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La tombe, partie 2


Temps approximatif de lecture : 10 minutes.


Cela faisait 2 mois.


Le travail à la ferme n’était pas simple, mais je m’habituais vite, et puis, je n’avais pas vraiment le choix, il faudrait mieux y prendre goût. Georges et Lydia se sont montrés bienveillants avec moi, et bien sûr, je ne les ai jamais informés de notre lien de parenté. À leurs yeux, je n’étais qu’un parfait inconnu qui avait débarqué chez eux en cherchant du travail. Paradoxalement, ça m’a fait du bien de trouver un peu de stabilité pour avoir le temps de réfléchir à toute cette inconstance.


J’ai pu vite m’apercevoir que je n’étais pas le seul garçon de ferme qui travaillait ici. Il y avait un autre jeune homme, probablement même un peu plus jeune que moi, prénommé Elliot. 


Elliot était plutôt taciturne, mais souriant. Je pense qu’il était juste timide. Il avait ce tic nerveux qui lui faisait cligner de l’œil de temps à autre. Ça surprenait un peu au début, et puis on y faisait plus vraiment attention au bout d’un moment. On travaillait chacun de notre côté la plupart du temps, mais il arrivait parfois que l’on partage certaines tâches. Quand c’était le cas, on n’échangeait pas beaucoup en paroles, mais on était assez coordonnés. Elliot vivait à l’écart de la ferme, dans un cabanon que Georges lui avait mis à disposition. Il mangeait le repas de midi avec nous, mais se retirait dans son cabanon pour la plus grande partie de la soirée généralement. 


La routine s’est rapidement installée, et même si je parvenais assez bien à m’adapter, je nourrissais toujours l’espoir de pouvoir revenir à mon époque. Au début, je me suis dit que revenir au cimetière comme je l’avais fait juste avant d’être propulsé dans le passé pourrait me permettre logiquement d’inverser le processus. Sauf que pour ce qu’on en sait, toutes les histoires de voyage dans le temps peinent déjà à présenter un tant soit peu de logique tangible, alors vous pouvez vous douter que cela n’allait pas avoir l’effet escompté dans mon cas. Manifestement, j’allais devoir me creuser davantage la tête pour trouver une meilleure idée. 


Quoi qu’il en soit, je gardais en tête cette première solution et continuais à me rendre au cimetière tous les jours après le travail. Ironiquement, c’était bien la seule chose qui n’avait pas changé entre mon époque et maintenant : ces mêmes allées et venues. Au-delà de mes tentatives de retourner à mon époque, j’y ressentais en sus toujours le même plaisir.


Au bout d’un certain temps depuis que c’était redevenu une habitude, je retournais en direction de la ferme lorsque la nuit commençait à tomber. Heureusement, mon glissement temporel avait au moins eu la décence de se faire au début de la période estivale. Mais un soir, les choses allaient être différentes. L’imprévu, une fois de plus, allait me surprendre : jamais je ne me serai attendu à ce que je m’apprêtais à vivre.


Alors que je me dirigeais vers la ferme par l’habituelle même rue, je commençais à entendre des cris non loin de ma destination au moment de m’engager dans l’allée. Je ne distinguais pas vraiment au début leur origine, mais tandis que je poursuivais ma marche pour rentrer, les cris se faisaient de plus en plus audibles et je m'apercevai qu'ils venaient clairement de la ferme elle-même. Je reconnus alors les voix de Georges et Lydia.


Pendant un instant, je crus que quelqu’un les agressait, mais assez rapidement, ce que j’entendis avec un peu plus de distinction en m’approchant m'informa que ce devait être autre chose. Lydia sanglotait, alors que Georges criait et semblait être dans une colère noire. La curiosité me poussa à vouloir obtenir un témoignage visuel de la scène et je me faufilai donc sur la fenêtre de la pièce d’où semblaient provenir les cris. Visiblement, la colère de Georges était dirigée vers Lydia, ce qui expliquait ses sanglots. Mais la raison de toute cette agressivité m’était inconnue. Georges se contentait d’insulter Lydia de « salope » ou de « traînée ». J’ai même cru l’entendre dire qu’elle avait « sali son honneur ». Je n’y comprenais décidément rien. Jusqu’à ce jour, de ce que je pouvais en voir, ils formaient un couple harmonieux sans anicroches.


Une main se posa sur mon épaule.


C’était Elliot, qui était revenu de la grange pour retourner à son cabanon. Il m’avait sûrement vu épier et allait probablement me faire la morale, mais à mon grand étonnement, il me dit :


« Madame est enceinte »

Bien que l’information, délivrée de manière aussi crue, me fasse un drôle d’effet, je n’arrivais pas à comprendre pourquoi cela mettait Georges dans une telle colère.


« Monsieur et madame ont toujours voulu un enfant, c’est vrai… »


Me répondit Elliot, avec un clin d’œil nerveux.


« Mais Monsieur a été diagnostiqué stérile il y a plusieurs années. Madame n’est pas censée pouvoir tomber enceinte. Pas de lui, en tout cas. »


La situation était claire, Georges avait aisément déduit l’adultère de cette grossesse. Bien que je concevais qu’une telle situation pouvait mettre un sérieux chaos dans un couple, j’étais attristé de découvrir que mon grand-père pouvait se montrer aussi violent verbalement. Pendant un instant, j’eus envie d’intervenir, mais quelque chose me disait qu’il n’en sortirait rien de bon.


Plus tard dans la nuit, en repensant à cet évènement, je ressassais dans ma tête le fait que cette personne que je croyais être le père de mon père n’était au final rien d’autre qu’un pauvre mari cocufié dont la biologie n’avait au final laissé aucun héritage génétique. Aucun membre de ma famille ne m’avait jamais parlé de cette histoire, l’ignoraient-ils eux aussi ? Toutes ces questions me taraudaient et m’ont tenu éveillé une bonne partie de la nuit. 


A partir du lendemain, les jours, puis les semaines se sont poursuivis dans la même routine. Le seul changement était l’animosité presque constante de Georges envers Lydia. Elliot et moi, nous sentions bien qu’il se retenait de lâcher ses nerfs sur elle. Ça aurait pu être une bonne chose si pour le coup, il n’avait pas pris l’habitude de se montrer des plus désagréables avec nous afin de compenser sa colère. Je faisais profil bas, je m’estimais déjà heureux que Georges ne m’ait pas foutu à la porte sur un coup de tête à cause de tout ça.


Mais au final, je me dis parfois qu’il aurait peut-être mieux valu. 


Un soir, que la nuit était déjà tombée depuis un bon moment, Georges semblait ne plus en pouvoir vivre dans ce malaise et décida de laisser éclater sa colère sur Lydia plus qu’il ne l’avait jamais fait auparavant. J’étais déjà remonté dans ma chambre à ce moment-là, et l’air était vibrant. Je ne suis pas très courageux de nature, mais je voulais au moins tenter de m’interposer. Au moment d’ouvrir la porte, j’entendis autre chose que des cris, un bruit témoignant du nouveau seuil de gravité que l’attitude de Georges avait atteint.


Une gifle. Puis des coups.


Je regardais depuis l’étage : Georges malmenait Lydia, la frappait, l’insultait, déchaînait toute sa rage sur elle. J’étais horrifié. Je n’avais jamais été témoin d’une scène aussi violente. Tenter d’approcher Georges à ce moment-là serait certainement dangereux, mais je ne pouvais pas laisser Lydia subir tout cela. Alors que j’interpelais Georges tout en descendant l’escalier, celui-ci se retourna immédiatement vers moi avec un regard des plus noirs. Il se jeta dans ma direction avec la même rage qu’il avait libéré contre Lydia. Il se mit à me frapper à mon tour en me criant au visage.


« C’est toi !! C’est toi !! Comment tu as pu ?!! Je vais te tuer !! »


Je fus surpris par ses paroles, puis je compris qu’il devait m’accuser d’être l’amant de Lydia. Il avait clairement perdu toute lucidité et cherchait visiblement à se défouler. Mais sous la pluie de coups de cet homme à la carrure d’un golem, je n’avais aucune chance de me défendre et j’ai vraiment cru que j’allais mourir. Quand soudain, Georges se stoppa net. Il est resté immobile pendant un instant, puis il s’est écroulé de tout son poids sur moi.


Elliot se trouvait derrière, un couteau à la main, du sang coulait sur la lame.


Georges ne bougeait plus. Il donnait l’impression que sa colère était restée figée dans l’expression de son visage. Elliot m’aida à m’extirper de sous le corps de Georges, et alors que je reprenais mes esprits, j’entendis la voix de Lydia. 


« Mon amour ! Merci, merci ! »


Je me tournai dans sa direction, et constatai qu’elle enlaçait et embrassait Elliot.


« Tout va bien, ne t’inquiètes plus » lui disait-il. 


Je mis un instant avant de comprendre. À peine venais-je de perdre celui que je croyais être mon grand-père que je me trouvai en présence de la personne que je n’aurai jamais soupçonné qu’il puisse l’être. Mais la scène qui se jouait devait moi tendait à me prouver le contraire. Elliot serait le véritable géniteur de mon paternel ? À ce stade, je ne sais pas si je devais voir cela comme un signe, mais je commençais de plus en plus à voir ce glissement temporel comme un phénomène qui m’était arrivé pour une raison, comme si quelque chose de plus grand que moi avait décidé de me montrer une vérité que je cherchais. Où bien c’était juste une version de la vérité telle que j’aurais pu l’imaginer au même titre que les dizaines d’autres lorsque je me questionnais à propos de la vie de mes grands-parents. Quoi qu’il en soit, sur le moment, je n’avais pas le temps de philosopher. J’étais toujours assis sur le sol, à moitié abasourdi, et Elliot s’était penché sur moi, un clin d’œil nerveux le prit, puis il me dit :


«  On doit s’occuper du corps »


Il avait décidément une manière  très crue de dire les choses. Je restais sans voix pendant un instant, ne sachant pas trop quoi répondre, mais Elliot me rassura. « On est impliqué tous les trois » me dit-il, « faut qu’on se serre les coudes ». Il m’expliqua alors une idée qu’il avait eue pour se débarrasser du cadavre, qu’il avait vu ça dans le film « la Mort aux Trousses », où des personnages tentent d’en assassiner un autre en le forçant à être ivre, et en le mettant au volant d’une voiture sur une route à flanc de falaise. Le plan d’Elliot consistait à s’en inspirer, excepté que la personne n’était pas ivre, mais morte dans notre cas de figure, le but étant que son corps puisse être retrouvé dans ce que les gens croiront être un accident. 


Je n’étais bien sûr pas du tout emballé par tout ça. À vrai dire, qui le serait ? Mais je décidai de m’adapter. Elliot m’avait sauvé la vie après tout. Nous prîmes la voiture de Georges avec son corps à l’arrière, tandis que Lydia était restée à la ferme pour nettoyer le sang. Je vivais la nuit la plus intense de ma vie. Nous arrivâmes suffisamment haut au niveau d’un col, à l’endroit d’un virage où une sortie de route pouvait paraître complètement plausible pour un conducteur imprudent. Une fois la voiture bien placée plus haut sur la route, afin qu’elle ait le temps de prendre assez de vitesse en la dévalant pour fracturer la bordure de celle-ci, nous sortions de la voiture afin de placer le corps de Georges sur le siège conducteur. Elliot desserra le frein à main de l’extérieur et le reste s’enchaîna comme anticipé.


Le bruit qu’avait fait la voiture en s’écrasant en bas nous laissait clairement comprendre que la blessure mortelle qu’Elliot avait infligé à Georges allait fort probablement passer inaperçu sur son corps désormais semblable à de la charpie. J’étais encore sous le choc. Depuis le moment où Georges avait fondu sur moi, j’étais passé en pilote automatique, je me laissais complètement porter par le courant. Si Elliot avait voulu se débarrasser de moi, un témoin gênant, il n’aurait eu aucun problème à le faire à ce moment-là. Mais il n’en était rien. Au contraire, il se comportait avec moi comme si on était des complices qui se connaissaient depuis longtemps. Il avait même l’air content que je sois à ses côtés durant cet instant.


Nous fîmes le chemin du retour à pied (bien obligés). Cela nous prit tout le reste de la nuit. C’était le petit matin quand nous arrivâmes à la ferme. Juste après avoir passé le perron, nous constations que Lydia était encore éveillée. Elle avait visiblement fini de nettoyer le sang. Lorsqu’elle vit Elliot, elle le prit dans ses bras, et l’embrassa. Je me sentais mal à l’aise, avec cette sale impression de n’être qu’un vulgaire « complice-otage », même si Elliot ne m’avait jamais menacé, à aucun moment. Je ne savais plus quoi penser à ce moment-là. Lui avait l’air si détaché. Je me remis à espérer que tout cela n’était qu’un rêve très long et que j’allais bel et bien finir par me réveiller. Il parait qu’il est possible que certains rêves s’étalent sur une durée assez longue, comme plusieurs mois, voire plusieurs années. En y repensant, j’espérais vraiment qu’il pouvait s’agir de ça. Tout ce que je vivais était trop. Bien trop…


Mais les jours ont continué à se succéder. La voiture avait été retrouvée peu de temps après, et au moment de l’extraction du corps, il s’est avéré tellement méconnaissable qu’il n’a pu être identifié que grâce à ses dents. Comme Elliot l’avait espéré, ou peut-être même complètement prévu, l’évènement a été classé comme un accident. Aucune enquête n’a été ouverte. J’ai continué à vivre à la ferme pendant quelques temps. Lydia m’avait laissé continuer à occuper la chambre. Elle et Elliot n’osaient pas encore vivre leur histoire au grand jour, de peur que les gens jasent, alors il décida de rester dans la peau du simplegarçon de ferme qu’il avait toujours été. 


Je partais à la dérive. La vie dans cette époque qui n’avait pourtant pas si mal commencé pour moi s’est rapidement transformée en quelque chose de terrifiant. Et le fait que Lydia et Elliot parviennent à demeurer aussi détachés de ce que nous avions vécu tous les trois n’arrangeait pas mon traumatisme. J’aurais presque préféré qu’ils se sentent aussi mal que moi, pour au moins ne plus être seul à vivre cette épreuve. Georges s’était avéré être un sale type, mais je ne pense pas qu’il avait mérité ça. Soudainement, je pris conscience de quelque chose : je n’avais plus fait d’escapade au cimetière depuis son inhumation, je n’avais même plus la tête à trouver ce genre de lieu attrayant, probablement parce que mon rapport à la mort avait changé au-delà de tout ce que j’aurais pu croire. Et pourtant, ce jour-là, je sentais que je devais y aller, plus que n’importe quel autre jour. Je devais au moins voir la tombe de Georges une dernière fois. Je me mis donc en route.


Une fois sur place, je me plaçais devant la sépulture. Je restais stoïque à la regarder pendant plusieurs minutes. Il faisait froid et l’hiver n’allait pas tarder à montrer le bout de ses flocons. Et c’est à ce moment-là que c’est monté. Le craquage. Des larmes coulèrent sur mes joues, tout ce que j’avais gardé en moi se libéra. L’ironie était plus que parfaite, j’étais allé sur la tombe de mon grand-père des dizaines de fois avant que tout ceci m’arrive, sans lâcher une seule larme, et me voilà dans une situation semblable à ces dizaines d’autres, incapable de retenir le moindre millimètre cube de pleurs. J’en vins même à m’agenouiller pour prendre ma tête dans les mains. Tout ceci s’avéra finalement très cathartique. Mais tout s’arrêta quand j’entendis une voix étrangement familière.


«  Eh, le jeune, faut pas rester là, z’allez vous cailler les miches ! »


Je restais figé un instant en reconnaissant cette voix. Je me retournais alors pour constater comme pressenti la silhouette du vieux Gaston au loin qui me faisait signe en souriant. « C’est pas parce qu’on vient de sortir de l’hiver que faut rester aussi longtemps dehors le soir ! » Je faillis hurler de joie, je n’arrivais pas à y croire. Sa présence était bel et bien la preuve que j’étais parvenu je ne savais trop comment à revenir à mon époque. Ma première réaction fut de courir vérifier le portail du cimetière. Je dois dire que je n’avais jamais ressenti une telle euphorie en passant mes mains sur la rouille rugueuse du métal froid. Je n’avais plus de temps à perdre, je fonçais retrouver la maison de mes parents. Je ne savais pas encore si j’allais leur raconter tout ce qui m’était arrivé ou si j’enterrerais ça à jamais dans les tréfonds de ma mémoire, mais tout ce que je voulais à cet instant précis, je l’avais là, enfin. En sortant hors du cimetière, je fis un signe d’au revoir au vieux Gaston. 


Celui-ci me répondit par un signe de la main. Et par un clin d’œil.


Mais un clin d’œil étrange. Pas le genre que l’on fait sur commande.  


Ce texte a été réalisé par Cocobin et constitue sa propriété. Toute réutilisation, à des fins commerciales ou non, est proscrite sans son accord. Vous pouvez le contacter sur nos plateformes, nous tâcherons de vous y aider si besoin. L'équipe du Nécronomorial remercie également Aévor, Orizy et AngeNoire qui ont participé au processus d'analyse et de sélection conformément à la ligne éditoriale, et Yaamane et Trinity qui se sont chargés de la correction et la mise en forme. 

2 commentaires:

  1. Superbe ! Est ce possible d’avoir un lien vers la première partie ? Une galère sur mobile merci biz

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    Réponses
    1. Regarde au-dessus du temps de lecture 😉

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