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Je ne fais de mal à personne - Chapitre 1

Je ne fais de mal à personne - Chapitre 1


Il est 9h, encore une journée de merde qui s’annonce. Comme d’hab', aucun client ne se pointera. Le pire, c’est que tous les putain de matins, je me coltine l’odeur de pisse empestant la cage d’escalier de l’immeuble où j’ai la chance de tenir mon agence. Agence… Le petit appart' qu’on a reconverti en agence. Enfin bref, la clope au bec, j’ouvre la porte d’entrée. Je vois que le bureau de Daery est ouvert. Une ancienne ténor du barreau qui a quitté le parquet. Elle ne s’est jamais épanchée sur le sujet, mais je sais ce que la presse en a dit. Pétage de plomb suite au refus de la loi reconnaissant la personnalité juridique aux robots, ou un truc dans le genre. Bref, la petite avait tout investi dans la campagne et s’est retrouvée à la limite clocharde en démissionnant. Je l’ai recrutée dans un bar, dépensant ses derniers sous en vodka. Faisant fi de son manque de goût en alcool, je me suis dit qu’une avocate serait toujours pratique. Bon, la gamine n’est pas vraiment payée pour son boulot, cependant, je l’autorise à squatter l’agence et elle touche une partie des bénefs quand il y en a. Je sais, techniquement, c’est de l’exploitation. Sauf que, d'une : les androïdes intelligents sont hors de prix. De deux : je lui évite de finir pute. C’est plutôt équilibré moralement, au final.
« Salut, Daery, dis-je en passant devant la pièce sans m’arrêter.
Salut, Elio », répond-elle sans faire beaucoup plus attention à moi.

Je pénètre ma « pièce de travail », le lieu où je glande en attendant 18h, en somme. Heureusement, le fauteuil en cuir est particulièrement confortable. Tout en me servant une grande tasse de whisky, je déplie le journal. « 8 août 2057 : scandale financier (connards de politiciens, tous les mêmes), pic de chaleur dépassant tout les records avec 57° (dieu merci, les nouvelles crèmes solaires sont très efficaces), un groupe d’activistes soupçonné d’enlèvements d’IA dans le logement de leurs propriétaires... ». Je le referme. Toutes ces mauvaises nouvelles risqueraient de gâcher ma si belle matinée. Ahah, je me fais rire. Quitte à être là… Je me décide à bosser sur mes virus : chevaux de Troie et autres piratages en tout genre. Le gros du métier se fait le cul posé sur une chaise, on doit donc particulièrement soigner ses outils. Surtout que les sécurités s’améliorent continuellement (foutus anti-virus). Bref, alors que je suis en train de pisser du code, la sonnette retentit.

Deux types s’installent tranquillement sur les sièges d’attente. Le premier est un grand black d’allure normale. Quant au second, il ne retire même pas ses vêtements de protection. Il est emmitouflé, de la tête aux pieds, sous une tonne de tissus. Daery leur souhaite la bienvenue, aussi surprise que moi. Le gaillard vient lui serrer la main et commence à expliquer son cas.
« Venez plutôt dans mon bureau », dis-je. Ce n’est pas pro de discuter là.
« Je préférerais avoir affaire à Madame Hidden, si cela ne pose pas de problème ». Attends, quoi ?
« Il n’y a aucun problème, veuillez me suivre, messieurs », dit-elle.
Connasse.

En marchant, le mec bizarre fait des bruits étranges. Difficilement perceptibles, mais bien présents. Sa démarche l’est également : ses mouvements sont mécaniques. C’est sûrement un robot. Pourquoi un robot aurait besoin de protection ? Comment ce gars a pu s’en payer un ? Il n’a pas l’air d’être de la classe moyenne et encore moins bourgeois… Ok, ils ont titillé ma curiosité. 

Daery s’est assise sur sa chaise, les deux en face d’elle. Moi, dans un coin de la pièce. À l’aise, mon ASSISTANTE prend la parole.
« Bonjour Ed, comment vas tu ? » 
Pitié, pourvu que ce soit un de ses anciens amis millionnaires qui aime se déguiser en prolétaire.
« Bonjour Madame, je suis heureux de vous revoir. Je vais être direct : je ne sais pas vers qui me tourner et seule vous montrez un peu de compassion pour nous... » 
Raté, un pauvre, fais chier.
« Que pouvons-nous faire pour vous ?
Plusieurs des nôtres ont disparu, je pense qu’ils sont morts. » 
La voix de l’homme est tremblante, il est terrifié.
« Combien de disparus ? Et êtes-vous sûr qu’il s’agisse de meurtres ? ». Son ton est grave, parfaitement posé.
« Nous sommes parfaitement sûrs qu’au moins treize des nôtres ont été tués. Des amis de confiance ont assuré avoir vu une voiture noire rôder dans le quartier. À chaque fois, les disparus sont montés dedans. » 
C’est encore pire que ce que je pensais. Je dois cependant être certain, alors je réplique.
« Pourquoi ne pas aller voir la police directement ?
C’est plus compliqué que ça ».
Par ce que vous êtes des robots ? » 
L’ex-avocate se tourne vers moi, indignée.
« Je préfère le terme conscience artificielle. C’est plus respectueux. » 
Il évite mon regard, de la honte ?
« Je m’en fous » 
Les obsolètes sont des nids à emmerdes.
« Tu n’as pas du travail à finir ? » 
Daery se rapproche rapidement de moi.
« Pardon ?
Je m’en occupe, dégage, murmure-t-elle.
Nous allons en reparler, fais moi confiance. » 
Si elle croit s’en sortir comme ça…
Je retourne en vitesse à mon ordinateur, en claquant la porte derrière moi. Pas très pro, en y repensant.

Je me ressers un bol de mon dix ans d’âge, internet et ses bonnes affaires, tout en faisant les cents pas. Je me sens bouillir intérieurement. Cette garce mécanophile va m’attirer tout un tas de merde. Elle se rend compte, au moins, que si on accepte cette affaire, et sans compter les risques à enquêter à Junk-Town, on deviendra « les bienfaiteurs » des obsolètes ou quelque chose de ce style ? Les flics et, certainement, le gouvernement nous ficheront comme activistes consciencistes. C’est un coup à fusiller mon boulot, avoir le fisc aux miches et je ne sais quoi… Le pire, c’est que ces « victimes » sont peut-être des appâts pour nous attirer dans leur ghetto afin de nous détrousser. Des collègues bisounours se sont déjà fait avoir par des roublardises similaires.

Une vingtaine de minutes plus tard, toc toc toc, je crois savoir qui frappe.
« Rentre, gueulè-je.
Ils sont partis, je viens faire le point, dit-elle tout en refermant la porte.
Tu les as virés, j’espère ? T’es un connard de raciste, tu le sais ? »
Ce coup-ci, je me la fais.
« Tu es une pauvre conne qui ne capte STRICTEMENT rien à ce qui se passe. Tu te rêves en Martin Luther-King, Gandhi, Malcolm X où je ne sais qui d’autres… Mais, réveille toi, dans le monde réel, nos organes vont finir sur leboncoin. Au mieux, ils nous paieront avec trois boulons récupérés sur la carcasse d’un gangster rival… TU COMPRENDS ÇA ? » 

Elle marque une pause, sûrement le temps que je me rassois.

« Je ne me rêve en rien du tout. J’accepte simplement le seul travail qui se présente à nous. Tu es au courant que l’on a déjà un mois de retard de paiement pour le loyer ? Tu ne pourras pas toujours embrouiller la propriétaire, même si elle a quatre-vingts ans, elle va finir par se rendre compte que tu te fous d’elle. Et si tu crains un défaut de paiement, je t’assure qu’Ed nous paiera. Je le connais, en tant que pasteur, il considère qu’il doit montrer l’exemple à sa communauté.
C’est ça, ce n’est pas du tout une revanche contre ton échec, avec ta loi… Tu sais ce que je crois ? Que tu es une gamine orgueilleuse qui n’accepte pas de s’être foirée. La petite surdouée qui échoue lamentablement, ça a dû te foutre un coup. Papa a dû être si déçu… Et là, tu vois l’occasion de prouver que tu es plus qu’une clocharde squattant le dépotoir du premier connard venu. Devine quoi, pas question que je mette à dos la société HUMAINE pour que tu puisses mieux dormir le soir. » 
Elle ne bronche pas une seule fois, contrairement à moi qui hurle. Elle s’essuie plusieurs fois le visage, à cause des postillons par millier.
« Ce que tu penses n’a aucune importance. Tu as deux choix : soit tu acceptes et tu gagnes un peu d’argent et cela fera de la pub à l’agence. Soit tu refuses et tu mises sur l’arrivée d’un autre client. En clair, tu acceptes ou tu finis toi-même sans abri. » 
Elle ne m’a pas laissé le temps de répondre. Elle m’a jeté le dossier au visage et est sortie ensuite.
Foutu idéaliste.

Je finis d’une traite mon bol et tourne en rond. Je fais quoi ? Et puis merde, ça ne coûte rien de regarder le dossier. Treize victimes, tous des robots sexuels. Que des obsolètes, évidemment, par contre tous sont des modèles auto-améliorants doués de conscience. Le cureton avait raison, c’est peu probable qu’il s’agisse d’autre chose que des enlèvements. Le profil des disparus est trop similaire. Au moment des faits, les témoins affirment tous que les sexbots étaient revêtues d’une perruque blonde, tous étaient des modèles caucasiens, et tous se sont fait embarquer dans une Ford noire, de nuit. L’intervalle entre les disparitions est court. Deux semaines pour treize enlèvements. Les photos fournies montrent que les visages sont presque tous les mêmes. Je fais une recherche Google, bingo, ils sont de la même marque et de la même série. Des Henry’s de modèle Sveltlana. Bon, l’entreprise a déposé le bilan, il y a quelques années, mais le fait est que la redondance des victimes est troublante. Il y a deux possibilités : un bug de fabrication qui les pousse à s’enfuir Dieu sait où, ou un criminel avec des goûts affirmés. Dans un premier temps, il va falloir déterminer laquelle des deux est exacte.

Pour ce faire, j’ai écumé les articles de revue spécialisés concernant les Sveltlana. Les analystes professionnels n’ont détecté aucun bug notable, ni aucun défaut de fabrication. Ils signalent, cependant, que l’intelligence est limitée et que le modèle a une propension à la soumission. Je m’en rappelle maintenant, cela avait fait scandale à l’époque. Plusieurs associations féministes avaient intenté un procès à l’entreprise pour sexisme. C’est d’ailleurs ce qui avait coulé la boîte. Le robot a néanmoins été produit en masse et distribué (surtout aux particuliers et aux bordels, en faite). J’avance un peu dans le temps, le produit est vite obsolète, mais toujours aucun signe de comportements étranges (mis à part les bugs inhérents aux machines de cette période : soucis d’élocutions, de déplacements, de coordinations des mouvements…). Toutefois, cela ne prouve rien. Il est tout à fait possible que l’auto-amélioration par l’apprentissage de ces machines ait déconné à un moment. Il va falloir que j’accède au code source de l’IA et que je lance une simulation de vieillissement accéléré. Génial, le programme est en open source. C’est plutôt courant que les entreprises proposent leurs vieux programmes ainsi, cela leurs donne bonne image et permet d’éventuellement découvrir de nouveaux génies de l’informatique. Par contre, je n’ai pas le matériel pour lancer la simulation. Je l’envoie à un ami ingénieur, je lui demande d’inscrire les caractéristiques communes des victimes : prostitution, Junk-Town, Blonde, Ford noire, pauvreté. Ce sont les seuls points communs si l’on en croit les témoignages des proches. J’admets que l’enquête préliminaire d’Ed a été d’une redoutable efficacité, s’est-il implanté le programme « Flic en herbe » ?

En attendant la réponse de mon pote, je me penche sur les lieux des disparitions. Junk-Town est grand, immense même. Et je vois qu’ils se sont produits aux quatre coins du ghetto. Toujours de nuit. Il n’y a pas grand-chose à tirer de côté là. Pas de cohérence ou de schéma discernable. Ding, j’ai reçu un mail. La réponse est sans appel, l’auto-apprentissage avec ces données ne mène que dans 13 % des cas à la fuite. C’est très probable qu’il s’agisse d’enlèvements. Voyons donc le modus operandi : se faire passer pour un client dans une Ford noire de nuit, désactivation de la puce GPS, disparition complète de la victime, aucune revendication et discrétion relative. On peut en déduire qu’il ne s’agit pas de groupements extrémistes. Une attaque d’un gang ? Non, la zone de prédation est trop étendue et les attaques sont spécifiques. Je pencherais pour une ou deux personnes avec un fétichisme sur les blondes. C’est dommage, pas de corps, impossible alors de déterminer une signature. L’enjeu est de savoir si le coupable est humain ou synthétique. De base, je dirais humain. Les robots fous sont moins calculateurs dans leurs approches, plus violents. Un comportement plus sociopathique que psychopathique. Je vais m’orienter sur les humains de prime abord. Tout le ghetto est entouré et de péages et de checkpoints, si une Ford noire est passée plusieurs soirs de suite, les fonctionnaires pourront me le dire. Je passe donc un coup de fil à un autre camarade (oui, on ne peut pas faire ce métier si l’on n'a pas un minimum de copains bien placés). Il est récalcitrant, au début, puis quand je lui signale que personne n’en a rien à foutre de Junk-Town, il finit par cracher le morceau. Selon la base de données centrale, aucun véhicule correspondant à cette description n’a franchi plusieurs soirs de suite les points de contrôles. Je le remercie et raccroche.

Humm… Soit le gars planque sa voiture et rentre/repart à pied, soit il habite le coin. La deuxième solution me semble plus crédible. C’est parfait pour moi, la communauté humaine de Junk-Town est particulièrement soudée. On dirait des Amish, parfois. J’irai en interroger quelques-uns, avec tact, car je ne veux pas finir au fond d’un caniveau, les tripes à l’air. Il va falloir que je mente un peu, les synthétiques et les locaux ne peuvent pas se blairer. Ils me vireraient à coup de pied au cul s’ils connaissaient mes intentions.

Le plan est simple. Je vais aller interroger les humains, voir s’il n’y a pas un marginal ou un mec étrange dans leur communauté. À défaut, un type obsédé par les blondes. L’autre ira enquêter du côté robots, elle essaiera de glaner des infos auprès des Sveltlana. Il y a toujours la possibilité d’un piratage, déterminer un comportement étrange serait intéressant. De plus, persuader Ed de mettre en place un système de surveillance dans les quartiers rouges est une bonne idée (bien qu’il est quasi-sûr que ce soit déjà fait, dans ce cas nous en faire profiter).

Je range les documents dans le dossier et fourre ça dans un tiroir. Je m’allume une clope et réfléchi. Je vais prendre de gros risques, le ghetto est une des zones les plus chaudes de l’Europe. Je ne suis pas con, ce n’est pas une perpétuelle guerre civile. Cependant, c’est un lieu avec le plus fort taux de criminalité, un lieu où la police ne va pas. Il faut être honnête, les flics se foutent pas mal du sort des robots. Ils sont considérés comme des meubles donc… Et quand bien même je n’ai pas de soucis, il faudra éviter les médias et compagnie. Pas question que l’agence devienne un étendard des militants consciencistes. Encore moins la cible de tous les groupuscules réacs. En clair, nous devons agir dans le feutré. Je dis nous, mais je m’inquiète surtout à cause de l’ex-avocate. Ce serait un sacré moyen de redevenir la coqueluche des médias. J’imagine déjà les gros titres : « La protectrice des innocentes consciences artificielles et son acolyte arrêtent un odieux criminel. » Les gens adorent les super-héros, les gens sont cons…
Par contre, elle a raison sur un point : je n’ai pas le choix.

Je sors de mon bureau et me dirige vers celui de Daery.
« On va accepter, et vu que c’est ta première enquête, tu vas faire exactement ce que je te dis. Junk-Town n’est pas une ballade de santé.
Je m’y suis déjà rendue.
Pas en tant que détective privé. Tu vas aller voir Ed et lui demander de nous faire accéder à ses indics, systèmes de surveillance ou je ne sais quoi. Puis, tu iras voir un maximum de Sveltlana afin de détecter des comportements étranges. Ou si elles ont vu quelques choses d’inhabituel. » 
Mon ton laisse comprendre que je ne veux pas entendre une seule remarque.
« D’accord.
On va partir de suite. On arrivera en début de soirée. C’est parfait. Je prends ma voiture et on se retrouve devant. » 
Daery met ses clefs dans son sac, enfile sa tenue de protection (un long manteau, des gants, un chapeau et un masque) et quitte l’appartement. J’espère pour elle qu’elle s’est armée.

Je prends mon arme, un bel engin de poing : 14mm, une chambre de douze balles et presque pas de recul. Le mieux est l’explosion IEM à l’impact, de quoi refroidir un robot trop farouche. J’enfile ma tenue : mon trench et mes gants de cuir, mon borsalino puis mon foulard. Ma fiole en poche, j’ai aussi pris mes clefs. Direction Junk-Town.

Spotlight : La fin

La fin. Un terme parfait. C’était, en fait, terminé. J’ai écrit ceci depuis le seul petit coin, le petit espace où je travaillais, le seul que je considérais comme « sûr ». Chaque jour, chaque horrible jour est une lutte pour rester en sécurité. Ah, je m’égare. Je suppose que je devrais faire un bref résumé de ce qui s’est passé. Mon nom est Ridley Peirce. Ma vie était celle d’un journaliste débutant. J’avais un studio à Toronto. J’avais une Ford F-250. Je vivais d’un rien. Et oui, j’étais heureux. Exerçant ma passion, vivant en paix. Quand c’est arrivé.


J’utilise ce terme car le public en général n’a jamais été informé sur ce que c’était. L’idée la plus répandue était que ce devait être le produit d’une sorte de pollution, ce qui était l’idéalisme des politiciens. Cela a commencé à faire effet le 16 juin 1998. Je m’en rappelle très bien. Je n’avais pas été bien payé récemment, et je manquais d’argent. Je suis allé à la quincaillerie pour acheter quelques affaires, et je l’ai entendu. Un cri à vous glacer le sang. Je me suis élancé sur le trottoir devant la boutique, tout le monde courait. Ma première pensée a été que quelqu'un avait été assassiné. Je n’en avais jamais vu, mais j’avais déjà vu un homme se faire agresser.


C’est là que j’ai vu un des premiers infectés. Il devait avoir la quarantaine, travaillant probablement dans la construction car il était habillé pour. Il était moite et pâle, dans un état très étrange. Il avait une longue trace de griffure sur son bras gauche et ses yeux étaient injectés de sang et gonflés. Et il n'était pas seul. Une personne revenant de ses courses s'est fait happer par la foule frénétique, et les infectés l'ont eu. Il a eu de la chance d'avoir une mort rapide - sa gorge a été arrachée. Lui, ce passant inconnu, je le saurais plus tard, a eu beaucoup de chance d’être tué si vite. Les infectés ont dévoré son cadavre sous les yeux effarés des gens se trouvant encore dans le magasin, en proie à la panique. Une détonation a soudain retenti. Le propriétaire de la quincaillerie avait sorti son fusil Gauge de calibre 12 et a commencé à rapidement éliminer les infectés. Sitôt que celui qui bloquait la porte s'est effondré, j'ai couru aussi vite que possible vers le parking. La seule chose au monde qui importait à présent était de monter dans mon camion. Je gardais toujours mon Colt de calibre 45 dans la boîte à gants. J’avais le mauvais pressentiment que peu importe ce que ces choses étaient, elles étaient nombreuses.


J’ai ouvert mon camion, ai grimpé dedans puis ai vite fermé les portes. J’ai démarré aussi vite que possible et ai remonté l’avenue principale. J’étais choqué, je ne savais pas où aller. Je me suis retourné et ai vu les infectés grouillant autour de la boutique, attirés par le bruit. Après avoir dépassé quelques cafés et maisons, je suis tombé sur un grand groupe. Ils étaient habillés comme des gens normaux. Un T-shirt de marque ici, une robe par là. C’était ahurissant. La seule chose que je savais était que je devais m’enfuir loin et aussi vite que possible. Je n’avais à ce moment que mon couteau, mon Colt, mes clés, ma valise, mon portefeuille et quelques centimes. Pas la meilleure sélection d’objets pour se battre contre une horde affamée. Alors que je roulais vers ma maison, je n’en ai pas vu beaucoup, j'en ai vu des tonnes. Sur le bas-côté, près des maisons, DANS les maisons. Je roulais presque au maximum de mon camion, regardant furtivement dans mon rétroviseur. J’ai vu des gens s’enfuir loin des infectés, des gens qui se battaient contre des infectés. Et des gens dévorés par les infectés.


J’ai appuyé sur l’accélérateur. J’ai vu mon voisin courir, une version infectée de mon propriétaire le poursuivant. Je me rappelle de lui avoir tiré dessus. Il ne devrait plus jamais m'ennuyer à propos du loyer. J’ai couru à l’intérieur de ma maison. J’ai fermé la porte, et l’ai barricadée avec mon lit et ma commode. J’ai fermé tous les rideaux. J’ai rassemblé mes esprits. Je devais comprendre ce qui se passait. J’ai allumé la télé, rien. Je me suis assis, et j’ai attendu. C’était il y a cinq jours. Je suis tombé à cours de nourriture décente 3 jours plus tôt. L’eau courante stoppa juste avant ça. Oh mon Dieu, la déshydratation est horrible… Mais j’ai toujours mon Colt. 4 recharges. C’est assez pour 3 infectés. Si j’en arrive là, je saurai quoi faire.
Traduction de Teru-Sama

Ma femme n'arrête pas de parler pendant son sommeil

Ma femme et moi avons emménagé dans notre nouvel appartement il a quelques mois. C'était une régression considérable de notre niveau de vie si on le comparait à notre ancienne maison qui elle était un spacieux et pittoresque cottage. Pour ma femme, ça avait été la maison de ses rêves pendant les trois années ou nous avions vécu là bas. Nous ne voulions pas partir mais c'était une étape nécessaire pour nous. Vous voyez, Jessica et moi vivions dans le sud. Tout allait bien pendant un long moment mais mon cabinet d'avocats a décidé de me promouvoir à l'improviste. C'était quelque chose d'inattendu mais vraiment apprécié.

Malheureusement, ce nouveau job entraînait avec lui une mutation vers l'une de nos nombreuses agences. Celle-ci était située en Nouvelle Angleterre. Nous avons longuement discuté de la question et après de longues conversations Jess a accepté. Il est important de noter que la vie dans le sud est vraiment moins chère que dans le nord, il est aussi plus difficile de trouver un emploi. C'est pour cela que nous vivions dans un plus petit espace qu'auparavant. Enfin, jusqu'à ce que Jess trouve un emploi nous devions nous serrer la ceinture. C'était sa manière de voir les choses.

Les tensions entre nous étaient de plus en plus fortes les premières semaines après notre déménagement. Je peux vous assurer qu'elle était très irritable. Notre ancienne vie lui manquait et le fait d'avoir un travail stable aussi. Elle n'avait rien à faire de ses journées et s'ennuyait. Cela a bien évidemment conduit à de nombreuses disputes. Pendant un moment, j'avais l'impression que nous n'aurions pas du déménager. Un mois après le déménagement les choses ont commencé à avancer. Jess a trouvé un job à temps partiel en tant qu'éditeur pour la TV locale. Elle adorait ce boulot et tout se passait bien avec ses collègues. Tout semblait aller, ce n'était pas parfait, mais c'était tout de même bien.


C'est à ce moment la qu'elle a commencé à parler dans son sommeil. C'était à prévoir et honnêtement je suis surpris qu'elle n'ait pas commencé plus tôt. Ma femme a toujours eu un sommeil agité lorsqu'il y a un changement dans sa vie, qu'il soit bon ou mauvais. Cela avait commencé lorsque nous nous sommes mariés, puis lors de notre emménagement dans notre premier appartement et aussi lorsqu'elle a fait une fausse couche (mais je vous en toucherai quelques mots plus tard). Jess savait qu'elle parlait dans son sommeil, vu que je le lui mentionnais de temps à autre. J'en riais le matin, en me rappelant des choses étranges qu'elle avait dites la veille. Mais cela la met mal à l'aise et elle semble toujours embarrassée. C'est pour cela qu'après la première nuit où elle a parlé durant son sommeil dans notre nouvel appartement, j'ai décidé de ne rien lui dire.


Elle a parlé pendant son sommeil pendant plusieurs semaines. Son travail a pris fin à ce moment et sans travail pour garder son esprit occupé, ses colères de nuit ont empiré. Elle s'est mise à hurler pendant la nuit, ce qui m'a forcé à intervenir pour la calmer. Une nuit ses cris se sont transformés en pleurs, et pendant qu'elle pleurait, elle a dit quelque chose que je n'oublierai jamais.

« Je voudrais que tu sois mort. »

Je savais qu'elle était endormie, essayant de la calmer du mieux que je pouvais, mais je me suis senti obligé d'insister pour en entendre plus.

« De qui parles-tu, chérie? »

À ma grande surprise elle a répondu.

« Toi. »

J'étais pris au dépourvu, c'est une chose assez étrange que de vouloir que votre mari soit mort, encore plus lorsque vous êtes endormi.

« Pourquoi ? lui ai-je demandé.

Tu ruines ma vie. »

Ces quatre mots m'ont coupé le souffle. Peu importe si elle pensait vraiment ce qu'elle venait de dire ou si c'était simplement le fruit d'un esprit fatigué, ce genre de mots exigeaient une auto-réflexion. Je me suis donc demandé un moment si je lui ruinais vraiment sa vie ou si j'étais le responsable de ses terreurs nocturnes. Jess est restée silencieuse pour le reste de la nuit. Je le sais parce que je suis resté éveillé. La réflexion et l'inquiétude ne m'ont pas permis d'avoir d'une douce nuit. Je n'arrivais pas à croire que ma femme me voulait réellement mort, mais ses délires nocturnes étaient définitivement une source de préoccupation. Entre les cris et ses paroles macabres, son état n'avait jamais été aussi mauvais.


Le lendemain matin, j'étais prêt à tout lui raconter. Mais j'ai continué à penser à comment elle réagirait et ce qu'elle dirait. C’était trop pour moi mais je ne voulais pas l'accabler plus que ça, elle venait d'être licenciée, ce qui était déjà difficile pour elle. À la lumière de cela, j'ai préféré me taire. La nuit suivante, les cris et les pleurs avaient disparus, c'était réconfortant mais, malheureusement, c'était passager. À l'improviste, lorsque j'étais en train de m'endormir pour sombrer dans un profond sommeil, elle a recommencé à parler.

« Parfois, je m'imagine la manière dont je le ferais… »

Je n'ai pas vraiment compris le sens de la phrase et j'ai pris ça pour une absurdité induite par le rêve qu'elle faisait, mais elle a ensuite continué.

« Pendant que tu dors, je me lève et vais dans la cuisine. »

Je ne savais pas de quoi elle parlait, mais à mesure qu'elle continuait, j'ai fini par comprendre. Il y avait certains moments où elle grognait des mots incompréhensibles, mais avec les quelques bribes suffisamment claires dans ses mots, je pouvais aisément deviner ce qu'elle avait en tête.

« Aller jusqu'à… attraper un couteau… encore et encore … du sang partout dans le lit… ne pourras plus détruire ma vie … »

Elle était clairement en train de décrire son plan pour m'assassiner. Aussi absurde que cela puisse paraître, je ne pouvais pas m'empêcher de rire jaune. C'était juste un rêve après tout, rien de plus. Je ne peux pas dire que je n'ai pas fait de choses étranges dans mes propres rêves, des choses que je ne ferais pas dans la vraie vie. Jess était énervée contre moi depuis le déménagement et passait ses nerfs sur moi lorsqu'elle dormait. Enfin, c'est ce dont je m'étais convaincu.

Elle a continué à parler dans son sommeil pendant quelques semaines. J'espérais que ses crises de minuit lui faisaient du bien, mais sans un diplôme en psychologie, je ne pouvais en être sur. Tout ce que je pouvais faire, c'était l'écouter divaguer à propos de moi chaque nuit, et attendre que ça passe. L'épisode le plus long qu'elle avait jamais eu avait duré un mois, je pouvais donc dire avec assurance que cela n'allait pas continuer très longtemps.

Un mois a passé... un deuxième… Jess a continué, chaque nuit, ça recommençait. Entre chacun de ses grognements incohérents, elle exprimait son envie de me faire du mal. J'ai commencé à m'y habituer, mais une nuit, tout a changé. Pendant que ma femme dormait, elle a prononcé quelques mots qui m'ont traversé le cœur.

« J'ai perdu mon bébé par ta faute. »

Mes émotions bouillonnaient au fond de moi et j'avais cette horrible boule au ventre. Cette fois, je devais savoir ce qu'elle voulait dire.

« Que veux-tu dire ? »

Il y a eu un bref moment de silence, mais finalement Jess m'a donné une réponse. Il y avait un peu de grognement mélangé à ses mots, mais elle a réussi à se faire comprendre.

« ...tu m'as donné envie d'avoir des enfants... tu as crée la vie en moi.. maintenant je suis seule.. »

Ces mots m'ont touché au plus profond, et ont fait couler quelques larmes sur mes joues. C'était mon idée d'avoir des enfants. Jess n'avait jamais souhaité en avoir, mais elle s'est efforcée d'en vouloir pour moi. C'est pourquoi, après la fausse couche, j'ai été surpris de la voir si dévastée. Je n'avais aucune idée d'à quel point elle s'était accrochée à l'idée d'avoir un enfant. Mes larmes se sont stoppées lorsqu'elle prononça une phrase de la pire sorte.

« Je te tuerai. C'est promis. »

C'est la dernière chose qu'elle a dite cette nuit-là. Ça fait environ une semaine que ma femme a fait cette promesse. Aussi perturbant que cela puisse paraître, j'aurais pu simplement passer outre comme le reste, en supposant que c'était le fruit du stress et que je n'avais pas besoin de m'en inquiéter. Malheureusement, je ne peux m'en empêcher. Jess me fait de plus en plus peur. Désormais je fais de courtes siestes et je dors les yeux ouverts, tout cela à cause d'une seule chose.

Maintenant, elle se lève en dormant. 

Traduction de Mei Linh

Texte original

Spotlight : Cauchemar éveillé

« Putain, il est déjà 2 heures du mat' ? »
 
Ça, c'était moi, un samedi soir, ne sachant pas trop quoi faire de ma soirée. À vrai dire, tous les soirs c'est la même routine : je squatte mon ordinateur portable avec la télé allumée. Je parle à des amis sur Skype, et généralement, vers les 1h du mat', je les lâche pour regarder d'autres trucs sans trop qu'ils ne me dérangent. Suite à ça, je regarde des trucs sur le paranormal, des vidéos, ce genre de truc quoi. Parfois j'y crois, parfois c'est plus difficile. En gros, c'était une soirée ordinaire et je me faisais littéralement chier. Ouais, j'aurais pu aller me coucher, mais j'avais pas sommeil, et j'avais juste pas envie. Une fois n'est pas coutume, j'ai décidé de regarder un peu les chaînes sur ma télé. 
 
Après être tombé sur du tout et n'importe quoi, je me suis brusquement arrêté sur une chaîne lointaine, vous savez, ces chaînes étrangères quoi, où tu comprends que dalle. Bon, pourquoi je me suis arrêté ? C'était une séance d'hypnotisme, et apparemment, le téléspectateur pouvait tester tout en restant confortablement installé sur son canapé. Pourquoi pas, ça pouvait être marrant, même si je n'avais d'aucune idée de ce que en quoi le type pourrait bien nous transformer. Sûrement un truc stupide du style un poulet, un canard ou un ornithorynque, haha. Donc, l'hypnotiseur a sorti une sorte de... Spirale, qui tournait. Je suis lentement tombé dans une contemplation de l'objet, même si la musique derrière était très dérangeante, une sorte de berceuse qu'on aurait accéléré, un truc du genre. Je fixais attentivement la chose, quand un claquement m'a réveillé et... 
 
Rien ne s'était produit. Rien n'avait changé en moi mais... La télé était bizarrement éteinte. Je n'ai pas cherché à comprendre, j'étais super fatigué, j'avais du mal à garder les yeux ouverts. Du coup, je me suis dit que je m'étais endormi pendant la séance, mes parents étaient rentrés de leur soirée et avaient éteint la télé sans me réveiller. Je me suis levé, et j'ai regardé l'heure : 2h15 ? Il était impossible qu'ils rentrent si tôt ! L'hypnotisme s'était passé il y a seulement quelques minutes ! J'essayais de trouver une explication logique, quand on a toqué à ma porte. Cela peut ne paraître rien en temps normal, mais bordel, je rappelle qu'il était 2h du mat' quand même. Avec une certaine hésitation, très prudent, j’ai très légèrement entrouvert la porte. Personne. Je suis sorti pour regarder aux alentours, mais non, personne dans les environs. J'ai dû rêver à cause de la fatigue je me suis dit. J'allais rentrer quand quelque chose m'a glacé le sang. 
 
Il était là. L'hypnotiseur. À une trentaine de mètres de devant chez moi. Avec ses longs cheveux blancs et ses lunettes de soleil. Il avait encore sa spirale qui émettait la même musique flippante. Je suis vite rentré en courant, j'ai fermé toutes les issues possibles. Après ça, je me suis dit que j'avais dû grave délirer encore une fois, j'ai moi-même rigolé de ma stupidité. Franchement, qui peut croire à ces conneries, sérieusement ? Je suis monté me coucher, j'étais crevé comme pas possible, et ça se ressentait. En montant dans ma chambre, ma fatigue se sentait de plus en plus, c'était vraiment bizarre, comme si mes pas étaient de plus en plus lourds. Je me suis directement couché avec mes habits, et je me suis endormi. Enfin, j'ai « essayé ». Quelque chose m'empêchait de dormir. Quelque chose dans ma tête. J'entendais cette musique, elle se jouait en boucle dans ma tête. Mais après m'être concentré, j'ai remarqué quelque chose... Cela ne venait pas de ma tête, mais de ma chambre ! Je me suis levé aussi vite que possible, et je l'ai vu. Dans un coin de ma chambre, il se tenait debout, me fixant attentivement, souriant au coin des lèvres. J'ai crié, je suis sorti de ma chambre pour descendre, mais il m'attendait en bas. Impossible ! J'ai regardé dans ma chambre, rien, je me suis retourné vers les escaliers mais... Il avait disparu. 
 
Je paniquais sévère. Je veux dire, c'était trop réel pour que ce soit une illusion. J'étais sûr que tout ça était vrai ! Sans attendre, je suis descendu pour sortir de ma maison, mais elle ne s'ouvrait pas ! Les clés étaient sur la porte quand j'avais fermé tout à l'heure, j'en étais sûr... Malgré mes efforts, je ne suis pas arrivé à l'ouvrir. Je me suis senti observé, en permanence. L'ambiance devenait de plus en plus oppressante, c'était l'enfer. Je pensais le voir de partout, je ne pouvais pas me cacher, j'étais piégé. Je cherchais désespérément une planque, un moyen de partir d'ici, il fallait juste que je me sorte de cette emmerde. D'un coup, je me suis souvenu : dans notre garage, il y avait une porte de sortie, qu'on bloque avec une planche. C'était mon seul espoir, je devais y aller ! 
 
J'ai couru vers mon garage. Je ne me suis pas arrêté une seule fois. Même s'il y avait eu cet homme devant moi, je suis sûr que j'aurais quand même continué. J'allais chialer, sérieusement, je savais que j'étais en danger. J'ai ouvert la porte qui mène au garage, et m'y trouvais en un instant. Il faisait sombre, je n'y voyais rien, mais je savais où me repérer pour trouver la porte. J'ai lentement avancé, le silence était pesant, à chaque son qui se faisait entendre, je sursautais. Mais finalement, il n'y était pas. Rassuré, j'ai déplacé la planche de bois, je m'apprêtais à ouvrir la porte, quand un son s'est fait entendre. Une mélodie. Cette foutue berceuse dégueulasse. Je l'ai vu devant la porte qui menait à la maison. Toujours souriant. Je me suis retourné et ai ouvert la porte. Il était derrière cette porte, et sans que je puisse faire quoi que ce soit, son visage s'est déformé et il s'est jeté sur moi ! 
 
... Et je me suis réveillé. J'étais assis, les yeux grands ouverts, la télé allumée. Il y avait cet hypnotiseur qui était applaudi par une centaine de personnes. Ce n'était qu'un « rêve », c'était vrai, le type m'avait juste hypnotisé. Tout ceci avait été si réel, mon dieu, c'était horrible. J'ai éteint la télé, rassuré, et je me suis levé pour prendre à boire. 

Mais quelque chose d'inattendu s'est produit. 
Un son s'est joué derrière moi.  

C'était cette foutue berceuse.

Ils me regardent

La première fois que je les ai vus, c'était à l'âge de huit ans. J'étais en voiture avec mon père. On allait à la fête d'anniversaire de mon oncle. Je regardais par la fenêtre en riant aux blagues que mon père me faisait parfois pour passer le temps, quand soudain, ils étaient là.


Des êtres sombres, mesurant tantôt à peine un mètre, tantôt deux. Ils me fixaient de leurs yeux anormalement grands. Leur peau était d'un gris variable entre les individus, mais par contre leurs vêtements étaient les mêmes : des toges noires tellement grandes qu'elles touchaient le sol et cachaient leurs mains. Ils étaient tous immobiles et la file qu'ils faisaient longeait la route que nous prenions.


Je commençais à avoir peur et ai regardé mon père pour voir sa réaction, mais il n'en avait pas. Il continuait de conduire comme si de rien n'était. Je me suis recroquevillé sur moi-même en me disant que ça finirait bientôt. Soudain, j'ai entendu un klaxon provenant d'un autre véhicule qui se rapprochait dangereusement.


J'ai été le seul rescapé de l'accident : la position que j'avais prise m'avait sauvé la vie


Un jour, à l'âge de 16 ans, j'étais allé au centre commercial avec mes deux amis. C'était assez ennuyant : mes amis parlaient des filles qu'ils voulaient se faire, connaissance ou simple passante. Bref, je regrettais largement d'avoir accepté de venir et alors que je pensais avoir atteint le fond du regret quand ils m'ont demandé mon avis, je les ai revus.


Ils étaient immobiles comme la première fois, mais n'étaient plus en file, ils étaient en masse et se répandaient absolument partout dans le centre commercial, dans chaque recoin.


La peur a évidemment pris le dessus et j'ai commencé à hurler en courant. À ce moment, je n'avais pas remarqué que je traversais leur corps sans rien sentir. J'ai réussi par miracle à sortir de l'immeuble, mais ils étaient encore sur mon chemin. J'ai donc continué à courir, mais je me suis soudain arrêté : des coups de feu retentissaient derrière moi. Je continuais d'assister impuissant à ce spectacle sonore macabre pendant de longues minutes. Paralysé.


Lors de l'attentat, on a compté des centaines de victimes. Depuis ce jour, je ne sortais que très rarement de chez moi et la personne que je voyais le plus était ma mère.


Les années ont passé et je suis miraculeusement devenu agent de police.


Voilà où je veux en venir : aujourd'hui, lors d'une patrouille dont j'avais l'habitude, j'ai reçu un appel : ma mère était à un point de non-retour. Elle avait un cancer du poumon depuis presque cinq ans.


À toute vitesse, je me suis dirigé vers l'hôpital où elle se trouvait pour lui rendre une dernière visite.


Quand je suis entré dans la salle où logeait ma mère, j'ai sursauté : ils étaient là et me fixaient.


Bien qu'ils m'eussent fait peur dans les première secondes, une profonde tristesse a pris le dessus, car je savais ce que cela signifiait. Je les ai donc traversés pour me rendre à la chaise installée à côté du lit de ma mère qui dormait. Je la regardais, essayant de retenir mes larmes, mais j'ai fini par craquer. J'ai passé de longues minutes à pleurer entre mes mains.


Je me suis soudain arrêté. Me rappelant l'objet rarissime que mon métier m'avait permis d'avoir. J'ai pris mon pistolet et l'ai fixé un bon moment d'un air pensif avant de regarder droit dans les yeux d'une de ces choses.


Suis-je le seul à les voir ? Je ne sais pas. Ce que je sais, c'est que je comprends finalement pourquoi ils me fixaient à chaque fois, et que véritablement échapper deux fois à la mort, c'est un luxe. Mais il n'y aura pas de troisième.

Texte de prihô

Spotlight : Le gibier

Il faisait nuit. Et une pluie battante frappait contre les carreaux. Les éléments étaient déchaînés ce soir de pleine lune, alors que tout était paisible à peine deux heures auparavant...

La maison dans la forêt était éclairée. Une famille se trouvait à l'intérieur, la mère et ses deux enfants mâles. Ils attendaient que la tempête passe, le bruit des gouttes martelant le toit dans un fracas digne d'un titan.

Les enfants étaient effrayés... La mère vint les consoler, leur disant que dès le lendemain, toutes leurs peurs disparaîtraient...

C’était sans compter l'arrivée d'un homme... Vêtu d'un long imperméable noir et portant un sac sur son épaule, il s'approcha de l'habitation illuminée d'une vive lumière réconfortante pour les membres de la famille, mais qui ne pouvait les protéger face au danger qui arrivait à leur porte...

L'homme s'approcha de la maison, saisit la poignée de la porte, l'ouvrit entièrement, et entonna de sa voix grave:

« Chérie, je suis rentré ! »

Le père, chasseur, rapportait un magnifique daim qui passait par là! La femme, folle d'inquiétude, se jeta dans ses bras, suivie par les enfants.

La créature était belle... tellement que la famille décida de la découper pour la déguster dès le lendemain. Il laissèrent donc l'animal dans le salon, comme une sorte de trophée, et allèrent se coucher après que le mari eut avalé sa délicieuse soupe aux tomates.

C'est dans le calme inquiétant que la créature posée sur la table se réveilla... Elle mit ses quatre pattes sur le sol et examina les alentours pour évaluer la situation... Après quelques secondes, elle comprit ce qui lui était arrivé : elle avait été tuée par un homme sans scrupules et s'apprêtait à être dévorée... Cette idée répugna l'animal... Et une idée lui traversa l'esprit : faire connaître le même sort au chasseur !

Le daim grimpa les escalier le plus délicatement du monde. Même si celui-ci grinçait sous ses pas, il ne réveilla aucun des membres de la petite famille.

Arrivé devant la chambre des parents, il entrouvrit la porte afin de savoir si l'une des armes du tueur s'y trouvait... ce qui était le cas.

Le daim établit alors son plan d'action et, après quelques minutes, referma la porte, tant bien que mal en silence, pour attendre le moment où il serait prêt...

Le père de famille, endormi, rêvait que sa chance perdurait des semaines entières, allant jusqu'à ramener trois cerfs, dix lapins et un castor... Cette vision lui plaisait : il partait le matin, habillé d'un costume qui le dissimulait dans les bois, armé de son fusil et d'un couteau de boucher, « au cas où », se disait-il à chaque fois. Il partait la journée dans la forêt, parfois pendant des heures, jusqu'au moment où un animal croise sa route. Et le soir, il rentrait manger un festin, récompense d'une telle journée d'effort, autour de sa famille... Il aimait sa vie telle qu'elle était ! Il se disait qu'il allait apprendre à ses fils l'art de chasser, un jour peut-être... Il sourit dans son sommeil, sourire qui ne dura pas...

Le daim enfonça la porte dans un vacarme assourdissant, ce qui réveilla toute la famille. Il fonça, les bois en avant, vers le père. Ce dernier esquiva de justesse.

Le lit partit en miettes. Heureusement, la femme avait réussit à en sortir.

L'animal recula et s'orienta vers l'homme, paniqué. Il battit du sabot et chargea une nouvelle fois. Le chasseur n'y survécut pas... Il était à présent empalé sur les bois de la créature folle. Cependant, elle n'était satisfaite pour autant : il fallait qu'ils meurent tous!

Le daim se retourna : personne. La femme s'était enfuie en pleurant son mari. La bête se jeta alors sur les enfants, une chambre plus loin, et les frappa à coups de pattes sur un mur jusqu'à ce que mort s'en suive...

Même si la femme n'était plus là, le daim était satisfait... Il avait vaincu son tueur et détruit ce qui lui était cher...

Ne croyez jamais que, dès qu'un être meurt, c'est toujours définitif... Il se passe parfois des miracles que même la mort n'a pu prévoir...

Spotlight : Le choeur

Il y a une semaine, en me promenant dans la forêt, j’ai entendu un chœur d’enfants chanter. C’était une très jolie mélodie, un peu mélancolique, qui m’a beaucoup ému. Je n’arrivais pas à en distinguer les paroles, on aurait dit des sons inarticulés. C’était tout de même très beau. J’ai cherché d’où pouvait provenir ce chant, mais je n’ai rien trouvé. Il faut dire qu’il y avait de la brume, et je ne voyais pas à plus de trois mètres. Je ne voulais pas me risquer en-dehors du sentier. J’ai appelé en direction de la mélodie, mais dès que ma voix a résonné entre les arbres, le chœur s’est tu. J’ai alors eu l’étrange impression que je n’aurais pas dû être là. Je me suis alors empressé de continuer mon chemin. Depuis, je ne suis pas retourné dans la forêt, faute de temps. Mais maintenant que c’est le week-end, je pense y retourner. En plus, il fait beau, je pourrai pousser mes investigations plus avant dans les bois.

J’ai pris des allumettes, du papier journal ainsi que des saucisses à cuire dans un sac à dos. Je vais en profiter pour pique-niquer. Je vérifie que j’ai bien les clés de la maison, je me suis déjà fait avoir un jour. Je suis prêt, j’y vais.

Je viens d’entrer dans la forêt, je longe le sentier. Comme il y avait du brouillard la dernière fois, je suis incapable de me rappeler à quel endroit j’ai entendu la mélodie. Tout en explorant, je me demande pourquoi un chœur d’enfant chanterait en pleine forêt. C’était peut-être une sortie scolaire. Ou un culte sectaire. Je ricane intérieurement. Je me fais rire, des fois. Non, ce qui me chiffonne, c’est plutôt le fait que le chœur se soit subitement tu à mon appel. Il y a quelque chose d’anormal, là dedans.

Après une vingtaine de minutes, environ le temps durant lequel j’avais marché avant d’entendre le chant la semaine passée, je m’arrête. Je scrute les bois autour de moi. C’est le matin, les feuilles mortes qui forment un tapis auburn sur le sol de la forêt luisent encore de rosée. Il fait un peu frais, mais ce n’est pas désagréable. Les seuls bruits qui m’entourent sont les piaillements joviaux des oiseaux. Par-delà la cime des arbres, le moutonnement de nuages blancs dérive paresseusement dans le ciel. J’aime bien la nature.

Je m’avance en-dehors du sentier. Le froissement des feuilles mortes sous mes pieds, l’odeur d’écorce et de sève, l’humidité ambiante, tout cela me met de bonne humeur. Je devrais partir plus souvent en promenade.

Finalement, j’ai presque oublié pourquoi j’étais là. J’ai arrêté de chercher le mystérieux chœur d’enfants, d’autant qu'il n’est sûrement plus là. Je ne fais que me promener sereinement. Je mets un moment à réaliser qu’un autre chant que celui des oiseaux parvient à mes oreilles. Une mélodie lointaine, tenue par un seul soprano. Je me rends compte que je la connais, c’est « Lettre à Élise ». Je n’avais jamais entendu cette mélodie chantée, mais il faut dire que le résultat est plutôt appréciable. L’envie me prend d’appeler le ou la soliste, qui fait sans doute partie du chœur de la semaine passée, mais je me retiens. Je change de direction et m’oriente vers la musique. Alors que j’approche, je l’entends plus distinctement. Je m’efforce de rester discret, mais le bruissement de mes pas risque forcément de me trahir.

Guidé par la mélodie, je gravis un petit tertre. Arrivé au sommet de celui-ci, je m’arrête. En bas, au fond d’une combe déboisée, se trouve ce que je prends d’abord pour un autel de prière. En fait, il s’agit d’un orgue de bois massif et ciré aux tuyaux rutilants. La mélodie provient non pas d’un soliste, mais de l’instrument. Étonné par la présence de cet objet incongru, je m’avance encore un peu. Un grand homme mince est assis devant le clavier, et ses doigts fins glissent habilement sur les touches. Il porte un élégant costume noir à queue-de-pie, et des cheveux gris soigneusement coiffés garnissent son chef. D’un coup, la mélodie s’arrête. Seul le silence de la forêt à présent muette reste. L’homme se redresse un peu sur son siège. Je m’immobilise. À nouveau, j’ai l’affreuse impression de ne pas être à ma place ici.

Lentement, l’étrange organiste se lève, et me fait face. Il a un vieux visage ridé et tourmenté, mais néanmoins amical, et une barde du même gris que ses cheveux orne son menton. Il me scrute de ses yeux bleus, puis, à ma grande surprise, me sourit, s’approche de moi et me serre chaleureusement la main.

« Vous aimez ? dit-il.

Je vous demande pardon ? »
 
 Il désigne l’orgue.

« Vous aimez la musique ?

Euh, oui mais enfin… Que fait un orgue dans la forêt ?  

J’ai pensé que ce serait plus calme ici », répond le vieil homme avec un haussement d’épaules.

Puis il tapote le bois de l’instrument et ajoute :

« C’est moi qui l’ai construit. Malheureusement, il n’est pas complet. Il me manque quelques notes.

Comment ça ? »
 
J’ai un peu le vertige, j’ai du mal à comprendre ce que me dit le musicien.

« Vous savez, poursuit-il, j’aime bien votre voix. Je pense qu’elle pourrait convenir pour les gammes du bas. »

Malgré mon esprit de plus en plus embrumé, je commence à comprendre. Je regarde ma main droite. Une petite goutte de sang perle dans ma paume. Est-ce que j’aurais été… ? Non, c’est impossible. Je n’arrive plus à réfléchir, je suis si fatigué… En levant les yeux, je vois l’homme sortir un petit scalpel de la poche intérieure de son costume.

« Oui, murmure-t-il. Votre voix fera très bien l’affaire. »

Les regrets d'un voyageur temporel

Je suis un voyageur temporel.

Ou du moins, l'étais-je.

Vous voyez, j'étais capable de me déplacer dans les lieux temporels que je souhaitais, passé, présent, futur...

J'étais un scientifique doté d'un brillant esprit, je pense, étant la seule personne de mon temps (sans mauvais jeu de mots) à avoir découvert le voyage temporel. Je précise que je pense, parce que je ne me souviens pas vraiment de mon passé. Quand j'ai découvert cette capacité, tout ce dont je me rappelle, c'était l'euphorie. Ma vision découvrait des couleurs comme je n'en avais jamais vu auparavant, mon corps dissipé en des millions de nanoparticules et soudainement, je me retrouvais dans une autre dimension temporelle. Merveilleux, n'est-ce pas ? Le truc est que, chaque fois que je voyage dans le temps, à travers ce tunnel qui projette toutes ces particules et atomes qui composent mon organisme, je perds une portion de ma mémoire, quelque part dans ce fouillis qu'est l'hyperespace. De mon premier voyage dans le temps, j'ai pratiquement tout oublié.

Depuis lors, j'ai pris mes précautions sur ma façon de traverser l'espace-temps et la fréquence de mes voyages. J'ai choisi de limiter mes aptitudes pour limiter les possibilités d'oublier quelque chose d'important. J'ai déjà perdu la mémoire à propos de plein de choses, certaines moins importantes que d'autres. Il y a un an, j'ai oublié la couleur de mes cheveux avant de m'en rappeler immédiatement en me voyant dans un miroir. Mais ça pouvait être bien pire, comme la fois où j'ai oublié comment respirer, forçant mon propre corps à prendre le relais quand j'ai perdu connaissance.

C'est ma curiosité qui m'a conduit à ma perte..

Le 18 juin 9214, les scientifiques avec l'assistance de super-ordinateurs ont développé un prototype, une invention capable de prédire des éventualités d'événements à venir. Les esprits de ce millénaire avaient la possibilité de voir le putain de futur ! L'affichage était réalisé à partir de codes, faisant passer les experts informatiques pour des gamins découvrant le C++. Toutefois, c'était décodé par nos ordis et ça faisait les prédictions.

Ça a marché pendant 3 ans, produisant des images précises du futur. Mais en 9217, l'écran a cessé d'afficher quoi que ce soit. La dernière image était incohérente, même pour les super-ordinateurs. Les scientifiques ont émis la théorie qu'il s'agissait là de la fin de notre existence, l'opposé complet du Big Bang. Les culs-bénis et autres fanatiques religieux ont désigné cette époque comme l'Apocalypse et la fin de Dieu en personne. Je voulais en savoir plus.

On avait une date de cette année noire et une image floue et obscure d'une Terre en décrépitude, juste quelques mois avant la Fin. En tant que voyageur du temps, j'adorais avoir des informations que personne d'autre n'avait. Cela me faisait me sentir fantastique. C'est pour ça que j'ai décidé d'y aller, de voir où le temps nous mènerait, de regarder la dernière page du livre. Je me suis équipé d'une capsule temporelle, programmée à la va-vite pour retourner dans le passé quoi qu'il arrive et j'ai sauté dans l'hyperespace.

Je l'ai fait. Et bon sang, que je le regrette...

Je tremble, mes intestins se sont relâchés, mon estomac est retourné. Je suis pris d'une terreur sans nom.

Pas parce que cet anthropomorphe gigantesque avec ce rictus inhumain sur son visage se dirige vers moi.

Pas parce que des hurlements assourdissants qui ne ressemblent à rien d'humain me déchirent les tympans.

Pas parce que je viens de découvrir l'Enfer sur Terre.

Mais parce que j'ai oublié comment voyager dans le temps.

Texte traduit par Chói Tai

Texte original