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La tombe, partie 1





Temps approximatif de lecture : 10 minutes 

J’aime me balader dans les cimetières.

Je sais que c’est un peu abrupt présenté comme ça, mais ne voyez rien de particulièrement morbide là-dedans, ni même un loisir relativement marginal de phase gothique. C’est juste le lieu en lui-même, le calme qu’on y trouve. Personnellement, j’y ressens une profonde sérénité, comme s’il s’agissait de l’endroit parfait pour se retirer temporairement du monde, s’évader mentalement, vagabonder. 

Je m’appelle Fred, j’ai la trentaine passée depuis peu et au moment où je m’apprête à vous conter l’épisode le plus incroyable de ma vie, je suis condamné à vivre avec un secret des plus inavouables, un secret que je ne peux plus retenir en moi. Si je ne peux me résoudre à en parler à mes proches, au moins pourrais-je me délivrer de ce fardeau auprès de lecteurs inconnus.

Tout a commencé durant une période de congés que j’avais choisi de passer chez mes parents, à l’orée d’un petit hameau montagneux, au cœur de la campagne française et de ses attraits. C’était le début du printemps, et l’air commençait à se réchauffer. J’adorais retrouver le charme omniprésent de la nature, loin des tumultes urbains. Par ailleurs, si je vous parlais plus tôt de ma fascination pour les cimetières, ce n’était pas anodin : il y en a toujours eu un tout près de la maison familiale. Naturellement, au moment où toute cette histoire débute, j’étais parti y faire une énième excursion.

Le lieu en lui-même n’a rien de particulier, si ce n’est un cyprès solitaire trônant près d’une de ses bordures. C’est un petit cimetière de campagne. Et il y a aussi le vieux Gaston, qui y travaille comme gardien. On pourrait croire que c’est un genre de fossoyeur, mais son travail consiste essentiellement à prendre soin des tombes, faire un peu de jardinage, et veiller à prévenir tout acte de vandalisme. 


Pour ce que je me souvienne, le vieux Gaston a toujours été là, et il a bien sûr pris l’habitude de me voir traîner dans le cimetière depuis que je suis tout gosse. Bien que peu loquace et légèrement excentrique, nous nous saluons amicalement chaque fois que je m’y rends. J’imagine que nous avons toujours partagé le même engouement pour ce lieu.

Mais peut-être vous posez-vous la question de l’origine d’une affection si particulière pour ce genre d’endroit, car quand bien même je déclare apprécier le calme et la sérénité qu’on y ressent, il faut tout de même rappeler que tout attrait pour quelque chose se voit toujours initié lors d’un événement souvent bien spécifique. Un souvenir marquant, en somme.


Je devais avoir sept ans, ou peut-être huit, lorsque mes parents m’ont emmené voir la tombe de mon grand-père et de ma grand-mère pour la première fois. Les deux avaient eux aussi vécu dans ce coin de campagne, et y étaient décédés avant même d’avoir eu l’occasion de pouvoir vieillir. Mon grand-père était mort d’un violent accident de voiture quand ma grand-mère était encore enceinte de mon père, et celle-ci était morte de maladie (voire de chagrin, d’après ma mère) tout juste deux ans après son accouchement. Mon père avait ainsi été pris en charge et élevé par ma grand-tante durant son enfance. Du fait que je n’avais jamais pu connaître mes grands-parents, il m’arrivait souvent d’avoir des questions à leur sujet, auxquelles mon père n’avait de réponses que celles que ma grand-tante avait pu lui donner, et ce jusqu’à ce jour où il a finalement décidé de me montrer leur sépulture.


Lorsque l’on parle d’enfants, on a souvent tendance à penser qu’il faut les protéger de la conscience de la mort jusqu’au plus tard possible. De nos jours, le fait de montrer ce simple concept dans un film ou un dessin animé pour enfant est toujours sujet à débat, cela étant considéré trop « adulte », ou trop fataliste. Mais si vous voulez mon avis, j’ai toujours considéré cela comme très exagéré. Les enfants sont bien souvent sous-estimés sur les diverses prises de conscience qu’ils peuvent avoir tôt dans leur vie, et même si cela peut leur faire ressentir de la crainte, celle-ci n’est généralement pas plus envahissante dans l’esprit qu’elle ne le serait pour un adulte. Je suppose que ce point de vue me vient de mes parents eux-mêmes, qui considéraient essentiel que je puisse me rendre compte de ce qu’était la mort.

C’est donc pour cela que je me souviens bien que ce jour-là, mon père m’a dit de mes grands-parents qu’ils ne bougeraient pas d’ici. Que les cimetières ne servaient pas qu’à enterrer les morts, mais permettaient aussi aux vivants de continuer à leur rendre visite de la même manière qu’on irait voir un vieil ami.

“Tu pourras continuer à venir voir papy et mamie quand tu veux, m’a-t-il ensuite dit. 
- Tu peux aussi leur parler si tu en as envie. Chaque personne a sa façon de communiquer avec les proches qui ne sont plus là”, a poursuivi ma mère.

Sur le moment, j’ai trouvé ça incroyable de faire face à la tombe de personnes que je n’avais jamais connues, tout en sachant que j’avais été destiné à les connaître. J’imagine que c’est là qu’a débuté mon rapport si particulier avec les lieux de repos éternel. Je ne me suis jamais laissé aller à penser que les morts étaient des personnes « qui n’étaient plus », mais plutôt des personnes qui « auraient pu être ». Je m’imaginais leurs histoires, leurs destinées manquées, d’autant que certains noms étaient ceux de familles qui vivaient encore dans le coin, et que je connaissais pour la plupart (que ce soit par les amis d’école ou par les voisins). Parfois même, lorsque j’étais plus jeune, le vieux Gaston me parlait des personnes derrière des noms qui ne me disaient rien, ce qui donnait encore plus de grain à moudre à mon imagination vagabonde. Très tôt, je me suis définitivement senti lié à cet endroit.

Néanmoins, c’est lors de cette énième et singulière promenade, durant la visite à mes parents que j’évoquais plus tôt, que tout a basculé. 

Alors que je finissais mon habituel tour du cimetière tout en fumant une cigarette, je me suis arrêté quelques instants pour contempler la tombe de mes grands-parents. Je me plantais toujours devant eux pendant quelques minutes, juste avant de repartir. C’était comme une sorte de rituel. Il arrive que l’on se plaise à conserver certains réflexes que l’on possède depuis l’enfance, que ce soit par habitude, ou par simple envie. Devant la tombe, diverses pensées me sont venues en tête comme d’ordinaire, toujours dans cette thématique de « ce qui aurait pu être ». Mais ce jour-là, plus que d’habitude, j’ai été pris d’une étrange mélancolie. Un sentiment proche de la tristesse, de celui que l'on ressent lorsque l'on est frappé par cette sensation d’avoir raté une occasion importante dans notre vie. Dans mon cas, il s’agissait probablement de celle de n’avoir pu connaître des personnes censées m'être proches.

Cette fois, debout devant la stèle, j’ai formulé une sorte de vœu silencieux dans mon esprit, comme si je souhaitais avoir la possibilité de pouvoir un jour rencontrer mon grand-père et ma grand-mère, de pouvoir parler avec eux, leur poser mille et une questions. Cela m’est venu comme ça, alors que j’étais frappé par l’émotion.

Après cette requête mentale emprunte de regrets, je suis resté sur place pendant encore quelques minutes, songeur, et suis finalement parti. Il était temps de rentrer. 

C’était la fin d’après-midi, et le soleil commençait lentement à disparaître. Mais en me dirigeant vers le portail de l’entrée, j’ai eu une drôle d’impression. En passant les battants métalliques, j’ai tourné la tête vers les vieux tenants métalliques rouillés de ces derniers, et j’ai été frappé de surprise lorsque j’ai constaté qu’ils étaient éclatants de peinture fraîche. Même leur métal tordu par la vétusté, comme il l’avait toujours été à mes yeux, semblait avoir été remis à neuf. Vous savez, c’est ce genre de moment où vous avez l’impression de constater quelque chose d’étrange, mais qui en fait peut s’expliquer de façon assez logique si vous acceptez de rationaliser. Et cela a été mon cas : je me suis simplement dit que ce devait être l’œuvre du vieux Gaston, qui s’était enfin décidé à donner un petit coup de neuf à ce portail tout délabré. Mais aussi explicable que cela pouvait se révéler être, je ne pouvais me débarrasser de la curieuse impression qui s’était infiltrée en moi. 

Et à raison, car ce soir-là, ce détail était loin d’être le seul changement dont j’allais être témoin, et de très loin…

Alors que je sortais du cimetière et que je traversais la rue qui rejoignait l’allée dans laquelle se trouvait la maison de mes parents, j’ai remarqué deux détails assez intrigants. Pour commencer, une ancienne boulangerie, fermée depuis des années, présentait une devanture parfaitement éclairée et l’on pouvait distinguer à travers la vitrine ce qui semblait être le propriétaire, s’apprêtant à fermer pour la nuit. 

Sur le coup, je n’ai pas été particulièrement étonné de constater qu’un commerce fermé depuis autant de temps ait pu rouvrir du jour au lendemain lorsqu’un nouveau propriétaire en faisait l’acquisition. Mais plus que cela, ce qui me surprenait, c’était que la devanture que je contemplais à ce moment-là se trouvait dans un état plus que correct, et que la vitrine était parfaitement propre. Ce qui n’allait pas là-dedans, c’est que l’établissement tel que je l’avais aperçu la dernière fois, c’est-à-dire la veille en empruntant cette même rue au même moment de la journée, avait plus que jamais besoin d’un bon ravalement de façade, et j’avais du mal à imaginer qu’un tel travail ait pu être réalisé en une seule journée. Non, cela m’a définitivement paru plus qu’étrange, mais je n'étais pas au bout de mes surprises : le prochain détail que j’allais remarquer serait de taille.


Au moment de m’engager sur le chemin de l’allée où se trouvait la maison de mes parents, je ne m’en suis pas rendu compte. C’est après quelques pas que j’ai pris conscience que quelque chose était inhabituel, et pour cause : sous mes pieds, une irrégularité de relief à laquelle ce chemin pourtant si familier ne m’avait jamais habitué. De la terre. 
Le chemin était en terre battue, mais rien de bien inhabituel dans certains coins de campagne, me direz-vous. Le fait est que ce chemin, que je connaissais bien, n’avait jamais été en terre, je peux vous l’assurer. Je l’avais toujours connu goudronné, et je savais que c’était même déjà le cas quand mes parents avaient fait construire leur maison. 

Je n’y comprenais rien, et plus je réfléchissais, plus il m’était impossible de trouver une explication rationnelle. Est-ce que j’étais en train de rêver ? Tout cela n’avait aucun sens. Etais-je victime d’une hallucination ? Avais-je une tumeur dans le cerveau ? Ou étais-je bel et bien dans un rêve ? Difficile à dire, mais cela s’avérait d’autant plus effrayant de faire face à quelque chose que je savais irréel. J’ai néanmoins décidé de poursuivre mon chemin jusqu’à la maison, histoire de reprendre mes esprits avant d’en parler à mes parents. Mais une fois arrivé à destination, mon cœur a manqué un battement.

La maison avait disparu.

Ou plutôt, c’est comme si elle n’avait jamais été là. Tout ce qu’il y avait là était un terrain sauvage en friches, qui ne montrait aucun signe d’anciennes constructions. Le terrain semblait inexploité. 

A ce stade, j’avais déjà atteint le point culminant de la confusion. Que peut-on bien faire lorsque l’on est confronté à ce genre de phénomène ? On ne se pose jamais vraiment la question, étant donné que l’on est pas supposé vivre un évènement aussi surréaliste. J’ai bien sûr tenté de me pincer pour voir si j’allais me réveiller de ce qui m’apparaissait résolument comme un rêve, mais aucun changement ne s’est produit. 


A court d’idées, j’ai sorti mon téléphone portable pour tenter d’appeler au moins mes parents, ou quelqu’un d’autre. Même si j’étais à la campagne, j’avais au moins la chance d’être à un endroit où l’on pouvait capter un peu de réseau. Mais cette fois-ci, comble de l’inconvenance, le signal était complètement inexistant. Désespéré, j’ai effectué plusieurs allers-retours en marchant pour arriver à capter ne serait-ce une toute petite barre, mais rien n’y a fait. Au bout d’un moment, excédé, j’ai décidé de me rendre chez les voisins les plus proches, qui tenaient une ferme. Je pourrais tenter d’utiliser leur téléphone, ou même juste avoir quelqu’un avec qui communiquer, à ce stade. Sur le moment, j’étais vraiment terrifié par la situation. 

Une fois sur le perron, j’ai frappé à la porte. Peu de temps après, un homme dans la quarantaine m’a ouvert, affublé d’une moustache bien touffue. Il faisait au moins un mètre quatre-vingt, et possédait de larges épaules. L’homme avait véritablement la carrure d’un frigidaire. 

“Oui, c’est pour quoi ?”, m’a-t-il lancé, un sourcil relevé devant ma mine blafarde.

Intimidé, je me suis mis à balbutier. Il me fallait tout de même camoufler ma panique. je n’avais aucune envie de paraître fou à devoir expliquer l’impasse dans laquelle je m’étais fourré. Me faisant violence, je suis parvenu à garder contenance assez longtemps pour demander à l’homme si je pouvais utiliser son téléphone. Il a hoché la tête d’un air entendu, et m’a invité à entrer chez lui. Je l’ai suivi d’un pas mal assuré, traversant un salon sobrement décoré dans lequel se trouvait, assise en train de lire dans un fauteuil vert foncé, une femme dont l’âge semblait avoisiner celui de l’homme. Certainement son épouse. Au moment où nos regards se sont croisés, nous avons échangé un bref signe de tête en guise de bonsoir, et j’ai rejoint l’homme dans une pièce voisine.


Lorsqu’il m’a montré le téléphone, j’ai eu une nouvelle surprise. Il s’agissait d’un téléphone fixe vintage à cadran rotatif, le genre de combiné qui paraissait commun dans les années 50 ou 60, mais certainement pas au XXIème siècle. Constatant cela, en plus de la vue d’ensemble que j’avais sur cet intérieur particulièrement rustique, je me suis simplement dit que ces personnes semblaient avoir un goût assez prononcé pour le rétro. Quand on sait qu’aujourd’hui, même l’idée de posséder un téléphone fixe est de plus en plus oubliable, vous imaginez ma surprise lorsque j’ai constaté la présence d’un annuaire au pied du combiné, un annuaire avec un style, disons-le, vieillot. Le design de la couverture et la mise en forme du texte faisaient penser à ces vieilles encyclopédies à reliure cuir, sur lesquelles on est parfois susceptible de tomber dans une brocante.


Malgré tout, je n’ai pas tardé à trouver une raison de voir en cet annuaire une certaine utilité, car chaque fois que j’essayais de composer sur le vieux téléphone les numéros de mes parents que j’avais enregistrés dans le répertoire de mon portable, aucune tonalité ne se faisait entendre. Le numéro était peut-être occupé, voire non attribué même si cette dernière option me semblait impossible, mais ce qui était étrange, c’est qu’aucune voix automatisée ne me donnait ces informations comme cela aurait dû être le cas. Au bout d’un moment, j’avais fini de tester tous les numéros de mon répertoire, en vain, et j’avais de plus en plus de mal à contenir mon sentiment de panique. C’est là que j’ai ouvert l’annuaire pour tenter de trouver d’autres numéros, comme ceux attitrés aux noms des familles voisines que je connaissais, ou de familles d’amis d’enfance. 


Lors de ces appels, un interlocuteur décrochait presque à chaque fois. Mais loin d’être rassuré, je m’enfonçais un peu plus dans l’incompréhension à chaque fois que je demandais si j’étais bien chez telle ou telle personne, et que tous semblaient ne pas connaître les prénoms que j’évoquais. Aucun de ceux que je prononçais ne semblait évoquer quoi que ce soit chez les personnes au bout du fil. Pourtant, je faisais attention à ce que l’adresse indiquée à côté du numéro corresponde bien à celle que je connaissais pour chaque destinataire, mais rien n’y a fait. Au bout d’un moment, je ne savais plus du tout quoi faire. C’était comme si je n’habitais plus au même endroit, que j’avais été téléporté ailleurs. C’est alors que j’ai tenté de chercher mon propre nom de famille dans le bottin. Peut-être y aurais-je trouvé un autre numéro me permettant de contacter mes parents. A ce stade, je n’étais vraiment plus sûr de rien. 


Je n’ai trouvé qu’un seul résultat pour celui-ci, et l’adresse stipulée semblait être toute proche de la maison de mes parents, ce qui m’a enfin donné le sentiment que j’allais arriver à quelque chose. Mais au moment où la tonalité a commencé à retentir, j’ai été pris d’un frisson glacial. En effet, au même moment, la sonnerie de ce qui semblait être un téléphone secondaire dans la maison où je me trouvais a retenti. J’étais abasourdi par cette coïncidence, si bien que deux tonalités ont eu le temps de passer avant que je ne raccroche d’un geste machinal. Aussitôt, le second téléphone s’est arrêté de sonner. Quelques secondes plus tard, l’homme est revenu dans la pièce, me demandant si j’avais décroché cet appel entrant, sans même savoir que c’était moi qui l’avait déclenché. J’ai simplement répondu que non, mais je ne pouvais plus retenir mon expression de confusion extrême.


Petit à petit, je commençais à comprendre la situation dans laquelle je me trouvais, car même si j’écartais cette possibilité complètement folle depuis le début, c’était la seule possible. D’abord le portail du cimetière remis à neuf, la boulangerie de la rue ouverte de nouveau, puis le chemin en terre, et pour finir, la maison de mes parents volatilisée, sans oublier le style rétro omniprésent des personnes chez qui je me trouvais…

Cela semblait indéniable : j’avais fait un bond dans le passé.

Si vous cherchez une explication, passez votre chemin, car je n’en avais pas non plus, et je n’en ai toujours pas. Ce phénomène étrange s’est juste… produit, d’une manière ou d’une autre. Et comble de tout, le couple chez lequel je me trouvais portait mon nom de famille. Pouvait-il s’agir de… mes grands-parents ? Après tout, je me rappelais qu’ils avaient eux aussi vécu dans le coin, en leur temps. 
L’homme, qui était resté en face de moi, a remarqué mon expression étrange et mon visage blême. 

“Tout va bien, garçon ?” m’a-t-il demandé.

J’ai levé la tête comme pour lui répondre, mais je me suis rendu compte que je n’avais aucune idée de ce que j’allais dire. Je savais bien qu’il me fallait expliquer ma situation, mais encore une fois, impossible d’être honnête sur ce qui m’arrivait sans passer pour fou. Or, s’il s’avérait que j’étais bel et bien remonté dans le passé, je n’avais pas envie de vérifier par moi-même les méthodes employées à l’époque pour s’occuper des personnes considérées comme aliénées. Il me fallait improviser. Inventer une histoire à raconter au couple, peut-être même l’attendrir avec ce bobard. 


Avalant ma salive, j’ai commencé à lui raconter une version édulcorée mais plausible de la réalité. Que lorsque j’étais plus jeune, j’avais quitté ce village pour tenter ma chance à la ville, mais qu’après plusieurs années, cela ne m’avait mené à rien et que j’avais donc finalement décidé de rentrer au bercail, afin de chercher du travail dans un environnement plus familier et moins effervescent. Je lui ai également expliqué qu’avec son téléphone, je cherchais à joindre des connaissances qui vivaient dans le coin, mais que toutes avaient visiblement déménagé. Puis, j’ai tenté de faire passer mon authentique désarroi pour un sentiment de désespoir faussement lié à la difficulté que j’avais à trouver un travail dans le coin. 


Si tout ce que je connaissais avait disparu, je n’avais donc réellement nulle part où aller, ni aucun objectif à atteindre, à cette époque. Mon improvisation était peut-être totale, mais elle a porté ses fruits, car l’homme, en entendant mon (faux) récit, m’a pris en pitié, et a décidé de me proposer un poste de garçon de ferme. Il a ajouté que lui et son épouse avaient une petite chambre à l’étage dont ils ne se servaient pas actuellement, et qu’ils pouvaient donc sans problème me proposer le gîte et le couvert en échange de mon labeur. 

Je n’étais plus à ça près au niveau des situations farfelues, mais l’idée d’errer sans but dans le passé m’apparaissant peu alléchante, j’ai accepté la proposition avec plaisir. L’homme et la femme, laquelle nous avait rejoints dans la petite pièce, m’ont souri en retour de mon enthousiasme. Nous avons ainsi fait les présentations, et j’ai à ce moment-là eu la confirmation de ce que je soupçonnais : leurs prénoms étaient Georges et Lydia, ceux de mes grands-parents. Ma déduction était bien la bonne, et il n’y avait plus de doute sur mon accident de « glissement temporel ». J’étais encore sous le choc, mais je n’avais pas le choix, je devais m’adapter.

Au moins, tout ceci allait me laisser du temps pour rebondir et trouver une solution. 

Ce texte a été réalisé par Cocobin et constitue sa propriété. Toute réutilisation, à des fins commerciales ou non, est proscrite sans son accord. Vous pouvez le contacter sur nos plateformes, nous tâcherons de vous y aider si besoin. L'équipe du Nécronomorial remercie également Aévor, Orizy et AngeNoire qui ont participé au processus d'analyse et de sélection conformément à la ligne éditoriale, et Gordjack qui s'est chargé de la correction et la mise en forme. 

3 commentaires:

  1. L’histoire m’a beaucoup plut ! Vivement la suite !

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  2. Mais du coup imaginez genre il trouve un moyen de sauver ses grands-parents et il voit ses parents naître et puis il se voit naître... ? J'suis une cruche en maths mais il me semble que le timing correspond si le gars a 30 ans et que... ha mais nan parce qu'on sait pas ils avaient quel âge quand ils ont eu le père du gars. On sait que le gars il a 30 ans et que son grand-père 40 ans. Mais on sait rien de plus, vivement la suite

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  3. Empreinte* pas emprunte.

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