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Halloween. Fête de la peur précédant le jour de la veillée des morts, occasion pour les enfants de se déguiser en créatures de la nuit pour aller quémander des bonbons de maison en maison, occasion pour les plus grands de réveiller en eux leurs peurs les plus ancestrales au moyen d’histoires contées au coin du feu ou de mises en scènes macabres avec des amis. C’est cette dernière option qu’avait choisi le groupe dont Christian et Marie faisaient parti. Le petit bois qui se trouvait non leur avait donné l’idée de jouer à un Slender – jeu de survie disponible sur internet qui remportait alors un petit succès, où le protagoniste doit échapper à un grand homme sans visage – grandeur nature.
Christian, qui vivait au loin, avait pu venir chez Marie pour quelques jours et, grand amateur d’histoires donnant froid dans le dos, avait sauté sur l’occasion pour faire partie des trois Slendermen qui se dissimuleraient dans l’ombre afin d’effrayer les autres. Les préparatifs s’étaient faits dans l’excitation. Bien sûr, copier l’entité sombre à laquelle ils devaient « échapper » n’était pas une mince affaire, aussi le jeune homme avait-il préféré maquiller ses paupières en noir et se faire un large sourire, tout aussi noir, sur le visage. Les autres, qui étaient arrivés quelques heures auparavant chez Marie, avaient tout de suite trouvé son visage effrayant. Ils trouvaient qu’il ressemblait un peu à un clown.
Lorsque tous furent prêts, ils sortirent et se dirigèrent vers le bois, qui se trouvait à cinq minutes à peine. Déjà, les trois garçons en charge d’effrayer le reste du groupe se servaient des ombres et de leur capacité à se déplacer silencieusement pour commencer à instaurer une atmosphère d’angoisse au sein du groupe. Ainsi, lorsqu’ils atteignirent le couvert des arbres, bon nombre d’entre eux n’avaient déjà plus trop envie de se séparer. Certains abusaient même du flash de leur portable pour éclairer les environs, mais on leur demande rapidement d’arrêter car cela faisait mal aux yeux, et de toute manière la lumière de la lune et des lampadaires au loin devait largement suffire. Le groupe entier s’enfonça un peu dans le bois, et les trois Slendermen leur faussèrent compagnie sans que les autres ne s’en rendent compte. La chasse pouvait commencer. Et quelques minutes plus tard, des cris de terreur déchiraient la nuit.
Les deux alliés de Christian, Jack et Harry, se tapissaient dans les fougères et rampaient sans bruit jusqu’à ceux qui tentaient de les fuir, et surgissaient derrière eux sans prévenir. Leur silhouette mince les aidait grandement à se dissimuler, et leur façon de s’incruster dans les conversations comme s’ils avaient toujours été là était encore plus impressionnante que lorsqu’ils saisissaient quelqu’un par les épaules en leur criant « Coucou ! » Jack aimait aussi rester sur le sol et attraper les jambes des personnes qui passaient à portée. Tout cela causait beaucoup de cris.
Christian, lui, se contentait de marcher parmi les arbres en profitant de leur ombre pour effacer sa présence en suivant sans bruit ceux qu’il choisissait comme proies. Parfois, on parvenait tout de même à détecter sa présence, mais il continuait son chemin, imperturbable, le visage totalement inexpressif, laissant le sourire qu’il s’était dessiné lui donner l’air d’un véritable psychopathe. Ainsi, même au courant de sa présence, les autres le craignaient. Mais la plupart du temps, il n’était pas découvert, et se contentait alors d’apparaître là où une seconde plus tôt il n’y avait personne. Cela faisait particulièrement peur aux autres, et cet effroi était décuplé lorsqu’il redisparaissait après qu’on eut simplement tourné la tête et réapparaissait du côté opposé, presque comme s’il se téléportait. Et arrivant à se déplacer assez vite sans briser le silence, il arrivait à suivre tout le monde à la fois, tel un spectre. On aurait dit qu’il était partout.
La partie dura une heure sans qu’il y ait d’incident notoire. Au début, lorsque quelqu’un entendait un bruit, on suspectait directement Jack ou Harry, car le troisième Slenderman n’était pas très connu, mais son prénom fut rapidement aussi cité que les deux autres. Au bout d’un moment, Marie, qui faisait équipe avec sa correspondante allemande pour se déplacer, en eut assez de faire partie des effrayés et décida de rejoindre le camp adverse, ce qui plut à sa correspondante car elle n’avait pas peur du tout. Cela donna un peu de fraîcheur à la partie, car le reste du groupe n’était pas au courant de ce changement de camp, et ils furent déstabilisés pendant un moment. Cependant, les deux filles étaient beaucoup moins discrètes et se faisaient repérer beaucoup plus facilement, ce qui atténua grandement la peur qu’elles inspiraient mais permit aux trois autres de tromper beaucoup plus facilement la vigilance des autres.
Après une deuxième heure, toutefois, quelques petites disputes éclatèrent. En effet, pour contourner l’interdiction de la lumière des téléphones, l’un des garçons membre du groupe fuyant les Slendermen se servait d’un laser qui projetait un rayon vert traversant le bois de part en part et permettait de détecter n’importe quel mouvement de près ou de loin, ce qui tuait l’ambiance car on s’attendait alors à être attaqué. Jack cessa même de tenter d’effrayer les autres car le jeu n’avait plus d’intérêt à cause de ça. Finalement, ce fut Marie qui mit un terme au conflit en réussissant à subtiliser l’objet. Le jeu pouvait donc reprendre.
Malgré cela, la coupure causée par le laser avait freiné l’avancée du jeu, et tout était beaucoup plus silencieux qu’avant. Jack et Christian eurent alors, sans se concerter, la même idée en même temps : jeter des bouts de bois en direction des groupes qu’ils voyaient de manière à ce que cela provoque d’énormes craquements à quelques centimètres à peine d’eux. L’effet fut immédiat : à peine le premier morceau percutait un tronc d’arbre que les filles qui se trouvaient juste à côté se mettaient à hurler d’épouvante et à détaler. Les deux garçons furent satisfaits et se rencontrèrent par hasard, découvrant la simultanéité de leur idée, ce qui les amusa. Ils s’apprêtèrent à repartir dans des directions opposées lorsqu’une forme sombre s’approcha d’eux. Intrigués, ils la regardèrent se déplacer dans les fourrés.
C’était Marie, tentant visiblement de se rapprocher d’eux sans bruit. Elle se déplaçait avec précaution, mais lorsqu’elle vit que ses efforts étaient inutiles, elle se remit à marcher normalement et sauta dans les bras de Christian. L’idée de lui faire peur ne pouvait pas vaincre son envie de revenir vers lui, songea ce dernier. Ils discutèrent un court instant, puis la jeune fille leur confia avoir dit aux autres qu’elle avait entendu le tintement de clochettes dans le bois, sans savoir ce que c’était, cela afin de leur faire croire qu’ils n’étaient peut être pas seuls. Après avoir gloussé de cette idée qui pouvait être fort utile, ils se séparèrent de nouveau, à la recherche du reste du groupe.
Grâce aux idées de dernière minute, le jeu put se poursuivre pendant une heure, avant que certains ne commencent à vouloir partir. Il était près de minuit et certains n’avaient de toute manière pas la permission de rentrer plus tard. Après s’être réunis hors du bois pour discuter de cela sous la lumière rassurante des lampadaires, tous furent plus ou moins d’accord pour dire que cela avait déjà été très amusant et qu’ils pouvaient rentrer sans regret. Ils s’apprêtaient donc à partir lorsqu’un grand bruit de fougère les fit tous se retourner vers le bois. Bien que personne ne put distinguer ce que c’était exactement, tous virent une forme disparaître promptement dans l’ombre des arbres. Quelque chose qui n’avait visiblement rien d’humain. Curieux, Christian commença à se rediriger vers l’obscurité.
« Mais qu’est-ce que tu fais ? lui cria Marie, qui avait perdu son calme aussi soudainement que la forme s’était montrée.
– Je vais juste voir ce que c’est, je n’en ai pas pour longtemps, ne t’inquiète pas…
– Si je m’inquiète ! Il fait noir, on est Halloween et personne n’a pu voir ce que c’est, ça fait peur alors je préfère qu’on rentre !
– Je vais revenir, t’inquiète pas, qu’est-ce que tu veux que ça me fasse ?
– On va y aller ensemble, les interrompit Jack, avec ceux qui veulent nous suivre, vous, vous restez groupés sous la lumière, si ça peut vous rassurer. »
Marie se tut, ne voulant rien ajouter, puis elle regarda son petit ami en lui disant d’une voix faible de vite revenir. Harry préféra rester hors du bois, au cas où. La correspondante allemande, en revanche, voulu venir, car elle était la seule à ne pas vraiment s’être amusée, et elle voulait avoir un peu plus peur. Christian ne l’aimait pas beaucoup, mais qu’à cela ne tienne, ça le ferait beaucoup rire si elle se mettait à crier alors qu’il n’y avait rien d’alarmant. Quelques autres les suivirent lorsqu’ils se dirigèrent vers les arbres, ce qui forma deux groupes de taille quasiment équivalente. Ils ne savaient visiblement pas où aller, mais, heureusement pour eux, les deux garçons de tête avaient repéré le chemin où s’était engagée la chose mystérieuse avant de disparaître de leur champ de vision.
Le silence était devenu plus pesant qu’auparavant. Peut être parce qu’ils avaient maintenant un mystère à élucider, mais au moins cela permettait de prolonger un peu la soirée. Au début, certains parlèrent pour se détendre, mais plus ils avançaient loin de la lumière, plus ils se taisaient, incapables de prononcer un mot supplémentaire. Leurs yeux commencèrent à s’écarquiller dans le noir, à la recherche de quelque chose qui aurait pu être ce qu’ils avaient vu et qui les rassurerait dés qu’ils auraient compris que ce n’était rien de plus qu’une biche ou autre chose du genre. Ce qui ne les empêcha pas de hurler de peur lorsque ladite forme apparut de nouveau au loin et détala à leur approche, provoquant de grands bruissements.
Sans vraiment savoir pourquoi, Christian se mit à courir vers elle, ayant compris de quoi il s’agissait. Il fut seulement suivi par Jack et l’allemande, les autres préférant rebrousser chemin, ayant eu leur compte d’émotions pour la soirée. D’ailleurs, même l’insupportable jeune fille qui ne s’était pas débinée commençait un peu à geindre, procurant à Christian une grande satisfaction, car il savait que ce après quoi ils couraient n’était normalement pas dangereux, du moins pour eux. Après une course d’une vingtaine de seconde, il les fit s’arrêter net, scrutant l’obscurité, ne mettant pas longtemps à trouver ce qu’il cherchait. Deux yeux luisant l’observaient dans l’obscurité. Lorsque les deux autres les aperçurent à leur tour, ils se figèrent.
Le chien, qui se trouvait juste assez loin pour qu’on ne puisse déterminer ce qu’il était au premier abord, se mit soudain à aboyer, ce qui permit aux deux autres de réaliser l’erreur qu’ils avaient fait. Christian, lui, continua de doucement s’approcher, en s’arrêtant toutefois lorsqu’il fut suffisamment près pour voir les crocs de la bête lorsqu’elle ouvrait sa gueule. Le jeune homme reconnu là des aboiements destinés à faire fuir, cependant il était persuadé qu’ils n’étaient pas adressés aux adolescents. Le comportement de l’animal le laissait de plus supposer qu’il avait peur de la chose contre laquelle il hurlait, car un chien n’est pas si facile à faire détaler, surtout dans un environnement ouvert comme celui où ils étaient. C’était déjà un peu plus inquiétant que de voir des formes sombres se déplacer parmi les arbres.
Soudain, l’animal se tut et décampa, tandis que des bruissements de feuilles se faisaient entendre derrière Christian. Son cœur se mit à battre plus fort dans sa poitrine. Il se retourna, puis poussa un imperceptible soupir de soulagement : ce n’était que Jack. Il voulait savoir s’ils pouvaient s’en aller, parce que les autres s’impatientaient sûrement, s’ils n’étaient pas mortifiés à l’idée de ce que pouvait être la forme qu’ils avaient vu, et maintenant qu’ils en connaissaient l’origine, rien ne servait de s’attarder ici davantage. « C’est peut être le moment de partir » dit-il avec un sourire. Ils allaient s’engager sur le chemin du retour quand Christian remarqua enfin que quelque chose n’allait pas. En effet, ils étaient trois à s’être enfoncés dans le bois, et non deux. Où était passée l’autre ?
C’est en arrivant à cette pensée qu’il les entendit pour la première fois. Distantes, mais pourtant inratables, avec un son si clair qu’il tranchait la plus profonde obscurité et parvenait jusqu’à ses oreilles comme si elles se trouvaient à quelques pas de lui. Diling… Diling… Le doux tintement de clochettes se faisait entendre depuis un autre endroit, qu’ils eurent du mal à repérer les premières secondes. Ils se regardèrent, sans savoir quoi dire. Marie n’avait-elle pas dit qu’elle avait inventé l’histoire des clochettes pour faire peur aux autres ? Diling… Diling… Une boule se forma dans leur gorge. Néanmoins, ce n’était probablement que sa correspondante qui avait décidé de disparaître pour tenter de les effrayer, ce qui ne fonctionnerait probablement pas. Ils avancèrent vers là d’où semblaient provenir les tintements, en restant sur leurs gardes.
La zone semblait beaucoup plus sombre que l’espace où ils avaient joué, et le bruissement des feuilles qu’ils déplaçaient en marchant était beaucoup moins perceptible. Le son des clochettes, en revanche, ne faiblissait pas, et il avait même l’air de se rapprocher lentement. Diling… Diling… Sans vraiment le remarquer, ils accélérèrent le pas. L’atmosphère devenait étouffante, et ils se demandaient ce que les autres pensaient, il était inutile d’envoyer davantage de gens se perdre parmi les arbres, ils seraient bientôt sortis de toute manière, ils n’avaient qu’à retrouver la farceuse, ce ne serait probablement pas difficile, elle s’était maquillée tout en blanc et luisait presque dans le noir à l’approche de la moindre source de lumière. Cependant, de lumière il n’y avait pas ici, et ils marchaient à l’aveuglette en écartant tant bien que mal les branches qui se mettaient parfois sur leur chemin.
Soudain, les clochettes se turent, et ce fut le moment que Christian choisit pour trébucher sur une grosse racine et tomber. Il pu amortir sa chute avec ses mains, qui s’enfoncèrent légèrement dans l’humus étrangement chaud, particulièrement glissant et dégageant une odeur nauséabonde. Jurant, il se mit à genou et essaya d’essuyer ses mains moites contre quelque chose de sec, mais n’y voyant rien, ses efforts étaient vains. Avec un peu de chance, il était tombé sur les déjections d’un animal sauvage, et préférait donc éviter de toucher ses vêtements. Il lui fallait un peu de lumière. Le jeune homme en demanda à son acolyte, qui s’était arrêté et avait commencé à ricaner lors de la malencontreuse chute. Jack prit son téléphone, toujours en ricanant, et activa son application lampe torche. Son rire mourut dans sa gorge aussi vite que la lumière se fit et il pâlit légèrement. Se tournant de nouveau vers l’avant, Christian comprit immédiatement pourquoi.
Du sang. Beaucoup de sang. Trop de sang. Du sang sur les branches des buissons, du sang sur les pierres qui parsemaient le chemin, du sang sur la couche de feuilles mortes qui recouvrait le sol. Du sang sur ses mains. Ses mains étaient complètement rouges, comme s’il les avait plongées dans le liquide. Il exhalait une odeur fétide qui s’insinuait dans ses narines et se transformait en un effroi se répandant dans tout son corps, paralysant ses membres et empêchant le cri qui s’était formé dans sa gorge de sortir. Le sang était encore chaud, comme si la veine dont il sortait était directement posée sur les mains de Christian. Face à lui, adossée à un tronc d’arbre, l’allemande le dévisageait de ses yeux morts, tandis que le liquide vital continuait de s’écouler depuis la plaie béante et si nette qui traversait son cou. Un troisième œil avait était dessiné avec sur son front, et ce dernier semblait en revanche tout à fait vivant, il était presque hypnotisant.
« Je crois que maintenant, c’est vraiment le moment de rentrer, » dit le jeune homme en déglutissant, après s’être arraché avec grand peine de cette vision d’horreur.
Il devait absolument garder son calme. Il ne fallait pas qu’ils soient les prochains. Il se mit à réfléchir à toute vitesse. Il fallait avertir la police le plus vite possible et déguerpir. Comment allaient-ils l’annoncer en rentrant, et comment allaient-ils le dire à la famille de la victime ? C’était probablement un fou furieux qui les avait suivit pour leur jeu d’Halloween et qui avait entendu l’idée de Marie, et profitait maintenant de la séparation des membres du groupes pour assouvir ses pulsions macabres en donnant vie à leur histoire d’Halloween. Il pouvait être n’importe où, peut être les observait-il derrière un tronc d’arbre juste derrière eux, peut être… Bon sang, mais à quoi pensait-il ?! La première chose à faire était de déguerpir !
Il se releva en vitesse et secoua Jack pour le sortir lui aussi de sa contemplation, après quoi ils prirent tous deux la fuite. Peu importe s’ils faisaient du bruit, le psychopathe ne pourrait pas les tuer si facilement que s’ils étaient en train de marcher. Sitôt qu’il eut pensé cela, il crut réentendre le son des clochettes. Malgré la stupidité de l’action, il ne put s’empêcher de s’arrêter quelques secondes pour en avoir le cœur net. L’autre garçon fit de même et lui tira la manche pour le forcer à continuer d’avancer. Des bruissements de feuillage provenaient de derrière eux, et les clochettes, qui avaient bien recommencé à sonner, se rapprochaient terriblement vite. Diling ! Diling ! La peur lui donna des ailes et ils se remirent à courir, essayant d’accélérer malgré l’essoufflement qui commençait à pointer. Christian n’avait jamais eu beaucoup d’endurance. L’idée que cela pourrait lui coûter la vie ce soir le tétanisa, et il redoubla d’efforts pour continuer sa course.
Après quelques minutes qui leur parurent interminables, ils aperçurent enfin la lisière du bois et s’y précipitèrent, ne pouvant attendre de rejoindre les autres. Cependant, à bout de force, Christian trébucha une nouvelle fois. Son cœur sauta dans sa poitrine à ce moment, et il crut que sa fin était venue. Pourtant, le tintement des clochettes s’était de nouveau tut. Jack remarqua bien vite qu’il était au sol et revint sur ses pas pour l’aider à se relever. À ce moment, une forme à l’opposé d’où ils venaient retint leur attention. Cela semblait être une des autres filles qui les avait suivis lorsqu’ils avaient suivi le chien. Que faisait-elle toute seule ? La réponse ne viendrait probablement jamais, car au moment où ils voulurent lui crier de vite les rejoindre, elle se mit à crier et sembla tirée en arrière, dans l’obscurité. Ses hurlements s’interrompirent derechef. Il était là.
Ni une, ni deux, Christian et Jack reprirent leur course folle vers la lumière des lampadaires et sortirent du bois. Les autres les virent et accoururent ; lorsqu’ils virent le sang qui gouttait encore des mains de Christian, ils reculèrent cependant, devenant livides. Seule Marie, les larmes aux yeux, sauta sur lui en le serrant fort dans ses bras. On demanda ce qui s’était passé, pourquoi ils n’étaient que deux à être ressortis de la forêt. Ce fut l’autre garçon qui se chargea d’expliquer tant bien que mal. Lorsqu’il arriva au sort de l’allemande et de l’autre fille, tous furent saisis d’effroi et certains se mirent à pleurer, partagés entre le déchirement que causaient ces deux assassinats et la terreur. Quelqu’un dit qu’il y avait encore d’autres gens dans le bois et qu’on ne pouvait pas les laisser là, mais on lui répliqua que s’il le voulait, il irait les chercher tout seul. Quelles étaient les chances de les revoir en vie, après tout ?
À ce moment, des regards se tournèrent de nouveau vers les arbres. Une autre avait visiblement réussi à s’en sortir, car des soupirs de joie se firent entendre. De loin, Christian eut, l’espace d’un instant, l’impression de reconnaître celle qui avait disparu près de la lisière du bois, mais il devait se tromper, la victime avait été trop loin à ce moment pour qu’il puisse reconnaître qui que ce soit. La fille qui venait était toute tremblante et couverte de sang. Elle était apparemment tombée sur les cadavres des personnes manquantes et avait dés lors cherché à sortir du bois par tous les moyens possibles, mais elle avait tourné en rond et n’avait retrouvé la sortie que grâce au cri qu’elle avait entendu. Elle fut soulagée de voir que les deux garçons allaient bien. Cependant, la fille était très choquée et avait du mal à s’exprimer.
Il fallait partir au plus vite. Ils ne pouvaient rien faire d’autre, de toute manière. La soirée était une véritable catastrophe. La peur était la seule chose qui permettait à tout le monde de ne pas s’effondrer sur place et de pleurer leurs amis. Sur le chemin, Harry prit son téléphone et appela la police, peinant à dissimuler son émotion lorsqu’il raconta ce qui s’était passé. On lui répondit de regrouper tout le monde au même endroit et d’attendre l’arrivée des secours. Sans réfléchir, il donna l’adresse de Marie comme lieu de regroupement. C’était donc là qu’ils iraient tous. Christian, lui, était plongé dans de sombres pensées. Tout était de sa faute. S’il ne s’était pas entêté à courir après ce stupide chien, ils seraient tous rentrés sains et saufs. Il aurait dû écouter sa petite amie. Il était responsable de tous ces morts.
La jeune fille, qui était cramponnée à son bras en pleurant, remarqua vite qu’il n’était pas seulement préoccupé par ce qui venait de se passer, et lorsqu’il finit par lui avouer ce qui le tourmentait, elle s’arrêta net, surprise, et le frappa. Christian fut choqué sur le coup. Marie était d’ordinaire gentille et refusait toute violence, c’était la dernière qui pouvait avoir ce genre de réaction. Elle fondit ensuite en larmes, s’excusa et le serra dans ses bras, lui murmurant que ce n’était pas de sa faute si un psychopathe était venu au même endroit qu’eux. Ils reprirent ensuite leur chemin, et tous furent arrivés chez Marie à peine une minute plus tard.
Ses parents étaient dans la cuisine. Lorsqu’ils arrivèrent pour les accueillir, la vue du sang les pétrifia, et la mère se retira, n’en supportant certainement pas la vue. Jack et Harry prirent la parole pour expliquer le drame qui venait de se produire. L’homme fut visiblement aussi choqué que les adolescents, et ne trouva pas tout de suite les mots pour s’exprimer. Il ne savait probablement pas plus que les autres ce qu’il fallait faire. C’était si soudain… Enfin, il finit par inviter ceux qui étaient couverts de sang à aller dans la salle de bain à l’étage pour se débarbouiller et se changer. La police étant déjà prévenue et probablement déjà sur le chemin, il n’y avait probablement pas grand-chose à faire de plus. Au final, ils ne furent que trois à monter, Christian, la fille qui était ressortie du bois, et Marie, qui avait aussi un peu de sang sur elle à cause des mains de son petit ami.
Le jeune homme prit immédiatement l’évier, car il n’avait que ses mains à nettoyer, l’autre fille aurait probablement besoin d’au moins la pomme de douche pour bien se rincer ne serait-ce que le visage et les mains avant l’arrivée des policiers. Il essaya d’en mettre le moins possible ailleurs que dans l’évier et frotta avec force pour retirer le liquide rouge de ses main. Il avait l’impression de se laver les mains du meurtre de l’allemande. Cependant, les mots de Marie lui revinrent en tête et il essaya de chasser cette idée, se concentrant uniquement sur ce qu’il faisait. Derrière lui, la fille couverte de sang plongea son visage sous l’eau et réussit à en enlever une certaine quantité. Elle ne semblait pas se soucier de ce qu’elle répandait sur ses vêtements ou le sol. Dans une telle situation, ce n’était de toute façon pas bien important.
Elle releva ensuite la tête et entreprit de retirer un bracelet fait de cordelette rouge avant de se laver les mains. Christian laissa sa place à sa petite amie, qui devait aussi essayer de retirer un minimum de ce que le jeune homme avait mis sur elle. Il s’appuya légèrement sur la machine à laver qui se trouvait juste à côté et la regarda faire d’un air songeur. La question de savoir ce qui se serait passé s’il n’avait pas été là ce soir lui occupait l’esprit. Seraient-ils tous rentrés plus tôt ? Ou serait-ce arrivé quand même ? Est-ce que Marie aurait aussi été prise dans les bois. Cette seule idée le fit frissonner. Il ne pouvait s’imaginer quelle aurait été sa réaction si tel avait été le cas. Et puis…
Ses pensées furent interrompues par un doux tintement qui lui glaça le sang. Il devait rêver, c’était impossible autrement. Le bracelet de la fille penchée sur la baignoire ne pouvait pas produire ce son, il était impossible que ce qu’il voyait là en train de briller à la lumière des lampes soit une petite clochette décorée du même œil rouge qu’il avait vu représenté avec du sang sur le cadavre de l’allemande dans le bois. Et pourtant, maintenant qu’il regardait la fille, il voyait tout ce que ses cheveux et le sang qui la maculait quelques instants plus tôt avaient dissimulé. Il voyait la représentation grotesque de cette œil affreux sur son front, qui semblait le fixer, tout comme le vrai qui se trouvait sur la clochette. Il voyait sa gorge tranchée qui n’avait plus de sang à laisser s’écouler. Il voyait ses yeux morts, vides de toute expression.
Marie, qui s’était retournée en entendant aussi le son tant redouté, saisit la main de son petit ami et la serra fort, terrorisée. Ni l’un ni l’autre ne pouvaient plus bouger. Ils ne savaient pas si la peur était trop grande ou si ces yeux étranges avaient quelque chose à voir là-dedans, mais une chose était sûr, ils étaient paralysés et incapables de crier. Dehors, une lumière rouge et bleue commença doucement à briller. La police était enfin arrivée. Cependant, il était trop tard, le meurtrier – ou peu importe ce que c’était - était déjà dans ces murs. La détentrice des clochettes esquissa une grimace qui devait probablement être un sourire et avança vers eux, lâchant le bracelet avec la clochette qui tomba sur le sol.
Diling… Dil-.
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Excellente deuxièmeme partie ! Cette série est vraiment superbe ! J'attend la partie 3 avec grande impatience !
RépondreSupprimerTrès bon récit! Vite la suite :)
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