précédente.

– Je vous préviens, ça suffit.

– Le patient du docteur Abian était infecté, et il est le premier à l'avoir trouvé mort dans son appartement. Patient qui lui-même avait été le premier à trouver le cadavre de son défunt père peu après sa mort, qui lui-même avait retrouvé un locataire mort dans l'un des appartements qu'il possédait, ce dernier ayant arrêté de payer son loyer depuis quelques mois. »

Je me suis seulement rendu compte que j'étais en train de reculer quand mes talons ont fini par toucher le mur de la salle d'interrogatoire.

« Vous avez été le premier à trouver le docteur Abian dans cette vieille maison. Et c'est dans cette même maison qu'il était venu pour vérifier ce qu'il avait appris d'une des précédentes victimes du monstre. Vous n'avez entendu ce mot que dans vos rêves, il n'y avait aucun moyen pour que je puisse savoir que vous le comprendriez. Je suis vraiment désolé pour ça, Jeff, mais le monstre .. Il vous dit de vous réveiller.

– Mais … ai-je bégayé, submergé par toutes ces informations. Mais pourquoi voudrait-il que je me réveille ?

– Je suis désolé, je n'en sais rien. a-t-il répondu en regardant ses pieds. Thomas avait une théorie à ce propos. Vous voyez, en Afrique antique, on assignait quelqu'un à la personne infectée, pour la réveiller si elle s'agitait dans son sommeil. Ils secouaient alors la victime en lui criant « Ubloo » pour la réveiller et lui faire comprendre que ce n'était qu'un rêve. De là, Thomas pensait que l'esprit avait repris l'expression et l'utiliserait encore à ce jour.

– Mais pourquoi ? S'il n'a de pouvoir que dans nos rêves, pourquoi nous réveiller ?

– Ça, Thomas n'a pas eu le temps de le découvrir », a soupiré Eli.

Il y a alors eu un grand silence. Eli ne pipait mot, me laissant tout digérer.

« Et maintenant ? ai-je enfin dit, brisant le silence.

– Hé bien, j'ai pris le livre avec moi. Si vous le permettez, j'aimerais renter pour pouvoir l'étudier encore un peu. Peut-être y reste-t-il quelque chose que j'ai loupé. Pendant ce temps-là, vous devriez feuilleter le journal d'Abian, sûrement qu'il y a détaillé son périple et...

– Non, l'ai-je interrompu, et Eli a alors brusquement cessé de parler. Que va-t-il m'arriver ? »

Le vieil homme a attrapé son chapeau sur la table et l'a posé sur sa tête, avant de remettre ses lunettes en place.

« Essayez de ne pas vous endormir. »

Il était désormais presque huit heures du soir, ou peut-être neuf, je ne sais plus. Pour être honnête, j'avais perdu la notion du temps.

J'ai donc laissé, à contrecœur, Eli retourner à son hôtel. Après tout, je n'avais aucune charge à retenir contre lui, et même si je l'avais voulu, je n'aurais pas pu le garder ici. Nous nous sommes donc échangé nos numéros de téléphone, et il m'a promis que s'il apprenait quoi que ce soit, il m'appellerait. Il a ajouté que si j'avais des questions, je pouvais l'appeler moi aussi.

Les pages du journal de Thomas étaient rigides à cause de l'encre qui s'était imprégnée, et je les tournais une à une avec attention, lisant lentement pour être certain de bien tout comprendre. Le bougre avait peut-être perdu à la fin, mais je devais avouer qu'il avait été minutieux.

Son carnet rapportait plus ou moins tout ce qu'Eli m'avait dit, mais en détail. Il notait même ses horaires de sommeil, combien de temps il avait dormi et combien de temps il pensait avoir rêvé, en essayant de trouver un lien entre les deux pour pouvoir optimiser son temps de sommeil, et ainsi rêver le moins possible. C'était très impressionnant, mais il semblait avoir des problèmes avec le "micro-sommeil"; des phases de sommeil durant lesquels il ne pouvait pas savoir qu'il dormait avant de se réveiller.

« Ubloo a appris à mélanger discrètement mes rêves à ma vie, de manière à ne pas éveiller mes soupçons. Il a compris que j'ai bien plus peur quand je ne sais pas que je dors. L'Adderall me permet peut-être de rester éveillé pendant de longues périodes, mais sans sommeil paradoxal, je continuerai de subir le micro-sommeil. Je me sens comme un chien qui court après sa queue. Soit je craque et vais dormir pendant au moins vingt-quatre heure, étant donné mon état actuel, soit je persévère et dors le moins possible, en récupérant le plus possible sans m'exposer au danger. »

C'était extrêmement déprimant. Il y avait de longs paragraphes sur des théories qui avaient été rayés, et des notes dans la marge expliquant pourquoi il les réfutait.

Je suis enfin arrivé à la fin du journal. En la lisant, j'ai eu des frissons.

« Je suis arrivé à l'école. 2H31. Aucun signe d'activité à l'intérieur depuis l'extérieur. Je ne me donne pas plus de trente minutes pour faire mes recherches, je rapporterai mes trouvailles plus tard. »

J'ai fermé le carnet, l'ai posé sur mon bureau, et ai pris une gorgée de café, tentant comme je le pouvais de digérer tout ça.

« Jeff ! »

Mon cœur a failli exploser.

« Putain, Bill ! J'ai presque renversé mon café sur ma chemise. Tu devrais pas prendre les gens par surprise comme ça.

 – Je croyais que tu disais toujours que j'étais trop gros pour prendre qui que ce soit par surprise, m'a-t-il répondu d'un air narquois. »

J'ai froncé les sourcils en le regardant. Putain, c'était vrai, cette fois, il m'avait bien eu.

« Le carton de preuves à propos de ton gars est revenu. Il est dans le casier, si jamais tu veux y jeter un œil. »

Mes yeux se sont écarquillés.

« Je vais m'en occuper immédiatement, qui a les clés ? »

Bill me les a lancées et est reparti à son bureau en commençant une petite danse de la victoire.

Je me suis levé et ai pratiquement couru à la salle des pièces à conviction. J'ai un peu bataillé avec les clés, mais j'ai finalement réussi à ouvrir la porte.

La boîte de l'affaire sur Abian était posée sur une des étagères du bas. Je me suis baissé et l'ai prise pour l'amener sur la table. Il y avait un lourd sac de toile rempli avec des outils de cambriolage, un portefeuille, une boîte à moitié vide de comprimés, le revolver tâché de sang. J'ai commencé à tout passer en revue en essayant de trouver un sens à tout cela.

Les comprimés, il les utilisait pour rester éveillé, il en avait parlé dans son journal. Les outils de cambriolage avaient été utilisés pour s'introduire dans l'église, c'était assez logique. Le revolver était certainement destiné à le protéger, bien que ça ne lui ai au final pas été d'une grande utilité.

J'ai continué à fouiller dans son sac jusqu'à ce que ma main effleure quelque chose qui semblait fragile. Je me suis arrêté, l'ai doucement attrapé et l'ai sorti du sac.

C'était un morceau de papier plié, extrêmement vieux d'après son apparence. Je l'ai déplié et l'ai lu à haute voix.

« Je t'ai demandé comment tu faisais pour dormir la nuit. J'ai ma réponse, maintenant.
- Monaya Guthrie »

J'ai commencé à avoir le tournis. Abian avait mentionné dans son journal qu'Eli lui avait dit que le monstre avait été entravé. Il y avait eu de longues périodes durant lesquelles aucun décès lui étant lié n'avait été enregistré, mais il réussissait toujours à revenir, inexplicablement.

J'ai relu la note.

« Monaya Guthrie », ai-je dit, secouant la tête. Qui cela pouvait-il bien être, et pourquoi Abian était-il en possession de ce bout de papier ?

À cet instant, mon téléphone a sonné. 

Je l'ai sorti de ma poche pour voir l'image de ma femme me renvoyant mon regard que j'avais sélectionnée comme avatar de contact. J'ai décroché.

« Salut ma chérie, ça va ?

– JEFF ! JEFF, TU DOIS RENTRER ! a-t-elle hurlé d'une voix paniquée.

– Quoi ? Est-ce que tout va bien ?

– C'EST DANNY ! IL ÉTAIT DANS LA BAIGNOIRE, ET... ET LE RIDEAU DE DOUCHE LUI EST TOMBÉ DESSUS, ET IL S'EST EMPÊTRÉ DEDANS ! IL ÉTAIT COINCÉ SOUS L'EAU, ET MAINTENANT IL NE RESPIRE PLUS ! »

Mon cœur battait si fort que mon corps entier tremblait.

« Chérie, appelle une ambulance. Je reviens immédiatement. Commence la réanimation. »

Je me suis précipité hors de la salle des preuves et ai traversé le hall d'entrée en trombe, le téléphone toujours à l'oreille. Elle sanglotait comme une hystérique.

« JE... JE NE SAIS PAS FAIRE !


– Deux insufflations et trente compressions ! Tu m'entends ?! Penche sa tête en arrière quand tu souffles. Je vais raccrocher pour que tu puisses le faire, tu dois t'en occuper. »

Elle sanglotait toujours.

« Jeff, s'il te plaît...

– FAIS-LE ! »

J'ai raccroché et ai immédiatement composé le numéro des urgences. J'étais entre-temps déjà arrivé à ma voiture et je me suis jeté sur le siège conducteur. J'ai tourné les clés et la voiture a rugi comme si elle sentait l'urgence. J'ai tourné le bouton du gyrophare et de la sirène et suis sorti du parking, roulant à tombeau ouvert en direction de chez moi.

« 911, j'écoute, quelle est votre urgence ? »

J'ai hurlé mon adresse dans le combiné, ou du moins je crois, je ne sais pas, j'étais occupé à manœuvrer dans le trafic.

« ... IL NE RESPIRE PAS ! 7 ANS. AMENEZ UN DEA, UNE RÉANIMATION EST EN COURS. VOUS CONFIRMEZ ?

– Oui Monsieur, je vous envoie une ambulance immédiatement. »

J'ai jeté mon téléphone sur le siège passager sans prendre la peine de raccrocher. Le moteur hurlait tandis que ma vitesse s'approchait des 160 km/h sur la portion de route au bout de laquelle se trouvait ma rue. J'ai pris le virage et ai senti mon véhicule rester in extremis accroché à la route. Je l'ai stoppé en faisant crisser les pneus et me suis précipité jusqu'à la porte, faisant irruption dans le salon.

« MARY, ai-je appelé.

– JEFF ! JEFF, ICI ! »

J'ai traversé le couloir en coup de vent et me suis dirigé vers notre chambre. Mary était assise adossée à notre lit, les yeux rouges, son maquillage dégoulinant sur son visage. Elle était dans un état épouvantable, serrant une bouteille de liqueur si fort que ses articulations étaient devenues blanches.

« Mary... Qu'est-ce qui se passe ? Où est Danny ? ai-je demandé, confus et pris de panique.

– Il... a-t-elle sangloté. Je n'ai pas pu, Jeff, je n'ai pas pu. »

Elle a levé son bras et l'a pointé en direction de la pièce se trouvant de l'autre côté du couloir.

Je me suis retourné et m'y suis précipité. Mary n'avait plus touché une goutte d'alcool depuis la naissance de Danny. Était-elle ivre ou buvait elle parce qu'elle n'avait pas réussi à...

Je suis tombé à genoux.

Là, sur le sol, se trouvait mon fils Danny, allongé sur le dos, ses lèvres légèrement bleues, les couleurs quittant lentement son corps.

« NON, NON, NON, NON ! »

J'ai rampé vers lui pour écouter sa respiration. Rien. J'ai penché sa tête en arrière et lui ai fait deux longues insufflations, puis ai commencé les compressions, les comptant dans ma tête en ne prêtant pas attention aux sanglots de Mary provenant de l'autre pièce.

J'ai continué pendant ce qui m'a semblé une éternité.

« Hé oh ? C'est l'ambulance ! ai-je enfin entendu depuis l'entrée.

– ICI ! VITE ! »

Deux jeunes hommes qui ne devaient pas avoir plus de la trentaine sont entrés dans la pièce, l'un d'eux portant un masque à oxygène, l'autre un genre de sacoche en plastique, probablement le DEA.

Je me suis relevé et ai reculé tandis qu'ils se mettaient au travail, l'un plaçant le masque à oxygène, l'autre installant le DEA.

« Choc requis. Chargement en cours. », a indiqué l'appareil.

Le premier homme continuait à pomper l'oxygène, le second réglait les boutons du DEA.

« Charge prête.

– ON DÉGAGE ! » a crié l'homme.

Il y a eu un sifflement et un bruit sourd tandis que le corps de Danny se soulevait et retombait sur le sol. Rien.

« Choc requis. Charge prête.

– ON DÉGAGE ! »

Un autre sifflement et un autre bruit sourd, mais rien.

Juste à ce moment, j'ai entendu quelqu'un d'autre crier dans le couloir.

« Jeff ?

– ICI ! », ai-je répondu.

Bill est entré dans la pièce, respirant difficilement.

« Jeff, oh mon dieu, je suis désolé, je suis venu aussi vite que j'ai pu quand je l'ai entendu sur la radio. »

Je ne l'écoutais pas, mes yeux étaient rivés sur Danny.

« Choc requis. Charge prête.

– ON DÉGAGE ! »

Le sifflement et le bruit sourd et encore rien, ou du moins ce qui semblait n'être rien. Et puis j'ai remarqué qu'un battement était enregistré sur le DEA.

« OH MON DIEU ! » ai-je crié en pointant l'appareil du doigt.

Pourquoi est-ce que ça ne disait rien ? Il fallait qu'ils le soulèvent et l'amènent à l'arrière de...

« Choc requis. Charge prête.

– NON ! QU'EST-CE QUE VOUS FAITES ?! »

J'ai voulu me jeter sur l'homme s'occupant du DEA, mais j'ai été retenu en arrière. J'ai regardé vers le bas, paniqué, et j'ai vu le bras de Bill autour de ma taille.

« ON DÉGAGE !

– NON ! VOUS NE POUVEZ PAS ! LÂCHE-MOI ! »

J'ai regardé vers le bas avec horreur alors que les yeux de Danny s'entrouvraient brièvement. Ils ont parcouru la pièce, paniqués, et se sont braqués sur moi.

VZZIIIIII... CHTOMP.

Le son du choc a rempli la pièce, et les yeux de Danny ont roulé dans leur orbite, n'en laissant plus apparaître que le blanc avant de se refermer.

« NON ! QU'EST-CE QUE VOUS AVEZ FAIT ?! »

Je me débattais pour sortir de l'emprise du bras de Bill, mais je n'arrivais pas à m'en libérer.

« Choc requis. Charge prête. »

De la fumée sortait à présent des électrodes accrochés à la poitrine de Danny.

« ARRÊTEZ ! VOUS ÊTES EN TRAIN DE LE BRÛLER ! »

Ils n'ont même pas pris la peine de crier « on dégage », cette fois.

VZZIIIIII... CHTOMP.

La fumée s'épaississait à présent.

« ARRÊTEZ ! JE VOUS EN SUPPLIE ! »

VZZIIIIII... CHTOMP.

Juste à ce moment, les yeux de Danny se sont difficilement rouverts. Ils ont trouvé les miens à travers la fumée et le chaos qui emplissaient la pièce. Je pouvais à présent sentir la peau brûler, et ça me rendait tellement malade que j'en avais presque des haut-le-cœur. La fumée, noire et épaisse, montait recouvrir le plafond. Sous le masque à oxygène, j'ai vu ses lèvres bouger, mais je ne pouvais entendre ce qu'il disait, bien que ce ne fût pas nécessaire.

« Papa ? » a-t-il articulé silencieusement.

VZZIIIIII... CHTOMP.

Le corps de Danny a explosé. La pièce a été remplie de sang et de morceaux d'os et de peau. Le sol en a été recouvert, et les murs comme le plafond en ont été éclaboussés.

Je suis resté immobile, choqué par l'horreur, incapable de bouger ou de parler. J'étais recouvert de son sang, des bouts de ses entrailles coincés dans mes cheveux et de la peau déchiquetée sur ma joue. J'ai regardé avec horreur les deux secouristes qui étaient immaculés et se préparaient à administrer une autre charge à ce qui restait du corps de Danny.

« Choc requis. Charge prête.

– UBLOO ! »

Ma tête s'est arrachée de la table et la lumière se réfléchissant sur les murs m'a presque ébloui. Mon téléphone sonnait. J'ai regardé autour de moi, hébété, en panique et recouvert de sueur froide, mon cœur battant à cent à l'heure.

Le téléphone a fini par se taire, et j'ai retrouvé mes repères. J'ai regardé la table.

Je m'étais endormi dans la salle des pièces à conviction.

J'ai laissé tomber ma tête dans mes mains en poussant un long soupir, puis réalisé ce qui venait de se produire et me suis mis à chercher frénétiquement mon téléphone.

Je me suis retourné et l'ai sorti de la poche de ma veste qui était suspendue sur le dossier de ma chaise.

Un appel manqué : Mary.

J'ai senti mon estomac se décrocher. J'ai ouvert mon téléphone et l'ai immédiatement rappelée.

« Allô ?

– Mary ? Tout va bien ?

–... Oui ? »

Sa voix laissait transparaître sa confusion. Je me suis affalé sur ma chaise, soulagé.

« Ok, ok... ai-je réussi à dire.

– Jeff, il est presque une heure du matin, je croyais que tu ne travaillerais que jusqu'à dix heures ? »

J'ai regardé ma montre, elle avait raison. Combien de temps avais-je pu dormir ?

« Oui, désolé, je me suis endormi au bureau, ai-je répondu en riant.

– Fantastique, Jeff, heureuse de savoir que mes impôts sont bien employés. »

Je pouvais entendre son sourire dans sa voix. J'ai de nouveau ri.

« Tu sais ce que c'est, ce travail, ai-je répondu, souriant aussi.

– Je sais bien, je sais bien, a-t-elle répondu, avant de se mettre à imiter ma voix. Dans un sens, tes impôts servent à me payer pour quitter la maison chaque jour. »

Nous avons tous les deux ri. C'était vrai, j'adorais dire ça, et elle adorait l'entendre.

« Je serai bientôt rentré, ma chérie. Ne m'attends pas.

– D'accord, je t'aime.

– Je t'aime aussi. »

J'ai raccroché et remis le téléphone dans ma poche, avant de soigneusement ranger les pièces à conviction d'Abian dans leur carton et de le replacer sur l'étagère.

Il restait une petite équipe au bureau. Un autre pauvre gars qui travaillait tard et le standardiste, qui disait au concierge de ne pas passer l'aspirateur alors qu'il était en train d'essayer de noter une plaque d'immatriculation. Juste avant d'arriver à l'entrée principale, je me suis immobilisé.

Je suis resté là un moment, puis suis retourné à mon bureau. Je me suis assis et ai remué la souris, faisant s'allumer l'écran de l'ordinateur alors qu'il sortait de veille.

J'ai ouvert notre base de donnée et ai entré le nom.

« Monaya Guthrie. »

Il y a eu un résultat, et j'ai ouvert son dossier. Je l'ai parcouru, me suis arrêté, puis j'ai pris mon téléphone une dernière fois et ai composé un numéro. Il y a eu deux tonalités avant que quelqu'un ne réponde.

« Allô ?

– C'est Jeff. J'ai une piste sur l'endroit où se rendait Abian. Il recherchait une femme nommée Monaya Guthrie. Je vais y aller demain, si vous voulez vous joindre à moi. »

Il y a eu une pause.

« Bien sûr. Je serai prêt à 7h, a répondu Eli.

– Parfait, ai-je répondu, faisant ensuite une pause. Passez une bonne nuit.

– Vous aussi. », m'a-t-il dit, puis mon téléphone est devenu silencieux.

Traduction : Magnosa

7 commentaires:

  1. J'ai attendu ça longtemps !
    Je soutient au maximum, c'est toujours aussi bien écrit

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  2. Cette série est vraiment excellente... Bon boulot pour la traduction !

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  3. C'est vraiment bien écrit, d'une qualité rare même (pareil pour la traduction), j'espère que les publications vont recommencer régulièrement

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    1. La partie 7 est en cours de traduction, mais il n'y a pour l'instant aucune autre entrée en original. Nous attendons aussi !

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  4. ça fait plaisir de voir que cette histoire continue, impatient de lire la suite.

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  5. Pas mal cette histoire faudrai pense à le propose à des réalisateur afin genre le numéro 1 s arrête avec la psy le deux on finis avec Jeff et le 3 on revient au origine avec le père d androw

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