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Deux heures du matin.


La nuit était si noire que je me demandais s’il y aurait un lendemain. Pensée stupide, et pourtant... Assis-là, au pied du porche, une clope à la main, je fixais le ciel comme si son vide pouvait m’apporter des réponses. Depuis longtemps je me pose des questions sur mon existence, sur son sens, et bla et bla. Toujours des réflexions inutiles qui pourtant m’empêchent de trouver le sommeil. Par exemple : « si mes actions me définissent, si mes motivations sont si importantes, alors pourquoi la réalité me semble si éloignée de ce que je pense être ? » Je suis ce que je suis, et pourtant, lorsque je vois comment je suis perçu, il me semble que ce que je crois être est un tissu de mensonges. Il y a bien trop de différences entre le moi que j’ai construit, et le moi qui me fait face, le moi qui me regarde à travers le miroir.


Je ne sais plus qui disait ça, mais à ce qu’il parait « l’autre est à l’origine de soi ». Si c’est vrai, je suis bien dans la merde, il n’y a pas grand-chose qui va… Je suis dans un jeu, je suis une figure manipulée par un utilisateur dont les intentions me sont inconnues. Il m’amène à agir de façon ridicule, il me pousse à dire des choses qui ne me plaisent pas, qui ne me vont pas. Là, tapi dans l’ombre, il me regarde fumer ma clope, il attend son moment, celui où viendra de nouveau la peine de me contrôler. Il observe et je ne le comprends pas, peu importe les efforts que j’ai pu faire pour y parvenir. Son sourire est énigmatique, ses pleurs théâtraux, ses rires assourdissants. Tout chez lui a l’air faux. Je le hais autant que lui-même doit me haïr, il n’a jamais cessé de me suivre, il sera toujours là.

 

Il y a longtemps, j’ai tenté de le tuer, j’ai cru avoir réussi. Quelle n’a pas été ma surprise quand je l’ai vu le lendemain, dans le reflet d’une fenêtre ! Je l’avais blessé, mais il ne pouvait pas mourir, peu importe mes essais. Dans mes rêves, il me poursuit, il se venge et je n’y peux rien. À mon réveil, il est toujours là. J’ai cru que je pouvais le maîtriser, mais aux moments les plus inattendus, il prend le contrôle et me laisse ensuite face aux conséquences de ses actions. Actuellement, il ne fait que se moquer de moi et de mon désarroi. Il a encore gagné une bataille, guerre interminable que je ne pourrai jamais remporter. Ce soir encore, j’ai prévu de l’assassiner, une belle vengeance pour tout ce qu’il me fait. Alors… je me lève et laisse tomber mon mégot. Je prends une nouvelle clope, je l’allume, et prends une longue bouffée avant de le regarder droit dans les yeux. Son expression change, il ne rit plus, son regard est peiné, j’en ai rien à foutre.

 

Sans prévenir, je me jette sur lui, mes deux mains ont attrapé son cou. Je serre de toutes mes forces, clope au bec. Je n’ai jamais autant haï. Mes ongles rentrent dans sa chair, le peu de cendres tombe sur sa joue, le temps se liquéfie autour de nous. Le silence est si profond que j’entends son cœur battre. Ses pleurs sont pathétiques, son expression douloureuse ne fait que renforcer ma rage. Lorsqu’il tombe à genoux, je ne me retiens pas, je suis incapable de penser. Et puis… son corps finit par devenir étrangement lourd, je sens son poids basculer sur le côté. Je le laisse s’effondrer au sol, cette fois il ne s’est pas défendu.

 

Je finis ma clope en observant son être encore chaud, mes mains tremblent. Je ne l’ai que rarement vu arborer ce genre d’émotions. Souvent, cela veut dire que je vais passer une mauvaise nuit. Il va me rendre ma violence au centuple, mais si ça changeait quoi que ce soit, je ne continuerais pas de le tuer. Je partirai tard au lit ce soir, avec de la chance, la fatigue empêchera le moindre songe.

 

***

 

Il était évident que je n’allais pas m’en tirer comme ça. À peine me suis-je endormi que mon esprit m’a emmené dans un lieu sombre, un couloir de béton gris. J’entends des cris, des hurlements. Je marche malgré moi vers ce qui semble être une porte noire. Je sens l’angoisse qui se glisse sous mes veines comme un serpent. Je ne veux pas être là, je veux m’enfuir dans la direction inverse, mais mes membres refusent de m’écouter. Au bout d’à peine quelques mètres, j’atteins la porte. Pendant un instant, j’ai espoir de pouvoir récupérer le contrôle, mais ma main droite se lève et enclenche la poignée. Une pièce rouge se dévoile sous mes yeux, en son centre, une chaise sur laquelle une créature pousse des cris de lamentation. Enchaînée au sol, il semble qu’elle ne puisse pas me faire de mal. Il me faut plusieurs minutes avant de réaliser que je peux de nouveau bouger selon mes envies.

 

Normalement, la peur me pousserait à m’enfuir à toutes jambes, mais je ressens quelque chose d’autre, une sensation oppressante dans ma poitrine. Je n’arrive pas à déterminer ce que c’est, mais à chaque fois que je regarde la créature, j’ai comme un pincement au cœur qui me retient près d’elle. Celle-ci est désormais en train de gémir d’une voix douce, comme si elle s’était rendu compte de ma présence malgré l’absence d’yeux pour me voir. Je ne sais pas si elle a un jour été humaine, sa peau blanchâtre est similaire à un linceul qui aurait fondu. Elle a une tête, mais pas de cou, pas de menton, pas de nez, un torse, mais pas de bras, pas de jambes. Une bouche aux lèvres rouges et pulpeuses sur un corps lisse, deux orbites vides qui me fixent. Une aberration sans aucun sens, les chaînes sont reliées à elle par des crochets qui percent sa chair. Pourquoi chercher à l’immobiliser quand elle ne peut déjà pas se mouvoir ?

 

Mes pieds sont collés au sol, je l’observe et ma respiration devient fébrile. Cette chose devant moi est soudainement éclairée par des spots. Elle se tait, le silence nous entoure. Au bout de quelques secondes, je l’entends prendre une inspiration, et elle se met à chanter.

 

Je n’avais jamais été témoin d’un son aussi déchirant, d’une souffrance aussi palpable dans chacune de ses notes. Sa mélodie pénétrait mon âme comme si elle savait parfaitement comment m’atteindre. De ses orbites roulent des larmes et je me surprends à en verser moi-même. Je me sens terriblement perdu, incapable de comprendre ce qui m’arrive. Terrassé par les émotions qui me submergent, je tombe à genoux et je regarde la créature avec désespoir. Est-ce ainsi que nous sommes ? Juste deux êtres blessés, incapables d’avancer, immobilisés par nos craintes qui nous tourmentent ? La haine que je ressentais se réveille lorsque le chant se termine par un soupir. Encore une manipulation, encore des sentiments que je me refuse et qui s’imposent. La colère me possède, l’injustice de cette situation me prend aux tripes. Je n’ai jamais voulu tout ça, je n’ai jamais voulu être ici. Cette chose en face de moi doit crever.

 

Je me relève. Dans ma poche, je sens un objet lourd. Je le sors et découvre un couteau sans poignée, une simple lame que je sais avoir aiguisée avec les années. Sans un son, je vais vers la créature et je la poignarde encore et encore. Le bruit du métal qui s’enfonce dans la chair me répugne, pourtant, chacun de mes coups devient plus brutal que le précédent. Lorsqu’elle cesse de bouger, je m’écarte et je contemple ma création : un amas sanguinolent. Les spots s’éteignent. Je suis dans le noir et il faut du temps avant que mes yeux ne s’adaptent à la faible luminosité qui émane naturellement de l’atmosphère étrange qui m’entoure. Au moment où je perçois de nouveau les formes, je découvre mon cadavre à la place de celui de la chose. Ses yeux vides me fixent. Soudainement, une douleur me transperce la poitrine et je m’écroule au sol. Ma vision se voile et le corps se lève. Ses mains saisissent ma gorge et m’étouffent. Des mots sortent de sa bouche, mais je ne les entends pas. Les ténèbres m’enveloppent.

 

Je me réveille en sursautant, je sens encore la pression autour de mon cou. Mon cœur bat dans mes tempes. Mais je n’ai pas le temps de reprendre mes esprits qu’une main se pose sur mon bras. Je regarde mon double qui m’observe avec une expression qui me pétrifie. Son visage est tordu, il semble parcouru d’émotions diverses qui se mélangent pour former une grimace effroyable. Son sourire est malsain, ses yeux sont remplis de haine et… d’amour ? Je ne parviens pas à comprendre, mais lorsqu’il me prend dans ses bras, je lâche un sanglot. Je n’ai jamais su que penser vis-à-vis de moi-même, je n’ai jamais su me voir. Je me suis tant haï au cours de mon existence que je n’ai jamais fait attention à ma sensibilité. Je réalise que peut-être j’ai toujours désiré une harmonie entre ce moi qui me guide et ce moi que je ne suis jamais parvenu à aimer. Mais toute cette peine qui m’a toujours rongé était si puissante et néfaste, qu’au lieu de chercher à panser mes plaies, je les ai entretenues. Maintenant, mon âme purulente est-elle toujours apte à chercher sa rédemption auprès d’elle-même ? Cela fait si longtemps que je me nuis, je ne sais pas quoi faire. La sensation d’avoir toujours été en décalage entre ce que je suis et ce moi qui a guidé mes gestes me dévore les tripes. Avec une soudaine tristesse, je sors de l’étreinte pour me regarder. Pour la première fois, je me dis qu’il existe une possibilité pour que nous puissions nous entendre. C’est pourquoi je glisse mes doigts contre sa joue avec une tendresse que je ne me connais pas. Mais avant même que je ne puisse m’exprimer, mon moi s’effrite et s’éparpille en cendres.

 

Le peu d’amour que je suis parvenu à ressentir s’évapore avec mon image. Je suis seul, dans mon lit, la douleur n’a jamais été aussi insupportable. Lentement, je sors des draps pour aller à la fenêtre. Je regarde le jour qui s’est levé depuis longtemps. Mon reflet semble rire. Je n’ai plus aucun doute, ce moi me hait. Il est impossible de rompre le cercle. Comme en transe, je pars dans la cuisine récupérer un couteau. Je vais ensuite dans la salle de bain. Devant mon miroir, je tends la lame près de ma gorge. Est-ce ainsi que les choses doivent se terminer ? J’hésite, mes doigts ne tiennent pas le manche correctement, je tremble. Mes yeux sont plongés dans les miens, comme si j’attendais une réponse. Mais rien ne vient. Rien, à l’exception d’une douce mélodie qui ne tarde pas à résonner dans mon esprit. Le chant de la créature qui m’avait tant ému. Je baisse ma main. Mon reflet ouvre les lèvres.

 

« Peut-être est-il temps de changer. »


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