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La neige repose pâle sur le métal nu des cabanes qui m'entourent. La peinture pastel s'est écaillée par endroits, et le fer rouillé qui était en dessous devient rouge orangé sous l’éclat de mon intrusion – comme un millier d'yeux ardents dans la blancheur suffocante qui m'étreint. Il n'y a personne ici, dans ce petit village désert, cette île perdue dans une mer infinie de glace et dotée d'un froid capricieux. Il semble qu’il n'y a rien d'autre à des kilomètres à la ronde. Je suis tout seul ici. Tout ce que je peux faire, c'est attendre que le vent incessant me démantèle, me ronge jusqu'à ce que la rouille rouge sous ma façade peinte ne soit entièrement exposée, jusqu’à ce que je devienne aussi silencieux que la ville qui m'encercle.
Je me presse contre le côté d'une cabane pour échapper au blizzard, ses cris et ses murmures s'estompent légèrement alors que je me cache. Je m'allonge lentement sur le sol blanc comme de la porcelaine et je ramène mes genoux contre ma poitrine pour protéger la chaleur déclinante de mon être des coups de fouet du froid.
« Daniel ! »
Pas plus fort qu'un murmure, je suis sûr de l'avoir imaginé. Mon nom a été appelé depuis l'autre côté du village, comme s'il avait été crié. Le vent qui s'engouffre dans les maisons trapues a failli me le dérober avant qu'il ne m'atteigne. Je me lève en titubant, soulève mon corps et tourne la tête en direction de la voix. Je fais quelques pas vers elle. La glace et la neige m'obligent à faire des pas prudents, comme si elle se moquait de moi qui n'ai pas d'énergie pour de telles choses. J'avance et alors même que je m'approche, je sens le vent écorcher mon visage, emportant avec lui un peu plus de chaleur, des éclats de peinture.
J'arrive à la maison la plus éloignée. Il n'y a personne ici. Tout est silencieux et immobile, tout, en dehors de mes épaules frémissantes tandis que le froid retire la chaleur qui s'y trouve. Le vent enlève la peinture de tout, je suis mis à nu, rouge, rouillé. Les yeux rouge-orangé s'agrandissent, étonnés que je persiste à me déplacer parmi eux.
« Daniel ! »
Encore une fois, la voix m'appelle. Pas plus forte que la dernière fois, j'aurais pu la manquer dans le vacarme de cris et de murmures. Mais cette fois, elle vient de derrière moi, de l'autre côté du village, de là où j'étais. Mes yeux pleurent alors que le vent essaie de les arracher. Je recommence à marcher vers l’appel. Peut-être que nous nous sommes croisés. Peut-être que celui qui est là dehors me poursuit tout comme je le poursuis, comme le vent nous poursuit tous les deux. Je marche d'un pas lâche et maladroit vers la voix, à travers la ville, à travers tous ces yeux rouges. Je tombe une ou deux fois, ça me fait tellement de bien de me reposer que je pourrais m'endormir là. Mais je me relève à chaque fois, l’appel me pousse à continuer. J'arrive à l'autre bout du village et regarde la mer de glace houleuse qui s'étend de tous les côtés de cette petite île composée de peinture et d'yeux rouges éteints. Il n'y a personne d'autre que moi ici.
« Daniel ! »
La voix m'appelle une fois de plus avec une insistance sourde, plus proche que jamais. D'une certaine façon maintenant, de l'autre côté de toutes les cabanes décrépies, elle me fait signe. Je me tournerais bien vers elle, mais je ne peux pas affronter ces yeux à nouveau, j'ai si froid, et c’est si bon de se reposer…
Ce texte a initialement été réalisé par David Feuling sur creepypasta.com, et constitue sa propriété. Toute réutilisation, à des fins commerciales ou non, est proscrite sans son accord. Vous pouvez tenter de le contacter via le lien de sa création. L'équipe du Nécronomorial remercie également Orizy qui a assuré sa traduction de l'anglais vers le français à partir de l'originale, Criv, Adiboille, Noname, Kistune et AngeNoire qui ont participé au processus d'analyse et de sélection conformément à la ligne éditoriale, et Noname et Litanie qui se sont chargés de la correction et la mise en forme.
C'est quoi qui le regarde ?
RépondreSupprimerUne hyène des neiges !
SupprimerBonne histoire, une sorte d'explorateur du pôle sud abandonné à son sort.
RépondreSupprimerPar contre j'ignore ce que sont les peintures et les yeux rouges.
Peut-être son esprit qui sombre dans la folie ?
Supprimer"et le fer rouillé qui était en dessous devient rouge orangé sous l’éclat de mon intrusion" Je ne suis pas sûr que le protagoniste soit un être humain
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