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Spotlight : Bienvenue à Beliland

Sacha cherchait du travail depuis un moment déjà. Ses études d’archéologie étant terminées, il avait découvert que le monde de la vie active était bien plus complexe et sans pitié que la vie étudiante. Des mois qu’il se démarchait auprès des agences archéologiques locales.

Privé, public, il avait tout essayé. « J’aurais dû choisir une spécialité plus répandue ! » se disait-il, maudissant son incapacité fictive et son soi-disant manque d’intelligence.

Un jour où Sacha parcourait les rues de sa Belgique natale en maugréant, un papier gras voleta jusqu’à ses pieds. Il se baissa et ramassa l’étrange prospectus. Il était très abîmé et jauni, on pouvait constater à l’effacement partiel de certaines lettres que le papier avait été détrempé et séché maintes et maintes fois. Tout un coin du document semblait brûlé, carbonisé. Cependant, on pouvait y lire : « Le parc Beliland recrute ! Venez donc trouver un emploi dans ce havre de bonne humeur et de bonheur enfantin ! Venez muni de ce coupon au Parc Beliland, sortie 56 de l’autoroute A604. Adressez-vous au guichet ! » Sacha eut un rictus méprisant, sarcastique, même le vent se moquait de lui, à lui envoyer des trucs de ce genre. Il plia le papier et le mit dans sa poche, se disant qu’il le jetterait dans la première poubelle qu’il croiserait. Mais il l’oublia.

Une semaine passa, Sacha n’avait toujours pas de boulot. Toujours plus désespéré, il se demandait s’il avait réussi sa vie. Tous ses amis avaient un travail, ils pouvaient se permettre des choses qu’il ne pouvait pas, car ils n’étaient pas touchés par la précarité. Tous, autour de lui, se mettaient en ménage, parlaient d’enfant, de mariage.

Comme tous les matins, Sacha se leva de son lit très tôt. Il avait mal dormi, pensant sans cesse à sa condition. Enfin, il entreprit d’aller laver son linge, cela passait par :  mettre ses vêtements à l’envers, vérifier les poches, puis remplir la machine. Lorsque le cycle de lavage fut terminé, il déploya son séchoir à linge malgré le peu de place qu’il possédait dans son studio humide et mit le tout à sécher. Alors qu’il pendait son linge, il empoigna un pantalon et sentit quelque chose de solide dans la poche. Intrigué, il retira la chose même s’il était pourtant sûr d’avoir vidé toutes ses fringues avant la lessive !

C’était l’annonce qu’il avait ramassée auparavant. Fait étrange, le papier était exactement comme il l’avait trouvé alors que le passage en machine aurait dû le détruire. Une idée lui passa par la tête : « Et si c’était un signe ? Pourquoi ne pas postuler ? » Cela lui semblait fou, le papier devait bien avoir près de dix ans vu son apparence… mais pourquoi pas ?

Dans un élan de folie, Sacha sortit de son appartement en n’ayant même pas fini ses tâches ménagères. Il n’avait rien de prévu ce jour-là et il était déterminé à mettre son délire à exécution. De toute façon il n’y avait rien à perdre, non ?

Il roula dans sa voiture jusqu’à la sortie indiquée sur le papier, guidé par le GPS que son père lui avait prêté. À la sortie de l’autoroute, son itinéraire le mena vers un parking assez grand, où quelques voitures étaient garées. De là, il pouvait apercevoir un guichet à la jonction entre le parking et l’entrée du parc. Des couples qui avaient l’air heureux menaient leurs enfants par la main, en direction des lieux. La matinée touchait à sa fin, il faisait beau.

Sacha était de bonne humeur et ce fut d’un pas altier qu’il se dirigea vers la petite cabane colorée. Une fois arrivé, il salua la jolie demoiselle qui était postée là : « Bonjour ! Je viens pour l’emploi ! »

Il déposa le prospectus abimé sur la table devant la fille. Et c’est à sa grande surprise que celle-ci lui répondit : « Parfait ! Allez donc près du carrousel, derrière la cabine du pilote, on vous donnera votre poste.

– B... b... bien Mademoiselle ! »

Puis il partit à l’endroit indiqué, sans trop savoir où c’était.

Il erra dans le parc, cherchant ledit carrousel. Tout lui paraissait étrange dans cet endroit. Déjà ébahi par la facilité déconcertante avec laquelle il venait d’être embauché, il fut stupéfait par les attractions proposées par ce lieu dédié au divertissement : grand tourniquet, autos-tamponneuses, train de la mine… mais pas d’attractions à sensations. Il lui parut étrange qu’un parc aussi modeste, avec des moyens limités, attire autant de monde. En une époque où tout le monde ne se satisfaisait plus que de vitesses extrêmes, ici, chacun, parent comme enfant, semblait se contenter de plaisirs simples. Cela faisait du bien d’être au milieu des rires et de la bonne humeur ! Un père apprenait à son fils à tirer avec une carabine à plomb dans des boîtes de conserve, une mère surveillait un groupe d’enfants dans la file d’attente du grand toboggan, et là ! Un Carrousel !

Il se dirigea vers le manège et vit en effet, derrière la cabine du conducteur, un bâtiment camouflé en un décor représentant un bambin tenant un bouquet de ballons. Bien, il avait trouvé. Cependant, il décida de ne pas y entrer tout de suite. Avant de travailler, autant s’amuser ! Puisqu’il était dans un parc, après tout...

Il alla s’assoir sur un banc, près d’une jeune fille. L’espoir fait vivre, pourquoi ne pas tenter de faire triompher sa vie sentimentale le même jour que sa vie professionnelle ?

Ce qui le surprit, au premier abord, fut les vêtements de la demoiselle. Il lui semblait que c’était ce genre d’habits colorés et bariolés que l’on portait dans les seventies.

« Mademoiselle ? Puis-je m’asseoir ici ? »

Pas de réponse. Il insista et… toujours pas de réponse. Intrigué, il passa sa main devant les yeux de la charmante jeune femme. « Allo ? » Elle ne réagissait pas, comme s'il n’existait pas. « Drôle de personne. » Néanmoins, il essaya d’aller acheter une glace au kiosque. Mais de nouveau, le vendeur ne lui prêta aucune attention. « Étrange… »

Puis, il se remit les idées en place. De toute manière, il lui fallait aller s’inscrire pour son boulot.  « Pas de temps à perdre avec ces gens mal élevés qui m’ignorent et qui trouvent ça drôle », se disait-il.

Il retourna au mur peint derrière le carrousel, y ouvrit une porte dérobée, et entra en appelant : « Bonjour ? Je viens pour le travail, on m’a dit qu’on me donnerait un poste. »

Le local était vide de monde, mais rempli de feuilles mortes et de suie. Le plafond en verre était brisé, et il avait l'impression que c’était comme ça depuis des années, comme si le bâtiment avait été victime d’un incendie lointain. Curieux, Sacha s’avança. Les morceaux de verre crissaient sous les semelles de ses baskets. L’atmosphère devint lugubre, et notre jeune employé fut pris aux tripes par le contraste d’ambiance, si joyeux et bon enfant à l’extérieur, et si macabre à l’intérieur.

Au fond dudit local trônait un bureau. Il s’approcha jusqu’au meuble imposant et y vit, posée dessus, une clef très poussiéreuse, dotée d’une étiquette plastifiée noircie, sur laquelle on pouvait cependant lire : « À celui qui viendra – Carrousel ». Sacha l’attrapa, puis la fourra dans sa poche. Sans doute s’était-il trompé de bâtiment pour le poste. Mais il se dit que les employeurs seraient contents de retrouver une clef perdue. Cependant, une fois dehors, il constata une chose étrange.

Le parc était totalement vide. Pire, il semblait abandonné ! Les tourniquets étaient renversés, la piste d’autos-tamponneuses était recouverte de fougères… Comment tout cela était possible ? Paniqué, il fit quelques pas en avant, serrant les poings, cherchant une explication logique. Sans succès. Puis il lui vient une idée saugrenue.

Il sortit la clef de sa poche et entra dans la cabine de pilotage du carrousel non loin. La porte de la cabine s’ouvrit facilement, car le bois qui la constituait était pourri. Il jeta un coup d’œil au tableau des commandes et trouva aisément le trou pour insérer la clef, ce qu’il fit. Puis il la tourna et le manège démarra. Les rouages grippés par le temps firent un bruit de craquement, mais tout se mit à tourner sans problèmes, la musique de l’attraction se mettant en marche dans les hauts parleurs, pourtant visiblement hors d’usage.

« What the… » Il retint son juron. Nerveux, son cerveau tentait de trouver vainement une explication logique. Les voyages dans le temps, ça n’existait pas ! Tout en réfléchissant, il faisait les cent pas dans le parc, scrutant chaque détail impossible qui n’était pas là auparavant. Pourtant, il y avait à peine cinq minutes ce parc était bondé. Était-ce une blague ? Les gens qui l’ignoraient, était-ce un canular ? Il essaya de soulever une branche qui obstruait le fonctionnement d’un tourniquet. Il tira fort, mais pas suffisamment. La branche était en fait un arbuste, bien enraciné… Impossible qu’il ait été planté dans un sol aussi dur en aussi peu de temps…

Paniqué, commençant à perdre pied au milieu de ce mystère insoluble, il se mit à courir vers sa voiture. En repassant à côté du carrousel, il entendit que la musique s’était faite plus forte, désaccordée comme une symphonie du désespoir. Il leva les yeux dans sa course pour regarder la source de cet horrible son, une vision d’horreur frappa sa rétine.

Des silhouettes fantomatiques, ressemblant à des cadavres d’enfants, chevauchaient les chevaux de bois qui avaient pris feu. Le mécanicien dans sa cabine était également de retour, tout aussi spectral que les enfants, avec le faciès horriblement défiguré par une brûlure… Et il fit un signe de la main à Sacha qui prit ses jambes à son cou sans plus s’attarder. Pour croiser le chemin de personnes irréelles, pour la plupart en flamme, courant, marchant, hurlant à la mort.

Presque arrivé au guichet, il tomba soudainement nez à nez avec la jolie demoiselle. Qui n’avait plus de joli que le souvenir, car son visage décomposé le regardait avec des yeux inexistants et une mâchoire défaite. Elle tendit un bras en direction de Sacha, pétrifié de terreur. Il recommença à courir, le cœur battant fort et de manière irrégulière, le faisant frôler la crise cardiaque.

« Reste avec nous ! Pourquoi ne veux-tu pas t’amuser ici pour toujours ? » entendit-il derrière lui, reconnaissant la voix de la guichetière.

L’entrée du parc était fermée par des barbelés, comme si tout était désaffecté. Il essaya donc d’escalader le muret d’enceinte, mais il était bien trop haut ! Il se retourna pour voir que les spectres du parc, des enfants morbides aux parents décharnés, en passant par le personnel du parc dans son intégralité, semblaient l’avoir suivi. Tous avançaient vers lui, lentement, et inexorablement, une odeur de fétide de chair calcinée les précédents.

Une larme se mit à couler sur la joue de Sacha. Il serra les poings et courut du plus vite qu’il put à travers les barbelés. La douleur était immense, il sentait ses vêtements s’arracher aussi facilement que sa peau. C’était insupportable, mais la folie du désespoir et surtout l’odeur de brûlé qui empirait le motivaient jusque dans ses derniers retranchements. Enfin, il parvint à passer le terrible obstacle.

Il arriva au parking, démarra sa voiture en trombe et prit l’autoroute pour rentrer chez lui au plus vite. Malheureusement, il alla un peu trop vite. Et un crash violent ne tarda pas lorsqu’il perdit le contrôle de son véhicule et alla s’encastrer dans une barrière de sécurité.

Sacha se réveilla en sursaut. Haletant, dégoulinant de sueur. Il regarda autour de lui… Qu'est-ce que cela voulait dire ? Il se pensait à l’hôpital ! Mais il était dans son appartement, sur son lit, complètement défait… Il prit une profonde inspiration. Pfffff… C’était juste un cauchemar.

Rassuré, un sourire béat et idiot aux lèvres, il se mit sur ses jambes… courbaturées. Il avait dû rêver très intensément pour que ses muscles soient si tendus ! Il se dirigea vers sa machine à laver pour faire ce qu’il avait déjà l’impression d’avoir fait, ramasser son linge. Un T-shirt, un boxer, une chaussette… le fameux pantalon. Il palpa la poche et eut un frisson dans le dos en sentant un objet dur à l’intérieur. Il palpa plus fort, plus dur qu’un tract chiffonné ! Il y plongea sa main pour sortir l’étrange objet.

Une clef, celle du carrousel….

Texte de Litrik

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